CHAPITRE 4


16 octobre 2005


Quand Tom était descendu prendre son petit déjeuner le lendemain matin, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'avait pas l'air béat d'un jeune homme qui aurait fait l'amour pour la première fois. Enfin, 'faire l'amour', façon de parler. Ça avait plutôt été de la baise. En effet c'était la première fois qu'il allait aussi loin, malgré ce que la presse ou lui-même pouvait bien raconter. Et tout ça pour quoi? Pour se venger de Bill… En réalité il regrettait, il culpabilisais et se dégoûtait lui-même. Il avait été tellement en colère la veille. Elle avait encore eu raison de lui.

Jalousie.

Son malaise ne fit qu'empirer quand il entra dans la salle de restaurant de l'hôtel. A une table plus loin se tenaient Andreas et son frère. Seulement ils n'avaient pas du tout l'air d'un parfait petit couple. Andreas semblait essayer sans grand succès d'entretenir une conversation alors que Bill avait la tête plongée dans son assiette. Quand il releva la tête en direction de Tom, le cœur de celui-ci se serra. Bill était pâle et avait les yeux rougis et bouffis, comme s'il avait… pleuré. Tom reprit sa marche qu'il avait stoppée en les apercevant et se dirigea vers eux. Sans accorder un regard à Andreas, il se planta devant Bill et lui prit la main.

"Viens, Bill, il faut qu'on parle."

"D'accord." La voix de Bill semblait vide de toute émotion, de toute vie.

Ils montèrent à leur étage sans un mot et entrèrent dans la chambre de Tom. L'odeur de la fille flottait encore dans la pièce. Tom vit que son frère l'avait remarqué à la façon dont il se rembrunit encore davantage. Il se dirigea rapidement vers la fenêtre qu'il ouvrit en grand, laissant passer l'air frais d'octobre et le laissant chasser toute trace de sa nuit coupable. Toute trace concrète du moins. Quand il se retourna vers Bill, ce qu'il vit lui tordit le ventre. Bill se tenait là, mais c'est comme s'il n'y avait personne. On aurait dit un zombi, son regard était vide. Il était le total opposé de son pétillant petit frère. Et c'était sa faute. Sa faute à lui, mais à Elle surtout. Cette jalousie qui le poussait à faire des choses qu'il regrettait ensuite.

Toujours sans un mot, Tom s'approcha de Bill et l'enlaça dans ses bras, posant une main sur son crâne pour diriger sa tête dans le creux de son cou. Cela semblait être le geste que Bill attendait pour enfin réagir. Son corps fut pris de tremblements qui se muèrent bientôt en de grands sanglots. Les larmes roulaient sur ses joues et atterrissaient sur la peau de Tom qui frissonnaient en sentant chacune d'elles.

Parfois les larmes tombent aussi des étoiles.

Il resserra son étreinte en berçant doucement Bill contre lui, lui murmurant des "Shh" contre la tempe, essayant de le calmer.

"Je suis désolé, Bill, tellement désolé."

"Pourquoi?"

"J'ai réagi comme un con. Cette fille, j'en avais strictement rien à foutre. Je voulais me venger de toi, indirectement. Je ne pensais pas que tu nous verrais. Mais je dois dire que sur le coup, j'étais content. J'étais content de te faire souffrir autant que j'avais souffert de te voir avec Andreas. Je suis qu'un minable."

"Oh, Tom. Tu sais, c'est pas ce que tu crois avec Andi. Il m'a dit qu'il m'aimait. Il m'a embrassé et je l'ai laissé faire. Je sais que j'aurais dû réagir plus tôt, mais je ne voulais pas le blesser, et puis c'était agréable."

En entendant ça, Tom resserra encore ses bras autour de Bill. A tel point qu'il l'écrasait presque. Sa jalousie se réveillait une fois de plus.

"Mais je ne l'aime pas," continua Bill. "Ça n'avait rien à voir avec de l'amour. C'était juste… physique je dirais."

Tom se recula légèrement, sans lâcher Bill et le regarda d'un air interrogateur.

"Tom? Est-ce que tu m'en voudrais si je préférais les garçons aux filles?" demanda Bill avec une pointe d'incertitude dans la voix.

"Bien sûr que non, Bill. Et puis tu sais, je serais assez mal placé pour ça." Il marqua un temps d'hésitation. "Bill, tu sais, cette nuit, j'ai regretté ce que je faisais dès que je suis entré en elle. Ce n'était pas d'elle dont je voulais dans mon lit. J'ai pas arrêté de penser à t…"

Bill le fit taire en plaçant un doigt sur sa bouche.

"Chut, tais toi. Moi aussi, tu sais. Mais on ne peut pas. On n'a pas le droit de faire ça, on ne devrait même pas y penser," dit Bill d'un air triste.

"Et pourtant je ne pense qu'à ça," répondit Tom.

Une unique larme perla au coin des yeux de Bill. Une larme de tristesse de ne pas pouvoir avoir la seule personne dont il avait envie, une larme de frustration car cette personne partageait ses sentiments et que pourtant ils ne pouvaient pas y céder. Le fait que Tom ne semblait pas aussi décidé que lui, voire pas du tout décidé, à résister à cette tentation ne l'aidait vraiment pas.

Quand la larme finit par quitter l'écrin de ses paupières, Tom vint la cueillir du bout des lèvres, déposant un léger baiser sur la joue de Bill. Puis il en déposa un autre plus appuyé, puis encore un autre. Il se rapprochait inexorablement de la bouche de Bill qui semblait incapable de réagir, de le repousser. Il rêvait de ça depuis tellement longtemps : sentir encore les lèvres de Tom sur les siennes, leurs bouche s'ouvrant l'une contre l'autre, leurs langues venant se caresser lentement.

Ils n'avaient pas le droit.

Alors que Tom allait effectivement l'embrasser pour de bon, Bill détourna la tête.

"Arrête, Tom. Si tu fais ça, si on fait ça, tout ce qu'on a enduré depuis tout ce temps n'aura servi à rien. Toute cette souffrance pour rien. Toute cette frustration pour rien. Je ne veux pas Tom. Pourquoi est-ce que je n'arrive pas à te voir que comme un frère. POURQUOI !"

Bill avait hurlé ce dernier mot en s'écartant brusquement de Tom qui le retenait en serrant fort ses mains dans les siennes.

"Je ne sais pas pour toi Bill, mais moi tout ce que je sais, c'est que je t'aime. Que je n'ai jamais voulu arrêter ce qu'on faisait. Je ne l'ai fait que parce que toi tu le voulais, parce que j'avais peur qu'au final je te ferais souffrir avec cette relation. Mais je t'aime, Bill. Putain je t'aime à en crever."

Tom parlait avec un tel désespoir dans la voix que Bill crut vraiment entendre son cœur se fissurer. Une fois de plus, il avait toutes les cartes en main.

"Moi aussi, Tom. Je suis désolé, mais rien n'a changé. Je t'aime mais tu es mon putain de frère. Ce n'est pas normal que tu veuilles casser la gueule de ton meilleur ami en le voyant m'embrasser, ce n'est pas normal que je passe la nuit à pleurer en t'entendant t'envoyer en l'air. On n'est pas normaux, Tom!"

"Je n'ai jamais prétendu, ni voulu être normal, " dit Tom avec conviction.

"Oui, mais ça, c'est pas la même chose que de dire tout haut ce qu'on pense ou que d'assumer un certain style. Ça n'a rien à voir. Tom, s'il te plait, on ne peut pas. J'ai besoin de toi pour arrêter tout ça. Je n'y arriverai pas si tu ne m'aides pas. Je suis faible en ce qui te concerne, il ne faudrait pas grand-chose pour que tu me fasses succomber. Je t'en prie, Tom, ne me fais pas ça. Ne nous fais pas ça."

"D'accord Bill. Je ne suis pas du même avis, mais d'accord, je vais essayer. Ne m'en veux pas si je suis parfois faible moi aussi. Ne m'en veux pas si je tente tout de même parfois de te convaincre." Tom caressait doucement les mains de Bill de ses pouces.

"Merci, Tom." Bill était soulagé que Tom accepte sa demande. Pourtant au fond de lui, il ne pouvait s'empêcher d'être aussi déçu.

"Je crois que j'ai des excuses à faire. A Andreas," dit Tom en lâchant les mains de Bill.

Il sortit de la pièce rapidement. Bill ne vit jamais les larmes qui coulaient sur les joues de son frère.

FIN CHAPITRE 4

 

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