CHAPITRE 10


Dix huit ans.

Majeurs.



En profiter.

C'était le mot d'ordre des jumeaux ce soir de fête.

Ne faire attention à rien, ce soir, c'était le leur. Pas à eux de savoir quand est ce qu'ils devaient arrêter de boire, pas à eux de surveiller les autres, pas à eux de servir les autres, pas à eux de contrôler que tout se déroulait comme prévu ; les autres s'en chargeraient, ce soir, ils étaient les rois.



Soirée ‘casino', palais de glace, fontaine de chocolat avec tout un tas de fruits disposés autour, n'attendant plus que d'être attrapés, trempés puis dégustés, musique et alcool de condition. Pour cette soirée exceptionnelle, les garçons avaient vus grand. Pas d'adultes, si ce n'était Jost qui était invité et Saki qui contrôlait les entrés. Sacré Saki. En fait, c'était à croire que Bill ne pouvait plus s'en passer.



Andréas, premier invité et déjà bien éméché au bout d'une bonne heure, faisait le tour du palais en gravant ici ou la contre un des murs de glace ‘il est interdit d'interdire', slogan qu'il avait vu en cours il ne savait plus vraiment où.

D'ailleurs, il ne savait même plus vraiment où lui-même était…

Il cru apercevoir un peu plus loin les cheveux lisses de Bill et se décida à le rejoindre pour lui fêter un joyeux anniversaire – il ne savait plus très bien s'il le lui avait déjà dit…



Un peu plus loin, dans la bourgade de Loitsche, les minuits approchaient et Simone Kaulitz allongée dans son lit, fixant le plafond, se rongeait silencieusement les ongles.

Gordon étendu sur le ventre à ses côtés attendait le sommeil en observant de ses yeux mis clos le visage anxieux de sa femme.

« Pourquoi est ce que tu t'en fais autant pour eux, il me semble quand même que tu les laisses parcourir l'Europe entière durant pas mal de semaines seuls… ».

La mère tourna doucement la tête vers Gordon et soupira avant de répondre.



/



« Excuse moi », bafouilla Georg en regardant avec horreur la tache sur le pantalon rayé du chanteur.



Le bassiste et le batteur s'étaient retrouvés autour de la fontaine et plaisantaient depuis quelques minutes lorsque la plaisanterie tourna en une véritable taquinerie, où Gustav s'amusait à enfoncer sur son crâne le chapeau du bassiste pour que celui-ci ne voit rien.

A ce moment la, Georg avait une fraise dans la main. Une fraise pleine de chocolat.

Et à ce moment la, Bill passait par là.



Collision.



Le chanteur regardait le bassiste s'ébrouer à trouver une serviette, son regard noircissant de seconde en seconde.

Pas ce soir.

Ce n'était vraiment pas le moment.

« Bordel Georg… ».

Et plus il le voyait, misérable, à tenter de se faire pardonner, plus il avait envie de le frapper, de le secouer, de l'obliger à être plus sec envers lui, lui prouver qu'il n'avait pas à faire sa ‘diva' avec lui…

Tom n'était pas la, en fait, il n'avait même pas de raison de lui en vouloir, ni même d'avoir envie de lui en vouloir…

Il fronça les sourcils et secoua vivement la tête avant de planter son regard dans celui déboussolé du châtain.



/



« Ils sont seuls… cette fois ils ne sont pas sans cesse sous surveillance comme en tournée… », « Et puis tu connais ce genre de fête, tellement de chance que l'un de mes fils tombe dans un coma hydraulique… ».

« Éthylique chérie, et le grand gorille qui les accompagne toujours est la aussi… »

Gordon soupira et leva la main pour caresser doucement la joue de sa femme.

« Je sais bien… mais tu sais… »

« Écoute Bill j'ai pas… »

« La ferme. »



Georg vacilla visiblement, et Bill put entendre Gustav souffler derrière le bassiste, déjà las de la dispute qui n'avait même pas commencé.

L'androgyne grogna puis reporta son attention sur le châtain qui semblait désintéressé et beaucoup moins désolé.

« Ton frère m'as dit de ne plus faire attention à toi quand tu t'énervais », « d'ailleurs, sache que maintenant je n'vais même plus t'écouter, j'me suis assez laissé marcher sur les pieds », « dommage pour toi, tu n'as pas su profité de ma gentillesse, ou bien au contraire, peut être que tu en a trop profité ! ». Georg croisa les bras et continua, d'un ton toujours calme et neutre : « J'ai toujours essayé d'utiliser la psychologie avec toi, et j'pense que j'ai pas tord si je dis que t'as un sérieux problème avec toi-même pour m'enfoncer comme ça. », « Maintenant… excuse moi pour tout ça… ». Il passa sa main sur sa nuque et tourna les talons, soudainement assez mal à l'aise.



Bill n'en revenait pas.



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« … ce sont mes fils, ça peut paraître idiot, mais même s'ils n'étaient pas beaucoup à la maison pendant leurs shows, j'avais… le contrôle… et maintenant, et bien… ils s'envolent pour de bon… »



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En face de lui le batteur semblait lui aussi chamboulé, mais n'en montrait rien de plus qu'un sourcil haussé.

Bill restait bloqué la, la bouche a demi ouverte.

Le temps d'assimiler l'insulte, de digérer ses quatre vérités, il fronça les sourcils en se remémorant la cause de ces révélations…



« Tom » marmonna t-il.



Il balança un vague sourire au batteur qui hocha la tête pour le lui rendre puis s'en alla en serrant les poings.



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« Tout les deux… »



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« Tom ! » appela t-il. Il venait enfin d'apercevoir les dreads blondes de son jumeau.

Celui-ci discutait joyeusement avec Andréas, un verre de vodka à la main.

Le blond platine ne cessait de demander au guitariste s'il lui avait souhaité bon anniversaire, et Tom amusé lui donnait sans cesse des réponses différentes.

Bill abattit brutalement sa main sur l'épaule de son frère qui sursauta, puis attrapa sa manche de doudoune pour l'entraîner un peu plus loin dans la salle des boissons.

L'androgyne demanda aux quelques parasites de déguerpir gentiment puis se tourna vers le blond déboussolé.

« Tu veux me souhaiter u… »

« Qu'est ce que t'es allé dire à Geo ? » cracha Bill en posant ses moufles sur ses hanches.

Tom ferma la bouche, les yeux écarquillés.



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« … tout les deux, c'est bien la seule chose qui me rassure… »



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« Il m'a balancé tout un tas d'insultes, limite s'il ne m'a pas frappé, en me hurlant dessus que tu le lui avait conseillé… »

Bill mentait, il en avait conscience, mais Bill était aussi un excellent acteur.

Alors Tom ne pouvait que se demander ce qui avait bien pu prendre à son bassiste…

« Georg a fait ça ? ». Tom fronça les sourcils, penaud. « Je lui avais pourtant seulement conseillé de ne pas trop se laisser marcher sur les pieds… ».



Bill fit la moue, sortant sa lèvre inférieure, puis se retourna dos à son jumeau en boudant. « La prochaine fois tu ne donneras plus ce genre de conseils, après ça me retombe dessus… ».

« Oh mon Bill… ». Tom se sentit fondre et ne put s'en empêcher, en deux pas il était sur son cadet à l'enlacer tant bien que mal, faisant fi de l'épaisseur ahurissante des doudounes.

L'androgyne se retourna dans les bras de son jumeau pour répondre à son étreinte, et le poussa jusqu'à l'entraîner derrière une colonne de glace, marchant à la manière d'un pingouin.

Lorsque Tom était complètement dos à la colonne, Bill pencha légèrement la tête pour voir si personne ne venait puis replongea son regard ambré dans celui face à lui.



« Alors, tu t'amuses mon Tomi ? ». Sa voix était chaude, en total contraste avec l'ambiance gelée, et Tom frissonna, sans ne savoir où donner de la tête.

« Eh bien… c'est pas mal, les invités s'amusent alors c'est cool… ».

Tom passa ses bras autour de la taille du brun et l'attira contre lui.

« Je ne t'ai même pas souhaité bon anniversaire… »

Gordon se redressa sur un coude et laissa sa main parcourir la joue tiède de Simone. « Cesse de t'en faire… ».

Il se pencha sur elle pour l'embrasser tandis que celle-ci consentait enfin à se détendre et se laisser aller aux bons soins du l'ex guitariste.



/



« Alors fais le » susurra Bill en se penchant sur lui.

Son nez s'écrasa contre celui de Tom quand celui-ci l'avait attiré d'un coup contre lui pour s'emparer de sa bouche.

Le chanteur laissa échapper un gémissement de contentement et répondit avec ardeur, n'attendant pas une seconde de plus pour laper les lèvres de son frère.

Il se détacha ensuite pour embrasser goulûment les joues puis la mâchoire de son jumeau.

« Bon anniversaire petit frère… » Haleta Tom.

« Oui », murmura Bill tout en léchant doucement la peau glacée derrière l'oreille du blond. « Toi aussi mon tomi. »



« Les garçons ? ».

Les appelés sursautèrent et se séparèrent avant de sortir de leur cachette, un peu trop précipitamment peut être car David leur trouva un air très ‘prient-en-faute' lorsqu'ils se présentèrent légèrement roses devant lui, sortant de derrière une colonne de glace luisante.

Il haussa les sourcils.

« Qu'est ce que vous faisiez ? », demanda t-il, suspicieux.

Tom bafouilla et Bill prit la parole avec un ton hésitant : « J'avais quelque chose à dire à Tom. Qu'est ce qu'il y a ? ».

« Et bien je venais pour vous féliciter, ça fait bien une heure que minuit est passé et que je vous cherche ! »



Le producteur les félicita donc à grand renfort de bourrades dans le dos avant de leur offrir une nouvelle tournée de vodka.



//



Plusieurs heures après, la fête battait son plein malgré quelques stalactites qui dégoulinaient doucement sur les invités qui cherchaient à se réchauffer par tous les moyens possibles. Tous étaient à présent presque ivres mais la bonne ambiance persistait.



Bill chancelait à gauche à droite, recevant encore de nombreuses félicitations, enivré par la musique et les néons qui le faisaient se sentir comme en transe.

Il réussit à atteindre l'entrée de la salle sans vraiment d'embûches si ce n'était quelques unes de ses vielles amies qui venaient lui faire du rentre-dedans. S'il n'avait pas été si pompette, il les aurait gentiment renvoyer paître, mais l'alcool le paralysait, et, tout au contraire le poussait à flirter.



Les filles lui faisaient tourner la tête, ça faisait pas mal de temps qu'il n'avait pas eu une relation intime ne serait-ce qu'une nuit.

En fait, ça faisait pas mal de temps qu'il se posait pour réfléchir à ce qui ne marchait pas chez ses petites amies clandestines.

Rien que le groupe, la musique. Toutes ces filles le voulait tellement rien que pour elles… mais s'il n'était pas le célèbre Bill Kaulitz que Bravo n'arrêtait pas d'inviter, est-ce qu'elles courraient tant après lui ?

Et puis y'avait autre chose aussi. Un étrange courant qui s'élevait de plus en plus chez les fans, et qui ressortait parfois chez ses conquêtes… une sorte de fantasme qu'elles nourrissaient à le voir avec son propre jumeau…



Quoi de mieux pour lui rappeler cette erreur de frappe qui s'était glissé dans son disque dur interne lors de sa création… Pire qu'un spyware, Tom était devenu son virus, il l'infectait de jour en jour, rendant ses fichiers « amours » déficients, et son programme « sexe » ne répondait plus…

Et impossible de réinitialiser, rebooter ou même formater la machine, Bill était né avec cette erreur, elle le poursuivrait sans doute jusqu'à la fin.



Enfin, pour le moment, il laissait tomber les métaphores informatiques compliqués et prenait pour la énième fois congé de cette fille qui l'avait embrassé tout à l'heure, une fille qui ne l'avait jamais regardé au collège, il en était sur malgré qu'elle lui affirmait le contraire avec virulence.

Il fut prit d'un léger tournis en posant la main sur la poignée et se laissa aller contre en gloussant doucement.



L'air dehors lui sembla directement lourd et pesant, il avait soudain très chaud sous sa doudoune et ses moufles.

Deux pas plus tard à peine, il se cogna mollement à ce qui ressemblait à une masse de muscle et de fils en tout genre.

« Qu'est ce que tu fais la Bill, la fête est à l'intérieur » grogna la voix du garde du corps.

« Je sors fumer mon vieux, j'ai dix huit piges, je fais ce que je veux ». Il avait prit soin de bien détacher ces quatre derniers mots. Saki ne cilla pas derrière ses lunettes en demi lune et regarda l'adolescent se battre avec sa poche de manteau très étroite pour en sortir un paquet de Marlboro light et un briquet bic jaune canard… qu'il fit tomber à ses pieds.

« Putain », « il est ou ce foutu… ».

Bill tourna autour de son briquet sans le voir, donnant au garde du corps un spectacle plutôt comique. Celui-ci ramassa le petit objet avant de le tendre au garçon qui ne le vit pas tout de suite.

« Bill, il est là. »

L'androgyne releva la tête et fixa la main du garde durant quelques secondes avant de lui lancer un sourire idiot en gloussant : « T'es un magicien mec ! Tu ne m'l'avais pas dit… ».

Saki leva les yeux au ciel. « T'es ivre… mec. »



Bill gloussa une dernière fois puis attrapa son briquet avant de sortir avec des gestes approximatifs une cigarette de son paquet.

Une main devant celle-ci, il essayait de l'allumer, son corps tanguant doucement sans qu'il ne s'en aperçoive.

Au bout d'une dizaine de minutes, il balança son mégot au loin puis contourna le bâtiment.

« Où tu vas comme ça ? » demanda le garde du corps en le suivant, prêt à le ramener à la fête par la peau du cou.

« Je vais pisser », clama le chanteur, « et sauf si tu veux me la tenir, t'es pas invité ! ».

Il gloussa fortement tout seul et Saki grogna avant de se replacer devant la porte.

Il aurait juré l'avoir entendu s'ouvrir, mais celle-ci restait résolument fermée. Il haussa les épaules, écoutant d'une oreille distraite les quolibets que lançait Bill et qui lui assurait qu'on ne l'avait pas encore enlevé.



Lorsque Bill finit, il porta une de ses mains près de son visage et fit la grimace. Ce dont il avait horreur quand il pissait, c'était l'odeur sur ses mains après. Il se dépêcha donc de tituber jusqu'à la salle pour aller se laver les mains. Il salua une dernière fois le garde du corps puis rentra, soulagé par la fraîcheur de l'atmosphère glacée.



Alors qu'il se lavait énergiquement les mains, il entendit la porte des toilettes s'ouvrir puis se refermer doucement.

« Bonsoir », lança une voix féminine joviale « et bon anniversaire. »

Il se retourna vivement, surpris, et tomba presque nez à nez avec une petite blonde en ciré et bonnet péruvien.

« On s'connaît ? » demanda t-il en haussant les sourcils.

La demoiselle qui semblait être bien plus âgée que la plupart des invités rosit légèrement puis secoua la tête avant de sourire de façon exagérée et de déclarer : « En fait, je suis entrée par hasard… » – si Bill avait été apte à réfléchir, il se serait rappelé que l'entrée était surveillée et que ce genre de hasard était absolument impossible – « … et je me demandais quelques petites choses… ».

La femme lui posa un bon nombre de question, et Bill y répondait tout guilleret sans se douter de quoique ce soit une seule seconde.

Le choix de la salle, des invités, des boissons, la cigarette, les filles, tout y passait.

« Alors, avec votre frère, est-ce que vous vous offrez quelque chose ? ».

« On s'est jamais rien offert, mis à part quelques p'tites choses de ci de la, avec Tom on a pas besoin d'occasion pour se faire plaisir…mais pour cette nuit ce fou nous à offert la plus grande et la plus belle suite de notre hôtel préféré !».

« Et alors… qui est l'aîné ? ».

La question sembla l'ébranler et il vacilla doucement, le regard dans le vide un instant.

« C'est moi bien sur. JE suis l'aîné, je suis bien le leader, tout le monde le sait, d'ailleurs, c'est bien moi le meilleur, le plus beau et le plus grand, non ? », Gloussa t-il en se retenant au lavabo.

La demoiselle rit à son tour, puis passa à une autre question.



A ce moment, Georg et Tom passèrent la porte, l'un énumérant quelque chose et l'autre explosant d'un rire gras et sonore.

En voyant Bill et la femme, Tom s'immobilisa, son sourire diminuant, tandis que Georg cessit de rire.

« Qui êtes vous ? » demanda le blond en fronçant les sourcils.

« Eh bien… », la jeune femme rosit à nouveau, hésitant avant de lancer avec affront : « je suis journaliste, mais … »

« C'est moi qui l'ai invité », déclama Bill sur un ton suffisant, « c'est encore ma fête à ce que je sache ! ».

Au tour du bassiste de froncer les sourcils. « Ton frère est complètement ivre mec », marmonna t-il à l'adresse du guitariste.

« Madame, j'vais vous demander de sortir, ou bien je vais devoir appeler la sec… »

« Laisse la tranquille Tom bordel, occupe toi de ton oignon, pigé ? », Bill se retourna vers la demoiselle et lui demanda si elle voulait savoir autre chose.

« Ça va, recommence pas avec tes idées à la con, t'as trop bu tu sors de la. » Tom s'avança vers son frère et le saisit par le coude, mais le brun se dégagea violement avant d'hurler : « Et puis, ça te fait quoi si j'ai envie de parler à la presse, tu fais ton jaloux c'est ça ?? Mes fans ont bien le droit de me voir faire la fête, après tout, ce n'est pas tous les jours que leur plus grande idole à 18 ans ! ».

« Tu dis n'importe quoi, elle veut juste savoir si tu fumes et avec qui tu baises bordel ! » riposta le dreadé.

« Venez », lança Georg à la journaliste intriguée.

« Et alors, ça te ferais quoi si je disais à tout le monde que j'me bourre la gueule à la vodka pomme tout les week-end et que je suis PD comme un phoque ?? », continua t-il en haussant encore la voix.

Le bassiste avait déjà emmené la jeune femme hors de la pièce, mais c'était trop tard pour la réplique qui se retrouva quelques secondes plus tard retranscrite et déformée sous la forme d'un texto, et envoyée non loin de la à un employé d'une maison d'édition de revue populaire.



« Tu raconte n'importe quoi » soupira Tom.

« Tu m'énerves Tom, tu m'écrases bordel, je suis plus ton petit frère sans défense et dépendant », en criant cela, Bill semblait déjà beaucoup moins bourré, « je suis grand, je suis… je suis adulte, j'ai pas besoin de toi ! ».



Le silence qui s'en suivit fut un des plus horrible qu'avait connu Tom jusqu'alors.

Ses entrailles qui se tordaient violemment alors qu'ils se disputaient semblaient avoir juste disparues. L'alcool qu'il avait ingéré semblait bouillir dans son estomac, et vouloir remonter avec ardeur, lui provoquant une nausée insupportable.

Il se souvint de ce moment à leur 14 ans, quand Bill lui avait sous entendu ça pour la première fois.



Il se dit d'abord que Bill disait ça juste sous le coup de la colère, de l'alcool même.

Et puis il ne voyait aucune trace de remord dans les yeux de son frère, aucune culpabilité, juste… de la franchise.

Mais ce n'était pas envisageable pour Tom, pas croyable, ça ne pouvait juste pas être vrai… Alors il décida de penser que Bill voulait encore lui faire du mal consciemment pour le consoler après. Oui Tom avait compris ça. Depuis pas mal de temps maintenant. Mais comme il était gagnant à la fin, il laissait toujours faire.



Bill secoua la tête avec agacement et amorca un pas pour sortir, mais c'était sans compter la main hésitante de son aîné qui s'empara de son poignet avant de le tiré doucement à lui.

« Lâche moi Tom », « j'te jure lâche moi... » souffla Bill avec un regard noir. Il allait se dégager à nouveau, mais cette fois Tom tira brutalement sur son bras et le colla à lui sans plus de ménagement, attrapant sa bouche entre ses dents, les yeux fermés et les sourcils froncés, les doigts crispés sur sa doudoune et l'autre main glissée sur sa nuque.

Au début Bill le repoussa mais le dreadé resserra sa prise et l'androgyne fini par céder, se laisser aller, clore lui aussi ses paupières, et quémander un véritable baiser.

Celui-ci aurait pu durer plus longtemps, mais c'était sans prendre en compte le contexte.

Aussi Tom se recula contre son gré sans regarder son frère avant de murmurer : « Ecoutes Bill, j'ai vraiment pas envie de m'engueuler avec toi ce soir, pas ce soir », il s'essuya rapidement la bouche avec la manche de sa doudoune et ajouta, las yeux toujours vissés au sol « bon anniversaire petit frère... ». Il consentit à lancer un rapide coup d'oeil à son jumeau puis sortit des toilettes.



Bill était encore plus rouge qu'a cause du froid et un peu essoufflé, il restait planté la, à regarder la porte d'un blanc cassé, à detailler les breches et les fissures, les pans de peinture qui se détachaient de la porte et lui donnaient un air délabré, piteux et misérable.

Un peu comme Bill à cet instant précis.

Chapitre 10.


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Munich, octobre 2009.



Nuit d'automne, dans le tour bus.

Le véhicule perd de la vitesse, ralentit, prend quelque virage, puis s'arrête.



Première couchette, le garçon s'agite sous ses couette, halète, respire même difficilement. Il gémit, s'affole, les draps s'enroulent vicieusement autour de son corps moite et l'emprisonnent.



Gustav cauchemarde.



Tom, dans sa couchette en face, l'observe depuis bien cinq minutes. Depuis que le chauffeur à signaler l'aire d'autoroute à David, en fait.



Gustav cauchemarde souvent ces temps ci. Ça aussi Tom le sait, car s'il n'est pas réveillé à ce moment, et bien le batteur enfermé dans ses songes se charge de le tiré des siens.

Tom se demande ce qu'il lui arrive pour dormir si mal. Pourtant le petit blond reste visiblement en pleine forme lors des concerts, même s'il se montre un peu plus distant avec les autres en 'off'.

Et seul Georg semble savoir ce qui préoccupe Gus' à ce point.



Tom se retourna dans son lit en entendant les portes du bus s'ouvrir en une sorte de soupir fatigué, à croire que cet autocar pensait à sa retraite.

Le guitariste écouta la longue plainte étouffée qui s'éleva de la couche voisine et se promis de coincer Georg quelque part en privé pour le questionner sévèrement.



Au même moment un bruit de lit que l'on quitte ainsi qu'un grognement sourd se firent entendre du côté des autres couchettes.

Tom se redressa de façon infime pour regarder le corps passer.

Il fut surpris de voir un jogging bleu turquoise filer tout droit vers la sortie, accompagné d'une main manucurée crispée sur un paquet de cigarettes blanc et gris.



Il se pencha par dessus sa couche pour le regarder descendre, d'un pas sur et loin d'être endormis.



Il se redressa entièrement cette fois et quitta son lit pour traverser le couloir sombre à son tour puis descendre les quelques volées de marches éclairées sporadiquement par les réverbères dehors.



Il salua le chauffeur brièvement en sortant, puis chercha son frère des yeux en enfonçant ses poings dans les poche de la veste qu'il avait prit soin d'enfiler avant de sortir.

En sentant le vieux mouchoir frôler sa paume, il se rendit compte qu'il était probable que la veste ne soit pas la sienne.

Et en effet elle s'avéra appartenir au batteur.



Soit.



« Bill », appela t-il.

Il s'approcha de l'échoppe mais ne put y apercevoir que David se débattant avec la machine à café. Il fronça les sourcils, agacé, et finit par se rendre aux toilettes. Mais encore une fois il fut forcé de constater que Bill y était absent.

Il soupira, et tout en se plaçant devant un des miroirs de la pièce il tira son cellulaire de sa poche puis composa un rapide message qu'il envoya à son jumeau.



La réponse lui parvint quelques secondes après. Il fronça de nouveau les sourcils puis sortit avec hâte de l'endroit insalubre pour se diriger à l'arrière du bâtiment.



« Bill ? », appela t-il un peu réticent.

À vrai dire ici personne ne viendrait les chercher, et Tom avisa d'un œil prudent le parking jonché de camions garés de ci de la en épi.

La pleine lune éclairait d'une lueur fantomatique cette place à la fois paisible et inquiétante.

« Je suis la » résonna la voix du chanteur derrière Tom.

Celui-ci se retourna vivement et fit face à un renflement creusé dans le mur du bâtiment, offrant la présence d'une petite impasse qui se terminait sur des poubelles et une vieille porte en acier tachée de rouille ici et la.

Le dreadé avança jusqu'à la frontière délimitée par l'ombre où il pouvait entrevoir les contours de son cadet assis sur une partie surélevé que l'on aurait pu qualifier de trottoir. L'extrémité incandescente de la cigarette était alors la seule source lumineuse.



« Qu'est ce que tu fais la ? », « Tu fumes ? », demanda t-il encore en posant ses poings sur ses hanches. « Je croyais que... »

« Oui oui, pardon maman... » Grogna le brun en continuant à tirer sur sa cigarette. « T'as ta réponse », « j'suis la pour éviter ce genre de choses », rajouta t-il en triturant le lacet de son sweater noir, qui pendouillait de son épaule.



Tom haussa les sourcils.

Ces derniers temps, Bill était de plus en plus effronté, et surtout il jouait les divas à n'en plus savoir quand son sourire était vrai ou faux.

Il demandait toujours plus de chose aux producteurs, exigeait pour les salles et concerts comme jamais avant.

Et pourtant Tom savait comme son petit frère n'avait pas la grosse tête, rien qu'en l'écoutant parler devant les journalistes qui avaient prit goût à les surprendre n'importe quand depuis que la tournée américaine avait été repoussée d'une année.

Bill s'évertuait à chaque fois à s'expliquer, légèrement prit de court, précisant les raisons de ce report, et il parlait de son opération, de sa voix, mais surtout du fait qu'il avait voulu remercier ses fans du soutien dont ils avaient fait preuve envers lui et le groupe en leur offrant une nouvelle tournée du 1000 Tour.



Et c'était vrai.

Mais ça n'expliquait pas son comportement d'enfant pourri gâté.



Tom trouvait cette situation particulièrement singulière, une sorte de séparation divine paradoxale à leur lien; le blond illuminé, le brun dans les ténèbres...

Il laissa échapper un rire crédule, se disant qu'il divaguait complètement.



« Pourquoi tu t'marres ? »

Tom suivit des yeux le mégot catapulté plus loin avant de murmurer: « T'as des allures de démon parfois... Un vrai bad boy... », « Tu m'fais rire. »



Un petit silence s'installa, à peine perturbé par le léger vent sifflant.

C'était une nuit assez moite et tiède, un peu déplacée pour une nuit d'automne.



« Tu ne devrais pas... » Murmura Tom en s'asseyant à ses coté, toujours éclairé par la lune, les yeux rivés sur son jumeau.

Il discernait sa joue pâle et la continuité de son cou, de sa nuque, et découvrit que Bill s'était attaché les cheveux en une queue haute, laissant ceux-ci caresser doucement sa peau de leurs pointes.

Aussitôt le corps de son frère se mût pour faire se coller leurs épaules.
« Je devrais pas chanter, boire, baiser, dire des gros mots, viser l'Amérique... », « Embrasser mon frère sur la bouche et lui faire ce genre de câlin, pourtant je l'fais quand même. Et je n'arrêterais pas pour les beaux yeux de la société. »

À cette phrase le dreadé ne put réprimer un violent frisson, repensant à tous leurs moments intimes. Bill l'avait sûrement sentit, alors pour détendre l'atmosphère, Tom lança : « C'est une menace ? » en rigolant doucement.

Mais Bill ne sembla pas trouver cela si drôle, et le blond déchanta vite, tournant la tête vers l'astre anormalement gros et proche de la terre.

C'est alors qu'il sentit la respiration de son jumeau balayer son cou dénudé.

Il frémis à nouveau et ferma les yeux, les muscles de sa nuque se crispant infimement au contact du menton de Bill sur son épaule.



« Tu as froid ? » murmura l'androgyne tandis que son nez caressait distraitement la peau fine de son encolure. Il se rapprocha un peu plus à nouveau, et, de façon plus directe se mit à embrasser le cou de Tom qui échappa un gloussement sonore et se replia sur lui même, repoussant son frère en lui pinçant les coudes; « Tu m'chatouilles ! ».

Bill grogna et n'abandonna pas, se lançant sur son jumeau, pour l'enlacer avec force, si fort qu'il le bouscula un peu, le faisant déraper du trottoir. Tom échappa un hoquet de surprise et se raccrocha au sweater du brun en se sentant irrésistiblement basculer en arrière.

« Bill ! ».



Quelques secondes après, le guitariste était étalé sur le bitume sale, et les deux frères étaient immobiles, le souffle un peu court, un peu rapide.

Bill se sentait soulever par le corps de Tom qui respirait, et il adorait ça, vraiment, être sur son jumeau le remplissait d'émotions diverses qu'il chérissait, une sensation de protection, comme si rien ne pouvait lui arriver, mais surtout, surtout cette impression de contrôle et de pouvoir, il se sentait le maître du monde lorsqu'il avait le dessus sur Tom.

Il pouvait voir les traits fins du blond détendus, ses yeux clos, sa bouche entrouverte, tout ça éclairé par la lumière lunaire, Bill pensa l'espace d'un instant que rien de plus beau ne pouvait être sur cette terre ; l'instant d'après, il se penchait vivement sur Tom et pinçait sa lèvre supérieure entre les siennes.



//



« Gustav, réveille toi ! »

Georg saisit doucement l'épaule du batteur et la pressa pour qu'il se réveille.

Celui-ci émergea de son cauchemar d'un sursaut qui le saisit au cœur et lui provoqua une terrible crise de toux.

Le bassiste s'assit à ses côtés avec précipitation et, une main toujours sur son épaule, il passa l'autre le long de sa colonne dans un effort de rassérènement, parvenant facilement à ses fins.

Ses doigts continuèrent à cajoler le dos du blond tandis que celui-ci reprenait sa respiration. Que c'était il passé ?

« Tu n'arrêtes pas de hurler depuis tout à l'heure… »

Gustav leva les yeux vers le brun pour les détourner tout de suite après.

« Je croyais que c'était fini… » Soupira Georg.

Gustav tressaillit et fronça les sourcils. « Ça va », assura t-il, « je ne cauchemardais pas ».

Au tour de Georg de froncer les sourcils.

« Ets-ce que vous avez passé un accord planétaire commun pour me prendre pour un con ? », Gustav releva la tête et lui lança un regard incrédule, « ça va faire presque trois mois maintenant que tu cauchemarde ; je veux bien croire que l'accident de ta sœur y était pour quelque chose, mais maintenant qu'elle est guérie et qu'elle remarche parfaitement, tu n'as plus aucune raison de faire de mauvais rêves ! », « Alors dis moi ce qui te tourmente », « dis moi de quoi tu rêves. »



//



Tom rouvrit brusquement les yeux, désorienté par le baiser que lui donnait son jumeau. Il était différent, sûrement différent de ceux qu'ils échangeaient.

Cette fois Bill se cantonnait à caresser sa bouche avec la sienne, juste des effleurements, du bout des lèvres, du bout de la langue.

Puis une de ses mains migra vers la nuque de Tom pour l'attirer un peu plus à lui, approfondir l'échange, et…



Quelque part derrière eux, des phares aveuglants s'enclenchèrent subitement, les faisant sursauter ; Tom poussa Bill par réflexe hors de lui, le faisant tomber sur le sol.

Son souffle s'accéléra sous la décharge d'adrénaline qui l'électrisa, et tout en laissant ses yeux se perdre dans l'infini brun du ciel, zébré par les rayons des phares et il devinait son besson dans le même état que lui à coté.



Une portière qui claque, le bruit résonne jusque dans le renfoncement.

« Ey les mômes… », Une voix décharnée, rocailleuse, usée par l'alcool et le tabac.

La main de Bill cherche, puis s'agrippe, alarmée, au poignet du dreadé.



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Gustav se recula imperceptiblement, se dégageant du contact du bassiste.

« T'as pas besoin de savoir... », « C'est qu'un cauchemar Georg. », « Vraiment pas de quoi en faire un plat. »

Il se leva, juste histoire de faire quelque chose, se donner consistance.

Mais c'était sans compter la main calleuse qui saisit avec réflexe son tee-shirt pour tirer et l'entraîner à s'asseoir, faisant grincer les ressorts du couchage.



Presque aussitôt Gustav plongea son visage au creux de ses mains et laissa échapper un sanglot grave et franc.

Même s'il était dans le noir, Georg savait que si quelqu'un rentrait à cet instant, il pourrait deviner au trait près son expression. Il assistait à la scène à la fois la plus incongrue et la plus déchirante possible.

Son cœur cria les S.O.S. que ses mains n'arrivaient pas à exprimer, ses yeux paniqués tentaient de caresser Gustav pour le réconforter, et ses lèvres tremblantes couvraient ses mots maladroits.

Son inquiétude était à son comble, et ses entrailles avaient l'air de former un gros nœud de plusieurs tonnes. Il savait que son ami n'allait pas bien – la preuve était vraiment trop évidente, en plus de ses cauchemar, Gustav perdait beaucoup de poids – mais de le voir pleurer, s'effondrer, abandonner sa carapace, devant lui, il se sentit comme accaparé par le poids du monde sur ses épaules.



« Gus'… »

« J'vais quitter l'groupe » lança le blond entre deux goulées d'air. Même si son ton semblait rempli de regrets et d'hésitation comme pour une parole en l'air, celle-ci fut tranchante, et le bassiste sentit ses entrailles disparaître complètement.

« Quoi. »

Il secoua la tête, pensant que c'était lui qui rêvait, mais rien à faire.

Il ne s'y attendait pas, mais son cœur se brisa, comme jamais à vrai dire. Tout un tas de questions se bousculèrent dans sa tête, tellement qu'il la prit entre ses mains.

« Tu ne peux pas… », « Tu vas pas faire ça hein ?? », « Putain tu peux pas faire ça ! », « Gus' ! » Couina t-il en attrapant de nouveau les épaules du batteur. « Tu vas pas me laisser !? », il commença à le secouer, désemparé, ses yeux le brûlaient, sa gorge était serrée au possible, mais il voulait s'empêcher de pleurer.



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« C'est pas l'endroit pour se papouiller, ici, les filles » ricana âprement la voix derrière.

« Bill, tu restes derrière moi. » chuchota Tom avant de se relever.

Il releva l'androgyne qui cherchait son regard avec ardeur, mais il se retournait déjà vers l'homme. Il était aveuglé par les phares aux lumières agressives et distinguait avec peine la silhouette râblée et imposante du camionneur.

« On ne faisait pas ça » répondit le guitariste. Il n'était pas bien sur de lui, mais il se jugeait menacé, et la charge de protection de son jumeau le pressait. Il se sentit faible lorsque l'homme avança un peu plus en gloussant vulgairement. « Qu'est ce que vous faites ? ».

« C'est à moi de vous demander ce que vous étiez en train de faire, sale mioche » continua le camionneur.

Tom tremblait, mais ne voulais pas plier, et sa bravoure s'accrût lorsque la main de son petit frère empoigna vivement la veste empruntée.

« On se battait. » il esquissa un pas en biais pour s'en aller tranquillement ; se produisit ce à quoi il ne s'attendait pas.

« On peut encore faire ce qu'on veut dans une ruelle merde ! » hurla Bill en jaillissant devant Tom à la manière d'un diable de sa boite à musique.

Il brandissait son poing, s'espérant hostile et fulminant, mais son visage rouge et ses jambes tremblantes n'en menaient pas larges et le trahissait sur ses intentions.

« Bill ! » Le sang du dreadé ne fit qu'un tour et il n'attendit pas une seconde de plus pour saisir son cadet par le collet et s'enfuir en l'entraînant avec lui.



Il pût entendre l'homme aboyer, mais ils couraient plutôt vite, l'expérience et le résultat de toutes leurs conneries d'enfances, alors l'autre fut vite distancé.

Il ne s'arrêta pas avant d'avoir atteint le bus, de l'avoir contourné.

A l'abri d'un quelconque regard, de nouveau éclairés par la lune, il lâcha Bill pour l'empoigner par son gilet et le placarder contre la tôle de l'autocar.

« Georg » implora le batteur en attrapant ses poignets, « Georg lâche moi s'il te plait ». Ses joues étaient empourprées par ses larmes mais il ne semblait même pas avoir pleuré. « J'peux pas rester, je peux pas… » Continua t-il tandis que les bras du bassiste cédaient entre ses mains.

« Tu peux ! Tu dois Gus', tu peux pas partir, tu peux pas… », C'était à son tour de fondre en larmes, de couler entre les bras d'un Gustav déjà déboussolé. « T'as pas l'droit… », « Pourquoi tu veux partir ? T'en à déjà marre de nous ? Qu'est c'qui bloque putain », « dis-moi ! ».

Gustav referma ses bras autour du corps ému du brun mais resta résolument muet.

Quelques minutes passèrent et les pleures du bassiste se tarirent.

Il se redressa lentement en reniflant discrètement, jusqu'à ce que son visage soit à hauteur de celui de Gustav.



Le batteur observa le visage fatigué de Georg, un frisson lui parcourant l'échine comme son souffle balayait la zone de sa bouche.

« Je peux pas te regarder partir… » Murmura le plus vieux, « Je te laisserais pas partir… ».

Il s'approcha, sans ciller, sans doutes, sans hésiter ; et les yeux du blond s'ouvrir grands lorsque Georg créa le contact entre leurs lèvres.

A ce moment, ses oreilles se mirent à bourdonner tellement son cœur battait à tout rompre, et il n'entendit pas le craquement sonore causé par le heurt d'un corps contre la tôle de l'autocar.



//



Tom planta un regard noir dans celui de son frère, le maintenant fermement collé contre le bus pour être sur qu'il ne s'échappe pas.

« Est-ce que t'es malade ? » cracha t-il, la mâchoire crispée. « Est-ce que t'as si peu de jugeote, ou bien t'as fait exprès ?? ».

Bill fut tout d'abord hébété, et resta un petit instant bouche bée, puis il se débattit – en vain – en proférant :

« J'voulais qu'il sache qu'on se serait pas laissé faire ! »

« Mais bordel Bill, quand est-ce que tu vas faire la différence entre ce qu'il faut ou ne pas faire !? Tu te rends compte de la situation dans laquelle on aurait été si le bus n'avait pas été si près ?? », « Tu aimes nous causer des ennuis ou quoi ?? ».

« Je », « J'voulais t'protéger ! T'es pas tout seul Tom, c'est à toi d'arrêter de croire que t'es le grand protecteur du monde entier ! Tu n'es pas tout seul, putain… »

« Quoi ?? », « C'est pour ça qu'tu nous a foutu dans ce merdier ?? », « Mais bordel, j'croyais t'avoir dit d'arrêter avec tes idées à la con ! », « C'est quoi ton problème avec moi ? », « C'est quoi ton problème… ». La voix du guitariste perdit quelques décibels et finit par s'éteindre. « Est-ce que t'as si peu confiance en moi pour vouloir toujours tout faire par toi-même ? ».

Bill arrêta net de gesticuler et laissa ses bras retomber le long de son corps.

« T'as encore rien compris ? ». Sa voix était à la fois froide et tremblante. « Tom, sérieusement, t'as jamais même eu la moindre idée de ce que j'veux ?? », il le poussa avec violence, le faisant tituber.

« J'veux qu't'arrêtes de t'prendre pour le plus vieux, on est jumeaux, d'vrait pas y'avoir de différences », il poussa de nouveau Tom qui poussa un petit cri, trébuchant de nouveau et manquant de tomber sur le bitume : « Bill, arrêtes ! ».

« J'en ai marres d'avoir à rester dans ton ombre parce que t'es soi disant le plus vieux, le plus intelligent, le plus beau », « J'ai construit Tokio Hotel, j'ai écrit, j'me suis fait un look imbattable », « et regarde malgré tout, c'est de toi qu'on parles, c'est toi qu'elles aiment toutes, c'est toi que les journalistes préfèrent avec tes histoires salaces à deux balles ! », Bill hurlait vraiment à présent, « Et en plus je devrais accepter que tu diriges tout entre nous ? », « J'comprends pas, pourtant JE suis le plus beau, le plus grand, et t'es tellement faible, tellement… Je suis tellement mieux !! ».



Le dreadé fronça les sourcils et se frotta le bras droit de sa main gauche. « J'pensais pas que j'te faisais de l'ombre, j'l'ai jamais voulu… Et je croyais pourtant que tout allait bien entre nous… ».

Bill émit un ricanement jaune qui lui glaça les veines.

« Tu… Tu croyais ? », « Mais Tom… Depuis le début, j'ai plus besoin de toi, t'es à mes pieds, comme les autres… Et j'crois que y'a pas plus jouissif que de te voir… », Il le poussa plus fort, et cette fois Tom tomba à la renverse, « … ramper et me lécher les pieds… » Acheva t-il en se penchant légèrement en avant pour surplomber son aîné à terre.



S'en fut trop.

Tom fronça les sourcils et crispa la mâchoire, laissant un sanglot s'échapper d'entre ses dents, puis il se releva vivement pour sauter sur Bill, qui hoqueta, surpris.

En moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, les deux jumeaux se battaient, déversant leur haine respective dans leurs coups.



Lorsque le sang finit par gicler, de la lèvre de Bill et de l'arcade de Tom, ce dernier stoppa le combat, employant toute sa force pour maintenir les poignets de son frère agenouillé au dessus de lui.

« Tu saignes ! » articula t-il difficilement.

« Toi aussi ».



Un silence très gêné s'installa, à peine rompue par leur respiration saccadée.

« Alors c'est comme ça que tu penses à moi… » Finit par murmurer le guitariste. Cette fois, seule une profonde peine transparût sur son visage.

Il lâcha Bill, préférant porter ses mains à son visage pour le camoufler, et lança un « Va t-en » à peine audible.

Mais Bill ne bougea pas.

A vrai dire, toute l'horreur de ses paroles lui retombèrent dessus.

Il était choqué. Et bien vite, quelque chose d'autre refit surface.

Tom avait besoin d'être consolé.

C'était le moment. De jouer le grand frère.



« Tom », « mon Tom… ».

Il attrapa doucement les poignets du blond pour les écarter, et se pencha doucement en avant.

« Tom… », « Pardon. »

Il était sincère. Il voulait vraiment voir Tom sourire. En fait, il se rendit compte que ça faisait longtemps qu'il ne l'avait plus vu sourire grâce à lui…

« Pardonne moi mon Tom, j'ai vraiment fait le con… Excuse moi j't'en pris… ».



Devant le manque de réaction de son jumeau, il se mordit la lèvre, réprimant une grimace de douleur et le flot de tristesse qui le submergeait, et il finit par embrasser doucement Tom sur la joue, d'un baiser doux, chaud, humide, et remplit de tendresse.

Il laissa traîner le bout de son nez contre sa peau, et frissonna lorsqu'il sentit la main de Tom attraper sa nuque et l'amener droit sur sa bouche. Il gémit en sentant la passion et l'amour qu'il y mettait, pensant qu'ils avaient reprit la où ils s'étaient arrêtés tout à l'heure.

Sauf que cette fois il pouvait goûter tout ce que contenait la bouche de son grand frère, il pouvait parfois le caresser plus intimement, tout en continuant ces frottements avec leurs lèvres, ils se faisaient doux et pudiques pour l'autre.

La main de Tom caressa sa nuque durant ce qui semblait des minutes entières, puis dans un besoin plus pressant de sentir l'autre, il y appuya, faisant s'ouvrir sa bouche un peu plus encore, tandis que le baiser devenait plus vrai et plus amoureux. Il ne put contenir un soupir de plaisir au contact du métal sphérique peuplant la langue du chanteur, tout comme celui-ci appréciait le piercing labial du dreadé.



A ce même moment, des nuages effilochés s'amassaient autour de la lune, comme pour lui masquer la vue et prolonger le moment d'intimité des deux frères.



//



Un quart d'heure après.



Les deux garçons, nettoyés du sang témoin de leur querelle, remontèrent jusqu'aux couches en silence, se tenant religieusement la main, l'un pour mener l'autre à travers la pénombre.

Lorsque Tom arriva devant sa propre couchette, il jeta un coup d'œil au batteur ; celui-ci dormait, paisiblement cette fois.

« Bon et bien… bonne nuit. » Il se pencha lentement vers Bill, détaillant ses yeux, puis laissant glisser ses yeux jusque sur sa bouche, qu'il orna d'un doux baiser qui s'éternisa quelques instants.

L'androgyne répondit puis s'en délecta encore un peu tandis que Tom s'était reculer, gardant les paupières closes et la bouche entrouverte.



« Bonne nuit, mon Tom. » soupira t-il.

Puis il s'éloigna en même temps que le bus s'ébranlait pour repartir.
La main du guitariste suivit le mouvement, et leurs doigts glissèrent les uns contre les autres, contraints de se séparés, déjà nostalgique de la prochaine fois qu'ils s'enlaceront.

 

FIN CHAPITRE 10

 

 

 

 

 

 

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