Chapitre 6.
Tournée épuisante, vacances reposantes oblige.
Nous sommes en plein printemps, et la nature s'épanouit pleinement.
Pour préserver pleinement les joies que la nature nous offre, consommez avec nos sacs plastiques biodégradables déjà en vente dans votre inter marché…
Tom soupira bruyamment et jeta un regard par la fenêtre.
La pluie tombait dru depuis leur arrivée à la maison. C'était bien sa veine.
Il soupira encore avant de reporter son attention sur l'écran de télévision, s'enfonçant un peu plus dans le canapé.
Bill était avec Simone et Gordon, à jouer a un jeu de société plus ennuyant qu'autre chose d'après lui, et du coup il n'avait vraiment personne à embêter.
C'était une espèce de brume opaque dans laquelle il s'abandonnait depuis qu'ils étaient rentrés.
Pas une seule fois ils avaient joué.
Composé.
Fait de la musique.
Ce fut une idée qui tenta soudainement le jeune guitariste que d'aller retrouver sa guitare pour aller jouer quelques accords.
Il se leva, peut être trop vite, car il retomba aussitôt sur le sofa, la vue brouillée.
Il grogna avant de se relever plus doucement et de se diriger mollement vers les escaliers.
‘Oh allez, un peu de volonté Tom'
Vraiment c'était presque déprimant d'être si amorphe par une si bonne période.
Il passa devant la cuisine et ne fut pas surpris d'entendre la voix mélodieuse de son cadet le héler.
Il soupira encore avant de s'arrêter mollement dans l'encadrement de la porte.
Bill le toisa longuement, un sourcil relevé, et eut l'image comique d'un homme de cro-magnon.
« Il ne te manque plus que la massue » rigola t il.
Gordon se tourna à son tour vers Tom et le suivit dans son fou rire.
« Va te faire voir, enfoiré » grogna t il en guise de réponse.
« Tom, sois polis » marmonna Simone en bougeant son pion.
« Oh, vraiment Tom, tu en as même la voix… » Le brun était définitivement mort de rire ce qui finit par énerver le dreadé qui s'avança d'un pas lourd jusqu'à lui pour lui tirer les cheveux.
« Maman ! » cria Bill.
« Chochotte »
« Tom. »
« C'est bon… » Il soupira encore, avant de s'éloigner et de se recevoir un coup de pied sur les fesses.
« Bill, si je t'attrape… »
« Si tu l'attrape vous serez punis tout les deux » « chéri c'est a toi. »
Tom leva les yeux au ciel et juste avant de franchir la porte de la cuisine il murmura un « chouchou à sa maman » assez fort pour que tous l'entendent.
//
Il était planté devant la porte de la chambre de Tom depuis maintenant deux bonnes minutes.
Il soupira avant de remettre sa mèche derrière l'oreille et de tourner la poignée.
‘Merde, j'aurais dû frapper' mais il était déjà à l'intérieur de la chambre de Tom.
Ses yeux se posèrent directement sur le lit, ou Tom griffonnait quelques traits sur une feuille blanche.
« Tommy »
Tom ne leva pas les yeux vers lui. « Hm ? »
« Est-ce que… » Il n'osait pas bouger plus, la main toujours sur la poignée. « Est-ce que tu es occupé ? »
Tom arrêta de dessiner, observant sa feuille d'un regard vide.
« Maman et Gordon veulent bien nous prêter leurs vélos » tenta timidement Bill.
« Très bien, je suis d'accord pour aller en faire. S'il ne pleut plus. »
« Il ne pleut pas. » Le brun s'avança dans la chambre. « Tommy tu m'en veux ? »
Tom ne répondit pas et se contenta seulement de hausser les épaules.
« S'il te … »
« Bill », « c'est bon, j'arrive »
En gros, il le jetait dehors.
Bill haussa à son tour les épaules. « Comme tu veux. » et il sortit.
//
Il pédalait toujours plus vite, déviant parfois sur la route, mais celle-ci était déserte alors il n'avait pas vraiment besoin de faire attention. La sensation était grisante, une sorte de liberté du corps, son visage fouetté par le vent, sa mèche voletant par-dessus lui, les yeux qui pleuraient tellement il allait vite.
Il était finalement content que son beau père lui ait apprit a rouler à bicyclette.
Il avait laissé derrière lui son jumeau à la traîne, et ça aussi il en était fier, car il allait plus vite que lui, pour une fois sans doute.
Mais il n'y pensait pas.
Juste le vent contre son visage, dans ses cheveux, sur son cou…
Juste les arbres tous verts, et les flaques d'eau qu'il s'amusait à traverser pour voir les gouttes éclabousser, en chantant Durch den monsun.
Il se redressa maladroitement, debout sur ses pédales, pour gagner encore en vitesse, malgré que son vélo tangue dangereusement.
Il perçut derrière lui l'appel de son frère, mais cela ne l'encouragea que plus a augmenter l'allure, comme pour une course.
Ils avaient gravit une cote à peine pentue, et maintenant que le terrain était à peu près égal, Bill essaya de lâcher une main de son guidon…
Puis l'autre…
Il savait faire ça, mais jamais il ne l'avait fait vraiment debout sur le vélo…
Et il savait que ce qui arriva ensuite devait arriver, mais il s'en fichait, c'était vraiment une sensation hors du commun, cette liberté dont il a toujours rêvé, et qu'il espérait atteindre grâce au groupe Tokio Hotel… Alors quand la voiture arriva derrière lui, qu'elle klaxonna, lui faisant perdre l'équilibre et provocant sa chute, il ne fut pas surpris de se sentir tomber.
Mais il était tellement dans son brouillard salé de rêves d'évasion qu'il ne sentit ni son coude cogner brutalement le sol, ni son genou s'écorcher sur le bitume, ni sa dent percer sa lèvre inférieur.
C'est quand il prit conscience qu'il roulait jusque dans le fossé remplis d'orties qu'il hurla.
Il pédalait aussi vite qu'il le pouvait, Bill était vraiment un danger publique à vélo.
Ses dreadlocks fouettaient son cou, et sa capuche refusait obstinément de tenir sur sa tête, à cause du vent qui s'y engouffrait.
Il venait de dépasser la cote, appelant Bill qui ne répondait pas.
Un coup de klaxon résonna de la part de la voiture que le doubla, le faisant sursauter.
Puis, alors que le terrain s'égalisait, il se rendit compte qu'il ne voyait plus Bill.
C'est la qu'il l'entendit hurler.
Son sang ne fit qu'un tour.
Il pédala comme un dératé, criant le nom de son frère, imaginant déjà les pires catastrophes, imaginant déjà Bill étalé par terre, inerte, sans vie, couvert de sang…
Son effroi se décupla quand il aperçut le VTT totalement disloqué au milieu de la route.
Il freina brutalement, sauta de son propre vélo, et couru aussi vite qu'il le put vers le fossé, criant toujours le prénom de Bill.
C'est quand il le vit ramper pour sortir du fossé que Tom cru avoir une crise cardiaque.
Son frère était en vie.
Tout ça n'était qu'une simple chute à vélo…
« Tommy… » L'appela Bill faiblement.
« Oh mon dieu » Tom sauta dans le fossé sans réfléchir plus longtemps et empêcha le brun de s'agiter encore « oh merde Bill putain qu'est ce qu'il c'est passé ? ». Il tremblait et s'en voulait.
Il aurait dû rester avec Bill, à coté de Bill, contre Bill, il s'en voulait même de ne pas être Bill pour mieux le protéger encore…
Il passa un bras sous ceux de Bill, puis un sous ses genoux, s'égratignant contre les orties et les ronces sans s'en préoccuper plus que ça.
Il le souleva avec difficulté, provocant un petit gémissement de douleur chez le cadet.
« Chut… » « Là, ça va aller mon Bill… »
Il le déposa avec une précaution sans borne sur l'herbe hors du fossé, puis s'assit à coté de lui.
« Tommy… » « Ça va…, j'ai rien » et pour lui prouver, le chanteur se redressa en position assise, affichant directement une grimace de souffrance en portant la main a sa poitrine.
« Putain Bill » « Tu perd tout ton sang et tu veux me faire croire ça ? »
« Merde. »
Bill essuya sa lèvre ensanglantée d'un coup de manche, avant de relever ladite manche et d'analyser les dégâts sur son coude.
Même s'il avait mal, il ne l'avouerait pas à Tom, il ne pleurerait pas devant lui.
Nouveau dilemme.
Son coude était juste très douloureux, il ne s'en inquiéta pas plus.
La main de Tom se dirigea vers son genou. Une auréole rouge l'ornait.
« Merde, vraiment t'es dans un mauvais état… »
Bill ne répondit pas.
A vrai dire il était juste un peu nauséeux à cause du sang qu'il avait avalé lorsqu'il s'était ouvert la lèvre.
« Est-ce que ça va ? » « Qu'est ce qu'il c'est passé ? »
Bill hésita un moment avant de plonger son regard dans celui de Tom.
« J'ai juste… »
Son frère avait l'air si morne.
« Rien, vraiment c'est pas grave, j'ai dérapé… »
En fait il avait peur. Que Tom le gronde. Parce qu'il avait fait l'imbécile et que Tom lui aurait encore dit ‘je t'avais prévenu'…
Il vit Tom tirer sur sa manche et la porter a sa bouche gonflée.
« Tu pisse vraiment le sang ». Il épongea doucement la lèvre ouverte en soupirant, posant son autre main sur la joue de Bill. Celui-ci le regardait intensément, les yeux mouillés par la douleur.
Tom sentait son ventre se tordre agréablement. Il rosit un peu avant de murmurer :
« J'ai eu vraiment peur… » Le cœur de Bill manqua un bond « j'ai cru que tu étais… enfin, tu es en vie, c'est le plus important… ». Tom se mordit la lèvre en continuant à éponger le menton de Bill.
Le brun ne croyait pas ça. Il n'y croyait simplement pas. Son frère ne pouvait pas avoir eu peur.
Si ?
« Est-ce que ça fait mal ? » dit le dreadé en posant son doigt sur la plaie qui s'asséchait.
Bill acquiesça sans lâcher Tom des yeux. Il le regardait rosir sans savoir pourquoi. Il le vit aussi loucher sur sa blessure.
« Est-ce que je peux… »
Tom s'arrêta et soupira un grand coup en fermant les yeux puis dévia pour s'occuper du genou de Bill.
Il fallait arrêter ça, sinon il savait que ça pouvait aller très loin. De son coté du moins.
Il souleva tout doucement le tissu pour faire le moins de mal possible à son frère, mais le jean serré collait à sa peau, et il finit par abandonner.
« Comment on va faire pour rentrer ? »
« Tu monteras devant sur le guidon… »
Tom se tourna vers Bill lorsqu'il le sentit tirer sur sa manche.
« Non, je vais tomber… »
Bill avait encore ce regard, et lorsqu'il retourna la tête, le brun le tira encore vers lui.
« Quoi ? »
Avant qu'il ne puisse réagir, le nez de Bill s'écrasa contre le sien, et ses lèvres s'enfoncèrent entre les siennes, faisant glisser sur les papilles du blond le goût ferreux du sang séché sur la lèvre inférieur de Bill.
Tom loucha encore sur le visage de son frère qui avait fermé ses yeux, totalement abasourdi.
Il aurait pu le repousser ; mais il ne l'a pas fait.
Il aurait pu se débattre ; mais il n'en avait pas envie.
Il n'avait pas envie non plus d'en avoir envie…
Aussi se laissa t il faire lorsque Bill le poussa doucement à s'allonger après l'avoir saisit par le col de sa veste, aussi savoura t il ce moment de divagation.
L'herbe vint chatouiller sa nuque et ses épaules, humide et grasse.
Bill était vraiment doux, et Tom se demandait ce qui pouvait bien se passer dans sa tête.
Le vent soufflait plus fort au sommet de cette colline là, et le corps entier de Bill tremblait sur lui.
Il passa ses bras autour du tronc de son jumeau tandis que celui-ci se mit à cajoler son visage, glissant ses doigts le long de son cou, de ses joues, pour finir dans ses dreads.
Bill aurait voulu se mettre a califourchon sur son frère, mais son genou meurtri le lançait dès qu'il frôlait terre.
La solution fut trouvée par le guitariste.
A son tour de renverser gentiment son double à terre, rompant le baiser et ne montant que d'une jambe sur lui, en appuy sur un coude tandis qu'il caressait son visage avec tendresse.
« Tom » « mon Tom… » « Est-ce que tu m'en veux ? »
Le dreadé soupira avant de sourire. « Non », « je pourrais jamais réussir à t'en vouloir vraiment... »
Bill gémit de bien être, et cambra légèrement son corps pour toucher celui de Tom, avant d'étouffer un grognement sous la douleur qui le transperça.
« Shhh calme toi mon Bill » « tu monteras derrière pour le retour ».
Les deux frères se regardèrent avec une tendresse infinie, et Tom en profita pour toucher son jumeau.
Il posa doucement sa main a plat sur le ventre de Bill, et le caressa tandis qu'il se contractait doucement sous ses doigts froids.
« Est-ce que c'est mal ? »
Bill tremblait encore.
A vrai dire sa peau était aussi froide que celle des doigts du guitariste.
« J'en sais rien » avoua le dreadé en haussant les épaules. Tout ce qu'il voulait c'était de rester collé a son frère.
Collé.
Etre lui.
Ou être en lui.
Il rougit subitement et préféra poser son front sur celui de Bill en fermant les yeux, respirant avidement le semblant d'odeur qui résistait au vent et qui émanait de lui.
« Tom »
Bill n'avait pas chuchoté.
Prit un ton dur.
Qui fait mal.
« J'irais a pied. »
Avant de repousser son aîné.
Tom est déstabilisé.
Bill devient vraiment une personne étrange pour lui.
Comme s'il y avait deux Bill.
Un qui l'aime.
Un qui ne le connaisse même pas.
Et ça, Tom a du mal à le suivre.
Mais il ne s'y attarde pas trop, parce qu'il veut rentrer et qu'il est face à un Bill boudeur qu'il faudra traîner jusqu'au vélo. Et jusqu'à la maison. Eventuellement jusqu'au lit.
Encore une fois Tom rougit sans trop savoir pourquoi, et s'attelle à la tache.
Mais Bill à vraiment l'air grognon, pire, presque… froid.
« Oh allé Bill, je veux juste qu'on rentre, ou tu vas tomber mala… »
« Je me débrouille seul, merci. » avait encore clamé le cadet.
Mais il semblait enfin apte à prendre le chemin du retour en grimpant sur les cale-pieds de derrière.
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Tom était vraiment bien à ce moment la.
Il roulait ni trop vite, ni trop lentement, prenant calmement la descente de la cote, le vent s'engouffrant dans ses dreads, caressant son visage rieur.
Il avait le cœur léger que tout ce soit bien passé.
Même si quelque chose restait coincé quelque part.
Mais il préférait ne pas y penser, voir le bon coté des choses .
Les mains de Bill se noyaient dans sa veste, sur ses épaules et sous sa capuche, parfois son corps se pressait contre le sien lorsqu'il freinait.
Et parfois Tom faisait exprès de freiner.
Bill, lui, pensait. Encore.
Il pensait que de prouver a Tom qu'il pouvait se debrouiller par lui même ne semblait pas vraiment nécessaire des fois, tellement Tom semblait être sous son contrôle.
Sous son contrôle.
C'était quelque chose de perturbant en fait.
Pas désagréable mais perturbant.
Etre le grand frère quelque part.
Peut être qu'après tout, il ne devait pas prouver. Mais plutôt prendre en main et imposer sa volonté.
‘Ouais' pensa t il ‘être le grand, pour une fois'.
Il se sentit très fière et se redressa en bombant le torse un peu plus, s'exposant vraiment au vent qui le décoiffa et rougit ses joues, avant qu'il ne laisse ses mains se perdre sous la veste de son frère pour le toucher un peu, dans la chaleur de son vêtement.
Tom tressaillit, appréciant la celle du visage de Bill sur son épaule contre son cou.
Bill était vraiment bien à ce moment la.
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Les projets de Tom pour un câlin sous la couette avec son jumeau tombèrent vite à l'eau, surtout lorsque l'expression souriante sur le visage de Simone se décomposa face à l'état lamentable de son fils cadet.
Et même, Tom se fit disputer fort par elle, avant de partir coléreux s'enfermer dans sa chambre.
Et Bill s'en voulait d'apprécier le traitement de faveur.
Rester le plus petit pour sa mère.
Avoir l'importance et surtout l'emporter sur son frère.
Pour pouvoir aller le consoler après.
FIN CHAPITRE 6