Chapitre 7.
Bill tenait fermement son crayon veleda dans sa main. Il fixait le tableau face à lui espérant qu'une sorte de révélation lui vienne.
Mais rien.
« Lieutenant Kaulitz ? »
Il sursauta, ne s'attendant pas à être dérangé. Il tourna la tête vers l'intrus et soupira. C'était le commissaire Schäffer. Il avait espéré que ce soit Tom... Ou pas.
« Oui. »
« Je venais voir où vous en étiez. Je ne veux pas vous mettre la pression mais cette affaire ne va pas tarder à faire beaucoup de bruit, les journalistes aiment les histoires sanglantes. »
« Je sais. »
Le commissaire s'avança vers lui et s'assit sur le rebord du bureau.
« Je sais que vous vous donnez beaucoup de mal pour coincer ce type et on avance soyez-en conscient. »
Bill hocha la tête.
« Essayer de faire tout votre possible pour mettre cet individu hors d'état de nuire d'accord ? »
« C'était bien mon intention monsieur. »
Son supérieur acquiesça.
« Et je dois vous dire que votre venue nous apporte beaucoup, vous tenez tête au capitaine Trümper, ça le motive. Continuez comme ça. »
Il lui fit un clin d'œil et quitta la pièce, laissant un Bill perplexe.
Ce commissaire n'était vraiment pas banal. Il venait lui parler comme s'ils se connaissaient depuis des mois et glissait des sous entendus sur sa relation avec Tom. Ca changeait de son ancien patron qui était sympathique mais un peu imbu de lui-même.
Il cligna des yeux. Il ne fallait pas qu'il pense à ce genre de choses sinon il serait capable de demander sa mutation sur Berlin.
Il rigola, se moquant de lui-même. Il avait besoin de faire une pause.
[...]
« Bon on a du nouveau. »
Tom revenait de la morgue avec tout un tas de feuilles mal empilées dans les bras.
« Quoi comme ? »
Bill se sentit fusillé du regard mais il comprit bien vite pourquoi.
« Tu avais raison. »
Il se retint pour ne pas lâcher une exclamation de joie. Tom avouait qu'il avait raison, ça lui faisait plaisir.
« Le légiste a réexaminé les corps, on a même été jusqu'à faire exhumer les autres. »
Bill frissonna. Il n'aimait pas faire ça, mais des fois c'était le seul moyen pour faire avancer une enquête.
« Et ? »
« Et ils ont retrouvé des traces autour de la bouche de deux femmes. La dernière et la victime numéro 4. »
« Des traces exploitables ? » tenta le brun.
Il ne voulait pas se faire d'illusions mais il ne pouvait s'empêcher d'espérer. Après tout s'ils avaient été jusqu'à exhumer un corps autant que ça ait servi à quelque chose.
« Oui. De l'ADN même je dirai. »
« Quoi ?? »
Cette fois son cœur s'était remit à battre à une vitesse folle. Il avait enfin du concret.
« Et oui, il semblerait que ce mec ne soit pas si intelligent que ça au final. Ca n'avait pas été vu à la base mais il restait de la salive, de minuscules traces mais assez pour avoir un profil génétique. Et puis avec la dernière femme retrouvée on n'a même pas eu à chercher plus longuement comme tu le sais. »
« Il commence à faire des erreurs. »
« Oui. »
Ils se regardèrent. Ils savaient tous les deux ce que ça signifiait. L'homme était rentré dans une phase où il avait retrouvé sa confiance en lui. Sa fuite face à Bill était derrière lui, il n'y pensait sûrement plus ou voulait même se venger. Et cela servait leurs intérêts.
Il faisait moins attention aux détails, il voulait aller plus vite, faire monter la pression. Son désir de posséder ces femmes s'intensifiait et il n'arrivait plus à le contrôler. Il perdait le peu de pouvoir qu'il avait encore sur ses actes. Il dévoilait son jeu.
Bill se ressaisit. Il ressembla ses pensées, les analyses viendraient plus tard.
« Des concordances au niveau de la base de données ? »
Cette fois l'expression de Tom lui fit immédiatement comprendre qu'il n'aurait pas de chance une deuxième fois.
« Rien, nada. On a tout épluché ce mec n'est fiché nul part. »
« Il fallait s'en douter. » lâcha Bill dépité.
« Tu avais raison... encore. »
Malgré la situation l'androgyne sourit.
« Wahou, tu admets que j'ai raison deux fois en moins de cinq minutes. Avoue que tu commences à m'apprécier. » dit-il sur un ton amusé.
Tom s'empourpra, de colère et un peu de gêne peut-être.
« N'importe quoi ! Ce n'est pas parce que tu maitrises ton domaine de psychologie de mes fesses que je te supporte d'avantage ! »
Bill rigola.
« Oui, oui... Tu auras beau dire tout ce que tu veux je le sais. Tu commences à te faire à ma présence. »
Il ne lui laissa pas le temps de répliquer et attrapa son sac pour sortir.
« J'ai besoin d'un café. »
Il laissa Tom en plan, avec pour seule compagnie cette phrase qui tournait en boucle dans son esprit.
[...]
La nuit commençait à tomber sur la capitale allemande. Bill sortit de son hôtel. Il avait décidé de se changer un peu les idées.
Enfin pas tout à fait. Georg avait fortement insisté pour qu'il les rejoigne dans un café au centre ville. Une petite soirée entre amis en quelque sorte. Avec un Tom en prime. Il n'avait pas pu refuser.
Il prit un taxi et essaya de se réchauffer un peu en soufflant dans ses mains. Il aurait mieux fait de prendre une veste plus épaisse. Il soupira. Il se disait ça à chaque fois mais ça ne changeait rien, il continuait à porter ses éternelles petites vestes, froides mais tellement plus sexy.
Moins de dix minutes plus tard il fut déposé devant le bar indiqué. L'endroit était accueillant, ça ne ressemblait pas aux repères de vieux flics qui n'attendaient plus rien de la vie. Il détestait ce genre de lieux, ceux où ses collègues se retrouvaient parfois pour se plaindre de leur vie et de leur sort.
Il entra et fut immédiatement pris par la chaleur ambiante. Ca faisait du bien. Il repéra rapidement Tom et Georg, assis autour d'une table au fond de la pièce. Il y avait quelques autres personnes, dont deux qu'il n'avait jamais vues.
« Hey Bill ! »
Georg l'interpella, lui imposant une arrivée remarquée. Il salua le petit groupe et s'assit sur la seule chaise encore disponible.
« Voilà, ça c'est Bill. »
« On avait compris. » répondit une petite brune installée à côté de lui.
« C'est ma copine. » expliqua Georg à l'androgyne.
« J'avais compris aussi. » rigola-t-il.
Le seul autre inconnu était le chef d'un petit restaurant situé juste à côté du commissariat qui s'était lié d'amitié avec toute la bande à force de les voir tous les midis ou presque.
Il n'y avait pas que des flics, et Bill aimait ça.
Le serveur arriva pour prendre leurs commandes.
« Une bière. » commença Bill.
Il avait encore un léger mal de tête mais selon lui il fallait combattre le mal par le mal.
« Un coca pour moi. »
Georg manqua de s'étouffer.
« Depuis quand tu prends un coca toi ? C'est soirée relâche Tom détends-toi ! »
Les autres rirent également. Apparemment ce n'était pas dans les habitudes du dreadé de s'en tenir à des boissons sucrées.
« Déjà je fais ce que je veux, et puis je n'ai pas envie de boire de l'alcool ce soir, j'ai le droit non ? »
Son ami haussa les épaules.
« Comme tu veux. »
« Mauvais souvenirs de ta dernière cuite peut-être ? » glissa Bill avec amusement.
Il fut fusillé du regard en moins de temps qu'il ne faut pour le dire.
Le brun jubilait, il arrivait à le mettre mal à l'aise et il adorait ça.
Depuis le début Tom faisait tout pour mettre de la distance entre eux, sans qu'il ne sut vraiment pourquoi. Après tout il était arrivé avec de bonnes intentions et dès leur première rencontre Tom l'avait pris à défaut. Il n'avait rien fait pour ça, leur relation avait directement mal commencé.
Pourtant il n'avait jamais eu de problème avec ses autres collègues, malgré son look qui pouvait surprendre de prime abord il était parfaitement sociable. Mais Tom en avait décidé autrement.
Bon, la suite de l'histoire lui donnait tort, il s'était laissé aller une nuit, il avait accepté de mieux connaitre Bill, d'entrer dans son univers, de laisser ses rancœurs de côté. Et les choses avaient dérapé.
Il reconnecta son cerveau sur la conversation. Tom était un être bizarre, qu'il n'arrivait pas à comprendre, et il n'avait absolument pas envie de commencer à chercher la clé de tout ça ce soir.
Les boissons arrivèrent et il but une grande gorgée, laissant les bulles lui piquer légèrement la gorge. Ca faisait du bien.
« Et Luis, tu nous a pas ramené de fille depuis longtemps, tu fais une cure de désintox ou quoi ? »
Le Luis en question rigola.
« Ce n'est pas parce que tu ne vois pas ce que je ramène que je ne ramène rien mon cher Georg. » répondit-il sur un ton laissant très clairement sous entendre que l'abstinence n'était pas dans ses intentions.
Bill ne put s'empêcher de sourire. C'était exactement ce dont il avait besoin, une soirée avec une bière, des amis, des conversations qui ne volaient pas très haut.
Parfait.
[...]
« Ca me fait plaisir de te connaitre tu sais. »
Bill rigola.
« Moi aussi Georg, moi aussi. »
Il n'était pas bourré, juste un peu joyeux et ça le rendait vraiment très drôle.
« En tout cas tu sais que tu peux compter sur moi, si tu as besoin de quoi... quoique ce soit. »
Il acquiesça. Ils avaient un problème avec l'alcool dans cette ville, ils n'arrivaient vraiment pas à se contrôler.
« Je t'aime bien, tu le sais ça ? »
« Oui. Moi aussi je t'aime bien. »
« Vrai ? »
Bill retint un éclat de rire. Georg avait presque les yeux brillants quand il avait posé la question.
« Oui c'est vrai. T'es plutôt sympa et puis même si tu es ami avec Tom tu as des bons côtés. »
« Hey ! Je suis là je vous signale. »
« On sait que t'es là mon Tomi. »
Cette fois-ci Bill rit franchement. Tomi, c'était trop mignon.
« Ne m'appelle pas comme ça Georg ! Et puis tais-toi, tu vas finir par dire des conneries. »
Georg humpfa.
« Tu sais pourquoi je t'aime bien ? » reprit-il.
« Pourquoi ? »
« Parce que tu n'es pas fou fou de Tom ! »
Et il explosa de rire. Il avait dit ça avec une telle manière, imitant à la perfection une jeune fille en fleur qui venait de succomber aux charmes du grand Tom Trümper.
« Quand je disais que tu allais dire une connerie. » lâcha le principal concerné assez bas pour que seul Bill l'entende.
« Bon je crois qu'il est temps de rentrer, il se fait tard et certains ont un métier ! »
Sa phrase fut accueillie par quelques protestations pour la forme mais tout le monde était d'accord.
Avant de sortir du bar Georg attrapa Bill par le bras.
« En fait tu es quand même un peu fou fou de Tom pas vrai ? »
Bill sourit. Venait-il de retrouver ses esprits par miracle ? Ou l'alcool aidait-il à percevoir le fond des gens ?
« Disons que c'est pas faux. »
Ce fut le mot de la fin.
[...]
Il était pratiquement deux heures du matin quand Bill finit par rejoindre son hôtel. La police n'avait pas vraiment de moyens mais bizarrement on lui avait donné un budget assez élevé pour se loger à Berlin et comme ce n'était vraiment pas courant il avait décidé de mettre un peu au bout pour se payer un vrai bon hôtel.
Ce n'était pas un palace, mais pas loin.
Le taxi le déposa devant le majestueux bâtiment. Une dizaine de personnes attendaient sur le trottoir en face. Ce qui était plutôt surprenant à une telle heure de la nuit. Il interrogea le portier.
« Il se passe quoi ? »
L'homme lui sourit malgré la fatigue qu'on pouvait lire sur son visage. Il avait l'air blasé de voir ce qu'il se passait devant son hôtel.
« Un groupe de rock national est descendu ici. Ils sont arrivés il y a à peine une heure mais les fans sont déjà au courant. »
Bill rigola.
Les fans étaient toujours au courant de tout, et toujours là.
Il rentra à l'intérieur et regagna sa chambre. Il était tard, il était fatigué et par dessus tout il était perdu. Sa relation avec Tom partait totalement en vrille. Déjà à la base ce n'était pas gagné mais elle avait pris un virage tellement inattendu qu'il ne savait plus du tout où il en était.
Il se laissa tomber sur le grand lit qui se trouvait au milieu de la pièce et attrapa son téléphone. Il composa le numéro d'Andréas. Il dut attendre une bonne dizaine de sonneries avant que son ami ne décroche.
« Putain Bill qu'est-ce que tu fous ? »
Le brun sourit.
« Désolé je te réveille ? »
« Non non pas du tout, je suis en pleine partie de billard avec une bombasse là, tu me déranges absolument pas»
« Tant mieux alors. » plaisanta-t-il.
Andy soupira un peu mais il finit par se résigner, comme toujours avec Bill.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? »
« C'est Tom... »
« Vous avez bu, vous avez couché ensemble mais ça ne change rien, il te tient toujours à distance et tu ne sais plus quoi faire. »
L'androgyne ouvrit la bouche pour parler mais rien ne sortit. Il allait dire exactement ces mots.
« Euh... oui mais comment tu sais ça ? »
Andréas étouffa un rire.
« C'est toujours la même chose Bill. Même les gens qui ne te supportent pas succombent à ton charme et pour que tu m'appelles à deux heures quatre du matin c'est qu'il s'est passé quelque chose et de sexuel. »
« On n'a pas couché ensemble... » se défendit-il « enfin pas au sens technique du terme. »
Cette fois Andréas rigola franchement.
« C'est pareil, que vous soyez allés jusqu'au bout ou que tu l'aies juste sucé ça ne change rien. »
« Andy! » s'insurgea Bill.
« Fais pas ton choqué. Je disais donc, ça ne change rien parce qu'il t'a montré qu'il était attiré par toi, ce qu'il essayait sûrement de cacher depuis le début en te tenant éloigné de lui. Donc en gros il s'est mis dans la merde tout seul et il ne sait plus quoi faire. »
« Mouai... »
Il n'était pas vraiment convaincu. Pour lui Tom l'avait toujours détesté pour une obscure raison, sans doute parce qu'il ne supportait pas qu'un flic de province débarque sur son enquête, mais certainement pas parce qu'il lui plaisait. Et il avait craqué parce qu'il avait trop bu et qu'il devait être en manque de sexe, fin de l'histoire.
« Mon ptit Billou libre à toi de me croire ou pas mais je te connais et je sais ce que tu provoques chez les gens qui t'entourent. Continue à agir comme tu le fais, si tu as envie de te rapprocher de lui tente, sinon ne fais rien mais crois moi, ce mec t'avais déjà dans la peau à la seconde où il t'a vu. »
Il n'arrivait pas à le croire, Tom n'était pas comme ça. Enfin il ne pensait pas. Mais malgré tout il sentit son visage s'étirer en un sourire radieux. Il trouvait Tom vraiment très beau et ce depuis le début, et la petite expérience qu'ils avaient vécu l'avait conforté dans son idée, ils feraient un très joli couple. Simplement il n'avait absolument aucune idée de l'endroit où cette histoire pourrait les mener. Et il n'aimait pas ça.
Tom était quelqu'un de beaucoup trop secret, de mystérieux. Déformation professionnelle sans doute. Mais Bill avait besoin de plus. Tout ça ne donnerait rien. Tom était Tom. Un mec super sexy et parfaitement bandant mais un homme torturé et contradictoire aussi.
Et le brun avait autre chose à faire en ce moment que d'essayer de construire quelque chose avec quelqu'un d'aussi compliqué. D'autant plus qu'il ne savait pas si le dreadé était vraiment attiré par lui ou si il avait juste eu un moment de faiblesse.
« Bill ? T'es toujours là ? »
« Hein ? Ah oui, désolé. »
« Tu me réveilles en plein milieu de la nuit et t'écoutes même pas ce que j'ai à te dire ?! Ben bravo! »
Andréas rigola. Bill ne changerait jamais.
« Si j'écoute. Merci de m'avoir parlé, Berlin est une ville de fou. Je l'adore mais des fois j'aimerais bien que vous soyez avec moi. »
« Y a pas de quoi. Te fais pas bouffer, t'es bien plus fort que tous les autres. »
Il sourit.
« C'est ce qu'on dit. »
Et il raccrocha. Il se sentait plus apaisé. Parler à Andréas lui remettait toujours les idées en place.
Tom restait son collègue, le capitaine avec qui il devait arrêter ce tueur fou. Ils avaient vécu des choses mais il mettait encore des barrières. Et Bill n'allait pas s'amuser à les faire tomber une par une.
Si le blond n'y mettait pas du sien il prendrait sur lui et retournerait dans sa ville perdue sans en demander d'avantage.
Mais au fond de lui il espérait bien que Tom n'allait pas le laisser repartir comme ça.
[...]
Bill mit le haut-parleur. A l'autre bout du fil un agent de police qui s'occupait du standard avait des informations à leur communiquer.
« On a peut-être quelque chose, une jeune femme a reconnu un type dans le profil. Elle serait sortie avec lui il y a six mois de ça. Apparemment il parlait déjà mariage et enfants au bout de trois jours de relation. Elle est partie après un mois d'amour compliqué, il l'étouffait complètement et voulait faire d'elle une parfaite Bree Van De Kamp comme elle le dit elle-même. »
« Ca colle au profil. » dit Bill.
« C'est ce que je me suis dit aussi, elle nous a donné un nom. Matthew Lawick. Il restait très évasif sur son passé, il disait qu'il avait vécu des choses qu'il préférait oublier. »
Bill réfléchissait à toute vitesse, il essayait de déterminer si cette piste était sérieuse ou non.
« C'est possible, mais je crois que c'était plutôt un moyen de la maintenir à l'écart de sa véritable identité. Il a trouvé une excuse assez gênante pour qu'elle ne pose pas plus de questions et reste dans le flou total sur ce qu'il est vraiment. »
« En tout cas elle nous a dit qu'il allait régulièrement à Berlin, il aurait une cousine là bas. Aussi dingue que lui apparemment. »
La conversation se poursuivit pendant quelques minutes. Les picotements que Bill ressentait dans sa nuque ne le trompaient jamais, ils tenaient quelque chose de neuf. Et après les échecs des dernières planques, des traces d'ADN et de la localisation géographique, ça faisait du bien.
« Ok, il faut qu'on trouve tout ce qui se rapporte de prêt ou de loin à ce Matthew Lawick. Je veux que le moindre documents où apparaisse ce nom soient trouvés et décortiqués. Ne laissez rien passer. »
Le capitaine Tom Trümper avait repris les commandes de l'opération. Et en moins de deux minutes chaque personne de l'équipe avait une tâche précise à accomplir.
« Quand à toi et moi on file à l'adresse que la fille nous a donnée. Ca m'étonnerait qu'il y soit mais on doit vérifier. »
Bill acquiesça, il était du même avis.
[...]
Quelques dizaines de minutes plus tard ils arrivèrent à l'adresse indiquée. C'était un immeuble d'une demi douzaine d'étages, plutôt neuf. Tom se gara et ils descendirent.
Ils ne voulaient pas s'annoncer à l'interphone, l'effet de surprise prenait les gens de court, ils n'avaient pas le temps d'inventer n'importe quoi. Ils n'eurent pas à attendre bien longtemps, une dame âgée sortit au même moment par la porte principale. Bill se précipita pour la maintenir ouverte et ils pénétrèrent à l'intérieur de la bâtisse.
L'appartement de la femme qu'il cherchait était situé au cinquième étage, ils prirent l'ascenseur. Bill sourit, ce genre de petit endroit clos lui donnait des idées. Il s'imaginait sans aucun problème bloqué ici avec le blond, à devoir patienter des heures en attendant un dépanneur.
C'était très excitant.
« A quoi tu penses ? »
Il redescendit sur terre.
« A rien... »
Tom n'insista pas.
Les portes se rouvrirent sans encombre, au plus grand désespoir du brun. Il sonna à la porte de l'appartement concerné. Une jeune femme d'environ vingt-cinq ans avec des lunettes carrées leur ouvrit.
« Oui ? »
Tom sortit sa plaque et la mit bien en évidence.
« Police, on aurait quelques questions à vous poser. »
Bill était un peu en retrait, il observait toute la scène d'un air attentif. Il vit la jeune femme se décomposer littéralement, elle essayait de garder une contenance mais ses yeux la trahissait.
« Euh... oui bien sûr. »
« On peut rentrer ? »
Elle eut un mouvement de recul mais se ressaisit. Son cerveau devait fonctionner à plein régime, elle se décala finalement sur le côté pour les laisser entrer.
« On voulait vous parler de votre cousin. »
Bill savait qu'il omettait volontairement de dire son nom, après tout ils n'étaient pas sûrs de sa véritable identité.
« Liam ? »
Aucun des deux policiers ne laissa paraître sa surprise mais ils n'en pensaient pas moins. Un nouveau prénom à rajouter à la liste.
« Vous avez d'autres cousins ? » questionna Tom de manière rhétorique.
« Non. »
« Donc c'est bien de lui qu'il s'agit. »
Il la laissa continuer.
« On ne s'est pas vus depuis un certain temps vous savez. »
« Combien de temps ? »
« Je ne sais pas, quelques mois. Je ne l'ai jamais vraiment beaucoup vu, on n'est pas très famille. »
Tom acquiesça. Pendant ce temps Bill scrutait la pièce du regard, il cherchait le moindre indice qui pourrait lui en apprendre plus sur la jeune femme ou sur leur type.
« Qu'est-ce que vous lui voulez ? »
L'androgyne tiqua. Ils étaient présents depuis plusieurs minutes, étaient rentrés chez elle sans trop de soucis, et elle ne leur posait la question que maintenant. C'était en général les premiers mots qui sortaient de la bouche des gens, qu'y a-t-il ? La police se déplaçait rarement pour rien.
Mais là non, elle n'avait rien demandé quand ils étaient sur le pallier de sa porte, elle n'avait rien demandé quand elle les avait fait rentrer, elle n'avait rien demandé non plus quand ils avaient parlé de son cousin.
Elle se contenait, mais beaucoup trop pour ne rien avoir à se reprocher.
« On veut juste lui poser quelques questions, il aurait été témoin d'un incident sur lequel nous enquêtons. »
Ils avaient décidé de faire croire qu'il était recherché uniquement en tant que témoin. Si son égo avait besoin d'être flatté et que cette conversation lui revenait aux oreilles il se présenterait peut-être de lui même au poste.
Certaines personnes se sentaient valorisées quand elles pensaient être indispensables à la résolution d'une affaire alors que la police les recherchaient activement. Ca leur donnait le sentiment de se moquer des forces de l'ordre et les criminels adoraient ça.
« Vous ne savez pas où on peut le trouver par hasard ? Il n'a pas d'adresse connue dans nos fichiers. » reprit Tom.
« Non. Sa mère avait une maison à Berlin, il y passait de temps en temps. C'est le seul endroit où il pourrait être à ma connaissance. »
Le seul qu'on a déjà trouvé, pensa Bill.
« Bien, nous n'allons pas vous déranger plus longtemps. S'il cherche à vous contacter ou si vous apprenez quoi que ce soit qui nous permette de le localiser contactez nous immédiatement, d'accord ? »
Il lui tendit sa carte.
Ils durent se lever, Bill continuait de regarder dans les moindre recoins, il ne voulait négliger aucun détail. Ses yeux s'attardèrent sur la porte qui menait à la salle de bain. Elle était ouverte à moitié.
Et là il vit ce qu'il cherchait depuis le début. Un tube de mousse à raser et un rasoir noir posé en évidence sur le rebord du lavabo.
Il essaya de ne pas montrer son trouble et continua à marcher vers la porte. Ils passèrent devant la cuisine, à l'aller il n'avait pu voir qu'une partie de la pièce, là il pouvait voir l'autre côté.
Il crut qu'il allait crier tellement la décharge d'adrénaline fut puissante. A peine dissimulée par une chaise, une paire de baskets d'hommes, recouvertes de boue était posée sur le sol.
Il accéléra le pas pour revenir à la hauteur de Tom et ils sortirent. Les portes de l'ascenseur se refermèrent sur eux.
« Putain t'as vu!! T'as vu!!! »
« Quoi ? Qu'est-ce que j'aurais dû voir ? On n'a pas appris grand chose à part que ce type n'a pas de nom fixe et que sa sœur ne nous a pas tout dit. »
« Mais tu ne regardes jamais rien ou quoi ? Il habite chez elle! Ou il y passe régulièrement! »
« Et tu as remarqué ça à quoi ? »
Bill n'arrêtait pas de faire des gestes dans tous les sens, il n'arrivait pas à se calmer.
« Le rasoir dans la salle de bain, et pas un rasoir de fille avec la belle courbe et le manche rose fluo, et la paire de pompes taille minimum 44 dans la cuisine! »
Tom ouvrit grand les yeux. Il n'avait apparemment rien vu de tout ça, et il s'en voulait.
« En même temps je posais les questions, c'était plus facile pour toi, tu n'as rien dit. »
Bill sourit. Il n'avait pas envie de le rembarrer.
« Et puis qui te dis qu'elle n'a pas un petit copain qui vit avec elle ? »
Le brun savait qu'une réflexion comme ça allait arriver.
« Dans la pièce principale il n'y avait rien qui indiquait une présence masculine. Pas d'habit, pas de déco, pas de photo, rien. Non, je suis persuadé qu'ils ont bien dissimulé sa présence.. Mais il habite ici, au moins temporairement, il doit venir quand il n'a plus rien à manger ou pour laver son linge ce genre de choses. »
Le dreadé acquiesça. Il détestait ça mais il était plutôt d'accord avec Bill.
« Et maintenant on fait quoi ? Elle va lui dire qu'on est passé il ne va pas se repointer ici avant un bon moment. » continua Tom.
Ils soupirèrent en même temps ce qui les fit sourirent.
Et l'ascenseur s'arrêta subitement entre le rez-de-chaussé et le premier étage. Bill sursauta, il ne s'attendait pas à ça.
Il regarda Tom et celui-ci explosa de rire.
Il se recula et tira sur le bouton d'arrêt d'urgence, l'ascenseur se remit en marche.
« Avoue que tu voulais te retrouver bloqué avec moi... » dit-il avec un sourire coquin.
« Mais.... non! » s'exclama Bill.
« Mouai, mouai, je sais que tu y as pensé. »
« C'est pas vrai! »
Tom rigola encore.
« Tu craques pour moi ne dis pas le contraire. »
« Mais je ne dis pas le contraire.... » répondit-il de son air le plus aguicheur possible.
Cette fois Bill avait attrapé la perche tendue. Tom avait voulu le mettre mal à l'aise, il avait retourné la situation à son avantage.
FIN CHAPITRE 7