chapitre 18


- C'est fini entre nous, son visage qui se tord en une grimace effrayante, des cris, en écho dans ma tête, qui font vibrer mon corps, et je me réveille, haletant, patelant, en sueur.
Notre bon vieux Freud, ou autre fervent partisan de l'interprétation des rêves aurait pris ça comme un message de mon subconscient, mon ancien psy m'aurait expliqué que je fais resortir mes peurs dans mes cauchemars, que ci, que ça...
Oui, j'ai peur que Bill me lâche, que tout ça soit qu'un joli rêve enrubanné dans du papier cadeau, que nos baisers, nos caresses, notre amour ne soient que du vent, une brise d'abord douce qui finit par te souffler dans le cou ses mots de mort.
Mais tout ça a pourtant l'air vrai, sa façon de me regarder semble sincère, sa façon de me protéger, sa façon de tréssaillir quand je le touche, sa façon de me toucher, sa façon de m'embrasser...
Tout a l'air vrai, alors pourquoi j'ai encore si peur ? Peut-être parce que Tom ne peut pas, ne veut pas profiter du bonheur qu'on lui tend...
J'ai tout pour être heureux, je suis heureux... Mais j'arrive toujours pas à manger par exemple.
Je sais qu'un jour c'te putain de chienne d'anorexie finira, tout a une fin...
Mais si notre couple avait le premier sa fin.
C'est marrant, comme quelque chose pourait entraîner la fin de tout le reste...
Que Bill me largue, qu'il meurt, je sais pas, qu'y ait un problème quoi, ce serait la fin de tout, ma fin.
"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé"... Made in Lamartinine.
C'est la que je comprends la douloureuse véracité de ces propos.
Je l'ai vu avant-hier, je l'ai vu hier, je vais le voir aujourd'hui, et il me manque ce satané connard.
C'est pas normal d'être à ce point en manque, y'a un bugg quelque part, JE bugg.
Je regarde mon portable avec un air de poisson mort, avachi sur mon lit. "J'l'appelle... J'l'appelle pas ?" ...
Un sursaut de bêtise extrème éclaire soudain mon visage.
Moi, le grand Tom, je suis génial(ement débile).
Je me mets en anonyme, de façon à ce que mon numéro ne s'affiche pas et l'appelle.
J'attends une, deux sonneries puis raccroche, satisfait.
5 minutes s'écoulent durant lesquelles je regarde d'un oeil sadique mon portable.
Anonyme, une, deux sonneries, je raccroche, puis décroche, encore une fois avant que LUI ne décroche.
Mon sadisme n'a d'égal que mon intelligence, NIARK ! [ pardon j'ai pas resisté -_- *smile* ]
Je répète mon manège encore 2-3 fois, il n'a jamais le temps de décrocher...
Soit il est très lent, soit il dort très profondément, soit il a mis le téléphone en silencieux...
Espérons que ce soit la 1ère solution, je m'amuse bien, moi, à imaginer mon Billou réveillé en plein dodo par un appel en anonyme...
Surtout qu'il est 5h du matin ! [ MOUAHAHAHAAAAA la rage ! mdr ]
Bon j'arriverai pas à dormir, je sors dehors.
Là, sous l'impulsion d'idées romantiques ( lire cyrano de Bergerac m'a pas réussi faut croire ), je commence à envoyer des petits cailloux sur sa vitre, perché sous le balcon.
L'art d'être stupide, j'vous donnerai des cours, si vous voulez, mais au moins, je passe le temps.
Il finit par sortir la tête.
Pas maquillé.
Qu'est ce qu'il est beau bordel.
Enfin il a pas l'air ravi. T'avais qu'à te coucher tôt mon bébé !
Son visage s'éclaire quand il me voit.
Quand je pense à refermer la bouche, il a déjà refermé sa fenêtre, et il me rejoint, 3 minutes plus tard.
- Monte !
On va tous les deux dans sa chambre et je m'assois sur son lit.
Ca sent lui, son sommeil, son parfum... Ca sent bon.
Je me mets dos au mur, son lit ayant un côté contre celui ci et il me rejoint.
- Qu'est ce que tu fais là ? me chuchote-t-il.
- Tu me manquais.
Il m'embrasse dans le cou, doucement, du bout des lèvres.
C'est pas la première fois, et pourtant de longs frissons me parcourent tout le dos. Je penche la tête en arrière, pour lui offrir ma gorge, qu'il parcourt du bout des lèvres. Mes mains vont se perdre dans ses cheveux, sur son ventre, dans son dos.
Le soleil est à peine levé qu'on est déjà excités à mort.
La jeunesse direz vous... L'amour, plutôt.
Ses lèvres quittent doucement ma peau et il remonte sa tête pour l'appuyer contre la mienne.
Nos mains se sont rejointes.
Je supporte plus de pas avoir de contact avec lui, j'ai en continu besoin de sa chaleur.
- Tu sais, Bill, j'ai peur.
- Moi aussi, avoue-t-il.
On n'a pas précisé sur quoi, mais on sait tous les deux que le sujet qui nous tracasse est le même.
- Je veux pas que ça ait de fin. Je le supporterais pas.
Il aquiesce juste, douloureusement, tandis que sa pomme d'adam joue sur sa peau, en changeant les ombres.
- J'en mourrais.
Ma phrase se perd dans ma gorge.
- Laisse moi jamais tomber, Bill, parce que je tuerais le monde, et après j'me tuerais.
Tellement horrible à dire, mais tellement vrai. Je deviendrais fou, je supporterais plus le bonheur des autres, je sombrerais dans la folie... Le fou d'amour deviendrait dou de desespoir.
- Je t'aimerai jusqu'à la fin Bill.
Je me sens con, à toujours lui répéter les mêmes phrases, mais j'en ai besoin, je vais déborder sinon.
Il ferme les yeux, la tête en arrière, avant de prendre la parole à son tour. Il articule pas, il parle tout doucement, mais je comprends sans effort chacune de ses phrases ; je la pense à l'instant.
Ses lèvres roses bougent tout doucement, s'entr'ouvrant à peine.
- Tout a une fin... Mais pas ça. Ca peut pas terminer. Je sais qu'il faut jamais dire ça, mais jamais ça aura une fin, j't'aimerai jusqu'à ce que je crève, jusqu'à ce que quelque chose me crève, et tu sais ce que je penserai le plus fort quand je mourrai ? Que j'ai jamais aimé quelqu'un comme je t'aime. Je suis le plus chanceux, ou le plus malheureux des hommes, parce que j'ai trouvé mon âme soeur, et elle le restera jusqu'au bout. Quoi que tu fasses, tu sais, Tom... Quoi que tu fasses...
Il se retourne et m'embrasse sur le coin de la bouche
- Ce sera toujours pareil.
On se regarde, grâves. Le moment est trop fort pour qu'on continue, il y a trop de pression dans l'air, je peux plus bouger, plus rien faire.
Ma tête pèse deux tonnes.
Je détourne juste mes yeux, qui vont s'échouer sur nos mains, toujours enlacées, donc l'étreinte s'est même ressérée.
Toujours pareil, toujours pareil, ces mots tournent dans ma tête, en manège trouble.
Ca nous fait mal, tellement c'est fort.
Et merde, ça ça existe que dans les livres, et dans les tragédies, ça peut finir que dans le rouge.
Pourquoi j'ai toujours besoin de me torturer l'esprit, chiottes à la fin ! [ Fiouuu zen mon chouw, respire, inspire chériii *sourire conciliant* ]
- Chu crevé, un connard m'a appelé en anonyme a 5h du mat', chais pas combien de fois !
Je réprime un fou rire et lui dit, le plus sérieusement et compatissant possible
- p'tain ya des chieurs sur terre
- Ouais c'est sûr, fait-il en me regardant de travers.
Monsieur me soupçonnerait-il ?!
Moi, le gentil et innocent Tomichou le Bisounours ?!
Tss tss, ce s'rait pas mon genre.
Il me fixe avec insistance.
J'esquisse un sourire d'ange en regardant mes ongles
- Ca va, j'te pardonne, je sais que c'est toi. Chu trop bon.
Je saute sur l'occasion
- T'as raison, t'es vraiment bon, Bill, je susurre, avec un sourire entendu. Mais je resterai toujours meilleur au pieu que toi. Je le nargue, avec une expression coquine.
Son regard change et il me pousse sur le lit.
Je suis allongé, et lui se met sur moi, commençant à me dévorer le cou.
On aime bien les cous dans ce couple décidément !
L'envie monte instatannément. Encore ce besoin de le sentir contre moi, toujours plus fort, toujours plus serré.
Nos bouches se connectent [ "Bravo, vous êtes maintenant connecté" -_- désolée, chu traumatisée par ma connection internet T__T ], je happe la sienne, suçotant avec délectation sa lèvre supèrieure.
Nos dents se cognent, ça nous fait sourire, on se rigole dans la bouche... Nouvelle expérience ma foi.
On a les yeux fermés, et on roule un peu sur le lit, toujours serrés l'un contre l'autre.
J'imagine la tête de ses parents si ils rentraient. En voyant dans ma tête la situation se dérouler, j'ai un sursaut et m'écarte de lui.
Je suis refroidi, c'est le cas de le dire. Il me regarde, déçu, interloqué, tandis que je me redresse pour m'asseoir. Il se relève à son tour. Je pense qu'il voulait aller plus loin... Tant pis, je me sens un peu mal vis à vis de lui, que j'ai CARREMENT coupé dans son élan mais bon... Tant pis.
Tant pis...
Je regarde vite fait sur mon portable quelle heure il est. 7h46.
Ca passe vite.
Bill fixe ses pieds, ramenés contre ses jambes. Il y a un blanc, teinté de malaise.
Je tente une approche.
- On fait quoi aujourd'hui ?
- J'sais pas.
Il reste pensif. Je prend alors sur moi-même, je sais que ça fait longtemps qu'il veut aller à la piscine, or je n'en ai aucune envie... Il faut savoir se sacrifier dans la vie.
Fier de mes résolutions et de mon sacrifice ( oui oui, je confirme, sacrifice ), je lui propose la piscine.
Il semble comprendre que je veux me ratraper pour le vent que je lui ai foutu et esquisse un adorable sourire.
Dire que cette bouille de bébé est marquée à mon nom...
" je t'appartiens... Et tu m'appartiens";
Je me rappelle quand on a échangé ces phrases. Ca venait du fond de nous-mêmes, inscrit sur notre chair, dans notre coeur, à l'encre de chine.
Une idée me vient. Ce sera pour ce soir.
Un sourire vient réchauffer mes lèvres, je jubile déjà.
Je serai prêt à endurer 1 000 séances de natation pour ça.
Il m'a pas répondu, le cochon, mais il cherche frénétiquement dans son armoire, à la recherche, je pense, d'un maillot de bain.
Résigne toi, Tom, c'est adjugé vendu !
Tu vas devoir exhiber ton si beau corps à un nombre incalculable de personnes. J'ai déjà l'impression qu'elles sont des milliers, interloquées en maillot à me fixer avec un air mauvais.
Ils pointent du doigt mes yeux saillants.
Je ferme les yeux et inspire, profondément.
Les rouvre...
Ils sont partis.
Tout dans mon délire, j'ai même pas remarqué Bill qui se taillait. Je m'allonge de tout mon long sur sa couette et admire son si exceptionnel plafond. Tiens, une toile d'araignée, dans un coin.
Si il la voit, on est tous partis pour une crise. Il est tellement irrésistible, quand il commence à crier au diable, terrifié par cette malheureuse bestiole à huit pattes... C'en est touchant, on dirait un enfant.
Un grand enfant, un enfant d'un mètre 80.
- à quoi tu penses ?
Je me retourne et l'embrasse sur l'oreille, je l'ai même pas entendu arriver.
- à toi.
- Pas en mal, j'espère...
- T'en fais pas.
- j'ai une meilleure idée que la piscine, continue-t-il de me susurrer.
J'échape à la piscine ? Cool !
- on va aller en boîte !
Je relève la tête, bouche bée les yeux écarquillés. Si ya n truc auquel je m'attendais pas, c'est bien ça.
En plus, si il croit qu'il va trouver une boîte, ouverte aux mineurs, à 8 heures du matin... Il a d'l'espoir !
- T'es pas bien, en plus y'a rien d'ouvert à cette heure !
- Tss tss, chut, tu verras bien, me gronde-t-il, mi figue, mi raisin [ n'empeche, j'ai jamais compris d'ou pouvait venir cette expression -_- ]

18 heures 17.
Dans une minute, il sera 18h 18. Quand j'étais petit, je disais que si tu fais un voeu quand le nombre des heures est le même que celui des minutes, il se réalisera.
Dans une minute, je ferai un voeu, je ferai le voeu que tout ce que je vis en ce moment, que Bill, que ma nouvelle vie où mon anorexie passe en second plan ne soit pas qu'un rêve.
On a passé toute la journée ensemble.
Magique, comme chacun de mes instants en sa présence.
Elle existait bien, sa boîte miracle, et le pire, enfin le meileur peut-être, c'est que yavait plein de gens.
On se serait cru à 4 heures du matin, mais il était 9 heures, 10 heures, 11 heures, jusqu'a 14 heures. Les éclairages, la musique bourdonnante, la sensation d'être puissant, unique mais anonyme dans cette foule grouillante, au sang échauffé...
La jeunesse, celle qui bouge en vagues confuses, qui rit aux larmes, pour cacher quelque chose d'autre est bien représentée dans ces endroits.
On m'a proposé de la drogue, mais avec Bill à côté, j'ai eu honte, j'ai refusé.
Je sais pas comment il me regarderait, si il me voyait prendre par exemple une pilule d'ecstasy. On a jamais vraiment parlé de drogue ensemble. On a pas mal bu aussi, c'était grisant de se sentir bourré alors que certains sont encore au lit, on avait l'impression d'avoir le temps à l'infini devant nous...
On s'est échangés des regards complices, jaloux quand une fille abordait l'un en se trémoussant, on s'est rassurés, on s'est embrassés, on a fait du corps à corps langoureux, des gens ont eu des regards intrigués sur notre couple, d'autres plutôt réprobateurs...
Ca fait un coup de rasoir, il n'est jamais agréable de voir qu'on n'estime pas votre choix quant à votre copain...
On s'est soufflé dans l'oreille qu'on s'en foutait, du regard des autres, mais dans nos coeurs, il n'en était pas moins : blessés.
On s'est éclatés sur la piste de danse, on s'en foutait d'être ridicules, on était tellement, deux pingouins de plus, deux pingouins de moins... Du pareil au même.
On s'est susurré des mots d'amour, des mots de provocation, on s'est lancé des paris, on s'est cachés dans les toilettes pour filles pour se bécotter...
J'ai l'impression de raconter une nuit, une nuit de folie, ça fait bizarre de penser qu'au dehors, des gens travaillaient, que le soleil était levé et que les oiseaux chantaient et chiaient joyeusement sur les gens, tant qu'à faire.
Mais pourtant, tout s'est passé en une matinée, une matinée et un début d'après-midi.
On s'est dit qu'on y retournerait, ou un soir sinan. La boîte n'est pas ouverte le soir que 3 fois par semaines, pour des soirées a thème : tous en morts vivants, tous en pyjamas, tous en stars, tous en tenue de plage, tous en sous-vêtements...
Je prefèrerais éviter, mais bon on verra... Quoique le thème morts vivants pourrait être exploitable, on me rajoute une ou deux cicatrices, un peu de fond de teint blanc, le reste est okay, je suis déjà squelettique et j'ai déjà les cernes.
Bon, maintenant je vais passer à la réalisation de ma lumineuse idée [ AHAAA vous vous demandez tous c'que c'eeeeest XD euh je précise, c'est l'idée qu'il a eue le matin ^^' ]
Il fait pas encore nuit, mais ça ira très bien. Je sais pas du tout combien de temps ça me prendra, mais toujours est-il que demain, en allant au bahut, quelqu'un aura une certaine... Surprise. Voilà, une égrable surprise... Du moins j'espère qu'il la trouvera agréable.
Je sors le matos de mon tiroir secret, noir, rouges, blanc et verts clairs.
Ca suffira, je devrais en avoir assez. [ ALOOORS? vous d'vinez ? Il a besoin de différentes couleurs... voui ? Nan ? la langue au chat ? =DDDD ]
Je marche rapidement vers le lycée et cherche un mur pas encore trop taggé.
Evitons aussi le crépi... Celui-là fera l'affaire, gris, lisse, en béton, a peu pres vierge.
J'ouvre mes bombes et commence, appliqué. Très vite, j'oublie le reste, concentré par ma tâche, tirant légèrement la langue de concentration.
Je tagge depuis que j'ai dix ans, j'ai toujours aimé ça. Du dessin, en grand.
Tout le monde peut admirer ton ouvrage.
Les p'tits tags, juste avec une signature vite fait, j'aime pas, mais les travaillés, avec un message ou de la qualité graphique... C'est un art à part entière, je pense. Et c'est mon domaine. Au même titre que d'autres oublieront tout par leur musique, le dessin, le théatre ou je n'sais quoi...
Le bruit apésant de la bombe qui se vide, laissant sa trace sur le mur, les effets de couleurs, d'ombres...
Je fais les lettres faussement brouillonnes, je fais un peu dépasser quelques traits, par-ci par-là, mais tout est travaillé. L'ébauche née dans ma tête se confirme. Je plisse les yeux de plaisir.
Puis je me recule, admirant mon oeuvre. A la hauteur de mes attentes, en toute modestie, sublime.
" Je suis à toi, tu es à moi... Je te hais de tout mon coeur, à tout jamais. "
Ca prend une place dingue, mais au moins, tout le monde le verra. Ils ne sauront ni l'expéditeur ni le destinatairen mais je m'en fous, c'est comme si je mettait une étiquette. Bill est à moi.
Je suis a lui.
Et je tuerai celui qui nous séparera.
Les lettres ont un aspect sauvage. Comme ce qu'on ressent, sa force.
Les contours sont en noir, l'intérieur en rouges avec des verts fragiles de temps en temps [ s'cusez, j'ai pa résisté, j'aime bien, moi, le vert ^^ ]
J'ai rajouté des effets d'ombres avec le blanc, ça semble avoir un volume tout en restant sagement collé sur son mur.
Les gens parleront de ça.
J'imagine la tête de Bill.
Superbe.
Je dessine au marqueur en dessous un petit B.

Il est à moi, et je suis à lui.
C'est tout.

FIN CHAPITRE 18

 

 

 

 

 

 

NAVHAUT
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