L'obsession du pari



Je tends ma veste et soupire longuement, balayant l'entrée de la salle du regard. Il est déjà tard, j'aurais du arriver il y a une heure au moins. Le jeune homme me donne le numéro du vestiaire et je lui rends son sourire. Il est mignon.
Je glisse le ticket dans ma poche et monte les escaliers qui mènent à l'étage de la boîte, ils sont toujours là. Ils seront forcément là.

Je slalome entre les tables et sens déjà la chaleur étouffante m'envahir les poumons. Comme prévu ils sont assis à la table du fond, celle collée au balcon, le regard rivé sur la piste. Ce n'est que lorsque je m'assieds qu'ils remarquent enfin ma présence, j'adresse un rapide signe de tête à la tablée, et Georg sert étroitement mon épaule dans sa main, se penchant vers moi.

« Hey Tom, on t'attendait plus. » Sourit-il.

« Je sais... ma mère... enfin tu vois. »

Il acquiesce et reporte immédiatement son regard sur les corps qui se déhanchent un peu plus bas, pointant quelqu'un de son doigt. La nuit est déjà bien avancée et la piste complètement blindée. Les lumières clignotent sans arrêt et m'agressent les yeux.

« Il est là ? » Je demande, me penchant un peu.

« Dans l'autre salle. Je l'ai aperçu en allant chercher Erwin. Mais regarde, là ! »

Son bras se tend encore plus et je balaye du regard la zone désignée. De qui parle t-il ? On distingue à peine leur visage, et je ne vois pas un seul mec qui pourrait être considéré comme potable.

« Putain Tom sérieux, t'es bigleux ? Il ne vient presque jamais, j'ai failli mourir quand il est entré. Il est beau à crever. »

Un léger rire se fait entendre à côté et je tourne la tête, haussant un sourcil. Gustav secoue la tête en souriant, et je devine sans mal ses pensées.

« C'est comme ça depuis une heure. »

« Comme d'habitude. »

« Non non non » Marmonne Georg. « Il n'a rien à voir avec d'habitude, lui il est vraiment... Arg. Je le veux. »

« Oui, comme celui d'hier soir. »

Il grogne et reporte son regard sur la piste, je souris doucement. Georg c'est Georg.

« Au lieu de raconter n'importe quoi vous feriez mieux de vous préoccuper du votre, de cul. T'as pas encore gagné Tom. » Sourit-il.

« T'inquiète pas pour moi. »

« Oh, c'est pas pour toi que je m'inquiète. Mais toi tu devrais peut-être t'inquiéter du beau mec qui dansait avec lui tout à l'heure. Vraiment pas mal en plus. »

« Quoi ? » Je m'exclame.

Il tourne la tête et sourit malicieusement. Je jure et il rit encore plus, m'adressant un regard que je ne connais que trop bien.

« Tu me fais marcher. »

« Hé ! Demande aux autres ! »

Je tourne le regard vers Gustav et Erwin et ils acquiescent doucement.

« Il a raison. C'était assez chaud. »

Je regarde la piste, espérant l'apercevoir alors que je sais bien qu'il n'est pas ici.

« Alors Tom, ce pari ne semble pas aussi facile que les autres. » Sourit Georg.

« Hé, aucun pari n'était facile. Je suis juste doué. »

« Ouais ouais, c'est ça. En attendant tu l'as loupé. J'espère pour toi que ce n'est pas fichu. »

« Tais-toi. »

Je soupire doucement. Je me sens bizarre, partagé entre le sentiment de vouloir gagner le pari pour faire taire Georg, et celui de l'avoir juste, lui.

Ça fait pas mal de temps que je l'observe. Il vient ici avec ses amis, plusieurs jours par semaine, puis généralement il se balade tout seul dans des salles plus intimes, où la musique est moins insupportable. Il ne cherche pas à draguer, ni à rencontrer des gens... il est juste vraiment intriguant. Je ne sais pas vraiment à quoi il s'attend, ce qu'il veut, ce qu'il cherche ici. Il ne parle pas beaucoup quand on l'aborde, et il ne sourit jamais. Même entouré, entre amis, il semble constamment seul. Pas triste, ni déprimé, non, il a simplement l'air d'apprécier qu'on le laisse tranquille.

Il est très beau et extrêmement mystérieux. Je crois que c'est ça qui le rend si attrayant, il est vraiment trop intriguant. On le drague beaucoup et il se laisse toujours faire, bien qu'il ait toujours l'air de n'y accorder aucune importance. C'est à se demander s'il n'est pas hétéro, en fait.

Je le dévisageais souvent et Georg, qui avait l'habitude de me charrier, en a profité pour me défier. C'était juste inévitable.

« En attendant tu me dois dix euros, va me chercher à boire. » Dis-je.

« Hé ! » Il s'exclame.

« Quoi ? Je perds jamais. Tu essaies de me faire peur, mais ça ne marchera pas. »

Il se lève, et sourit.

« Tu ne l'auras jamais Tom, ni toi, ni personne ». Il passe sa main sur mon épaule, et contourne ma chaise pour passer. « Fais gaffe à toi. »

Je soupire et grogne d'énervement.

« C'est pas grave Tom, c'est qu'un pari. » Me dit Erwin.

« Je sais mais... Je supporte pas ça... et puis... »

« Il te plaît hein ? » Sourit Gustav.

« Évidement, je n'aurais pas accepté sinon. »

« Euh, dois-je te rappeler ce que tu as fait le week-end dernier ? » Glousse t-il.

« Oui bon d'accord, c'est vrai. Mais, c'est différent. »

Il donne un coup de coude à Erwin en lui faisant un clin d'œil. Je sais ce qu'ils pensent de l'habitude que nous avons pris à parier sur tout et n'importe quoi.

« Tu paris sur un mec que tu essaies d'avoir, ce n'est pas vraiment différent. »

« Tss. » Sourit Gustav. « La différence c'est que Tom se mangerait les doigts s'il ne pouvait pas l'avoir, lui... et c'est plutôt mal parti. »

Je tourne la tête, bougonnant, et reçoit une tape dans le dos alors que Georg me tend un verre, reprenant sa place.

« Alors les mecs, vous parliez de ma future victoire ? »

« Tu ne vas rien gagner du tout. »

« Ça, c'est ce qu'on verra. »

« Il y a bien au moins un mec qui lui plaît ? Pourquoi pas moi. Il est juste un peu timide. »

« Timide, coincé, renfermé. » Commence t-il à énumérer sur ses doigts. « Peut-être même muet. Sûrement puceau. Bizarre aussi. » Il passe sa main dans ses cheveux et m'adresse un sourire. « Heureusement qu'il est vraiment sexy, sinon je ne te comprendrais plus du tout. »

« Il est juste mystérieux, tu ne comprends rien. Je le trouve plus intéressant que tous ces mecs que tu te fais. Dès que tu croises leur regard, tu sais déjà exactement ce qu'il va se passer, c'est sans intérêt. Puis, d'abord, tu ne le connais pas.»

« Toi non plus. »

« Bientôt. »

Il sourit encore une fois et secoue la tête en tournant le regard vers la piste. Je déteste quand il fait ça, c'est typiquement l'expression qui veut dire « tu vas perdre et tu le sais ».

Je soupire, termine mon verre d'une traite, puis me lève.

« Hé, tu vas où ? » Demande t-il, un peu surpris par ma détermination.

« Commencer à mettre les chances de mon côté. » Je lui souris malicieusement et leur fais un clin d'œil.

Gustav me donne une tape dans le dos et je traverse l'étage, descendant ensuite les escaliers deux à deux. Je sais déjà exactement où il se trouve, j'espère juste qu'il sera seul.



*



La musique résonne sourdement, le genre d'air interminable, qu'on a du mal à saisir. Les visages sont presque méconnaissables tant la lumière est manquante, et seul un rayon orange tamisé éclaire la petite salle.
Je n'aime pas trop être ici, comme si j'avais l'impression de ne pas être à ma place.

Je traverse la salle me retournant sur chacun des visages, les distinguant seulement au dernier moment. L'idée qu'il est pu m'échapper ou partir avec quelqu'un d'autre me tiraille le ventre, et abandonnant mes recherches je me dirige vers le bar, bousculant dans la foulée un jeune homme.

Il faut quelques secondes à mes yeux pour m'habituer aux néons suspendus au dessus du comptoir, et me rendre compte que c'est lui. Son verre s'est à moitié renversé sur sa chemise noire, et il ne prend même pas la peine de me regarder, trop occupé à examiner la tâche.

« Excuse-moi. »

Il relève la tête et son regard jauge le mien durant quelques secondes, m'assurant qu'il vient de me reconnaître. Il ne répond pas et sort un mouchoir de sa poche, essuyant le cocktail qui lui colle maintenant au torse. Pendant un instant j'hésite à m'en aller, me sentant presque vexé de son inattention, mais l'opportunité qui s'offre à moi est vraiment trop belle.

Je souris, plus très sûr de mon pouvoir de séduction lorsque son regard, impassible, se pose sur moi.

« Ça va ? » Je tente.

« Ça pourrait aller mieux. » Dit-il, et je suis presque aussi surpris d'entendre pour la première fois le son de sa voix que lui de m'avoir adressé la parole.

Une légère moue de dégoût traverse son visage à la vue de sa chemise, toujours désagréablement collée à sa peau par le sucre du cocktail.

« Je te propose pas de l'enlever. » Je souris.

« Non, tu as raison. » Dit-il, m'enlevant toute trace d'assurance qu'il pouvait me rester.

Il s'essuie encore quelques secondes, jusqu'à être sûr qu'il ne fera rien de mieux, et relève les yeux vers moi.

« Je… Euh… » Je bégaye, me sentant obligé de me justifier devant son regard inquisiteur.

Il hausse un sourcil, se réjouissant sûrement de la façon dont il me déstabilise. « Je crois que tu en as assez fait. »

Je secoue la tête, incrédule, et le laisse disparaître dans la piste encombrée.



*



« Putain mec, j'y crois pas ! » S'esclaffe encore Georg.

« C'est bon, ça va ! » Je grogne.

Je savais que j'aurais du me taire. Mais je ne sais pas leur mentir, et encore moins garder quelque chose pour moi. Quand ils ont vu ma tête, c'était comme s'ils étaient déjà au courant, je suis trop prévisible.
Gustav m'offre un sourire rassurant, alors que Georg se bidonne toujours de son côté, accentuant le ridicule de la chose.

« Alors ? Tu abandonnes ou tu me laisses la chance d'avoir une victoire encore plus hilarante ? » Sourit-il.

« Ah ah. J'ai pas perdu, pour une fois que je ne gagne pas en cinq minutes, ça ne veut rien dire. »

« Ouais… » Dit-il pas convaincu. « Sauf qu'on n'avance pas. Cap d'aller danser avec lui et de le draguer, là maintenant ? »

« Georg tu ne peux pas me lancer un pari dans un pari ! »

« Pourquoi pas ? Le gars sexy est parti, je m'ennuie et ce soir t'es un petit joueur, tu ne bouges pas ton cul. »

« Je n'ai pas besoin de ça pour réussir. » Dis-je, essayant de paraître totalement sûr de moi.

« Ah oui. Et bien vas-y alors, prouve le. »

« Cap. »



*



Je le repère sur la piste, il danse, seul dans la foule, attirant de nombreux regards intéressés. Je m'approche lentement, me déhanchant derrière lui sans pour autant le toucher. La façon dont il bouge son corps me donne envie de me coller à lui, de l'enlacer, mais je me retiens, le frôlant à peine alors que mon nez glisse doucement dans ses cheveux.
Remarquant ma présence, il se tourne légèrement le temps de m'apercevoir par-dessus son épaule. Son regard croise le mien et il reste toujours aussi impassible, reprenant la même position.
Et je ne sais pas si se sont mes yeux qui l'imaginent mais les mouvements de son bassin semblent encore plus sensuels, plus irrésistibles.

Mon torse se colle à son dos et je suis lentement son déhanché, mes mains se posant sur ses hanches, contre sa peau nue. Je suis plutôt surpris de voir qu'il ne résiste pas, se laissant même aller contre moi, et j'ose laisser mes doigts caresser sa peau apparente, mon bassin se cognant explicitement contre ses fesses.

J'ai toujours aimé ce côté des boites de nuits, danser, toucher, embrasser des personnes que tu ne connais pas, juste parce que tu en as envie, alors que tu n'oserais jamais le faire dans la vie de tous les jours. Et avec lui c'est juste… terriblement excitant.

Un sentiment s'empare alors doucement de moi, un mélange de plaisir, de satisfaction quand je comprends que mon pari est presque gagné, et de fierté en imaginant la tête de Georg quand il verra ça.

Je glisse mon nez contre son cou, mes lèvres frôlant sa peau brûlante, alors que mon corps est maintenant compressé contre le sien, et sûrement au moment où je m'y attends le moins, il s'extirpe de mon emprise, se tournant face à moi. Son visage est neutre, ses yeux fixent les miens remplis d'incompréhension. Et il sourit, un sourire qui illumine ses traits et fait plisser adorablement ses yeux, un sourire qui fait autant accélérer les battements de mon cœur parce que je le trouve horriblement beau, que parce que je me rends compte qu'il… se moque de moi.

Il se penche lentement, me laissant volontairement espérer quelque chose, et sa bouche se colle à mon oreille, me faisant frissonner.

« Au fait, tu me dois une chemise. » Murmure t-il, disparaissant aussi vite dans la foule, et me laissant une désagréable impression de déjà vu.



*



Je m'approche doucement de la table où il est assis, ses doigts jouant avec un de ses colliers, alors qu'il tapote sur son téléphone de l'autre main.
Ses yeux ne croisent pas les miens alors que je m'assoie juste en face, mais je sais qu'il m'a reconnu, une légère expression d'agacement traversant son visage.
Il soupire doucement, glissant son portable dans sa poche, et s'appuie nonchalant contre le dossier du fauteuil. Sa chemise noire est légèrement ouverte sur ton torse, laissant tomber une dizaine de bijoux sur sa peau. Ses cheveux lisses encadrent parfaitement son visage, ce soir il est comme d'habitude, simplement magnifique.

« Salut. » Je souris, après plusieurs secondes à le contempler.

D'abord il ne répond pas, me jaugeant silencieusement, puis il s'avance et pose ses coudes sur la table, ses mains frôlant les miennes alors qu'il se penche contre mon oreille.

« Je crois que tu me dois encore quelque chose. Au lieu de le renverser sur moi, tu pourrais peut-être m'offrir un verre ? »

Je me redresse, assez surpris de sa requête, et lui affiche mon plus beau sourire de vainqueur. « C'est comme si c'était fait. » Dis-je, en me levant, posant ma main au dessus des siennes.

Il lève un sourcil suspicieux et se réinstalle contre le siège pendant que je m'éloigne, son regard plongé à nouveau sur son téléphone, m'oubliant presque comme si je n'étais jamais venu. Et je me dépêche d'arriver devant le comptoir, essayant d'interpeller un des serveurs qui s'agitent dans tous les sens.

Après quelques minutes où je me fais royalement ignorer, je commande enfin deux cocktails, jetant un coup d'œil derrière moi le temps de la préparation. Je grogne intérieurement, un garçon, plutôt mignon malheureusement, s'est installé à côté de lui, un bras passé derrière ses épaules, et son autre main, sans doute baladeuse, planquée sous la table.
Je tape du pied en observant le serveur rajouter les derniers détails minutieux aux boissons, me faisant perdre encore plusieurs secondes, puis lui tend un billet. J'attrape les deux verres, et slalome rapidement entre les tables, m'installant sans gêne en face d'eux, les stoppant dans leur conversation.

Le gars semble réellement agacé, et m'adresse un signe de tête, s'attendant à ce que je m'en aille. Je lui souris de façon à lui faire comprendre que je suis totalement conscient de ce que je fais, et pousse lentement un des cocktails en face du brun, lui accordant par la même occasion un sourire dragueur.
Il sourit à peine et baisse la tête, se saisissant du verre pour le porter à ses lèvres.

« Tu vois pas que la place est déjà prise ? » S'impatiente l'autre homme.

« Ah. Et par qui ? Toi ? » Je souris comme si c'était quelque chose d'absurde, le décontenançant un peu.

Il grogne et retire son bras de derrière le beau brun, se retournant complètement face à moi.

« Écoute, va voir ailleurs si j'y suis. Ok ? »

« Et pourquoi tu n'irais pas toi-même ? Moi je suis bien ici. »

Mon sourire tout-est-parfait-et-tout-va-bien commence vraiment à l'énerver et je vois qu'il se retient de m'engueuler sérieusement devant celui qu'on convoite tous les deux.

« Merde, c'est quoi ton problème ? » S'exclame t-il.

« Là, maintenant, tout de suite, toi. Mais tu pourrais arranger ça, je crois. » Je souris à nouveau, puis jette un coup d'œil furtif vers le brun, plutôt fier de ma repartie, mais celui-ci semble juste s'ennuyer.
Il sirote son verre, jouant avec le parasol miniature, et croquant les grains de sucre qui recouvrent les contours.

« Putain ! » S'exclame l'autre garçon, et je vois à son regard qu'il n'a pas non plus l'intention de partir d'ici. Il a vraiment cru qu'il allait réussir à se le faire… Ah ah laissez-moi rire.

« Hé, je vais régler votre problème ! »

Nous nous retournons tous les deux, surpris que le brun prenne la parole. Il finit d'une traite le cocktail, léchant lentement ses lèvres alors qu'il repousse le verre en ma direction, puis s'avance et se penche en avant. Son regard est pénétrant, et chacun de ses gestes nous hypnotise tous les deux.

« Tu cherches de la compagnie, il cherche de la compagnie. Alors je vais vous laisser tous les deux ! » Il sourit et nous adresse un clin d'œil suggestif en se levant du fauteuil.

L'autre gars tente de l'interpeller mais il ne se retourne pas et disparait entre les corps qui ne cessent de bouger, nous laissant là, seuls, comme, il faut le dire, deux cons.


*



Je grimpe les marches deux à deux et retrouve Georg et Gus autour de la table du coin, qui n'ont apparemment pas encore bougé de la soirée. Je tire une chaise et m'affale dessus, essayant de faire bonne figure alors que je viens encore une fois d'essuyer un échec cuisant avec le mystérieux brun.

J'essaie de paraître moins dragueur, plus attentionné, de le charmer, mais rien n'y fait, il reste totalement indifférent.

« Alors mon pote ? » Demande Georg en serrant mon épaule dans sa main, un sourire aux lèvres.

« Tout va bien, je maîtrise la situation. » Dis-je d'un ton assuré.

« Tu parles de quelle situation ? Celle où tu viens de te prendre un gros vent sur la piste de danse par un brun plutôt sexy il y a trois minutes ? » Il sourit, fier d'avoir assisté à la scène, et je me renfrogne.

Après tout, ce n'était pas un si gros échec. Tant qu'il continue d'ignorer les épisodes précédents qui ont été tout aussi fructueux, c'est-à-dire pas du tout, je peux encore sauver un peu de ma fierté.

« Allez fais pas cette tête. » Me dit Gustav. « T'es plutôt mignon dans ton genre, et puis ça doit pas être si impossible que ça, puisque le blond là-bas, il a réussi à se le choper. » Continue t-il en balançant sa tête vers une table un peu plus loin.

« Quoi ? Quel blond ? »

Je suis son regard et tombe sur un blond platine, assez mignon c'est vrai, mais bon, pas non plus de quoi en faire une montagne.

« Lui là. C'est Andreas. Un ex d'Erwin, mais aussi un ex de ton fameux brun. Et il s'en vante pas mal, d'ailleurs ! »

Tu m'étonnes ! Encore des ragots, je suis sûr qu'il s'est ramassé comme les autres, il a juste peur de l'avouer.
J'arrive même pas à les imaginer ensemble, je n'arrive tout simplement pas à l'imaginer embrasser quelqu'un, c'est comme si il était intouchable. Intouché.

« Et qu'est ce que Erwin fait à leur table ? » Dis-je, les observant discrètement du coin de l'œil.

« Ils sont restés bons potes. » M'explique Gustav, haussant les épaules.

Je finis par détourner la tête, portant le regard sur la piste de danse, essayant sans succès d'occulter ce mec de ma tête, et de trouver où il a encore disparu. C'est dingue, il est toujours là, mais il n'est jamais là. Parfois j'ai presque l'impression qu'il se cache exprès.

« Hey les mecs ! »

Je me retourne, et soupire en voyant qu'Erwin est de retour parmi nous, et bien entendu, il a cru bon de nous ramener sa blonde avec lui. Je le crois pas, ce gars a l'audace en plus de m'adresser un signe de la main ! (comment ça je vire parano ?).

« Je vous présente Andreas. Andreas, voici Gus, que tu connais déjà, Georg et Tom. »

Ils lui serrent la main, et je lui adresse un regard mauvais avant de faire de même avec une réticence non dissimulée. Non mais sérieusement, il pourrait se faire n'importe qui, alors pourquoi lui ? Bon ok, il n'est pas si laid que ça, il est juste trop… blond.
Non, je ne suis pas blond, je suis châtain clair. Et, j'ai plus de classe que ce mec.
Je le regarde avec amusement balancer sa main en l'air pendant qu'il parle avec Erwin. Aucune subtilité, aucun mystère, tout est gay chez lui, et si parfois ça peut être mignon, là c'est juste insupportable.

Gustav a l'air de faire semblant de s'intéresser à ce qu'il leur raconte, et si mon instinct ne me trompe pas, Erwin est presque en train de le dévorer des yeux. Je connais l'existence de cet Andreas depuis cinq minutes et déjà ça ne tourne qu'autour de lui.
Je secoue la tête, passablement énervé, et indéniablement jaloux.

Mes pensées arrêtent de s'acharner contre le blond lorsque je le vois monter les escaliers en notre direction. Il est seul, et toujours aussi beau et aussi énigmatique. Il avance avec tellement de classe que j'en suis encore bluffé, je ne peux d'ailleurs pas ignorer les regards désireux qui se lèvent sur son passage.

Je n'arrive pas à me détacher de lui, et pourtant, il ne m'a même pas adressé un regard. Sa main se pose délicatement sur l'épaule d'Andreas et celui-ci se retourne, apparemment assez surpris. Je n'entends pas ce qu'ils disent, mais ils s'enlacent dans une étreinte, certainement un peu trop prononcée pour être seulement amicale.

Erwin a l'air assez contrarié, sûrement autant que moi, mais j'ai au moins la délicatesse de le cacher.
La main d'Andreas est enroulée autour du poignet du garçon mystérieux alors qu'il lui parle presque au creux l'oreille, le faisant sourire, et malgré moi mon estomac se tord désagréablement.
Je tourne la tête pour chasser cette image de mon esprit, et aperçois le petit sourire en coin de Georg. Je le frappe discrètement sur la cuisse, agacé. S'il croit que cet Andreas va m'arrêter, c'est qu'il me sous-estime.

Au bout de quelques minutes où aucune conversation entre nous n'a reprit, Erwin les interrompt en forçant Andreas à se retourner. Celui-ci hausse un sourcil, presque étonné de nous voir encore là.

« Dis, tu nous présentes ? » Demande Erwin, sûrement un peu plus sèchement qu'il ne le voulait.

« Hum, euh, oui. Si tu veux. » Il se tourne vers lui, s'écartant un peu pour que le brun soit face à nous tous. « Bill. Et Bill, voici Erwin et des amis à lui. »

Quoi ? T'as déjà oublié nos prénoms ? Je supprime mon air irrité pour afficher mon plus beau sourire quand le fameux Bill, nous adresse un timide signe de la main, ne le rendant pas moins impressionnant, et daigne enfin poser son regard sur moi.

Si seulement je pouvais déchiffrer rien qu'une de ses pensées, ses yeux ne laissent rien paraître.

Je décide alors de faire avancer les choses en engageant la conversation, je me penche en avant, appuyant mes coudes sur la table pour me rapprocher d'eux.

« Oui, on a déjà fait connaissance. » Souris-je en direction de Bill, lui envoyant un clin d'œil aguicheur.

Andreas parait assez étonné, même un peu jaloux, et les gars autour de la table sont surpris de me voir le draguer si indiscrètement.

« Ah bon ? » Demande le beau brun, arquant un sourcil tandis que je distingue une légère fossette trahissant son sourire. « C'est marrant, je me souviens d'un verre faisant connaissance avec ma chemise. D'un cocktail, plutôt amer d'ailleurs, que j'ai bu seul. » Il lève les yeux au ciel, semblant réfléchir quelques secondes encore, puis son regard retombe sur le mien, me déstabilisant presque. « Mais de toi ? ».

Il me défit, il sait que je passe pour le dragueur de service qui se fait lamentablement rembarrer, pourtant je suis sûr que ce n'est pas ce qu'il pense de moi.

Les autres nous regardent depuis le départ, presque ébahis devant notre échange, mais j'essaie de garder la tête haute. Je ne réponds pas, mais sourit faiblement, son regard toujours dans le mien, lui montrant que je n'ai pas perdu à son petit jeu, essayant de lui faire croire que ça m'amuse, même si je n'en suis plus certain.


Finalement la conversation reprend doucement et après quelques minutes à discuter debout, ils s'assoient autour de notre table. Erwin ennuyé, s'exclue volontairement de la discussion, Gustav lui, en ami parfait, converse joyeusement, et moi, moi je me contente de le regarder, simplement le détailler, juste en face de moi, à la lumière, appréciant les courbes de son visage que je n'avais pas encore étudié.

Je sais qu'il le voit, ses œillades en ma direction ne sont pas si discrètes, il parait même un peu gêné, et ça me fait sourire.



*



Je les regarde tous les deux descendre les escaliers, Andreas se collant à lui bien plus que nécessaire alors qu'ils arrivent dans la foule recouvrant la piste de danse. Ils se frayent un chemin et s'arrêtent presque au milieu de la piste, et je vois sans aucune difficulté les mains du blond s'enrouler autour de la taille de Bill alors que la façon dont celui-ci frotte ses fesses à son bassin est déjà bien suggestive.

Mon regard s'enflamme presque inconsciemment, bordel, qui est l'imbécile qui a dit que ce mec était son ex ? Pour un ex je le trouve rudement bien présent.

Ce n'est que lorsque Bill relève son regard sur le mien que je tressaute, me rendant compte que je les fixe depuis plusieurs minutes, les mains crispées contre la rambarde du balcon. Ses yeux me lancent des flammes alors qu'ils entremêlent leurs doigts contre son ventre, se serrant davantage contre lui.

Plusieurs minutes s'écoulent comme ça, sa provocation m'invitant presque à courir jusqu'à l'étage du dessous, puis il se retourne, brisant notre échange alors qu'il se colle face à Andreas, les mains de celui-ci ne perdant pas un instant pour se nicher contre ses fesses, m'irritant un peu plus.

La seconde qui suit je suis en train de dévaler les escaliers, ignorant le « Cherche pas, c'est perdu ! » lancé par Georg alors qu'il ricane déjà. Je pousse ceux qui bloquent mon passage, et traverse difficilement la foule, essayant de me rappeler vers où ils étaient. Au bout d'un petit moment où des images d'eux s'embrassant et se touchant envahissent mes pensées, j'aperçois la chevelure blonde d'Andreas et m'avance jusqu'à eux, repoussant un peu méchamment un gars qui essaie de m'accoster.

Ils ne m'ont pas vu, trop occupés l'un par l'autre, et je suis tout de même un peu soulagé de constater qu'ils en sont à la même étape que tout à l'heure, chassant de mon esprit les films que j'avais commencé à me faire. Je me rapproche encore, plus très sûr de ce dont j'avais l'intention de faire en venant ici, puis finalement je commence doucement à danser derrière eux, puis progressivement, je me fonds contre Bill, la proximité de tous les corps ne lui faisant pas comprendre immédiatement. Lorsque mes mains glissent sur ses hanches, gênant celles d'Andreas, celui-ci relève la tête, surpris de voir que c'est moi qui ose les déranger.

« Tu ne vois pas qu'on est occupé ? » Lance t-il quand même avec une certaine hésitation.

Bill ne dit rien, son léger sourire m'avouant, ainsi, qu'il apprécie toutes les fois où je me fais envoyer promener. Je ne lui réponds pas et souris à mon tour, un sourire dragueur et indémontable. A la place je me rapproche encore plus de Bill, poussant les mains gênantes d'Andreas, et frottant avec impudeur mon bassin contre celui du brun, mon visage fourré dans ses cheveux, appréciant leur odeur.

Bill ne conteste pas, ses mains toujours accrochées au cou de l'autre, son corps indécemment coincé entre celui d'Andreas et le mien, attirant sur nous quelques regards curieux.
Je glisse mes mains sur ses cuisses, mes yeux lançant des éclairs à Andreas, alors qu'il n'a plus l'air de savoir s'il doit rester ou partir, si c'est lui que Bill a choisi, ou moi.

La musique est agréable, aussi sensuelle et lancinante que son corps contre le mien. Ma bouche glisse naturellement dans son cou et je souris légèrement quand je sens sa tête se pencher sur mon épaule, me donnant l'autorisation de l'embrasser.
Je jette un coup d'œil au blond qui semble vraiment perdu, puis son regard soutient le mien alors que je devine son visage glisser de l'autre côté du cou de Bill, lui accordant le même traitement que moi.

Bill laisse échapper un faible soupir, nous faisant frémir tous les deux, et je vois ses mains se crisper sur le tee-shirt d'Andreas, trahissant son plaisir.
Ma bouche remonte peu à peu le long de sa mâchoire, écartant délicatement ses cheveux alors que j'embrasse et suçote lentement le lobe de son oreille. Mes mains glissent contre l'intérieur de ses cuisses, m'envoyant des images torrides alors que je m'imagine remonter un peu plus et le toucher là, juste là.

Je continue de me presser contre son dos, son parfum mélangé à la sueur me faisant perdre la tête, et je laisse sans aucune honte mon excitation se pousser contre ses fesses. Ce mec me rend complètement dingue, pourquoi diable nous laisse t-il le toucher d'une façon aussi indécente ?

Une de ses mains lâche le tee-shirt d'Andreas et vient s'agripper fermement à ma hanche, me maintenant contre lui. Je sens son souffle chaud s'accélérer alors que les mouvements de son bassin sont de plus en plus poussés, suivant encore et toujours le rythme de cette musique qui me rend fou.

Le petit jeu dure encore plusieurs minutes, et je sens Andreas se reculer, m'adressant un regard de défi, ses mains toujours accrochées aux hanches de Bill. Je lui souris, il ne tient plus ? Il est jaloux ? S'il croit que je vais partir c'est mal me connaitre.

Il détourne son regard puis saisit Bill par les avant bras, le faisant grogner alors que celui-ci semble déçu de s'arrêter là. Ils se fixent durant plusieurs secondes, et mon corps est toujours collé contre celui de Bill, même si nous avons maintenant cessé de danser.

« Arrête Bill. Tu choisis c'est lui ou moi. » Aboie-il contre son oreille, assez fort pour que je l'entende.

Je ne vois pas le regard que Bill lui lance, mais il retire son bras, presque brûlé par leur contact, et s'écarte de lui. Il se retourne pour me faire face et son visage est si proche du mien que j'en frissonne. Ses yeux s'arrêtent sur moi quelques secondes, puis fixent à nouveau Andreas, lui lançant pratiquement des éclairs, et je me surprends à le trouver beau, les trais tirés par la colère.

« Je garde toujours le choix, Andreas. » S'exclame t-il, décollant son corps chaud du mien, et s'éloignant de la piste de danse.

Andreas me dévisage, presque satisfait de voir de la haine traverser mon regard.




*



« Hey, mec. Tu dis rien depuis qu'on est arrivé. Un problème chez toi ? »

« Tom… C'est à toi que je parle, youh ouh. »

« Ah euh, non, je ne bois rien. »

Il soupire, me tapant doucement le crâne.

« J'ai déjà passé notre commande il y a cinq minutes, quand tu m'as vaguement dit que tu prenais comme nous. »

« Ah ok, c'est pas grave ça me va. » J'hausse les épaules.

« Et donc, je disais. Est-ce que ça va ? »

« Et bien oui, ça va. Pourquoi ? »

Il hausse les épaules, me regardant comme si la réponse était inscrite au milieu de ma figure.

« Cette boite me saoule ». Je soupire, triturant mon téléphone alors que je m'ennuie clairement.

« Pourquoi ? » Sourit-il. « Cette boite ne te saoule jamais. C'est plutôt toi qui nous saoules pour y aller tous les soirs. »

Je grogne. Il dit vrai, mais on a juste nos vieilles habitudes de gays célibataires. C'est notre QG, le seul endroit où t'as plus besoin de dire à ton patron que tu rejoins ta fiancée, ni de rassurer ta mère sur le fait que tu trouveras bientôt une copine et qu'elle aura des petits enfants, l'endroit où tu peux regarder un joli derrière sans avoir peur d'être jugé sur tes préférences sexuelles.

Ouais, c'est juste le seul endroit où je me sens à peu près moi, et même si ça veut dire dormir quatre heures par nuit, ne pas tenir éveiller au boulot et oublier de faire les courses pendant deux semaines, ça n'a aucune importance.

« Il n'est pas là, c'est ça ? »

« Pas depuis trois jours. » Je soupire.

« Vas, t'en fais pas, tout le monde ne passe pas ses soirées ici, ça ne veut pas dire qu'il ne viendra plus. » Sourit-il. « Enfin. Tu n'as rien fait pour qu'il ne veuille plus revenir ici ? » Demande t-il après un silence.

« Hein ? Non bien sûr que non ! » Dis-je, presque scandalisé.

« Je disais ça… Comme ça. »

« Il est… parti avec un autre mec, la dernière fois que je l'ai vu. » J'avoue.

« Oh, c'est donc ça. Parti genre, ‘je vais me le faire' ? Ou parti genre ‘tiens il est tard si je rentrais dormir avec ce garçon' ? »

« Ta gueule, Geo. »

« Roh ça va, je me renseigne. »

Il pose sa main sur ma cuisse, stoppant les tremblements nerveux de ma jambe alors que je ne m'en étais même pas rendu compte.

« Parti genre, ‘ce gars l'enlace étrangement alors que je l'ai jamais vu avant, et il est à peine 2h'. » J'avoue finalement.

« Je vois. Tu préfères que je te dise, écoute mon pote ça veut peut-être rien dire, ou, mec je crois que t'as définitivement perdu ton pari ? » Sourit-il, presque heureux.

« Putain, si tu savais ce que je m'en balance de ton pari, t'as vraiment rien compris. » Dis-je, lui lançant un regard déçu.

Je me lève, passablement énervé.

« Je vais voir où en est notre commande. » Dis-je, abandonnant la table et dévalant les escaliers en direction du bar.

Je pousse un peu fortement sans m'excuser les personnes sur mon passage, évacuant mon irritation comme je peux, et prends place sur un siège vide.

Je m'accoude nonchalamment, énervé, n'ayant pas le moins du monde envie de questionner un des serveurs. Je repense à ce que disait Georg, maltraitant la carte des consommations, ne sachant pas moi-même ce que j'attends ici, quand une main se pose sur mon épaule me faisant tressauter.

« Je t'offre un verre ? » Sourit-il.

Et je crois halluciner lorsque Bill se hisse le tabouret voisin au mien, hélant le serveur.

« Tu veux quoi ? »

Je mets quelques secondes avant de revenir sur terre, sa beauté et sa façon de s'adresser à moi me subjuguant complètement.

« Comme toi. » Dis-je, incapable de détacher mon regard de lui, obsédé par la peau blanche de son cou.

« Deux mojitos s'il vous plaît. » Demande t-il au serveur dont l'œillade entendue en direction de Bill me rend malgré moi jaloux.

Nos regards s'examinent interminablement et lorsque les verres se posent devant nous, il glisse la paille dans sa bouche, la suçotant d'une manière totalement indécente.

« Excusez-moi. » Nous interrompt le serveur, attirant l'attention sur lui. « Je vous ai déjà vu ici. » Sourit-il, s'adressant à Bill. « Si ça vous dit, je finis mon service dans trois heures. » Susurre t-il.

Bill sourit, se balançant doucement sur son siège. « Pourquoi pas ? »

« Je pense que des clients vous attendent, et la place est prise. » Je m'énerve gentiment, conscient que s'il le voulait il pourrait me faire virer de suite, et repartir Bill à son bras.

Il tourne la tête à gauche et à droite s'assurant que personne ne l'attend, et il s'appuie plus confortablement sur le comptoir, m'ignorant royalement. Il envoie à Bill un regard plein de sous entendus alors que celui-ci ne cesse de mordiller sa paille, de cette façon si obscène.

J'observe leur petit jeu quelques instants, sentant la colère et l'incompréhension prendre part en moi, et saute du tabouret, les réveillant de leur contemplation.

Je prends Bill par la main et le tire à ma suite, ignorant ses protestations alors qu'il essaie de se détacher de moi.

« Qu'est ce que tu fous ? » S'exclame t-il, lorsque je m'arrête dans un coin sombre, l'acculant contre le mur.

« Toi qu'est ce que tu fous ? » Dis-je, plus énervé que je le voudrais.

Il ne répond pas, ses yeux aguicheurs me fixant longuement et transformant malgré moi ma colère en désir. Les premiers boutons de sa chemise sont ouverts, dévoilant sa peau pâle, ses hanches ne sont même pas couvertes par ce jean taille basse, et je crois délirer complètement lorsque que tout son corps m'envoie des visions de lui totalement inconvenantes.

Mon dieu, je ne sais même plus pourquoi je l'ai amené ici, pourquoi je suis énervé, pourquoi son corps semble si proche du mien, pourquoi sa main se glisse dangereusement dans mon dos, sous mon tee-shirt, et pourquoi mes lèvres s'avancent irrémédiablement vers les siennes.

Son regard incandescent ne quitte pas le mien, et il tourne la tête sur le côté, soupirant alors que mes lèvres rencontrent sa mâchoire au lieu des siennes, laissant en moi s'infiltrer le plus grand sentiment de frustration que je n'ai jamais connu.

Juste une fois. L'embrasser, l'embrasser, l'embrasser. Je ne pense qu'à ça depuis qu'il se joue de moi.

Ses doigts glissent contre mes fesses, il les serre fermement me faisant couiner, et je devine son sourire. Ma bouche remonte lentement contre son oreille, et j'ai l'impression encore une fois que je vais perdre la tête.

« Laisse-moi t'embrasser. » Je souffle, incapable de m'empêcher.

« Sinon ? » Sourit-il.

« Juste, laisse-moi t'embrasser ». Je murmure encore, fermant les yeux, mon front contre sa tempe.

Ses mains se glissent dans ma nuque, me faisant frissonner des pieds à la tête, et son visage est alors si proche du mien que son souffle se glisse entre mes lèvres. Je vois son regard se perdre sur ma bouche durant une seconde interminable, et je ferme les yeux lorsqu'il me frôle enfin, faisant résonner les battements de mon cœur jusque dans ma tête, occultant même de mon esprit cette musique assourdissante.

Puis cette sensation de vide et de manque, ce courant d'air froid qui remplace sa présence et me fait désagréablement frémir lorsqu'il se détache de moi, le sourire aux lèvres.

« Un jour, peut-être. » chuchote-t-il, s'éloignant lentement, me laissant contre le mur, pantelant.



*



Après ça j'ai vagabondé un long moment à travers la boite, je ne sais pas vraiment ce que je cherchais, une distraction, un moyen de me faire sortir ce gars de la tête. J'ai bu un ou deux verres de plus, je ne suis pas vraiment saoul, peut-être un peu éméché, mais ici la plupart des corps qui se balancent ne se souviennent même plus du prénom de leur mère.

J'ai peut-être –un tout petit peu- cherché à éviter de revenir à notre table, je n'avais juste pas envie de revoir Georg de la soirée, mais quand j'ai croisé Gustav il m'a dit qu'il avait trouvé quelqu'un à son goût et qu'il était parti depuis presque une heure.

Puis j'ai passé un temps interminable à regarder Erwin pratiquement pleurer sur mon épaule, marmonnant une histoire concernant Andreas qui aurait disparu depuis plusieurs jours. Je lui ai toujours dit que ça ne servait à rien de s'attacher aux mecs qu'on rencontre ici, peut-être que j'aurais simplement mieux fait d'appliquer cette règle.

Finalement Gustav et Erwin sont partis, soit disant trop fatigués, et maintenant je traverse pour la cinquième fois la piste de danse principale, ayant déjà arpenté les autres salles.

Je ne suis pas fatigué, peut-être un peu découragé, ou juste maussade. Peut-être que j'aurais mieux fait de partir moi aussi.

Deux mains sur mes épaules me font sursauter et je me retourne vivement. Bill est là, me souriant d'une façon clairement étrange. J'hausse un sourcil, franchement surpris qu'il fasse pour la deuxième fois un pas vers moi, bien que nous reculions de dix kilomètres au moins à chacune de nos altercations.

Mes yeux n'ont cessé de parcourir les salles à sa recherche depuis qu'il m'a lâchement rejeté, et j'étais pratiquement sûr qu'il avait déserté la boite.

Mon air surpris ne le fait que sourire un peu plus alors qu'il commence lentement à se déhancher, me tournant le dos et se calant lentement contre moi. Je reste hébété plusieurs secondes, mes yeux se baissant et se fixant malgré moi sur ses fesses qu'il remue adroitement.

Mes doigts tremblent presque lorsque je les pose sur ses hanches, fourrant mon nez dans ses cheveux quand je commence enfin à danser au même rythme que lui. C'est comme si en moins de cinq secondes la température était monté de dix degrés, comme si la musique était devenue un peu moins agaçante, comme si toute la piste de danse s'était enflammée juste autour de nous ; ou bien peut-être est-ce juste son corps, qui se plaît à enflammer le mien.

Je sais qu'il sourit lorsqu'il se saisit de mes mains, les entrelaçant aux siennes, et les remonte lascivement contre son torse, attisant davantage mon envie. Il laisse sa tête tomber mollement sur mon épaule, et mes lèvres frôlent la peau si tentante de son cou.

« Tu me rends fou. » Je murmure.

Je crois entendre un faible rire traverser ses lèvres, et il se détache à peine de notre étreinte pour se tourner face à moi, ses bras s'enroulant naturellement autour de mon cou, et son sourire en coin faisant accélérer les battements de mon cœur. Joue-t-il encore ?

Il continue de se déhancher, son regard figé dans le mien, cette expression indéchiffrable ne quittant pas son visage. J'ai l'impression de l'avoir pour la première fois partout sur moi, tout à moi. Son corps s'assemble complètement au mien, sa chaleur, son odeur, sa peau, ses lèvres –mon dieu, si tentantes-, ses cheveux, chaque partie de lui m'appelle constamment.

« Je sais… » Souffle-t-il contre mon oreille, alors qu'une douce chaleur se répand lentement dans mon ventre. C'est meilleur que la sensation de flirter avec lui, c'est différent de celle du désir pour un parfaitement inconnu rencontré en boite, c'est tellement inexplicable.

C'est juste la façon dont ses yeux scrutent les miens, celle dont son corps me fascine complètement, et son parfum… Son parfum qui semble avoir été conçu uniquement pour m'hypnotiser à chaque fois qu'il est près de moi.

Ses bras se serrent un peu plus autour de mon cou, et je colle son bassin au mien, joignant nos mouvements au rythme de la musique.

Ses yeux sont fermés, le souffle chaud sortant de sa bouche légèrement entrouverte s'écrase contre mon visage, et je dois faire preuve d'une énorme retenue pour ne pas l'embrasser sur le champ.

« Est-ce que tu joues ? » Je murmure, laissant mes mains glisser sous son tee-shirt, incapable de m'éloigner de sa peau.

« Pourquoi, tu as peur de perdre ? »

« Je gagne toujours. » Je souris.

« Tant que la partie continue, il n'y a pas de perdant. »

Il sourit, taquin, et une de ses mains s'agrippe à ma nuque alors que l'autre s'accroche nonchalamment au col de mon tee-shirt. Il respire lentement, presque sensuellement et je l'entends couiner faiblement, alors que j'enfonce mes ongles un peu trop fort dans sa chair.

Il sourit, encore, alors que cette fois ci ses lèvres frôlent les miennes, m'envoyant déjà à des années lumières d'ici.

Je ferme les yeux, le laissant m'embrasser du bout des lèvres. Il s'écarte légèrement, son souffle erratique s'accélérant contre le mien. J'entrouvre les yeux, et son visage si parfait, semble me ramener sur terre, me faisant réaliser que ce moment arrive enfin.

Ma main remonte le long de son corps, venant encadrer son visage. Je l'embrasse fermement et je le sens palpiter contre moi. Il répond ardemment au baiser qui s'enflamme brusquement, libérant cette envie qui me consumait, qui nous consumait.

Il semble se fondre contre mon corps, sa langue caressant et enlaçant la mienne sans relâche, me faisant perdre la tête. Lorsqu'il s'écarte légèrement, il tremble imperceptiblement, ses yeux brûlant d'une flamme totalement indécente. Sa main se saisit de la mienne, et il me tire à sa suite, bousculant les corps nous entourant pour s'écarter de la piste.

Je le suis sans broncher, un sourire idiot étirant mes lèvres, cette douce chaleur ne me quittant plus. Il trébuche presque dans les escaliers qui mènent aux salles de l'étage, me faisant doucement rire, et lorsqu'on arrive en haut, il pousse une porte gardée par un videur où l'écriteau « VIP » clignote.

Je lui adresse un regard surpris, et il me répond par un sourire entendu, fidèle à lui-même. J'observe la salle, elle est petite, intime, on se croirait plus dans un bar lounge que dans une boite de nuit, puis mon regard se fixe sur lui. Qui est-il pour avoir le droit à la salle VIP ?

Il se retourne face à moi, marchant à reculons alors qu'il joint nos deux mains, et se rapproche pour m'embrasser doucement. Toutes mes questions s'envolent alors que je réponds avidement à son baiser, ne pouvant déjà plus me passer du goût de ses lèvres.

Il se laisse choir sur un des canapés, et je m'assieds contre lui, l'embrassant encore. Nos gestes s'accélèrent brusquement, et une de ses jambes glisse au dessus des miennes. Il s'installe sans gêne sur moi, son souffle chaud s'écrasant sur mon visage entre chacun de ses baisers.

« Qui es-tu ? » Je murmure, glissant mes mains autour de sa taille.

« Quelle importance ? » Répond-il sur le même ton, glissant sa tête dans mon cou alors que ses lèvres humides m'embrassent à peine.

« Aucune. La curiosité ? »

Il mordille lentement la peau de mon cou, me faisant geindre silencieusement, et son bassin se frotte avec insistance contre le mien. Je laisse ma tête tomber en arrière, fermant les yeux de plaisir.

Sa bouche remonte le long de ma mâchoire, ne cessant d'embrasser chaque centimètre de mon épiderme et lorsqu'il atteint enfin même lèvres, mes mains se crispent contre ses fesses.

« La curiosité. C'est un défaut que je ne supporte pas. » Susurre t-il avant de m'embrasser ardemment.

Je réponds au baiser et frissonne violemment au moment où ses mains se glissent sous mon tee-shirt. Il sourit, caressant le bas de mon dos, et ses lèvres s'écartent des miennes alors qu'il murmure contre mon visage.

« Alors… Heureux d'avoir gagné ? »

« Quoi donc ? » Dis-je, pas certain d'avoir compris de quoi il parlait, l'esprit encore embrumé par notre étreinte.

« Le pari… »

Je sursaute un peu, ouvrant complètement les yeux. Il ne peut pas savoir. Peut-être blague t-il ? Je connais Geo, il peut être un vrai salaud parfois mais il n'aurait jamais été lui parler. Mon silence le fait sourire un peu, ses doigts taquinant la bordure de mon tee-shirt.

« Tu croyais sincèrement que je l'ignorais ? Toi et ton ami… Tout le monde connait votre réputation ici. » Continue t-il, et je suis étonné de ne pas trouver une pointe d'irritation dans sa voix.

Il aurait du être ennuyé, agacé, pourtant il n'y a aucune animosité dans son ton, il semble juste… satisfait.

« Alors… Pourquoi tu… ? »

« Pourquoi je quoi ? Pourquoi je t'ai laissé faire. » Dit-il, se moquant presque pendant que j'acquiesce lentement. « Tu n'as pas vraiment gagné, j'ai les cartes en mains. » Sourit-il.

Il me fixe sans ciller, ce petit air espiègle ne le quittant pas. Je n'arrive pas vraiment à décider si ce sourire –certes à tomber- est sensé m'éliminer, me faire dégager à l'étage du dessous après qu'il se soit amusé, ou si la situation le fait sincèrement rire.

Ses mains montent le long de mon torse avec une lenteur qui me donne presque la nausée et se glissent dans ma nuque, me cajolant à peine. Il me dévisage longuement, son regard énigmatique et mystérieux m'agaçant.

Puis il se penche lentement vers moi et m'embrasse du bout des lèvres, me laissant impassible plusieurs secondes encore. Lorsqu'il soupire faiblement dans ma bouche je ne cherche plus à comprendre et approfondis le baiser, m'accrochant solidement à lui comme quelques instants plutôt, nos corps s'électrisant au contact l'un de l'autre.

Ses hanches roulent à nouveau contre les miennes et je gémis presque silencieusement, l'amusant un peu.

« Et ça t'arrive souvent de ramener tes proies dans ton terrain de jeu ? » Je souris, dégageant les cheveux qui cachent son visage.

« Personne n'est jamais venu ici. » Dit-il, les yeux toujours fermés, ses lèvres frôlant imperceptiblement les miennes. Ses mots me touchent sûrement bien plus qu'il ne l'imagine.

« Oh, je suis l'exception alors. » Je rigole légèrement, heureux, alors qu'il m'embrasse encore.

« En quelque sorte. » Sourit-il.

Ses lèvres effleurent encore les miennes puis il se lève hâtivement, m'attrapant par la main. Il me sourit, déboutonnant presque indécemment le premier bouton de sa chemise, et m'attirant vers lui.

« Tom… Tu as quelque chose de prévu cette nuit ? »

« Non. »

« Ça tombe bien, moi si. »



FIN

 

YAOINLOVE OS MENU NAVHAUT