Chapitre 3



Allemagne

"Qu'est-ce qui se passe ?" demanda David, s'approchant des deux garçons emmêlés au sol. "Tom ?"

Bill eut un mouvement de recul alors que David parlait ; même avec un épais accent allemand, sa voix donnait à Bill envie de vomir. "Eloigne-le de moi," dit Bill, se levant rapidement et contournant la petite table.

"Tom," dit David d'une voix neutre. "Il est bourré ? Tu sais bien qu'on a une interview ce matin."

Tom n'esquissa pas un geste pour se relever, restant assis au sol, frustré, confus, et surtout mort de peur. "Il y a un truc qui va pas avec Bill," dit Tom, le sang lui battant aux oreilles. Il ne savait pas quoi faire ni comment s'occuper de Bill. Il savait qu'ils devraient l'emmener à l'hôpital, il savait qu'il devrait prendre Bill dans ses bras, le réconforter, mais il n'arrivait pas à bouger.

Il regarda Bill de haut en bas, pâle et tremblant derrière la table.

"Tomi," dit Bill, transperçant David du regard. "Tu avais dit que tu ne le laisserais jamais..." Bill secoua la tête et s'éloigna encore plus de David. Il avait l'impression d'être retombé dans un vieux cauchemar ; rien de tout ça ne pouvait réellement être en train d'arriver. Le garçon au sol n'était pas son frère et il était strictement impossible que David l'ait retrouvé. Ils s'étaient enfuis, ils s'étaient échappés !

Il sentit de nouveau les larmes lui piquer les yeux, mais il refusait de pleurer devant cet homme. Il s'était promis qu'il ne verserait jamais plus une larme pour lui. La rage envahit son ventre, traversant sa confusion.

"Bill," dit David, la voix désormais plus douce. "Qu'est-ce qui se passe ? T'as pris quelque chose que quelqu'un t'avait donné ?" Il s'approcha d'un pas et Bill abattit son poing sur la table.

"Si tu me touches, je te tue," dit Bill. "Je jure que je..."

Les mots de Bill éveillèrent Tom de la stupeur dans laquelle sa panique l'avait fait tombé. Il se leva, se plaçant entre son frère et leur manager confus. "David, il faut qu'on l'emmène voir un médecin."

"Il faut que tu me dises ce qui se passe," dit David. Il restait remarquablement calme, et Tom réalisa assez rapidement que David pensait encore que Bill était bourré ou sous l'influence de la drogue. "Qu'est-ce qu'il a pris ?" demanda David. "Il n'y aura pas de problème si tu me le dis." Il adressa ces paroles à Tom, mais ses yeux restaient posés sur Bill.

"Il a disparu avec Andreas cette nuit, après qu'on soit tous sortis," dit Tom.

"Ne mens pas," chuchota Bill de l'autre bout de la pièce, ses mots brûlant Tom. "Je ne suis allé nulle part, putain je ne sais même pas où je suis !" La colère saisissait Bill, c'était une émotion tellement plus facile à contrôler que la peur.

"Il a besoin d'un médecin," dit Tom.

"Je n'irai nulle part avec toi," claqua hargneusement Bill. "Je veux Tomi."

David jeta un regard à Tom et Tom ne put que hausser les épaules. "Il ne croit pas que je suis... moi."

"Je vais avoir une petite discussion avec Andreas," dit David. "Si jamais il..."

"Je ne pense pas que ce soit ça," dit Tom. "Je crois que c'est quelque chose d'autre. Je crois qu'il ne se souvient de rien." Tom se tourna vers Bill. "Bill, on va t'emmener chez le médecin."

"Non," dit Bill. "Non. Je peux pas." Il n'était pas allé chez le médecin depuis des lustres et il ne voulait pas y retourner. L'odeur propre et aseptisée, la blancheur dépouillée, les visages indéchiffrables des médecins...

Il ne voulait plus jamais y retourner. Y retourner ferait remonter en lui des souvenirs qui n'étaient qu'à peine enfouis.

David s'approcha d'un nouveau pas et Bill eut envie de hurler. Ces souvenirs revenaient à la surface, qu'il le veuille ou non. Il avait envie de vomir, de cogner, et de s'agripper à Tom. Même ce Tom ferait l'affaire, ce Tom qui sentait tellement comme son frère mais qui ne l'était pas.

"Arrête," Tom prévint David. "Il croit... que tu es quelqu'un d'autre, okay ?"

"Qui d'autre je pourrais être ?" demanda David. "Bill, tu me connais, je te ferais jamais de mal."

Bill ne répondit pas, il baissa simplement la tête pour s'empêcher de sangloter ou de crier. Les mots de David tournaient dans sa tête d'une façon qui lui plombait l'estomac, d'un poids lourd et froid.

"David, appelle un médecin," dit Tom.

"Non !" hurla Bill, retrouvant sa voix. "Je n'irai pas avec lui !"

"Il va s'en aller," dit Tom, se rapprochant de Bill. Bill ne s'éloigna pas de Tom, qui s'approcha donc autant qu'il le pouvait, posant un bras mal assuré autour de Bill. Bill recommença à trembler, et s'appuya lourdement contre Tom. "S'il s'en va, je peux t'emmener chez le médecin ?"

"Est-ce que j'ai mon mot à dire ?" demanda David. Les deux garçons lui jetèrent un regard mauvais et il leva les mains. "Très bien, je pars s'il y va."

Tom serra l'épaule de Bill. "Bill ?"

Bill leva la tête, regardant Tom droit dans les yeux et dit, très doucement, "D'accord. Si c'est toi qui m'emmènes." Peut-être que cette personne n'était pas son frère, mais c'était tout ce qu'il avait, et il s'accrocha très fort à Tom, se tournant pour poser la tête contre son torse. Il se sentait soudainement si fatigué qu'il tenait à peine sur ses jambes. "Qu'est-ce qui m'arrive ?" chuchota Bill. "Qu'est-ce qui se passe ?"

Tom le serra fort contre lui, plus autant effrayé par cette proximité qu'avant, et regarda David sortir du bus. "Je ne sais pas, Bill. Juste, tiens le coup, d'accord ?"

Les chaudes larmes de Bill se répandirent sur la gorge et le torse de Tom, brûlantes.

**

Minneapolis

"Je pense que ça ne peut être qu'une rechute," dit gentiment le médecin. Il regardait de Bill à Tom, notant l'inhabituelle distance entre les deux frères d'habitude si proches. Tom était assis sur une inconfortable chaise en plastique près de la porte, appuyé sur le dossier, son corps voulant se pencher en avant pour couvrir Bill.

Bill secoua violemment la tête à l'intention du médecin, assis inconfortablement sur le lit d'hôpital, s'inquiétant du bracelet d'identification qui entourait son poignet. "Une séquelle de quoi ?"

"Bill, tu es déjà venu ici pour des crises de ce genre par le passé," dit le médecin. "Est-ce que tu t'en rappelles ?"

"Dr. Nelson, il ne se souvient de rien," dit Tom. "Enfin si, mais tout est confus. Je ne pense pas que vous compreniez vraiment, cette fois c'est différent."

"Je ne sais pas où je suis," dit Bill, se passant une main sur le visage. Des larmes dévalèrent ses joues et il fixa ses mains, il n'avait pas réalisé qu'il pleurait. "J'ai tous ces autres souvenirs."

"Ils ne sont pas réels," dit Tom.

"C'est tout ça qui n'est pas réel," contra Bill. "Rien de tout cela n'est réel."

"Et il n'a subi aucun stress récemment ?" demanda le Dr. Nelson.

Bill souffla de là où il était assis. "Pourquoi est-ce que c'est à lui que vous le demandez ? C'est de moi qu'il s'agit."

"Mais tu ne te souviens pas," dit Tom. "S'il te plaît, Bill, laisse-moi simplement t'aider." Bill soupira et baissa les yeux vers le sol. "Les choses allaient bien ces derniers temps," expliqua Tom au médecin. "Il y a bien le stress, vous savez, lié aux finances, mais Bill vient juste d'obtenir une bourse d'étude pour son école. On a fêté ça hier soir."

"Je vois," dit le Dr. Nelson. Il se gratta la barbe, miteuse et blanche, et baissa les yeux sur son dossier. Bill était venu le voir trois fois durant l'année qui venait de s'écouler, et après les scans de base et l'analyse en laboratoire, ils avaient réalisé que les problèmes de Bill n'étaient pas tant physiques que psychologiques.

Mais voilà qu'ils étaient de nouveau tous là, et cette fois-ci les problèmes avaient l'air bien plus sérieux.

"Donne-moi tes mains, Bill," dit le Dr. Nelson. "On va faire quelques petits tests neurologiques rapides, tenter d'éviter de faire des scanners en 3D dont le coût est élevé étant donné que je sais que vous n'avez pas d'assurance."

Bill déglutit. "Ca pourrait être une sorte de tumeur ou un truc du genre ?"

"On t'a fait des tests pour ça l'année dernière," dit le Dr. Nelson. Bill étendit les mains et le médecin les saisit. "Mais les tumeurs peuvent se développer très vite. Maintenant, serre mes mains aussi fort que tu le peux."

Bill haussa un sourcil mais s'exécuta.

"Bien, bien. Les bras à l'horizontale, mains étendues paumes vers le bas, s'il te plaît." Bill obéit. "Maintenant, je vais appuyer vers le bas, résiste autant que tu le peux." Il poussa les bras de Bill vers le bas, testant la résistance, et bien que Bill soit une petite chose fluette, il était fort. "Très bien. Tu vas peut-être te souvenir du prochain..."

"Dites voir," dit Bill.

"Ferme les yeux et touche ton nez."

Bill grimaça, mais s'exécuta, réussissant facilement le test. Tom le regardait, son cœur se serrant à l'expression du visage de Bill. Elle était tellement familière, c'était son Bill. Mais qu'est-ce qui pouvait bien lui arriver ?

"Okay, maintenant on va tester ta mémoire à court terme," dit le Dr. Nelson. "Ca va peut-être prendre un peu de temps, Tom. Si tu veux tu peux sortir et aller te chercher quelque chose à manger ou à boire, ou te dégourdir les jambes ?"

Tom vit une minuscule trace de panique traverser le visage de Bill à la suggestion du médecin. Son cœur se serra et il rapprocha un peu sa chaise. "Je pense que je vais rester."

Le médecin hocha la tête. "Maintenant Bill, je veux que tu comptes à l'envers depuis 100, mais de 7 en 7. Donc, 100, 93... Et ainsi de suite."

Bill tordit son visage. "J'en suis incapable en temps normal," dit-il.

**

Allemagne

"Ton scanner est tout à fait normal," dit le médecin, souriant un peu tandis qu'elle s'asseyait à côté de Bill. Bill s'agrippait fermement au bras de Tom, ne se préoccupant plus de qui était vraiment cet étranger familier, sachant simplement que sa chaleur et son odeur étaient apaisantes.

Et Bill avait besoin de rester calme alors qu'il s'asseyait dans la petite pièce aux murs blancs et vides. Il décida que le médecin était une minimaliste, étant donné qu'il n'y avait absolument rien d'autre sur ses murs que quelques diplômes et un diagramme de grossesse.

"Et les tests neurologiques que nous avons faits plus tôt sont tous bons," continua-t-elle.

"C'est tout bon, pas vrai ?" demanda Tom, se basculant d'un pied sur l'autre à côté de Bill. Bill lui tirait dessus, voulant qu'il s'assoie à côté de lui sur le petit lit, mais Tom était trop nerveux, trop anxieux pour s'asseoir.

"Tout cela est très encourageant," dit-elle. "Je vais donc en revenir à ma première idée ; le stress. Le stress peut avoir d'incroyables conséquences sur le cerveau et sur le corps, causant même parfois des pertes de mémoire comme c'est le cas ici. On ne peut pas exclure qu'il ait eu une attaque ou quelque chose du même genre, mais je pense que ça reste hautement improbable."

"Mais il n'a pas qu'une perte de mémoire," dit rapidement Tom. "Il y a tous ces nouveaux souvenirs. De mauvais souvenirs."

"Bill," dit le médecin, accrochant son regard troublé. "Tu n'étais pas conscient de grand-chose quand tu es arrivé ici. Tu ne savais pas où tu étais, bien que tes souvenirs à court terme aient l'air normaux. Est-ce que tu crois que ces souvenirs, ces mauvais souvenirs, sont réels ? Ou est-ce que tu es simplement confus ? Est-ce que tu te sens toujours confus ?"

Tom regarda la mâchoire de Bill aborder la réponse ; on aurait dit qu'il broyait ses pensées entre ses dents.

"Je... J'étais juste confus," dit Bill. "Je suis sorti si tard la nuit dernière et um... J'ai fait des cauchemars. Ils avaient l'air tellement vrais." Le médecin sembla s'éclairer un peu à cette réponse et Bill se détesta d'avoir menti. Son corps tout entier était recouvert d'une sueur froide, sa main se cramponnait à l'endroit où il s'accrochait au t-shirt de Tom. Il était confus, bien sûr, mais pas à cause de ses souvenirs. C'était des souvenirs réels et il n'y avait rien qui clochait chez lui. Il n'avait pas de tumeur et n'avait pas eu d'attaque... c'est juste qu'il ne faisait pas partie de ce monde.

Ils réaliseraient rapidement qu'il n'avait pas de problèmes physiques et l'enverraient alors vers les psychologues. Bill haïssait les psychologues. Ils allaient lui donner des médicaments et il deviendrait alors morne, pâle et indifférent.

Il ne pouvait pas laisser cela se reproduire et il savait que l'homme qui était debout à côté de lui, celui qui ressemblait tellement à son frère, ne l'empêcherait pas de devenir quelqu'un qu'il détestait être. Son Tomi l'avait sauvé, il le connaissait si bien. Ce n'était pas le cas de cette personne.

Il se mordit la lèvre. "On a été tellement occupés et stressés," mentit-il. "Et j'ai beaucoup bu ces derniers temps."

"Non t'as pas beaucoup bu," dit Tom, le ton tranchant. Il se tourna vers le médecin. "Il n'a pas beaucoup bu."

Bill secoua la tête, lâchant enfin le t-shirt de Tom et se tordant les mains. Pour Tom ce fut comme si Bill le rejetait. "Tu ne sais pas ce que j'ai fait," mentit Bill.

"Et bien," dit le médecin, appuyant confortablement son dos au dossier de sa chaise. "On va devoir te garder pour la nuit, pour s'assurer que tu ne fais pas une rechute et te garder en observation. Si c'était une attaque ou quelque chose du genre, tu devras revenir. Autrement, on devrait être capable de pouvoir te donner quelque chose contre l'anxiété."

"Et alors je pourrai partir ?" demanda Bill.

Le médecin hocha la tête. "Je pense qu'une nuit suffira. Même si nous voulons que tu te reposes énormément." Elle fit un clin d'œil à Bill. "Vous avez une nouvelle tournée qui va venir dans quelques mois, n'est-ce pas ?"

"Um... ouais," dit Bill. Il avait entendu le mot "tournée" répété constamment autour de lui depuis qu'il était arrivé à l'hôpital, et au début il s'était posé des questions là-dessus, mais maintenant il se contentait de hocher la tête, faisant comme s'il savait de quoi il s'agissait. Il était évident qu'il était en train de faire une sorte de tournée avec son "frère" et cela expliquait d'ailleurs le truc du bus.

"Bien, il va falloir qu'on te requinque au mieux de ta forme, autrement ma fille m'en parlera jusqu'à la fin de mes jours," dit-elle. "Elle est carrément fan."

"Oh, c'est... sympa," dit Bill.

Tom lui envoya un regard étrange et soupira. Il pouvait dire qu'il y avait toujours un truc avec Bill, peu importe à quel point il tente de refouler le truc. Mais pourquoi Bill mentirait-il ? Pourquoi refuserait-il de l'aide ?

"Je ne sais pas si..." Le médecin rougit et sortit un petit morceau de papier et un stylo. "Tu pourrais lui signer quelque chose ? Tu es son préféré."

"Je ne suis pas sûr que ce soit approprié," dit Tom.

Bill repoussa la remarque de Tom et saisit le stylo et le papier offerts. "Tu es juste jaloux parce que tu n'es pas son préféré," dit Bill, essayant de sourire.

Le commentaire fit relâcher la surveillance de Tom, parce que pour la première fois ce jour-là, Bill avait l'air d'être son frère. Il rit doucement et laissa Bill faire.

"Elle s'appelle Sarah, avec un H," dit le médecin.

Bill fit un sourire éclatant à la femme et griffonna un petit mot. Pour Sarah, merci d'être fan ! Bill Kaulitz

Il rendit le papier et le médecin sourit. "Merci."

"Non, merci à vous," dit-il.

Pendant un instant Tom eut l'impression que tout allait bien se passer, mais lorsque le papier passa entre eux, il aperçut la signature de son frère et son estomac se souleva.

**

Minneapolis

Tom assit Bill en face d'un bol de soupe et d'un petit sandwich au fromage. Ce n'était pas grand-chose, mais Tom savait ce que Bill aimait manger, même s'il savait que Bill n'était pas exactement présent.

Bill se recroquevilla devant son repas, piquant dans la nourriture sans regarder Tom. Bill avait été étrangement silencieux depuis qu'ils avaient quitté l'hôpital, et si Tom n'avait pas moins bien connu son frère, il aurait presque pu croire qu'en fait celui-ci voulait y rester .

Mais Tom savait que Bill détestait les hôpitaux encore plus qu'il ne détestait les longues heures de travail de Tom.

"Est-ce que ça va ?" demanda Tom, prenant une bouchée de son propre sandwich. Tom n'aimait pas le fromage américain, son sandwich était donc à la dinde et à l'emmental fondu. "Bill ?"

Bill leva les yeux. "Bien sûr que non."

"Si tu penses... si tu veux retourner à l'hôpital, dis-le-moi," dit Tom. "On peut parler au Dr. Nelson. Cette fois c'est différent, et ce n'est pas parce que ton scanner était normal que ça veut dire que tu vas bien." Tom serra les poings, voulant, ayant besoin de se pencher en avant et de prendre Bill dans ses bras.

"Il a dit qu'il fallait juste que tu me surveilles," dit Bill.

Tom hocha la tête, se faisant violence. Il se sentait coupable de ne pas avoir insisté pour que Bill passe la nuit à l'hôpital, mais le docteur était déterminé, et Tom savait qu'ils ne pouvaient pas se le permettre. Ils pouvaient à peine se permettre la visite médicale, sans même parler du scanner. Mais si Bill avait un problème sérieux, Tom se fichait du prix que ça pouvait bien coûter.

"Je vais l'appeler," dit Tom, se levant. Il repoussa sa chaise mais la main de Bill attrapa la sienne et serra.

"Non, je suis fatigué," dit Bill. "Je suis fatigué et..." Bill se prit la tête dans les mains et renifla, éclatant soudainement en sanglots, serrant plus fort la main de Tom alors qu'il pleurait. Tom se jeta à genoux et entoura Bill de ses bras, le serrant, le prenant sur son genou.

Bill ne put pas résister. Comment aurait-il pu ? Tom était la seule chose familière dans sa vie maintenant.

"S'il te plaît, n'aie pas peur de moi, je suis Tom," dit Tom dans les cheveux de Bill. "S'il te plaît. Je suis ton Tom. Je ne vais pas... Je veux juste..."

Bill gémit et serra Tom plus fort. "Okay. Okay. Juste, aide-moi."

"Je vais t'aider," promit Tom. "Je vais prendre soin de toi et tu te rappelleras. On va te faire aller mieux."

Bill continua à pleurer, continua à s'accrocher désespérément à Tom, mais maintenant il se sentait entouré et en sécurité, et il ne savait pas pourquoi.

Plus tard, Bill s'assit sur le lit alors que Tom s'agenouillait et sortait une énorme chemise à rabats de sous le lit, la tirant sur le parquet jusqu'à ce qu'elle soit aux pieds de Bill.

"Tu vas à une école d'art en ville," dit Tom, passant sa main sur la chemise. C'était un portfolio, en fait, mais Tom ne l'ouvrit pas. "Tu peints, Bill." Il désigna les murs, où certains travaux de Bill étaient accrochés. "Tu ne t'en souviens pas du tout ?"

Il toucha le genou de Bill, se détestant lorsque Bill tressaillit. Il allait falloir qu'il aille plus lentement, beaucoup plus lentement.

"Tu te souviens de celui-ci ?" Tom pointa un grand portrait suspendu au mur. C'était un autoportrait que Bill avait fait quelques mois plus tôt. Il était fait à l'acrylique, plein de tâches et de couleurs brillantes.

Bill le fixa et secoua la tête. "Je suis incapable de dessiner. Tu... um... tu as toujours été le plus artiste de nous deux."

Tom rit à cette remarque. "Je serais incapable de dessiner même si ma vie était en jeu. Tu as toujours eu un don pour le dessin, depuis qu'on était petits déjà. Et tu essayais toujours de me dessiner mais je ne restais jamais immobile assez longtemps." Il sourit à Bill, essayant de lui faire se rappeler un bon souvenir, mais Bill fronçait les sourcils. Il reniflait de nouveau.

"Je ne m'en souviens pas," dit-il. Il releva les yeux vers la peinture. "Je suis dans un groupe, je chante. Et... j'ai une mère. Nous avons une mère. Et tu as des dreadlocks."

"Non." Tom attrapa le pied de Bill qui s'était mis à trembler lorsqu'il s'était mis à parler. "Nous n'avons pas de famille. Je suis ta famille."

Bill dégagea son pied et détourna la tête. "Je ne veux pas en parler maintenant.”

"Mais je croyais que--"

"Non," dit Bill. "Non."

"Mais..." Tom soupira bruyamment. "Okay. Très bien." Il saisit le portfolio et était sur le point de le remettre sous le lit quand le pied de Bill l'arrêta.

"Je veux voir le reste," dit Bill.

Tom ne posa pas de questions, il ouvrit simplement le large portfolio et commença à en sortir les dessins. Certains étaient des peintures et d'autres étaient des esquisses. Bill n'avait pas vraiment le coup d'œil en ce qui concernait le dessin, mais il savait que c'était de bonnes pièces.

"C'est moi qui ai fait ça ?" demanda Bill. Il glissa du lit et s'agenouilla au sol près de Tom. Il saisit l'un des nombreux croquis de Tom et l'éleva devant ses yeux. C'était Tom nu, reposant sur un lit, et Bill rougit et le lâcha.

"Oui," répondit Tom. "Tous."

"Je suis bon," dit-il doucement. Il leva les yeux, et repéra derrière Tom une guitare appuyée contre le mur. "Elle est à toi ?"

Tom se pencha un peu en arrière et saisit la guitare, l'amenant sur ses genoux. "Oui, je joue."

"Est-ce que je chante ?" demanda Bill.

Tom sourit tristement, grattant quelques cordes. "Parfois, mais il faut que je te supplie."

"Tu ne supplies jamais," dit Bill, en murmurant à peine.

Tom pinça une autre corde. "Parfois si..." Bill rougit de nouveau et les doigts de Tom commencèrent à jouer, sans réfléchir. Tom ne chanta pas ni ne dit un mot, mais Bill reconnut immédiatement la mélodie.

"Tom..." La mâchoire de Bill se décrocha et il arrêta de jouer.

"Est-ce que ça va ?"

"Continue à jouer," dit Bill. "Continue à jouer."

Tom continua, il joua jusqu'à ce que des larmes recoulent sur le visage de Bill et quand il essaya d'arrêter, Bill secoua simplement furieusement la tête et s'entoura de ses propres bras.

**

Allemange

Bill était à moitié endormi quand la porte s'ouvrit. Il n'ouvrit même pas les yeux pour voir qui c'était, mais quelque chose se serra dans sa poitrine.

"Maman ?" entendit-il Tom dire et tout le flou qu'il y avait dans la tête de Bill s'éclaircit. Il s'assit, les cheveux de sa nuque se hérissant alors qu'il frissonnait.

Une petite femme blonde se tenait sur le pas de la porte, les larmes aux yeux. "Bill !" dit-elle, fonçant en avant et enveloppant Bill dans l'une des étreintes les plus sécurisantes et les plus satisfaisantes qu'il ait jamais connue.

Tout d'abord il trembla, puis il pleura, et enfin, enfin, il leva le regard vers ses yeux, qui étaient si semblables aux siens, et il dit, "Maman ?"

FIN CHAPITRE 3

 

 

 

 

 

 

NAVHAUT
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