C H A P I T R E * 12



Tom soupire comme un bienheureux. Les larmes dévalant ses joues de soulagement. Sa main tremblante encore refermée sur un petit objet blanc. Pendant plusieurs jours, il s'était torturé pour rien, pensant avec horreur à tout ce qui aurait pu se passer après. Il s'était juste aperçu que tous les signes étaient flagrants. Mais visiblement, il avait juste confondu ça avec une maladie quelconque ... Ou peut-être tout simplement que c'était psychologique. Enfin, ça n'était pas ce qu'il croyait, et il en était le garçon le plus heureux du monde à cet instant.

Mon Dieu merciiiiiii ! ='D j'ai eu si peur putaiiiiin. J'ai cru mourir. Maman me le payera. A toujours raconter des conneries elle m'a fichu la frousse de ma vie >.< ... raanh c'est géniiial ! J'suis dans un état d'euphorie là, juste waouh quoi xD J'suis pas passé loin du coma mais tout va biiiien. Pfffiou. Et tout ce que j'ai pas fait rien que pour c'te merde là --' j'ai galeré avec la pharmacienne ... limite elle voulait pas me donner l'test sans appeler mes parents -_- j'aurais eu l'air malin. Déjà que Maman m'a demandé où j'étais passé c't'aprem ... pas ma faute si on habite si loin du centre ville ... Pour passer incognito, c'était pas forcément le mieux d'y aller à pied ... bon, j'e l'reconnais. Mais sur le moment j'ai tellement pété un câble que j'y aurais été en moto alors que je sais même pas en conduire -_____- ... ... aaaah mais tout va biiiien ! =D

Le dreadeux se laisse glisser jusqu'au sol de sa chambre, soupirant une énième fois. Pendant les jours qui précèdent, il s'était imaginé les pires scénarii, ne sachant pas comment s'y prendre, complexant sur son propre corps et paniquant au moindre contact qu'on pouvait lui faire. Il avait peur. Après tout, que ce serait-il passé ? Si tout à coup, il s'était retrouvé avec un test positif en main, lui signifiant clairement qu'il attendait un enfant ? Lui-même ne le savait pas. Même après deux nuits blanches quasiment consécutives. Il n'avait fait qu'y penser, encore et encore, assimilant durement une situation qui n'avait même pas lieu d'être. Parce que oui, Tom n'était pas enceinte. Donc tout allait bien.

Néanmoins, la situation lui avait causé beaucoup de soucis. Notamment parce que ce bébé, qui n'existe pas, aurait été celui de Bill. Son propre frère jumeau. Et tout ça n'avait fait que lui rappeler cette nuit magique qu'il avait passé avec lui, et dont personne ne saurait jamais rien.

Plongé dans ses pensées, Tom fixe le mur, les yeux ternes et surtout extrêmement fatigué. Il se redresse doucement et jette un œil au petit objet blanc qui vient de lui donner la meilleure nouvelle de la journée. Le glissant dans sa poche de pantalon, il descend les escaliers à pas rapides et regarde brièvement dans le salon où résonne le son de la télé. Son frère et son beau-père sont affalés sur le canapé, polémiquant sur un sujet dont Bill ne doit rien savoir mais sur lequel il impose un avis, comme à son habitude. Ce fait tire un sourire à Tom. Le plus discrètement possible, il passe la porte d'entrée et fait quelques pas jusqu'à la poubelle dans laquelle il s'empresse de jeter le test, veillant à ce qu'il se mélange au reste. Une fois la manœuvre effectuée, il ré entre rapidement, le froid s'attaquant à sa peau.

Une bonne chose de faite comme on dit ^^ '

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-« Putaiiiiiiiiiiin ! »
Bill éclate de rire devant la mine déconfite de son grand frère.
-« Mais t'es injuste é_è ... pourquoi tu m'as tué ? Espèce de traitre >.< ! » déclare Tom, l'air tristounet.
Le chanteur lui fait un sourire de vainqueur, continuant à diriger son petit personnage en solo à travers la ville. Y'a pas à dire, GTA, c'est cool.
-« T'exagère ... je fais quoi moi pendant ce temps ?! » dit-il, boudeur.
-« Bah, tu réfléchis à quelle tenue aura ton prochain personnage ... c'est-à-dire une fille ! xD Comme promis hein ! »
Tom se sent rougir à cette phrase, mais se reprend rapidement.
-« Rêve. Je préfère encore pas jouer. » marmonne-t-il fermement, en croisant les bras, l'air renfrogné.
Il balance sa manette sur la table basse et passe finalement, les bras autour de ses genoux, recroquevillé sur le canapé, histoire d'emmerder son frère en boudant.
Evidemment, comme prévu, Bill s'en aperçoit et soupire en levant les yeux au ciel.
-« Ca va, fais pas chier. Une promesse est une promesse x) ... quel gamin tu fais des fois --' »
Etrangement, Tom se sent blessé par cette remarque. Peut-être parce que Bill semblait penser ce qu'il disait. Le dreadeux soupire et se redresse, quittant la pièce d'un pas lent.
-« Roh Tommi, c'est bon ! C'est chiant quand tu fais ça ! >.< » crie son frère en le voyant partir.
Mais le guitariste ne revient pas sur ses pas, il monte les marches, passe la porte de sa chambre et tombe sur son lit, une fois la porte refermée.

Putain, j'aime vraiment pas jouer avec lui. Il se rend pas compte que j'analyse toutes ses phrases. AB-SO-LU-MENT toutes. Sans même faire exprès. Je cherche encore, inlassablement à y trouver une marque d'amour. C'est horrible. J'en peux plus d'être comme ça. Je crois sérieusement que je devrais voir un psy, des fois. C'est entrain de m'anéantir.

Un bref coup donné à la porte ramène Tom à la réalité. Il soupire et se redresse, donnant l'autorisation d'entrer. Son frère apparaît, l'air désabusé mais pas plus énervé que ça. Il lui sourit gentiment avant de s'étaler sur le lit à ses côtés. Le dreadeux se rallonge à son tour, le cœur battant à tout rompre. Un des symptômes de l'amour. Le rythme cardiaque qui s'accélère en présence de l'être que l'on aime.

Mon Dieu, comment je vais faire ? Je n'suis pas normal. Je suis un véritable monstre. Ca va faire bientôt trois mois que j'suis à moitié une fille, puis j'aime mon frère plus que fraternellement depuis des années qui me paraissent des siècles ... à croire que c'est la troisième vie que je rate à l'aimer en vain -_- Il est à côté de moi et pourtant il me manque ... c'est cette nuit ... elle a tout gâché. Je n'en serais pas là. Je n'aurais pas tout l'temps envie de lui ... je n'aurais pas tout l'temps envie de l'embrasser. Pourquoi moi putain ?!

Le chanteur observe son frère, la tête tournée vers lui. Il a l'air si tourmenté ces temps-ci qu'il ne sait pas quoi en penser. Ses yeux fixent le plafond, comme tristes. Bill baisse le regard vers la main du guitariste. Elle tremble, et il soupire à cette constatation.
-« Tommi ? »
Le dreadeux émet un petit souffle qui lui parait saccadé.
-« Mmh ? » fut sa seule réponse.
-« Pourquoi ? »
Tom continue de fixer le plafond quelques secondes, tournant finalement la tête vers son frère, ne comprenant pas sa question sans fin.

Mais Bill n'ajoute rien de plus, le laissant dans l'incompréhension la plus totale.
-« Pourquoi quoi ? u_u' » demande-t-il en quête de précisions.
Le visage de son frère ne trahit que la nostalgie, et la tristesse. Et bien entendu, ce dernier fait lui brise le cœur. Tom se redresse un peu en le fixant, prenant appuie sur son bras droit.
-« Pourquoi ... on en était arrivés là ? »
Le dreadé réfléchit un instant au sens de sa question, avant de pâlir brusquement, voyant très bien à quoi il fait allusion, désormais. Bill tourne son regard vers lui.
-« Explique moi s'il te plait. Je n'ai jamais compris Tom ! Pourquoi tu m'as fait si mal pendant tout ce temps ? Qu'est-ce que je t'avais fait ? » questionne le brun, les yeux remplis de souffrance.

Tom ne sait évidemment plus où se mettre. Il s'est senti assez coupable toutes ces années. C'est enfin fini, ils se sont retrouvés ... et pourtant, tout lui retombe en pleine figure d'un seul coup. Violent. Il ne répond rien, baisse les yeux, fixant ses doigts avec intérêt. Son frère se redresse également, s'asseyant en tailleur.
-« Ne me force pas à te menacer. »
Cette fois-ci, le blond ne les retient plus. Ses larmes. Il pleure. Encore.
Comme toujours. C'est une fille. C'est bien connu, ça pleure à tout bout de champ, nan ?

-« Tu te rends compte que c'est ce que j'ai été obligé de faire pour que tu me demandes pardon honnêtement ? Ne me force pas à recommencer, je t'en prie ! Pourquoi tu ne me fais plus confiance ?! » déclare Bill, d'une voix ferme.
-« Mais je te fais confiance ! » gémit Tom, sanglotant faiblement.
-« Alors parles ! Je ... merde, tu crois pas que je suis à même de comprendre tes raisons ? ... Elles sont si horribles ? »
Bill soupire, regardant son frère pleurer pitoyablement comme, trop souvent désormais.
-« Est-ce qu'il y en a seulement ? » demande-t-il, comme pris de lucidité.
Tom glisse une main sur son visage, pour en essuyer les larmes, d'un geste rageur. Cette discussion, il ne l'attendait pas. Elle n'aurait pas du avoir lieu. Ils étaient réconciliés, point barre.
-« Est-ce que tu m'as fait chier pendant des années pour le plaisir ? » tente Bill, horrifié par sa propre réflexion.
-« Bien sûr que non ! » déclare fermement l'aîné, dégoûté par cette idée.
Et pourtant, en quelque sorte, c'était bien le but.
-« Alors dis moi ! »
Le désespoir dans la voix de Bill atteint son frère en plein cœur.

Et les mots lui viennent tous seuls, comme un flot de paroles inachevées.
-« Je suis désolé ! J'voulais pas te faire de mal ! Merde je suis un monstre, je sais ... je-je, n'm'en rendais pas compte je ... pardon ... J'faisais pas toujours exprès ! J'me j'me suis laissé entraîner, et j'ai ... jamais pu remonter la pente ... j'te jure que ça m'faisais pas plaisir Biiill, j't'aime merde ! »
Les yeux remplis de larmes, le chanteur fixe son frère, étonné. Par les effets carrément contradictoires énoncés par Tom. Comment peut-on se laisser entraîner par la méchanceté gratuite ? Néanmoins, lorsque le dreadé lui tombe presque littéralement dans les bras, il accepte l'étreinte. Plus par pitié qu'autre chose, mais bon. Bill n'est pas Tom. Cette fois, il a complètement craqué.

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Ça fait maintenant deux bonnes heures que Tom cherche à se justifier sur ces actes. La plupart n'ayant aucune logique. En effet, le guitariste s'est glissé dans de beaux draps. Ses arguments ne se mêlent pas correctement. Il ne sait plus quoi dire, car chaque mot de plus lui semble une connerie monumentale. Et Bill s'embrouille de plus en plus.
-« Attends ... pourquoi tu as changé alors ? Pourquoi maintenant ? C'est tes dix huit ans qui t'ont mis un peu de plomb dans la tête ? Putain, c'est efficace la majorité dis moi. » déclare-t-il, avec mépris.

Tom grogne légèrement à la remarque.
-« Je ... j'en avais marre. »
-« Oh ! Mais comme c'est gentil à toi d'avoir pensé au fait que JE pouvais en avoir marre depuis le temps. » crache le chanteur.
Le dreadé, assis par terre contre le pied de son lit, soupire, un frisson parcourant son échine.
-« Je me suis déjà excusé. »
-« Putain tu ... raaah mais tu te rends compte de c'que tu dis au moins ?! »
Tom ne répond rien. Il ne sait plus quoi dire de toute façon. Il a remis son frère en colère. Il commence même à se dire qu'il aurait peut-être du lui avouer la vérité. Au moins, ça aurait été moins long et fastidieux que de recoudre une fausse histoire. D'ailleurs très mal cousue, si on en croit les pensées chaotiques du chanteur.

-« Sérieux ? Tu m'gonfles. »
Bill se lève et marche jusqu'à la porte. Il se retourne, la main sur la poignée, l'air furieux.
-« C'est génial franchement, mon frère est un gros con qui m'a persécuté pendant des années, au point de me complexer sur ma virilité, et tout c'qu'il trouve à m'dire comme raison, c'est qu'il n'a 'pas-fait-exprès-désolé' ?! Mais vas t'faire foutre ! T'es qu'un salop ! »
Le regard embué de larmes, le brun sort en claquant fortement la porte. Le son résonne au cœur de Tom comme une apocalypse. Il a tout raté.

Encore une fois é__è ... je t'ai ... vraiment perdu ? Mon Dieu, mais qu'est-ce que j'ai fais ?!

Ses sanglots se perdent dans le silence de la pièce.
Il plonge sa tête entre ses bras, recroquevillé sur lui-même.
-« J'voulais pas ... j'voulais pas ... j't'aime ... »
Sa douleur est telle qu'il ne s'aperçoit même pas que la porte s'est ouverte. Quelques pas silencieux sur la moquette, et deux genoux qui se posent au sol. Simone n'avait pas tout écouté, bien sûr. Mais entendre ses fils se hurler dessus, c'est facile. Elle passe ses bras autour des larges épaules de Tom, le serrant contre son cœur. L'odeur de sa mère lui rappelle combien il peut avoir été monstrueux ces dernières années, et lui tire un énorme sanglot. Il s'agrippe à elle comme si sa vie en dépendait. Ce qui est le cas.

C'est ce qu'on appelle, revenir au point de départ.
Tout reste à faire.

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-« Bonjour Tommi. »
Un baiser sur une joue. Le dreadé soupire faiblement. Ce n'est pas ce matin encore qu'il va sentir ses nausées passer. Il se rapproche d'une chaise, qu'il tire avant de s'y asseoir.
-« Tu veux du café ? » demande doucement sa génitrice.
Tom passe ses mains sur son visage. Les cernes sont franchement visibles.
-« Nan, m'ci. » marmonne-t-il faiblement.
Simone en a le cœur brisé. Ça fait maintenant trois jours que les jumeaux ne se parlent plus.
Et ils repartent demain.

Le guitariste attrape la bouteille de lait et s'en sert un fond dans un verre, l'air plus qu'épuisé. Ses traits sont tirés et ses yeux rouges d'avoir trop pleuré. Il n'a cessé de penser à Bill, ces dernières heures. Le sommeil ne vient plus. La douleur de son frère ... il l'a ressenti bien plus qu'il ne l'aurait souhaité.

Sa mère finit par craquer, venant s'asseoir juste à côté de lui.
Elle pose sa main sur son bras, interceptant son geste.
-« Ca n'peut pas durer Tom. Il faut que tu fasses quelque chose. »
Tout ce qu'elle récolte, ce sont des yeux larmoyants. Mais le dreadé ne dit, ni ne fait rien de plus.
-« S'il te plait. Tu me l'as dit ... C'est à toi de t'excuser ... alors fais-le. » déclare-t-elle franchement.
Tom esquisse une grimace d'embarras et d'agacement à la fois.
-« J'peux pas M'man. J'te l'ai d'jà dit aussi. »
Il pose à nouveau ses mains sur son visage, massant sa peau, et appuyant sur ses yeux douloureux.

Elle le regarde, sans comprendre. Pourquoi ne veut-il pas voir la vérité en face ? Il doit s'excuser. Il n'a pas d'autre choix. Elle soupire, au même instant que son fils, ce qui la fait sourire faiblement.
-« Fais ce que tu veux. Mais tu sais bien qu'il faudra y passer un jour ... puis franchement, des excuses, c'est rien Tom. Range un peu ta fierté. » dit-elle en se levant, après une dernière caresse sur le bras de son fils.

Putain, si elle savait. Ca m'met en rage ça. C'est MA faute. Okay, ça va j'le sais. Mais maintenant ... nan, elle a pas l'droit de dire que c'est moi qui fait mal les choses ! J'essaye juste ... juste de le protéger ! Juste de pas tout gâcher, encore plus qu'avant ! J'peux pas ... j'peux pas lui avouer que son frère l'aime trop, qu'il a envie de lui ... j'peux pas lui dire ça quand même !

Tom ravale difficilement ses larmes, regardant fixement devant lui. Trop de choses c'étaient passées. Il est trop connu. Il ne peut pas se permettre de faire ce genre de révélations à son frère. S'ils avaient du temps devant eux ... mais ce n'est pas le cas. Il ne peut pas. Il a raison.

Après un petit déjeuner éclair, peu motivé côté nourriture, le dreadé remonte à sa chambre, s'étale sur son lit, comme à son habitude, et réfléchit. Encore. Oui, il doit faire quelque chose ... mais quoi ?

Un soupir traverse la pièce. La maison lui semble bien silencieuse. Gordon répète avec son groupe, chez un des membres, sa mère lui a dit qu'elle partait faire des courses. Ce qui signifie qu'il est seul avec son frère. Son corps est parcouru d'un frisson à cette idée. Il revoit Bill, encore et encore. Ses lèvres bien formées, son nez droit, ses yeux ... si profonds ... Tom sent son ventre se tordre à cette énumération de perfection.

La culpabilité l'oppresse affreusement. Il se demande comment va son frère aujourd'hui. Il ne l'a pratiquement pas vu depuis leur dispute. Bill a bien pris soin de l'éviter scrupuleusement. Il se redresse sous l'action du remord et sort de sa chambre. Il se rapproche juste de la porte de celle de son frère. Il hésite quelques secondes avant de coller son oreille au bout de bois, inquiet. Pleurs. Les larmes lui montent aux yeux.

Cette discussion a rappelé à Bill de nombreux souvenirs. Horribles. Dégradants. Combien de fois a-t-il pu faire sa propre analyse ? Il a beau être borné sur ses idées, il a toujours été du genre à tout remettre en question dans sa tête. Dans ses pensées seulement, oui. N'en parler à personne, mais philosopher sur le monde. Ca nous arrive à tous de penser à la planète et de nous sentir tous petits. Eh bien, Bill ne fait pas exception à la règle.

Des souvenirs. Il aurait tellement aimé que Tom soit resté le gentil frère aimant et protecteur. Il l'a été. Longtemps même. Bill aimait le faire enrager quand ils étaient plus petits. Ils étaient si soudés ... presque fusionnels. Pourquoi tout a changé ? D'après Tom, la réponse est simple : « je n'ai pas fait exprès, désolé. »
Et le chanteur enroulé dans la couette de son lit ne comprend toujours pas le sens de ces mots. Ils lui ont fait beaucoup de mal. En lui-même, Bill savait qu'aucune raison au monde ne pouvait soigner le mal que Tom lui avait fait. Mais, il aurait tellement aimé qu'il y en ait une ! Jamais il n'aurait pensé entendre son frère se justifier de cette manière. Ca n'a carrément pas d'intérêt. Et encore moins de logique.

Un énième sanglot sort de sa bouche. Il enfoui son visage dans la couverture, essuyant brièvement des larmes qui seront forcément remplacées par d'autres. Il ne cesse de penser au trouble de personnalité que ce rabaissement continuel a pu engendrer dans sa pensée. Bill n'est jamais parvenu à se considérer comme un homme à part entière. Pourtant, tous passent par là. Mais lui, se trouve encore bloqué au stade de l'adolescent qui passe à la puberté. Et c'est sa faute. La faute de Tom. Il le sait. Combien de fois il a essayé de se convaincre qu'il avait tort ... que son frère n'y était pour rien et qu'il n'avait pas à la considérer comme responsable. Pourtant, maintenant, il en est persuadé. Et c'est d'autant plus douloureux.

Bill n'est en vérité, pas plus féminin qu'un autre. Sa féminité il la doit à Tom. C'est lui qui a détruit sa virilité en le traitant de tous les noms, lui faisant constamment remarquer que « le maquillage c'est pour les filles », ou encore qu'il ne « devrait pas porter des trucs si moulants, parce qu'on allait s'apercevoir qu'il les achetaient dans les rayons femmes ». Et il le sait. Ca fait trois jours qu'il se morfond, se déchire en deux pour savoir comment il va remonter la pente. Parce qu'à cet instant, il ne sait même pas comment il va se lever de son lit.

Devant sa porte, Tom hésite. Il voudrait entrer, serrer son frère dans ses bras ... mais il va se faire jeter, c'est certain. A moins qu'il ne s'excuse. Avec de vraies raisons. Or les seules vraies raisons qu'il possède sont certainement loin de plaire à Bill.

Il inspire une grande bouffée, la peur étouffant son cœur. Sa main vient se poser doucement contre le battant, et il toque un faible coup. Le silence le plus total lui répond, comme un mauvais présage. Quelques secondes passent, sans que Tom n'ose respirer. Finalement, son envie prime sur le reste, et il abaisse lentement la poignée, éclairant la pièce au fur et à mesure de son avancement.

Bill se crispe dans sa couverture. Il ne veut voir personne. Pas même sa mère. Et pourtant, elle est déjà venue à maintes reprises, s'assurer qu'il mangeait au moins. Il finit par jeter un œil vers l'intrus qui pénètre sa chambre et grogne en apercevant la forme, pour le moins reconnaissable, des vêtements de son frère, à contre-jour.

Tom referme doucement la porte derrière lui, se plongeant dans l'obscurité de la pièce. Le cœur battant à tout rompre, il marche droit devant lui, tentant de se rappeler avec minutie de cette chambre dans laquelle il a passé certaines nuits, il y a longtemps. Mais avant même qu'il n'ait atteint le bord du lit, une réflexion, prononcée avec haine lui coupe le souffle.

-« Va t'en. Nous n'avons plus rien à nous dire. Plus jamais ... »
Le brun se recroqueville sur lui-même, lâchant un sanglot malencontreux. La vie va être infernale, et Bill le sait. Il se demande même comment il va faire pour continuer à paraître avec son frère sur des couvertures de magasines. Il ne supporte pas d'être dans la même pièce que lui.

Une fois la douleur du reproche passée, Tom parcoure les derniers centimètres qui le séparent du lit. Il y pose brièvement sa main, et s'assoit doucement dessus. Les battements de son cœur remonte le long de ses tempes, créant un vacarme insupportable dans sa tête. Il ne sait pas ce qu'il va faire, ni dire. Il n'a rien à faire ici en fait. C'est juste qu'il n'arrivait pas à se faire à l'idée que Bill était entrain de pleurer par sa faute, sans qu'il ne le console.

Il tâte vaguement autour de lui, et change sa position, s'agenouillant, assis sur ses pieds. Sa main glisse sur la couverture et il finit par déterminer la forme de son frère à travers elle.
-« Ne me touche pas ... » gémit le brun, conscient de son état pitoyable.
S'il ne voulait voir personne, c'est bien qu'il y avait une raison. Dans d'autres circonstances, Tom aurait été le seul autorisé à venir le voir, et le consoler. Oui, s'il n'avait pas été la cause de ses pleurs par exemple.

Le dreadé ne retire pas sa main, au contraire, il remonte progressivement sa piste, glissant bientôt dans ses cheveux emmêlés. Se rapprochant doucement, il découvre un peu son frère.
-« Bill ... » murmure-t-il, près de lui, la voix tremblante.
Le brun ne répond pas, préférant tenter de se recouvrir, mais Tom l'en empêche.
-« Je t'en prie ... dis moi ce que je peux faire pour que tu ... tu me pardonnes ? » déclame le blond, désespéré.
Un sanglot profond lui répondit.

-« Tu n'peux pas ! Putain Tom tu n'peux pas ! Tu n'te rends même pas compte que t'as gâché ma vie ! » pleurnicha Bill.
Le regard de Tom s'agrandit. Il ne comprend pas le sens de sa phrase. Il ne peut pas avoir détruit la vie de son frère, seulement par des vannes douteuses et des reproches douloureux ... si ? Mais comment ?!
-« Quoi ... ? » murmure le dreadeux, les larmes aux yeux.

Ses mains empoignent avec plus de force la pauvre couverture innocente. Le chanteur laisse échapper un sanglot, bientôt suivi de plusieurs autres. Ca fait des jours qu'il pleure, mais là, il doit se libérer. Il veut faire comprendre à son frère l'état dans lequel lui seul, l'a mis. Il veut qu'il en souffre, tout comme Bill en souffre à cet instant.
-« Tout est ta faute ... je te déteste ... je-je n'sais même pas qui je suis à cause de toi ! »
Tom écarquille un peu plus les yeux, les gouttes salées, dévalant ses joues rondes. Mu par un remord grandissant, il glisse ses mains à l'intérieur de la couverture enroulée et attrape les flancs de son frère.
-« Lâche moi ! Casse-toi ! Je te hais ! Je te hais j'te dis ! » hurle littéralement Bill, cassant légèrement sa jolie voix.

Mais le dreadé ne le lâche pas, il tire doucement son petit frère, et le serre tendrement contre son cœur, laissant les larmes couler, emportant sa peine qui ne cesse de grandir. Il ne comprend toujours pas le trouble que sa moitié peut ressentir à cet instant, mais la douleur, la peine, il les sent comme s'il les éprouvait lui-même. Peut-être que c'est vrai après tout. A-t-il assez souffert ? Sans aucun doute.

-« Je suis désolé ... je suis désolé ... ne me déteste pas ... je suis désolé ... ne me rejette pas, je t'en prie ... je t'aime ... » gémit Tom à son oreille, alors que les bras de son frère se referment autour de son corps.
Leurs pleurs se mélangent et leurs voix également. Le temps passe et leur étreinte ne finit pas. Comme toujours finalement. C'est là qu'est leur place. Non pas auprès de leur frère, mais collé à lui. Toujours.
-« Explique moi ... s'il te plait ... dis moi ... dis moi qu'il y avait une raison ... dis la moi pour de vrai ! Je ... je n'pourrais pas ... aller de l'avant sans la connaître ... dis moi ! »
Le désespoir le plus poignant réside dans cette phrase. Phrase qui sonne comme une sentence pour Tom. La fin d'un secret trop lourd, avec des conséquences désastreuses.

La conscience entière de Tom se soulève à cet instant. Espérant empêcher l'inévitable. Mais le soulagement qui l'attend à la fin, devient une véritable envolée vers le paradis. Certes, il ne devrait pas lui dire. Par fraternité, ou même seulement par principe. Mais, s'imaginer que la pression, le stress n'existeront plus après ça ... c'est trop beau pour être vrai n'est-ce pas ?

Puis vient une phase tout aussi difficile ... comment lui dire ? Chose à laquelle Tom a réfléchi des centaines de fois, se repassant cette si jolie scène dans sa tête inlassablement. Mais là, sur le moment, tout s'efface, il ne se souvient d'aucune des phrases qu'il s'était préparées. Peut-être vaut-il mieux être spontané dans un cas tel que celui-ci. Une énième larme se fraye un chemin sur sa joue. Sa main glisse d'elle-même sur celle de son frère. Un geste de tendresse peu commun entre eux, mais qu'importe, c'est peut-être le dernier qu'il sera autorisé à lui faire.

Il sait que Bill attend, impatiemment. Il doit le faire, il doit le dire. Il va le perdre. Qu'il lui dise ou pas. La seule différence, c'est que Bill ne sera plus frustré d'attendre sa réponse, et lui sera libéré du plus lourd secret de sa vie. Le choix est vite fait. Paniquant légèrement sur la seconde, il déclare avec sincérité, la seule chose à laquelle il pense.

-« Je t'aime. »

Ces trois mots résonnent dans l'esprit de Tom. Ils étaient prononcés avec tout l'amour du monde, mais il est quasiment sûr que Bill n'en a pas saisi le sens. D'ailleurs, tout ce qu'il trouve à y répondre ...
-« Tom ... s'il te plait ... »
Le cœur du guitariste se serre et il respire doucement, tentant de calmer son rythme cardiaque. Son souffle se fait irrégulier, provoquant de petits sanglots saccadés qui ne disent rien qui vaillent à son frère. Pourtant, Bill n'en est nullement attristé. Qu'il souffre. C'est ce qu'il voulait dès le départ.
-« Mais ... c'est ça ! »
Le silence lui répond, signe de l'incompréhension du brun.
-« Tu ... tu n'comprends pas ... tu n'peux même pas comprendre que j'suis con ... qui pourrait ? »
Un rire jaune se mélange à ses sanglots.
-« Personne ... personne ne pourrait comprendre. Je suis un monstre !, prononcée sur un ton joyeux complètement ironique, le dreadeux continue dans sa lancée, ... je t'ai dis je t'aime Bill ... je t'aime trop ! Je n'suis qu'un putain de frère incestueux tu comprends maintenant ?! »

Le silence l'accompagne à nouveau, significatif de l'horreur de la découverte cette fois-ci.
Du moins, c'est ce que Tom s'imagine. Son cœur manque plusieurs battements avant de repartir à une vitesse défiant toute loi de la physique. Il entend le souffle de son frère se faire court et fort. Il a peur. Peur d'avoir compris quelque chose de trop important.

-« Je suis amoureux d'toi. »

Le blond se détache de Bill rapidement, il manque de tomber à plusieurs reprises en quittant la chambre en courant quasiment. Le brun ne cherche pas à l'intercepter.

Ce qu'il vient d'entendre lui fait décidément trop peur .

 

FIN DU CHAPITRE 12

 

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