C h a p i t r e * o5 -
Est-ce que le remplacement est vraiment la solution ?
Bill s'assit à une table et soupira, souhaitant qu'il existe un moyen de remonter le temps, ou alors que tout ceci ne soit pas arrivé. Maudit soit David et ses idées stupides. “Puis-je prendre votre commande ?” Lui demanda une voix agréable, le sortant de sa torpeur.
“Quoi ?” Demanda-t-il, sur ses gardes.
“Votre commande monsieur ?” Demanda à nouveau la serveuse. Bill saisit le menu et y jeta un rapide coup d'œil.
“Ce sera un flan à la fraise avec des truffes en chocolat blanc s'il vous plait.” Il lui sourit et lui donna le menu.
“Une part de flan, ça vient tout de suite.” Dit-elle gaiement en notant la commande. Bill secoua la tête rapidement.
“Non, je veux un flan en entier.”
“Ce sera tout?”
“Non, je veux un flan en entier, sur une assiette, avec une fourchette. Juste une fourchette parce que je vais le manger maintenant. Tout seul.” Il souligna ses derniers mots pour qu'il n'y ait aucun malentendu. Les yeux de la serveuse s'élargirent, mais elle modifia tout de même la commande, jetant un coup d'œil au visage mélancolique de Bill avant de s'éloigner. Il ne put s'empêcher de rouler des yeux derrière ses lunettes de soleil, faisant tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas réfléchir. Penser n'était pas dans son plus grand intérêt pour l'instant.
Il regarda les gens passer jusqu'à ce que sa commande arrive et il se dit que quelque chose était finalement juste dans ce monde. Bill creusa joyeusement dans le dessert, peu soucieux des expressions effarées des personnes assises près de lui. Il n'en avait rien à faire ; la vie était belle parce qu'il y avait un flan devant lui. Il en était déjà à la moitié et avait oublié qu'il devait respirer entre chaque bouchée, donnant presque des coups de pieds jubilatoires sous la table.
Son estomac avait arrêté de donner des petits coups et il dû admettre qu'il se sentait beaucoup mieux. Ça lui prit vingt minutes pour terminer le flan en entier et il passa quarante-cinq autres minutes à regarder les badauds d'un air heureux, s'imaginant des petites histoires sur les passants qui marchaient vivement sur le trottoir. Il respira à fond et expira. Bill savait ce qu'il allait faire. Il verrait un autre docteur, obtiendrait un deuxième avis, de quelqu'un venant d'Allemagne, là où tout avait un sens et là où les gens ne disaient pas aux hommes qu'ils étaient enceintes.
Parce que c'est dingue.
Quelque chose attira son regard ; il regarda vers une rue lointaine et reconnu leur Tour Bus. Il jeta un coup d'œil vers son téléphone sur la table et jura. Il était censé être en haut et avoir fait ses valises depuis une éternité. Il paya l'addition et se précipita vers sa chambre, faisant glisser brusquement sa carte magnétique dans la fente, et se préparant pour une session d'emballage très rapide. Il s'arrêta brusquement alors qu'une tête portant des dreadlocks était en train de fermer un de ses sacs. Il y en avait seulement deux sur le sol et Bill se souvenait distinctement en avoir six.
Tom se retourna et lui jeta un coup d'œil avant de reporter son attention vers la valise qu'il ferma d'un coup de fermeture éclair. “Te voilà.”
“Tomi, je suis désolé. Je n'ai pas vu le temps passer.” Commença Bill, s'avançant dans la pièce. “Tu as rangé pour moi ?”
“Tu sais, j'essaye. J'essaye vraiment…” Tom s'assit et regarda fixement la valise noire devant lui. “Tu te plains qu'on n'a jamais de temps pour nous, mais récemment, quand j'essaye de passer du temps avec toi, on me l'enlève.”
“Tomi, je suis désolé. J'étais avec-”
“Ouais, je sais avec qui tu étais. Georg…shopping. Je l'ai vu tout à l'heure quand il allait dans sa chambre.” Tom se tourna pour regarder Bill et jeta un coup d'œil au sac qu'il avait toujours avec lui. “Et tu n'as rien acheté en plus ?”
“Je suis désolé.” Bill n'allait pas lui dire ce qu'il avait vraiment fait. Ça ne ferait que compliquer la situation et il préférait avoir Tom en colère contre lui pour avoir fait des courses plutôt que pour autre chose. Une fraction de secondes plus tard, il se rendit compte qu'il avait oublié la brochure que le médecin lui avait donnée en bas, au restaurant. Merde.
“Etre désolé ne suffit pas. J'ai dû caser tous mes trucs dans mes valises donc je n'aurais pas assez de temps pour ranger tes merdes.” Tom se leva et croisa les bras, regardant fixement son jumeau. “Tu sais, j'ai compris. Tu es fatigué, mais tu n'es pas la seule personne à être fatiguée Bill, okay ? Et tu n'es pas la seule personne à n'avoir jamais été aussi fatiguée non plus, alors arrête d'essayer de monopoliser l'attention sur ça.”
“Tomi…”
“Non. Moi aussi je suis fatigué Bill, ok ? Je suis aussi fatigué. Je suis fatigué de toute cette putain de pression et tiraillement. Des fois, j'ai l'impression d'exister juste pour suivre tes caprices, parce que c'est évidemment ce que tu penses, et si c'est ce que tu penses, c'est que tu as raison, n'est-ce pas ? J'ai trouvé, je ne suis pas assez intelligent, c'est ça ?” Tom était tellement en colère que son visage était rouge alors qu'il ne criait même pas. Non, c'était pire parce que sa voix était juste plus forte qu'un chuchotement. Tom était en train de craquer.
“Tom, j'ai dit que j'étais désolé. Ne peux-tu pas simplement accepter mes excuses ?” Essaya de marchander Bill. Oui, il avait été un peu exigeant et sévère et un peu lunatique, mais ce n'était pas si loin de son comportement habituel, donc où était le problème ? Son jumeau secoua la tête.
“Non, je ne peux pas.” Dit simplement Tom en haussant les épaules et en passant devant Bill tout en le bousculant. “Fais tes putains de propres bagages, je vais dans le bus !” Bill le regarda partir, choqué, la mâchoire tombante d'étonnement. La porte se ferma et son jumeau n'avait même pas regardé en arrière.
Bill regarda la porte quelques minutes de plus, il eut l'audace de penser que tout ceci était une mauvaise blague ou un mauvais rêve. Quelque chose n'était pas réel, donc il pouvait s'accommoder de tout ce qui était irréel aujourd'hui, puis il pourrait juste se réveiller et se retrouver dans le bus, riant et blaguant avec Tom sans aucun autre soucis que le concert qui allait venir. Il baissa le regard… ses mains tremblaient.
Il jeta son sac sur la table et vira carrément tout ce qu'il y avait dedans pour trouver une cigarette. Rien. Il regarda également sa trousse de toilette et fouilla la plus petite des valises et trouva une cigarette pliée, vraiment en mauvais état. Cela ferait l'affaire. Ses mains ne voulaient pas s'arrêter de trembler et il pouvait presque sentir les larmes, mais il devait continuer de chercher un briquet. Bill jura et vira son sac de la table. Il avait arrêté d'avoir un briquet sur lui quand il avait arrêté de fumer. La putain de raison pour laquelle tout arrivait en ce moment.
Il courut dans la salle de bain et chercha un briquet de réserve. Rien. Il donna un coup de pied dans le meuble. Tom le prenait toujours avec lui puisqu'il n'en avait plus l'utilité. Il se regarda dans le miroir, la cigarette pendant entre ses lèvres et il se mit soudainement à se haïr. Enlevant ce stupide truc de sa bouche, il la déchira en deux et la jeta dans les toilettes où le contenu de son estomac suivit rapidement.
Sa tête tournait et son estomac lui faisait mal de même que sa tête aussi et sa gorge, tous ensemble formant une symphonie de douleur dont le but était de le contraindre à déclarer sa défaite. Il n'avait pas le temps pour cette putain de chose maintenant. Bill cracha dans les toilettes et tira la chasse d'eau, désirant que son hystérie diminue comme son super dessert aux fraises et chocolat était passé dans la cuvette.
Son téléphone sonna et il le prit dans sa poche arrière, en essuyant sa bouche et en cherchant une lingette. C'était David qui lui disait que Saki était sur le chemin pour prendre ses bagages. Merde. Rinçant sa bouche rapidement, Bill s'assura que tous ses produits de beauté étaient bien fermés alors qu'il fourra le tout dans sa trousse à maquillage. Il prenait toujours le temps de tout remettre en ordre, mais maintenant il n'avait pas le temps, et c'était de sa faute donc il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.
Courant jusque dans la chambre, il prit le reste de ses vêtements éparpillés dans la dernière valise et s'aida de la force de son genou pour la fermer. Alors qu'il faisait un dernier tour, quelqu'un toqua et Bill ouvrit la porte à Saki toujours aussi stoïque. « Es-tu prêt ? » Demanda-t-il.
“Comme je l'ai toujours été.” Bill alla jusqu'à son sac et le souleva, remettant les quelques objets qui étaient tombés rapidement.
“Il y a des fans dehors. David a dit que tu devais avoir ton stabilo prêt. ” Bill grogna intérieurement. Il ne voulait voir personne, parler à personne et ne rien faire jusqu'à arriver dans le bus. Maintenant, il devrait s'habiller d'un sourire pour faire face aux fans et signer leurs trucs. Il n'était définitivement pas d'humeur à ça.
“Y'a-t-il beaucoup de monde ? ”
“Pas tellement.” Répondit Saki.
Bill voulut crier. Qu'est-ce que cela était supposé dire ? “C'est comment pas tellement ? ”
“Pas tellement.” La bouche de Bill devint une fine ligne droite. La foule à l'extérieur était un peu plus grande que pas tellement, mais il adressa un large sourire et trouva que c'était facile s'il s'imaginait que Tom ne lui en voudrait pas. Il sourit davantage. Ces pensées folles le conduisirent à travers ce qu'il eut l'impression d'être une cinquantaine de griffonnage de son nom et quelqu'un tira ses cheveux. Il ne s'en formalisa même pas car le bus était seulement à quelques mètres devant lui et bientôt il serait loin de tout. Avec une dernière poussée de Saki, il fut à l'intérieur. Bill baissa son regard sur ses mains et vit qu'elles tremblaient encore. Il avait désespérément envie d'une cigarette.
Désespérément.
“Qu'est-ce qui va pas ? ” Il regarda le visage interrogateur de Gustav.
“Rien. Juste de la fatigue.” Répondit Bill en continuant de monter les marches et en passant devant le batteur.
“C'est ta réponse à tout dernièrement.” Bill sourit légèrement et imagina sa couchette. Ce serait le paradis s'il y accédait dès maintenant. Il se renfrogna alors que Georg descendait les marches menant à la salle du fond, les souvenirs du jour se rappelèrent à lui. Génial, il n'avait pas besoin d'un souvenir sur pattes qui le suivait partout tout le temps. Il captura le regard de Georg et l'évita, puis il jeta son sac sur sa couchette et s'installa. Tout semblait devenir lourd, spécialement sa tête et son cœur.
Tom était en colère contre lui et déstabilisait son monde entier. Et le pire était qu'il semblait réellement furieux. Bien sûr, que les jumeaux se battent était naturel. On ne pourrait pas les connaître plus qu'ils ne se connaissent entre eux, et rester sain d'esprit alors qu'ils étaient compressés tout les deux avec deux amis dans un bus durant des jours et des jours interminables était impossible. Parfois, on s'accroche les uns les autres pour juste rompre l'ennui.
C'était différent. C'était tellement différent. Il se coucha sur le côté, regardant dans l'allée et se demanda où était Tom. Pouvait-il être dans la salle du fond ? Si oui, pourquoi était-il en colère contre lui et pas contre Georg ? C'était de la faute de Georg ! Comme s'il avait été conjuré par ses mots, le bassiste alla jusqu'à sa couchette, le regardant avec inquiétude. “Bill, on doit parler… sérieusement.” Bill lui lança un regard mauvais et agrippa ses rideaux pour les fermer lentement. Il pouvait voir l'ombre de Georg se tenir devant lui pendant un moment pour finalement partir. Bien. Il ne voulait pas lui parler.
Tout était de sa faute, il avait ruiné toute sa journée. Sa vie entière. Tout. Bill se recroquevilla le plus possible afin de combattre le bruit de ses spasmes alors qu'il expirait bruyamment, en essayant d'expulser la douleur avec son souffle. Cela ne fonctionnait pas. Enlevant ses chaussures, Bill ouvrit le tuyau d'arrivé de la climatisation et hocha la tête avec soulagement en sentant l'air frais qui commençait à circuler dans sa couchette, soulagé sur son sentiment d'étouffer qu'il avait eu en fermant ses rideaux à la lumière du jour. Il ferma les volets de sa fenêtre personnelle et regarda dans la semi obscurité. Si on ne savait pas le temps, on aurait pu penser que c'était la nuit. Bill s'endormit avant que le bus ne se mette en marche.
~*~
Bill paya ses achats et rejoignit le bus. Il fit un signe de main à l'équipage, debout près de l'autre bus, fumant sous les lampadaires éblouissants du parking. Il était trop difficile de supporter ça, aller leur parler sans leur demander une cigarette. Ils lui en donneraient une sans aucun problème, mais il se détesterait pour ça et c'était la dernière chose dont il ait besoin, avoir une autre raison de se détester.
Le bus était plaisamment calme et agréablement frais. Dès qu'il se remplirait de nouveau, la température monterait ; il se dirigera dans sa couchette, de nouveau transpirant et essayant de se soulager. Il avait si chaud en ce moment … Il monta aux couchettes et jeta un coup d'œil au lit de son jumeau. Le rideau était toujours fermé et Bill savait que Tom était en train de dormir. Bien. L'opération : “Je suis désolé Tomi.” allait pouvoir commencer. La première étape prenait effet maintenant.
Il ouvrit la petite trappe du compartiment sous la couchette de Tom et y posa trois des boissons préférées de Tom. Il ne pourrait pas les rater, juste à droite de son iPod©. Il referma le compartiment en appuyant doucement dessus, essayant ainsi d'éviter le clic fort que l'on obtient quand on fait claquer la porte pour le refermer. Il observa le rideau de la couchette mais Tom ne remua pas, Bill sourit, s'éloignant pour ouvrir sa propre canette de Red Bull©.
Il en avait déjà bu une bonne moitié quand Gustav et Georg montèrent eux aussi à l'arrière du bus, se bousculant et parlant tout bas. Quand Georg aperçu un bout de Bill, il chuchota quelque chose à Gustav, ils regardèrent Bill de haut en bas puis Georg donna un coup de coude à Gustav, pour conclure le marché, et ils se dirigèrent tout les deux jusqu'à la pièce du fond. Ils allaient probablement regarder un film et bien que Bill ait voulu les rejoindre, il ne se sentait pas tout à fait le bienvenu. C'est marrant de se sentir seul dans un bus plein de monde.
Bill sortit de sa rêverie pour constater que Gustav le fixait. "Quoi ?" Demanda t-il, irrité, amenant sa canette de Red Bull© à ses lèvres pour finir le reste.
"Penses-tu que c'est sage ?"
"Ta mère est sage." Murmura t-il.
Gustav le regarda brièvement. "Je ne pense pas que tu m'écoutes vraiment..." Bill se pencha en arrière et secoua de la tête.
"Non, je ne le fais pas." Sa jambe commença à tressauter, ça le faisait systématiquement après avoir bu du Red Bull©.
"Tu veux venir regarder un film avec Georg et moi ? Tu peux le choisir, je pense que Georg est d'humeur charitable ce soir. Tout ce que je demande, il l'accepte sans broncher."
"Non. Je pense que je vais me remettre au lit." Bill sourit légèrement. Gustav regarda la canette de boisson énergétique vide posée sur la table et hocha la tête lentement.
"Mec, si tu ne le veux pas, tout ce que tu as à faire, c'est de le dire." Bill regarda Gustav partir, confus. Son regard revint sur la table et se posa sur la canette.
"Tout ça, c'est de ta faute." Siffla t-il, se sentant immédiatement mieux. A peine une seconde plus tard, il ne pu réprimer un énorme bâillement, un qui lui décolla presque la mâchoire, et il jeta la canette avant qu'il ne puisse voir son expression suffisante.
Bill prit ses magazines et ses autres achats qu'il poussa au fond de sa couchette, avec son sac et sa couverture. Tom lui disait toujours d'utiliser le compartiment de stockage et jusqu'à ce jour, Tom avait été là pour démêler les draps, refaire le lit et lui demander de ranger son bordel. Bill renifla et s'installa dans sa couchette de plus en plus en désordre, mettant ses pieds sur le sac en plastique et pensant à combien son frère lui manquait. Bill s'endormit avant que les larmes ne reviennent.
~*~
Tom ouvrit les yeux et regarda fixement la couchette au-dessus de lui, celle où il avait passé un nombre incalculable de nuit. Il entendait des grincements à chaque changement de position. Il savait que Bill ne pouvait pas dormir, mais il était toujours fâché. Il n'irait pas vers Bill pour essayer d'arranger les choses cette fois. Ce n'était pas sa faute et il n'allait pas en prendre la responsabilité. Pas maintenant. Il frotta son visage et ravala un gémissement. Il pourrait probablement rejoindre Gustav et Georg dans la salle du fond et regarder un film, mais il ne voulait pas être confronté à Bill.
La chaleur de sa couchette augmentait. Il ouvrit la fenêtre, ravalant un haut-le-cœur à l'odeur de l'air. Quelques fois, une pluie d'été ne nettoie pas tout. Tom ferma rapidement la fenêtre et alluma la climatisation de sa couchette, laissant l'air frais s'infiltrer tout autour de lui. C'était mieux. L'air frais le détendait et il pouvait presque retourner dormir, mais il avait besoin de musique. Son iPod© était dans le compartiment en-dessous de lui ; il arriva à l'atteindre en glissant son bras à travers le rideau, il tira la petite porte, le mouvement était bien assimilé pour son côté pratique et un désir profond de se déplacer le moins possible.
Il tâtonna à l'intérieur du compartiment et fronça les sourcils quand il rencontra par hasard quelque chose de forme cylindrique qu'il ne connaissait pas. Il déplaça sa main autour et sentit deux autres choses de formes cylindriques. Il se saisit de l'une d'entre elle et l'attira jusqu'à lui, allumant au passage son plafonnier. Tom soupira et essaya de ne pas sourire quand il reconnu une canette de sa boisson préférée. C'était la façon de Bill pour dire qu'il était désolé, mais ce n'était pas assez. Non pas cette fois. Il remit la canette à sa place et sortit son iPod©, faisant claquer la porte du compartiment. Il entendit un grincement venir de la couchette au-dessus de lui et remarqua qu'il ne s'en était pas vraiment soucié.
~*~
Ça faisait deux jours et Gustav savait que quelque chose n'allait pas. Les jumeaux ne se parlaient pas et ce qu'il y avait de plus alarmant, c'était leur façon de vouloir parler à tous les autres, mais pas l'un à l'autre. Pour Bill, ils étaient habitués, le garçon n'avait jamais rencontré personne avec qui il n'ait pas envie de parler, mais Tom ? Tom avait des conversations superficielles ou même techniques avec d'autres personnes mais les vraies conversations, celles qui importaient, étaient toujours pour ou avec Bill. Il pouvait donc comprendre que l'aîné des jumeaux puisse être à court de choses à dire. Bill intervenait alors avec un mot ou une moitié d'expression, ce qui déconcertait les gens normaux, mais qui aidait le guitariste à partir sur une autre discussion.
En connaissant tout ça, Gustav savait aussi que la meilleure chose à faire était de les laisser gérer ça, peut importe ce que c'était. Une fois, il avait vu Georg s'immiscer dans une dispute entre les jumeaux et soutenir un des arguments de l'un deux. Gustav n'avait jamais vu quelqu'un se retourner aussi rapidement. Une seconde avant, c'était Tom contre Bill, dès cet instant, c'était les jumeaux Kaulitz contre Georg. Il frissonna. Non, il n'était pas un idiot, avoir vu ça une fois lui suffisait.
Mais en plus de tout ça, Georg semblait préoccupé et le bassiste était quelqu'un, pour Gustav, qui pourrait, sans hésitation, craquer. "Hé". Dit-il, tendant un coca à l'homme en question pendant qu'il se glissait dans le siège à côté de lui, se saisissant de la manette libre. "A quoi jouons-nous ?"
"Soul Calibur." 1
"Oh, donc tu es à nouveau prêt à te faire botter le cul, déjà ?"
"Je pense que tu me confonds avec Tom."
"Non, certainement pas, rappelle-toi la dernière fois que nous avons joué. Tu as fait toutes ces grandes déclarations et tu as perdu spectaculairement." Gustav sourit d'un air satisfait au moment où il choisit son personnage. Georg secoua la tête, en en choisissant un pour lui aussi.
"Pourquoi te sens-tu obligé de parler du passé ?" Bougonna t-il. Ils jouaient en silence, les seuls bruits que l'on entendait dans la pièce étaient ceux du bourdonnement du moteur de l'autobus et les coups de pied, cris perçants et coups de poing provenant de la télévision. Gustav observa Georg du coin de l'œil, il attendit le bon moment, le moment où Georg était un peu plus distrait, pour laisser tomber sa bombe.
"Alors, qu'est-ce qui ne va pas ?" Gustav regarda le personnage de son ami exécuter accidentellement un tour sur lui-même ce qui le fit tomber du bord le menant à une mort certaine.
"Qu'est-ce qui te fait penser que quelque chose ne va pas ?" Répondit rapidement Georg, grognant sourdement. Gustav posa sa manette et rit.
"Ça. Tu réponds avant même que je n'aie fini de poser la question. Etonnant." Georg secoua la tête.
" Ce n'est pas un secret qui se dit."
"Donc tu sais pourquoi les jumeaux ne se parlent plus ?" Demanda Gustav, soudainement plus curieux.
"Il lui a dit ?" Demanda Georg avec surprise. Il se frappa mentalement quand il vit la confusion sur le visage de Gustav. "Merde. Tu m'as piégé!"
"Attends, lequel est il et lequel est lui ?"
"Non, Gustav, stop. Ce n'est pas à moi de le dire." Dit-il de nouveau, déterminé à se taire. Il posa à son tour sa manette et sortit de la pièce, laissant Gustav énervé. Bon, il ne voulait pas recourir à une tactique aussi sournoise, mais il ne lui avait pas laissé le choix. L'ambiance dans le bus commençait à ronger les nerfs de chacun; David était sec, cassant envers les gens, et était de manières générales, un vrai connard. Quoique, il était un vrai connard d'habitude, mais le côté sec et cassant était une évolution fâcheuse et récente. Il avait besoin de faire n'importe quoi pour un retour à la normale, ou du moins la normale pour Tokio Hotel.
~*~
Bill se remit à genoux devant le four et soupira, résistant à la forte envie de vérifier la cuisson des cookies encore une fois. C'était le troisième jour de l'opération : "Je suis désolé Tomi" et son jumeau ne lui avait pas plus que brièvement jeté un coup d'œil. C'était l'enfer chaque fois qu'il ouvrait les yeux. Il devait en finir avec ça. Ils étaient sa dernière idée et ils cuisaient plus lentement que tous les autres cookies de cette planète. Ils étaient arrêtés sur une aire de repos et Tom avait pratiquement bondit du bus une seconde avant même que les pneus ne se soient arrêté de rouler, ayant un grand besoin d'air frais et d'espace.
Il se sentait mal, mais il faisait son plan le plus facile. Rien ne calmerait mieux et plus rapidement Tom que des biscuits aux pépites de chocolat. Qui plus est des biscuits avec deux fois plus de pépites de chocolat que d'habitude. Il en salivait d'avance rien qu'en y pensant. Mais il ne pourrait en avoir aucun. Ceux-ci étaient pour Tom. Ok, peut-être qu'il pourrait juste en prendre un ou deux. Je veux dire, il en avait fait une douzaine, combien de cookies une personne pouvait-elle manger ?
Il décida que quatre ne manqueraient pas.
L'odeur était délicieuse et le bus étant aéré, l'odeur flottait probablement dehors. Il espérait qu'elle lui apporterait Tom. Bill leva les yeux quand il entendit la porte s'ouvrir et un piétinement dans l'escalier. Une casquette apparût au coin du couloir et il relâcha son souffle, qu'il ne se souvenait pas avoir retenu. "Tu as fait des cookies." Dit Tom comme si c'était une accusation au lieu d'être une question. Peut-être que ça l'était en fait.
Bill inclina la tête. "Oui". C'était tout ce qu'il trouva à dire. Après des jours à s'imaginer de longs discours promettant tout et incluant la lune et les étoiles, tout ce qu'il pouvait sortir était ce foutu mot. Seul son jumeau pouvait chasser ses mots. Seul Tom pouvait casser son cœur comme ça.
"Pourquoi fais-tu des cookies ?" Demanda t-il, s'approchant précautionneusement comme si Bill pouvait le frapper à tout moment. Bill haussa les épaules, faisant son possible pour ne pas pleurer.
"Je ne sais pas comment te dire autrement que je suis désolé." Chuchota t-il et Tom soupira bruyamment, s'effondrant dans le siège à côté de lui.
"Bill …" Murmura t-il, ses yeux regardant partout, sauf dans la direction de Bill. Quand finalement il trouva le courage de le regarder dans les yeux, son regard se fixa sur sa joue. "Tu as de la farine sur la joue. Tu as fait les cookies depuis le début ?"
"Je n'essaye pas de t'empoisonner Tomi." Répondit Bill en plaisantant.
"Alors comment as-tu réussi à te mettre de la farine sur la joue ?"
Il haussa les épaules. "Je ne sais pas."
Tom rit de manière inaudible, secouant la tête. "Oh Bill …" Il le regarda dans les yeux d'un air piteux. "Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ?"
"Aime-moi." Dit Bill désespérément. "S'il te plaît ? Je suis tellement désolé, je le suis vraiment. Je veux que tout aille mieux maintenant, s'il te plaît. Je sais que je mourrais sans toi, quoi que tu veuilles je le promets, je le promets, je le promets …" Sa voix s'estompa au moment où il s'étrangla avec ses larmes, les laissant finalement tomber quand Tom l'attira dans ses bras, faisant taire ses sanglots avec de petits murmures contre sa peau. Il le tenait tout contre lui et le balançait doucement, pour effacer les sanglots qui démolissaient le corps de Bill. Il poussa encore de petits cris pour évacuer la solitude et la frustration des derniers jours.
"Je t'aime vraiment Bill. Rien ne le changera jamais, je te le promets." Chuchota Tom à son oreille. Bill enveloppa ses bras autour de son cou, l'embrassant profondément. Il n'y avait personne dans le bus, personne pour les surprendre et c'était bien ainsi, il en avait désespérément besoin tout de suite. Il trouvait dans les baisers de Tom l'assurance, le courage et la connaissance absolue que tout irait bien, tout ça venant des lèvres de son jumeau. Il se demandait souvent comment il était possible qu'une personne puisse stocker tout ça à l'intérieur de lui, mais il était reconnaissant que ce soit le cas.
Quand finalement il trouva la force de se libérer de Tom, tous les deux haletaient un peu. "Je suis désolé, ces derniers temps, je n'ai fait que te pleurnicher dessus, sans jamais arrêter de tout foutre en l'air." Tom rit.
"Je suis habitué à tes pleurs depuis des années et ce n'est pas la première fois que tu fous tout en l'air." Il dirigea ses doigts vers la joue de Bill, la caressant doucement. Il sourit et se pencha un peu plus vers lui, soupirant de soulagement. "Te toucher m'a manqué." Dit-il, laissant ses doigts descendre jusqu'à sa mâchoire.
"Te toucher m'a manqué aussi." Bill ferma les yeux et sentit le monde se dérober sous ses pieds. Il tomba dans les bras de Tom, incapable de commander son corps, son jumeau poussa des cris sous la surprise.
"Bill ? Bill ! Tu vas bien ?" Il le posa sur un siège, plus qu'un peu effrayé. Bill inclina la tête lentement, sentant la sensation de vertige s'estompait rapidement.
"Je ne sais pas ce qui est arrivé, je … juste …" Il secoua la tête pour faire partir la sensation entièrement. "Tomi, les cookies!"
Tom quitta son frère à contrecœur pour retirer la plaque de cuisson à l'aide d'une vieille manique qu'il lança sur le fourneau en geignant. La manique n'avait pas vraiment servie à quelque chose car il avait un grand trou au milieu. Personne ne s'était apparemment donné la peine d'en racheter une nouvelle, et tout le monde se brûlait légèrement quand il prenait la pizza dans le four. Bill se leva et s'appuya contre Tom, tous deux regardant les cookies.
Une moitié était un peu plus cuite que l'autre, mais les excuses étaient venues ; Tom pensa alors que tout n'était pas si mal.
FIN CHAPITRE 5