CHAPITRE 8


Dix sept ans.

Trop de travail, souvent les jumeaux étaient épuisés.

Bill tombait souvent malade, Tom s'éclipsait toujours plus la nuit.

Gustav restait impassible, peut être un peu trop, un vrai mur de brique.

Georg gagnait en maturité, mais aussi en maladresse, et à chaque concert, il multipliait les fausses notes.

Et Gustav tentait de l'aider à régler ce problème, et même s'il réussissait partiellement, quelque chose restait en Georg que personne ne comprenait. Parfois c'était si gros que Bill l'engueulait en hurlant qu'il faisait exprès.

Ça ne concernait pas que les concerts. Après tout c'était bien dans ce domaine que Gustav parvenait à le conduire, mais parfois, lorsque Georg traînait dans le tourbus un couteau à la main, sans doute à la recherche hypothétique de beurre pour son toast, un des membres du groupe finissait inexorablement par être entaillé quelque part.

Du haut de ses vingt ans, le petit bassiste avait deux pieds gauches. En shooting, il trébuchait souvent, surtout sur les objectifs à vrai dire, en soirée, il bousculait les dames, les bulles de champagnes finissant leurs courses folles du verre en cristal jusque dans le décolleté en soie de celles-ci.

Parfois ses excuses aboutissaient en regard dédaigneux de la demoiselle et fou rire du dreadé guitariste, parfois il avait plus de chance et parvenait à discuter, voire échanger son numéro avec la pauvre noyée.



En fait, les disputes dans le groupe n'étaient vraiment, vraiment pas fréquentes.

Parfois quelques conflits dus à la trop grande proximité des quatre jeunes gens durant trop longtemps qui éclataient histoire de faire baisser la tension.

Mais vraiment, les plus grandes engueulades, c'était bien celles qui opposaient Bill à son bassiste.

Et toujours, toujours Gustav finissait par prendre la défense de Georg, et Tom se rangeait du coté de Bill, par la logique des choses.

Parce que Bill exagère toujours, disait le batteur.

Parce que Bill est mon frère, prétextait le guitariste. A la fin.

Parce qu'à vrai dire, il n'était pas vraiment d'accord avec son jumeau, parce que Georg était comme ça, et que Tom s'en foutait pas mal qu'il soit gauche. Il aimait beaucoup cet homme, parce qu'il était un peu le grand frère qu'il n'avait jamais eu.

Et ça se sentait pas mal dans leur relation, ils se taquinaient énormément, Tom plus en public, Georg toujours dans le dos des médias.

Parfois, sous le regard noir d'un certain autre, on pouvait apercevoir une tête dreadé dépasser de sous le bras du bassiste et se faire frotter le haut du crâne par le poing de celui-ci dans un geste affectif.

Et Tom se débattant en pinçant les cotes de son agresseur.

Oui, décidément les deux étaient très complices.

Et oui, cela déplaisait particulièrement au chanteur, qui en profitait pour se venger et se déverser sur le pauvre bassiste à la moindre erreur, et dieu sait comme il en faisait, des erreurs.



Et plus Bill criait, plus il en faisait.

Cercle vicieux.

Georg n'avait sans doute jamais été très doué pour impressionner quelqu'un, et lorsqu'il essayait, cela tournait sans cesse à la maladresse. Et Bill criait. Et lui essayait.



David avait bien tenté d'imposer des règles pour réduire les disputes, mais en fait, l'androgyne avait contourné le problème, rugissant surtout lorsque le manager n'était pas la, ou se contentant de regards glacials dans le cas inverse.





Un soir particulièrement marqua sans doute à jamais le groupe.

Dieu savait encore Ô combien les disputes entre les jumeaux étaient très peu fréquentes, mais surtout très dévastatrices.

C'était un soir de route, pendant un arrêt du tourbus à une aire de repos italienne.

Les quatre étaient sortis histoire de prendre l'air et de dépenser quelques euros pour une pauvre machine à café d'Italie.

Gustav tournait mollement sa touillette en plastique dans le minuscule gobelet en maugréant que pour un si petit café il avait lâché une bien grosse pièce, Bill regardait par la fenetre d'un œil vide et vitreux, tandis que les deux guitaristes rigolaient comme des baleines alors que Tom posait pour la énième fois sa main sur un sexytest, histoire de voir si la machine répondait toujours la même chose.

La diode passait rapidement sur les notions de ‘Dieu du sexe', ‘Bon coup', ‘Peut mieux faire' et ‘Petit joueur', avant de ralentir pour enfin s'arrêter sur ‘Bon coup', dont l'illustration représentait la position du Lotus.

« Cette machine ment comme elle clignote » gloussa le blond, « tout le monde sait que je suis un Dieu du sexe né ! » clama t-il.

« Tu parles » répondit le bassiste en le poussant pour prendre sa place, « elle ment parce que tu n'est qu'un petit joueur, petit joueur ».

Tom s'indigna et le frappa à l'épaule, et pour se défendre Georg le pinça au coude, chose que le dreadé ne supportait pas.

« A mon tour, attention mesdemoiselles, le vrai Dieu du lit est là… ». Il inspira de façon comique en fermant les yeux, et Tom partit dans un fou rire incontrôlable.



Lorsqu'ils revinrent, les poches complètement vides et le rouge aux joues, ils se chamaillaient encore en se pinçant ici et la, se chatouillant jusqu'à en faire sursauter l'autre.

« Attention aux… » Commença Gustav, mais se fut peine perdue, le bassiste trébucha et se rattrapa à la table, qui sous le choc envoya valser les deux gobelets de cafés brûlants sur ses vêtements et ceux du chanteur.

Catastrophe.

Les yeux de Tom traînèrent sur le visage de son frère le temps que celui-ci se déforme en une grimace de colère, puis il préféra ne pas regarder ce qui s'en suivit.

« Putain Georg tu fais chier sale boulet ! » hurla le chanteur en tapant du pied au sol. « T'es vraiment qu'un incapable bordel j'ai rien a me foutre sur le dos maintenant je fais comment moi hein ? »

« Calmes toi Bill » gronda le batteur.

« Et baisses d'un ton, t'es pas chez toi ici » continua le bassiste, rouge de honte et mal à l'aise. Il n'aimait décidément vraiment pas être confronté à Bill en colère contre lui.

« Rien du tout putain, tu sers vraiment a rien maintenant, j'en ai ras le cul de toi, toujours a tout foutre en l'air hein Georg, t'es vraiment qu'un incapa… »

« La ferme Bill. »



L'androgyne se tut, la bouche grande ouverte, coupé dans l'élan de sa syllabe, et tourna vivement la tête vers son frère jumeau.

« Pardon ? »

« J'ai dit la ferme. » « Tu t'entends un peu ? », « Est-ce que t'as un problème vraiment ? » « Il a juste buté et t'entends ce que tu dis ? ».



Ce fut le choc pour tout le monde.

De voir Tom ne pas seconder son frère était inhabituel.

« C'est quoi ton problème Tom ? » demanda Bill interloqué.

« Le tiens, de problème, bordel Bill si t'as un compte à régler fais le, mais t'en prends pas aux autres comme ça, t'es vraiment dégueulasse de dire ce genre de chose, tu t'rends pas bien compte j'crois, on dit pas ce genre de trucs à ses amis , si tu vois ce que j'veux dire ? ».

« Ouais, c'est que du café mec, détends toi… » Ajouta le bassiste.

« Ah toi ta gueule, quant a toi Tom, je t'ai déjà dit que t'avais rien a me dire, j'suis un grand garçon, maman , bordel t'es pas mon père laisse moi vivre okay, je fais ce que je veux, et d'ailleurs je sais ce que j'ai a faire », « vous avez quoi a tous vous mettre contre moi putain c'est un putain de complot c'est ça ? ».

Bill secoua la tête d'un air exaspéré.

« Chuis entouré d'un tas de demeurés, et toi Tom, n'espère même pas que j'te reparles un jour. »

Il lança un dernier regard noir au bassiste, lui faisant clairement comprendre que tout ceci était encore de sa faute, puis après une autre regard hautain à l'assemblée du personnel italien qui n'avait pu piper mot, il tourna les talons et sortit d'un pas furieux.

« C'est quoi TON putain de problème merde ! » cria Tom avant que la porte automatique ne se referme. Il vit Bill se retourner et lui adresser un joli doigt d'honneur avant de grimper dans le bus la tête haute.

« Bordel » grogna le dreadé en donnant un coup dans le pied de la table.

Les deux autres le regardaient toujours aussi surpris.

« Désol… »

« T'excuse pas putain, c'est tout sauf ta faute Géo, ce gars a une putain de case en moins c'est tout… », « Il t'as dit des choses ignobles et fausses, il mérite rien de mieux qu'une bonne fessée en public » rigola nerveusement le guitariste en coupant le petit brun. « Je lui réglerait son compte plus tard. »

« C'est pas la peine tu sais, d'un coté ça me fait plus rien.» répondit Georg.

Tom grogna une dernière fois et s'en alla du coté des toilettes.



Gustav hocha la tête et partit chercher des essuie-tout pour éponger les quelques gouttes de café renversées.

Georg resta juste planté la, et Gustav après s'être excusé auprès du personnel laissa le bassiste seul, prétextant un coup de barre pour retourner lui aussi dans le bus.

En montant les marches, les injustes arguments de Bill résonnèrent dans sa tête, et il ne put s'empêcher de maugréer :

« Ce gars est juste une diva. »



//



Plusieurs heures s'étaient écoulées depuis la dispute.

Tom pouvait voir la nuit et les étoiles défiler par la petite fenetre de sa couchette.

Au dessus de lui, le corps de son frère roulait au rythme des cahots sur la route et faisait parfois grincer les ressorts ; à coté de lui le ronflement de Georg était devenu simple respiration, et la musique de Gustav avait fini par s'éteindre.

Juste le bruit de quelques voitures qu'ils croisaient rarement et celui du moteur.



Il n'en revenait toujours pas de la méchanceté de son frère.

Et ça inquiétait le guitariste, parce qu'il se souvint clairement avoir entendu cette phrase foutrement vrai lors d'une soirée de remise de prix, un acteur américain qui avait dit « Les hommes sont juste plus malheureux que méchants ».

Alors si Bill se montrait si haineux envers le bassiste, c'était parce qu'il était mal vis-à-vis de lui ?

Mais pourquoi ?

Est-ce qu'il c'était passé quelque chose dont il n'était pas au courant ? Est-ce que Georg avait fait du mal à Bill ? C'était quasi inenvisageable pour le dreadé.



Il souleva légèrement son dos pour dégager ses dreads fichées dessous, et en prit une dans sa main pour la faire rouler entre ses doigts.

Alors qu'il regardait les étoiles, absent, il se demanda si ce n'était pas de la jalousie après tout.

C'était flagrant que la petite bulle des jumeaux avait fini par éclater. Elle n'existait plus vraiment, plus du tout même.

Ils allaient avoir dix huit ans, et Bill n'avait jamais été aussi avide de nouveautés et de liberté. Il négligeait tout le monde autour de lui, y compris sa pseudo ‘âme sœur' comme il l'appelait avant.

Il était intenable a présent, il parlait même de réussir en Amérique pour s'y installer définitivement.

Il fumait, tout et n'importe quoi, il buvait comme un trou parfois jusqu'à frôler le coma éthylique, il jouait les rebelles en ramenant des filles jusque dans sa chambre d'hôtel contre les avertissements et les interdictions de David. Parfois Tom l'avait pris en train de se faire vomir.

En vrai, Bill devenait et faisait n'importe quoi. Et jamais ils n'avaient passé tant de temps sans ne serait-ce qu'un câlin.

En fait, depuis que Tom avait jouit en Alsace, ils n'avaient plus eu l'occasion, puis plus l'envie peut être d'avoir un contact comme celui-ci.

Tom pensait que Bill n'en avait juste rien à foutre de lui, trop absorbé par ses conneries, et du coup Tom sortait beaucoup pour décompresser. Mais maintenant Tom se dit que peut être Bill pensait la même chose ce qui le poussait a faire ces conneries, parce que Tom ne cherchait pas non plus le contact.



En fait sa première crainte lui revint comme une gifle ou une balle en pleine tête. L'affreuse sensation d'avoir négligé la personne qui compte le plus pour lui l'éclaboussa comme le sang d'une victime, et directement l'habituelle vision de Bill étendu mort sur le sol lui revint en tête. Tom n'avait en effet pas peur de grand-chose, mais sa grande phobie, sa bête noire, c'était Bill, Bill et sa mort, Bill en sang, Bill plus là…



Il frissonna et ferma fort les yeux.

Il relâcha sa dread et se redressa.

Il eut un autre frisson nauséeux en pensant à la promesse faite à Simone presque cinq ans auparavant, avant qu'ils ne prennent les routes loin d'elle.



« Tom, mon chéri, maman doit te demander quelque chose… ». La mère tira affectueusement sur un des dreads de son fils en passant une main tendre sur sa joue.

« Maman » soupira le blond, « je suis plus un gosse » ajouta t-il en levant les yeux au ciel, exaspéré.

Simone secoua sa crinière rousse et sourit gentiment. « Je veux que tu me promette une chose petit bébé », son sourire se fit plus fin, et elle ajouta « je veux que tu prenne soin de ton petit frère lorsque vous serez loin de moi », « tu peux faire ça pour moi ? ». Elle posa son index dans le petit creux entre les pectoraux du guitariste et lui murmura d'un air complice « c'est un secret, tu dois le garder pour toi. »

Elle se redressa et alors Tom leva de grands yeux vers elle.

Est –ce que Simone plaçait confiance en lui en lui demandant d'accomplir une telle mission ?

Fière, le garçon gonfla la poitrine et répondit « Chef, oui chef » avant de s'en aller en courant pour aller crier a son frère qu'il était ‘le grand' parce que maman lui avait confier un secret.



Il avait bien gardé le secret, mais avait il vraiment tenu sa promesse ?

Il se redressa en position assise, atrocement fiévreux soudainement.

Une désagréable bouffée de chaleur l'envahit et sa tête lui tourna.

Il lui fallait de l'air, à tout prix.

Il descendit de sa couchette, fébrile et peu sur de ces gestes.

Le bus tanguait, tanguait, ‘on se croirait sur un bateau' pensa t-il en chancelant a travers les couloirs du bus qui lui semblaient être des dédales et des dédales entier de labyrinthe…

Arrivé dans la salle des canapés, son genou droit faiblit et il tomba à la renverse.



//



Il n'arrivait pas à y croire.

Est-ce qu'un jour un seul il s'était sentit aussi délaissé ? Il ne pensait pas.

Il se sentait malade, faible ; Tom n'était plus Tom pour lui, il était bien trop occupé à être Tom pour Georg.

Trop occupé à être Tom pour Tom.

Trop occupé à être le maître, celui qu'on aime naturellement, sans qu'il ait besoin de se maquiller, de se placer de lui-même devant les camera…



Bill chahuté dans son lit par les cahots de la route repense a tout ce qu'il a pu faire de bien depuis ses treize ans, depuis Devillish, depuis Gustav et Georg, depuis que Gordon avait parlé de son groupe un soir a table, et que Bill l'avait tout de suite envié d'avoir pu se sentir si haut, si près des étoiles. Il se souvint aussi, un peu plus vexé, à quel point il avait voulu apprendre la guitare. Et c'était Tom qui avait réussi. Alors il avait laissé tomber. Et c'avait finit par être ainsi pour tout.

L'amour ;

L'école ;

Le sexe ;

Les amis…



Il se retourna rageusement dans sa couchette, définitivement incompris, et ressassa toutes ces foutues interviews, où, un sourire peint sur le visage, il avait fait semblant d'ignorer comment Tom se ventait, sans cesse, de tout et de rien, en se comparant à Bill, mais aussi et surtout a Georg.

Tandis qu'il lançait des regards noirs aux étoiles qui défilaient dans le sombre ciel, un petit bruit de lit que l'on quitte grinça, captant son attention.

Il opta pour Gustav qui allait aux toilettes, mais lorsqu'un puissant bruit de chute retentit, agrémenté d'un léger gémissement, il sursauta, d'abord paniqué, comme toujours, tellement préoccupé pour les autres, Bill Kaulitz était tellement généreux, et personne ne semblait s'en rendre compte…

Il soupira, tout a fait d'accord avec lui-même, mais décida quand même d'aller voir, au cas ou.

En descendant prudemment l'échelle, l'androgyne imagina tellement Gustav se prenant le pied dans celui du canapé et jurer contre le pauvre sofa qu'il échappa un petit ricanement.



Il trottina de façon incertaine jusqu'au couloir et son cœur rata un battement lorsqu'il vit Tom, étalé a moitié sur le canapé de gauche, a moitié par terre, le visage blafard et les yeux hagards.

« Oh merde ! ».

Il paniqua un peu plus l'espace d'un instant avant de se précipiter sur le blond, toujours difficilement face a la vitesse qu'avait le bus. Il le saisit sous les bras, et le releva doucement, mais le corps du dreadé était incroyablement lourd et mou.

« Du sucre » murmura Tom en tentant de garder ses yeux ouverts pour voir son jumeau.

« Oui, je vais chercher ça, j'arr- ».

Le car prit un virage très serré au même moment, et ployant sous les différentes forces qui l'accaparaient, l'androgyne tomba en arrière sur le canapé, son frère complètement affalé sur lui. Un hoquet rauque s'échappa du fin fond de sa gorge lorsque le poids de son frère l'écrasa d'un coup, lui coupant le souffle.

Le guitariste gémit faiblement, et l'espace d'un instant Bill se demanda s'il n'allait pas tout simplement crier à l'aide.

Mais plusieurs choses l'en empêchèrent.

Déjà peut être parce qu'il était en short de pyjama très court, que Tom était lui aussi presque nu, et que la position qu'ils avaient n'était pas des plus anodines ; et puis surtout parce qu'il sentit a nouveau cette petite sensation aigre qui lui hurlait qu'il était capable, qu'il devait faire ses preuves, sauver son frère, et après peut être le consoler…



Un sourire fugitif passa sur ses lèvres, et il se cambra pour essayer de faire tomber son frère à coté de lui, mais c'était sans imaginer qu'encore une fois, son jumeau était bien dix fois plus lourd qu'il ne l'aurait parut.

« A quoi tu joues » haleta Tom en le sentant bouger contre lui, la tête dans le cou de son frère. Il fut directement assaillit par un nouveau vertige, sa vision devenant noire pendant quelques secondes. « Vite » pressa t-il.

« Oui » pantela Bill a son tour, « mais t'es affreusement lourd Tom j'arrive pas », « j'arrive pas a te soulever ! ». Il se tortilla sous son frère jusqu'à ce qu'il soit totalement essoufflé. « Putain j'arrive pas à y croire », « j'aurais jamais cru qu'un jour tu me coincerais ! ». « Tu penseras à perdre du poids », ajouta t-il, légèrement hargneux.



Coup dur pour le dreadé qui ne pouvait même pas riposter, bien trop faible.

Il se sentit décoller ; Bill avait enfin réussi a le dégager sur le coté, le laissant tomber comme une masse sur le sofa.

Peu après il put le sentir tirer sur son bras pour le redresser.

Tom se sentait incroyablement cotonneux, mais ça ne lui plaisait pas forcément.

Il retomba en arrière comme Bill n'avait pas la force de le maintenir.

« T'es qu'un brin d'herbe Bill » souffla Tom. Bill grogna et lui lança qu'au moins lui ne pesait pas trois tonnes.

« Le sucre » gronda le blond.

« C'est bon j'arrive » répondit Bill en soupirant.

Il se baissa sur son frère pour lui mettre le sucre dans la bouche.

Il frôla les lèvres sèches de son jumeau au passage, sans vraiment le vouloir.



Mais ce fut comme s'il ne pouvait plus contrôler. Quelque chose de dense qui passe dans les veines de son bras. Sa main. Qui vient se poser sur la joue pâle du guitariste.

Il peut sentir le travail de sa mâchoire juste sous ses doigts, il peut deviner le sucre qui craque sous les dents de Tom, il peut voir la grimace qu'il fait, parce que Tom n'aime pas tellement le sucre nature, encore moins en morceau.

« Ça va mieux ? »

Le dreadé haussa péniblement les épaules et referma les yeux.

Plusieurs minutes passèrent, et Bill caressait toujours lascivement la joue de son jumeau. Tom était faible. Quoi de mieux pour en profiter un peu et tourner cette situation a son avantage ?

Il détourna la tête pour que le dreadé ne le voie pas rougir, même si c'était une précaution inutile étant donné que Tom avait les yeux fermés.

Il laissa donc sa main errer un peu plus bas, juste au niveau de son cou, épousant la forme de celui-ci, à l'écoute des battements de son pou.



Plus bas, caressant l'os saillant juste au dessus des pectoraux.

Plus bas, effleurant le téton de façon plutôt insistante.

Plus bas, glissant sur le tissu qui suggère le ventre plat.

Un peu plus bas, gravissant la hanche.

Il hésite, et vois les paupières de Tom se rouvrir.



Ils se regardèrent un long moment, et sans ciller, Bill descendit encore sa main, son bras se tordant derrière lui pour passer le long de la cuisse de Tom.

L'aîné frissonna légèrement et remonta sa jambe, comme pour encourager son jumeau. Celui-ci passa le genou et descendit jusqu'à la cheville, ou il laissa ses longs doigts frôler la peau très fine du pied de Tom.

Ça lui fait bizarre, généralement c'est avec les veines de sa main que Bill s'amuse. C'était. Maintenant il avait juste l'air de s'amuser avec lui, avec lui tout entier.



« J'aurais besoin d'un autre... »

« Je t'apporte ça » coupa Bill. Il se leva et s'en alla chercher un second sucre en balançant des hanches, sous les yeux écarquillés de son frère. Bill lui devenait de plus en plus étranger, il coulait entre ses doigts et Tom ne parvenait plus à le saisir, le comprendre.



Quand Bill revient, il a les joues roses, des frissons courent sur ses jambes frêles et nues, et Tom se sent déjà mieux, d'ailleurs, plus ses yeux dévalent le long du corps de son frère, plus la chaleur reprend ses droits sur ses membres lourds.

Il se redresse difficilement, et quand le chanteur se laisse paresseusement tomber à coté de lui, il n'attend pas et lui saisit la main pour porter ses doigts à sa bouche.

Il engloutit le sucre, mais laisse ses yeux dans le vague devant lui et la main de son jumeau a portée jusqu'à ce que l'horrible mixture disparaisse au tréfonds de son estomac.



Les particules de sucre fondent, se désintègrent, les molécules de glucose franchissent les barrières de la paroi de l'organe pour se propager librement dans ses vaisseaux, les atomes sucrés se liant à son sang.



Son sang.



La main de Bill toujours dans la sienne, il porte ses doigts manucurés à sa propre bouche. Les pressent contre ses lèvres, l'auriculaire glissant sur l'anneau de son piercing. Ouvre la bouche, lentement.

À coté son frère trésaille.

Lorsque la peau légèrement acide du brun entre en contact avec sa langue, ses papilles réagissent nerveusement. Décharge d'adrénaline, Tom aspire l'index de son cadet qui laisse échapper un hoquet de surprise puis un faible gémissement qui parvient au dreadé comme un encouragement.



Le blond ferme les yeux et se laisse tomber contre le dossier du canapé, entraînant Bill un peu plus vers lui.

Celui-ci en profite presque directement pour se coller à Tom, se coller contre lui, sentir la chaleur émaner de son bras contre son ventre, et l'embrasser sur la joue, le long de la mâchoire, puis se laisser aller à titiller le lobe de son oreille, d'abord avec les lèvres, puis les dents, et finir avec la langue...



Tom gémit à son tour, mais beaucoup plus fort, ses orteils se crispent et ses doigts se resserrent autour de la main du brun.

Il reconnaît cette torpeur, ce brouillard. Cette bulle un peu spéciale, une marque de fabrique signée Kaulitz...



Il rouvrit les yeux lorsqu'il sentit les doigts de son frère lui échapper, et se sentit bousculé sur le côté, puis agréablement écrasé par le poids de son cadet.

Il donna l'effort pour se retourner doucement, puis frémis lorsque la bouche de Bill se posa sur la sienne et qu'il positionna ses jambes de part et d'autre de lui pour le chevaucher.

Il se décolla et planta ses yeux au fond des siens.



« Je ne t'ai pas pardonné, tu sais... »

Tom fronça les sourcils.

« Arrête avec ça, j'ai rien fais, et tu sais très bien que t'as abusé », « Georg n'a...»

Bill sembla se jeter d'un coup sur lui, attrapant ses deux lèvres entre ses dents, lui coupant la parole, les mots de Tom s'évaporant en une sorte de gémissement lascif alors que l'androgyne s'amusait à faire entrer puis sortir sa langue de la bouche de son aîné.

Un frisson violent partit de sa nuque jusqu'au bas de son dos; Tom adorait quand Bill faisait ce genre de chose, quand il lui portait ce genre d'attention pleine d'interdits, de désirs et aussi de supériorité.

Tom aimait quand Bill cherchait à lui prouver qu'il était grand , parce que pour Tom il faisait n'importe quoi, quitte parfois à se rendre ridicule dans certaines situations. Et puis parfois aussi, ça finissait comme ça, avec Tom surplombé par son jumeau qui jouait de façon douteuse avec son corps...



Le bus tanguait, et le bassin de Bill suivait le mouvement, pressant lentement le bas du ventre de son jumeau. Celui-ci se mordit l'intérieur des joues tandis que ses mains se posaient sur les cuisses du brun, sans doute pour atténuer la tension qui se faisait sentir chaque seconde un peu plus, mais ce simple contact le fit frissonner d'envie.

Ses doigts se crispèrent sur la peau de Bill qui se recula pour planter a nouveau ses iris un peu dilatés dans les yeux assombris du guitariste.

« Je veux pas entendre parler de lui », « et d'ailleurs, j'avais sûrement pas tord », « et à l'avenir, quand ce genre de choses se produiront, si t'es pas de mon avis, tu la fermes, et tu me laisse me démerdé comme le grand que je suis, hm ? ».

Il se pencha sur Tom pour embrasser chastement le bout de son nez puis se redressa et s'en alla, toujours de son pas hésitant et trottinant en balançant ses hanches.



Le dreadé fronça les sourcils puis posa son bras sur ses yeux pour effacer les UV trop crus des néons.

Même s'il aimait ce changement de dominance, parfois il avait l'impression d'être bien trop rabaissé.



Une impression.

FIN CHAPITRE 8

 

 

 

 

 

 

NAVHAUT
BROUILLARD SUCRE MENU