CHAPITRE 2


13 août 2002


Bill et Tom passaient un été formidable, ils allaient bientôt avoir treize ans et ils faisaient ce qu'ils aimaient le plus : de la musique. L'année précédente, ils avaient fondé un groupe avec Gustav, qu'ils avaient rencontré à un concert, et Georg, que Gustav connaissait du conservatoire. Ils s'étaient baptisés Devilish et faisait quelques représentations dans les clubs de Magdebourg et des environs.

Ce jour là, ils assistaient à un petit festival de plein air. C'était un festival local, rien de grandiose, mais ils allaient quand même jouer devant une assemblée plus importante que d'habitude, et ils étaient ravis. Andreas les avait accompagné et passait également un excellent moment. Les groupes passaient, les uns après les autres, avec plus ou moins de succès. Les gens sur la pelouse devant la scène s'agitaient, criaient, dansaient. Il y avait de l'ambiance.

"Bill, j'ai envie de pop corn, tu viens avec moi au stand?" demanda Andreas avec un regard suppliant.

Bill haussa des épaules et accepta d'un signe de tête. Le chanteur qui passait à ce moment là était un rappeur et si Tom semblait intéressé, lui ce n'était pas trop son truc. Ils se dirigèrent vers le stand et firent le plein de provisions : pop corn et soda pour tout le monde. En retournant vers leurs amis, Andreas ne put s'empêcher de taquiner Bill et lui envoya un pop corn dans les cheveux.

"Andreas, arrête ça, ou il va t'arriver des bricoles..."

Andreas ne tint pas compte de l'avertissement et réitéra son geste. Ils étaient arrivés près de Tom, Georg et Gustav à ce moment là. Calmement, Bill distribua les sodas à chacun, débarrassa Andreas des pots de pop corn en les confiant à Tom, puis, sans crier gare, se jeta sur son ami en hurlant, "Hahaa! Tu vas voir! Je t'avais prévenu!"

Il se mit à le chatouiller, seulement Andreas était plus grand que lui et surtout plus fort. Il le maîtrisa facilement et Bill se retrouva rapidement allongé sur le dos, Andreas à califourchon sur lui qui lui tenait les poignets. Bill tenta de se débattre et de se libérer, en vain.

"Cherche pas, Billou, c'est moi le plus fort, avoue le!" dit Andreas en rigolant.

"Jamais!" répondit Bill en gigotant de plus belle.

"Aller, dis 'Andreas est le plus fort et je ne lui arrive pas à la cheville' sinon je te lèche le visage" continua le blond. Bill détestait qu'on touche à sa peau, la menace était sérieuse.

"Non mais tu rêves mon pote, jamais je dirai ça, je ne mens jamais!" rétorqua Bill.

"Tant pis pour toi!"

Et Andreas se pencha en avant, tira la langue et la fit passer sur tout le visage de Bill : les joues, le front, le menton... Bill se débattait tellement que la langue d'Andreas passa accidentellement sur sa bouche. Andreas se redressa légèrement.

"Et Billou, je t'ai dis d'avouer que j'étais le plus fort, pas de me rouler une pelle!" le taquina son ami.

"Mais c'est toi qui me lèche là! Dégage Andi!"

"Bon, ça suffit!"

C'était Tom qui venait d'intervenir et Andreas se sentit soulevé par le col et remis sur ses pieds en une seconde. Tom se pencha ensuite vers Bill et lui tendit une main pour le relever. Bill plongea ses yeux dans ceux de Tom et vit qu'il semblait blessé et en colère. Il ne comprenait pas vraiment ce qu'il se passait. Andreas et lui ne faisaient que se chamailler et Tom avait l'air de quelqu'un qu'on venait de trahir.

"Merci." chuchota Bill à son frère. Tom ne lui répondit pas et se contenta de lui lancer un regard noir. Bill se demandait ce qu'il avait fait de mal. Etait-ce parce que la langue d'Andreas avait dérapé sur sa bouche?

Depuis leur premier baiser ensemble, environ deux ans auparavant, les jumeaux avaient continué de s'embrasser de cette façon, quasi quotidiennement. Ça pouvait être le matin pour se dire bonjour, le soir pour se souhaiter bonne nuit, ou bien tout simplement quand ils en avaient envie. Cependant ils ne le faisaient que quand ils étaient seuls. Ils avaient bien conscience que personne ne pourrait comprendre ce genre de marque d'affection entre deux frères, pas même leur mère. C'était leur petit secret en quelque sorte.

Ils n'avaient pas embrassé d'autre fille depuis Tina. L'affection qu'ils se portaient semblait leur suffire. Il n'y avait rien d'explicite, mais ils sentaient tous les deux que les baisers qu'ils partageaient portaient la marque de l'exclusivité. Ils ne pouvaient pas imaginer embrasser quelqu'un d'autre ainsi, et encore moins que l'autre le fasse, surtout sans prévenir. Ils pensaient tous les deux qu'ils finiraient un jour par tomber amoureux de quelqu'un et que ce jour là, leur petit manège devrait cesser, mais en attendant, personne d'autre n'était autorisé à prendre place dans ledit manège.

Bill se creusait la tête. Se pouvait-il que Tom soit jaloux d'Andreas? C'est vrai que lui et Bill étaient assez proches, mais ce qu'il venait de se passer était un accident, rien de plus. Tom ne devait sûrement pas s'en formaliser. Puis Bill imagina que la situation était inversée. Il imagina Tom sous Andreas, celui-ci avec sa langue sur la bouche de son jumeau. Son sang ne fit qu'un tour et une espèce de colère lui tordit le ventre.

Jalousie

S'il réagissait comme ça rien qu'en imaginant la scène, il ne pouvait que deviner comment se sentait Tom. C'était évident qu'il était jaloux en fait. Bill se dit qu'il devait mettre les choses à plat avec Tom. Il devait lui parler, s'expliquer et lui dire que tout ça ne voulait rien dire pour lui. Il s'approcha de son frère et s'apprêtait à l'entraîner à l'écart pour lui parler quand les hauts parleurs annoncèrent les numéros des groupes suivants. Ils faisaient partie de la liste. Sans lui accorder un regard, Tom s'éloigna vers l'arrière de la scène, rapidement suivi de Georg et de Gustav. Bill leur enchaîna le pas, la tête basse, entendant à peine les encouragements d'Andreas.

Leur prestation se passa très bien, la foule semblait conquise, ce qui réchauffa le cœur de Bill. Il avait donné tout ce qu'il pouvait sur scène, il avait chanté avec ses tripes. Il était allé se placer plusieurs fois près de Tom, dansant près de lui, essayant de capter son regard. Il n'avait pas réussi, Tom était resté concentré sur sa guitare tout du long. Bill devait vraiment lui parler, lui expliquer. Aussitôt qu'ils furent descendus de scène, un groupe de fille vinrent à leur rencontre pour les féliciter. Une grande blonde se tenait particulièrement près de Tom. Elle n'arrêtait pas de l'accaparer, de lui toucher le bras, de rire avec lui. Bill bouillonnait, mais il ne pouvait rien faire car il avait lui-même plusieurs filles qui lui parlaient toutes en même temps. Il entendait quand même ce que Tom et cette fille se disaient.

"Non franchement c'était vraiment bien, tu te débrouilles bien. Ça fait longtemps que tu joues de la guitare?" demanda la fille.

"Oui ça fait plus de six ans maintenant." répondit Tom.

"Whoua, t'as dû commencer jeune! J'admire ceux qui ont la patience d'apprendre à jouer d'un instrument. Moi ça m'a toujours paru insurmontable."

"Il faut un peu de motivation, c'est vrai. Mais j'adore ça." Tom était ravi. Cette fille était vraiment belle, elle semblait intéressante et en plus elle l'abreuvait de compliments.

"Moi je suis venue voir ma sœur et son groupe. Elle passe dans cinq minutes, ça te dit d'aller les voir avec moi?" demanda-t-elle avec un sourire charmeur.

"Bien sûr! Au fait, je m'appelle Tom."

"Angie."

"Angie, le prénom d'un ange," dit doucement Tom.

A ces mot, Bill cru qu'il allait vomir. Etait-ce lui ou bien Tom était-il en train de faire le joli cœur? En le voyant s'éloigner avec Angie, un bras autour de sa taille, Bill se dit qu'il n'imaginait rien. Tom était vraiment en train de draguer cette fille. Ça le rendait malade. Malade de jalousie.

Une fois n'étant pas coutume, il aida ses amis à ranger leur matériel dans la camionnette de Gordon, son beau-père qui les avait inscrit à ce festival et qui les encourageait, lui et Tom, à persévérer dans la musique. Il avait besoin de se changer les idées, de ne pas imaginer ce que Tom et cette Angie pouvaient faire. Et puis de toute façon, ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, enfin du moins en principe. Tom était à lui, c'est vrai, mais il ne le fallait pas, ce n'était pas correct. Il faudrait bien qu'un jour il accepte que son frère ait quelqu'un dans sa vie, une petite amie.

Cette simple pensée le fit frissonner. Tom avec une fille, Tom embrassant quelqu'un d'autre que lui. Pourquoi cela lui retournait-il le ventre. Tom n'était pas son petit copain, c'était son frère. Son frère bordel. Il n'était même pas homo en plus, enfin du moins il ne le pensait pas. Alors pourquoi? Pourquoi était-il aussi jaloux? Pourquoi se sentait-il aussi possessif envers son jumeau? Il décida que c'était normal. Il avait simplement peur que Tom le délaisse s'il avait une copine, qu'il passe moins de temps avec lui. Rien de plus normal, pas vrai? Oui c'était ça, il n'y avait pas à chercher plus loin.

Vingt minutes plus tard, la camionnette était chargée et ils n'avaient pas revu Tom. Georg s'était chargé de ranger sa guitare et son ampli, trop content que son ami ait "une touche" comme il disait. Il était assez tard et ils étaient tous prêt à partir, ne manquait que Tom. Bill n'avait pas le courage de partir à sa recherche, ayant peur de la situation dans laquelle il pourrait le trouver. Andreas se chargea de partir à sa recherche et le ramena dix minutes plus tard. Tom avait un air rêveur. Ils s'installèrent dans la camionnette et se mirent en route. Bill observa Tom du coin de l'œil, celui-ci s'effleurait la bouche du bout des doigts, un étrange sourire aux lèvres. N'en pouvant supporter davantage, Bill tourna son regard vers le paysage qui défilait par la fenêtre et n'ouvrit pas la bouche du voyage.

Une fois rentrés chez eux, ils se préparèrent pour aller se coucher. Bill ne supportait plus cette situation de doute. Il se dirigea vers la chambre de Tom et frappa deux petits coups à la porte avant de rentrer.

"Hey!" le salua Tom.

"Hey toi-même." répondit Bill en lui souriant.

"Qu'est ce que tu voulais?" demanda Tom.

"Je voulais te parler. Tu avais l'air fâché tout à l'heure après notre petite bagarre avec Andreas. Tu ne m'as pas décroché un regard pendant le concert et on s'est à peine vu après. Est-ce que tout va bien? Tu m'en veux pour quelque chose?"

"Je... non ça va. Ça m'a un peu énervé de te voir comme ça avec Andreas. Mais je me suis rendu compte que c'était stupide. Ce n'était rien, et puis de toute façon tu fais ce que tu veux."

"Tom..."

"Non, je t'assure, tout va bien. Et puis tu sais Angie?"

"Ouais" dit Bill d'une voix froide.

"Je dois la revoir demain. C'est une fille très sympa, je l'aime bien," dit Tom.

"Tu l'as embrassée?" demanda Bill d'un ton encore plus froid.

"On en a moins fait que toi et Andreas si c'est ce qui t'intéresse. Elle m'a embrassé sur les lèvres pour me dire au revoir, mais c'est tout," répondit Tom d'un ton égal.

Bill était blessé. Il aimait bien cette fille, il allait la revoir. Il l'avait embrassé.
Il allait certainement recommencer.

"Tu veux sortir avec?" la voix de Bill n'était plus froide, elle était simplement triste.

"C'est une fille super. Et en plus on dirait que je l'intéresse. Oui je vais sûrement sortir avec elle."

"Ok." Bill baissa la tête et se tourna pour commencer à partir, mais Tom lui attrapa le poignet.

"Bill. Ça va?" Bill leva sur lui un regard qu'il ne put empêcher de se remplir de larmes. Tom le prit dans ses bras "Oh mon Billou. Ne pleure pas. Même si je sors avec elle, je vais pas t'abandonner. Je t'aimerai toujours plus que n'importe qui d'autre, tu le sais."

Bill se contenta de hocher la tête. Il ne pouvait pas parler tant sa gorge était serrée. Il encercla la taille de Tom de ses bras et le serra contre lui. Il avait peur que s'il le lâche, Tom ne lui revienne jamais. Sa tête était penchée dans le cou de son frère, ses larmes s'écoulant sur la peau de son jumeau. Tom lui relava le menton et le regarda dans les yeux.

"Bill, ça sera toujours toi mon préféré." Et sur ces mots, il déposa ses lèvres sur celles de Bill et l'embrassa doucement. Le baiser s'approfondit peu de temps après. Quand ils se séparèrent, les larmes de Bill s'étaient taries.

"Tu restes dormir avec moi cette nuit?" demanda Tom. Bill hocha de nouveau la tête et ils se glissèrent sous les couvertures, collés l'un à l'autre. Ils s'embrassèrent une nouvelle fois, un peu plus profondément, puis se blottirent l'un contre l'autre et s'endormirent.

14 août 2002

Le lendemain, il passa l'après-midi avec Tom, Andreas et... Angie. Tom avait décidé de ne pas s'isoler avec elle, histoire que Bill sente qu'il ne le délaissait pas. Bill s'était empressé de demander à Andreas de venir, n'ayant aucune envie de tenir la chandelle.

Il devait le reconnaître, Angie était vraiment belle. Grande, blonde, les yeux bleux, une poitrine menue mais qui gonflait joliment son corsage, des jambes longues et fines, un sourire charmant. En plus elle était drôle, elle avait de la conversation, de la répartie, et elle ne se laissait pas intimider. Oui, Angie était vraiment parfaite. Il la détestait.

Vers 17 heures, elle dut partir, et Tom la raccompagna jusqu'à l'arrêt de bus qui se trouvait non loin de chez eux. Bill pouvait voir cet arrêt de bus depuis sa chambre et lui et Andreas foncèrent à l'étage pour les observer. Ce qu'il vit lui déchira le cœur. Tom avait pris Angie dans ses bras et l'embrassait passionnément. Bill pouvait voir de là où il se trouvait que ça n'était pas un simple smack sur les lèvres. C'était officiel, Tom avait une petite copine.

Andreas émit un sifflement admiratif. "Ouah! T'as vu comment il l'a emballée! Chapeau le calamar." Bill se força à sourire. Comment pourrait-il expliquer à Andreas la peine que ça lui causait. Il ne pourrait pas comprendre.

"Ouais, j'ai vu," dit-il sombrement.

"Rhooo, mais fais pas cette tête, toi aussi tu te trouveras une copine, t'inquiète," dit Andreas en voyant la mine déconfite de Bill. Et soudain, ça fit tilt dans la tête de Bill. Si Tom avait une petite copine, il devait en avoir une aussi, pour lui montrer ce que ça faisait. Peut-être qu'ainsi il comprendrait. Il verrait combien c'était dur de voir son jumeau avec quelqu'un d'autre. Il se rappela que l'une des filles rencontrées au festival lui avait donné son numéro. Il l'avait pris par politesse, pensant le jeter plus tard. Finalement ça allait lui servir. Comment s'appelait-elle déjà? Il tenta de fouiller sa mémoire tout en fouillant également sa chambre à la recherche de son jean de la veille. Quand il le trouva, il plongea ses mains dans toutes les poches et finit par en ressortir un morceau de papier plié en quatre. Dessus étaient inscrits un numéro et un prénom. Cette fille, Clara en l'occurrence, avait vraiment pensé à tout. Andreas le regardait faire d'un air intrigué.

"Heu, tu fais quoi au juste, Bill?" demanda-t-il.

"Ben je me trouve une copine, comme tu dis." Il lança un grand sourire à Andreas et attrapa son portable pour composer le numéro. Deux sonneries retentirent avant que la fille ne décroche.

"Allo?"

"Allo, Clara?"

"Oui, c'est moi."

"Salut, c'est Bill, on s'est rencontré hier au festival, tu te souviens?"

"Bill, le mignon petit rockeur, oui je me souviens." Bill se sentit rougir sous le compliment, apparemment, il n'aurait pas trop de mal à mettre son plan à exécution.

"Je voulais savoir si ça te dirait qu'on se voit demain?"

"Ouais, pourquoi pas, tu voudrais faire quoi?"

"Il fait super chaud en ce moment, piscine, ça te tente?"

"Ça marche, on n'a qu'à dire 14h devant la piscine."

"Ok, à demain," répondit Bill. Il hésita un peu puis ajouta "Bisou" avant de raccrocher prestement. Il avait laissé l'interphone et Andreas le regardait avec des yeux ronds.

"Putain, toi on peut dire que c'est du rapide pour décrocher un rencard. J'en reviens pas là," s'exclama son ami.

"Et ouais, qu'est-ce que tu veux, on a la classe ou on l'a pas," dit Bill en haussant ses sourcils deux fois, l'air de dire 'je suis un boss'. En réalité, il s'en fichait bien de ce rencard. Le fait qu'elle ait accepté si facilement lui simplifiait la tâche, c'est tout.

Quand Tom revint dans la maison, il avait un sourire jusqu'aux oreilles. Ne trouvant personne au rez-de-chaussée, il grimpa à l'étage et rejoignit Bill et Andreas.

"Hey Tom! On t'as vu par la fenêtre, bien joué mon salaud!" s'exclama Andreas en tapant des mains avec lui.

"Ouais, ça fait bizarre de se dire qu'on sort avec quelqu'un." Bill avait le regard noir.

"Ouais ben vous êtes pas jumeaux pour rien en tout cas. T'aurais vu Billou! Il a pris son téléphone et il s'est décroché un rencard en moins d'une minute, impressionnant!" continua Andreas.

Le sourire qui n'avait pas quitté le visage de Tom jusque là sembla s'écraser à ses pieds. Bill aurait même pu jurer avoir entendu un bruit de casse. Cela lui rendit le sien, de sourire. Apparemment, son frère le connaissait aussi, ce sentiment.

Jalousie.

"Ouais, j'ai rendez-vous avec Clara à la piscine demain. Tu sais, c'était la brune qui était avec Angie hier. Tiens, en parlant d'elle, vous pourriez peut-être nous accompagner demain, si ça vous dit."

"Euh... ouais... je lui demanderai," répondit Tom d'une voix blanche, puis il tourna les talons et s'enfuit dans sa chambre.

"Ben, qu'est-ce qui lui prend?" demanda Andreas.

"Je sais pas. Il est peut-être allé appeler Angie pour lui demander pour demain," dit Bill.

"Ouais, peut-être. Bon j'y vais moi. Bonne chance pour demain! Surtout tu m'appelles, je veux tous les détails!" dit Andreas d'un air de conspiration qui fit sourire Bill.

"Ok pas de souci, à plus Andi."

Bill pensa à aller voir ce que son frère fabriquait, puis finalement, il décida de le laisser tranquille. Il venait de lui fournir de quoi réfléchir.

15 août 2002

A l'heure convenue, les jumeaux retrouvèrent les deux filles à l'extérieur de la piscine. Directement, Tom enlaça Angie et l'embrassa langoureusement. Bill les regarda et se renfrogna, oubliant presque la présence de Clara. Celle-ci se rappela à son bon souvenir en l'embrassant sur la joue.

"Bonjour Bill."

"Salut." Bill vit Tom leur jeter un regard en coin, alors il attrapa la main de Clara et l'entraîna à l'intérieur. Bill paya l'entrée de Clara et ils passèrent dans les vestiaires. Bill et Tom se changèrent en silence et au moment où ils allaient se diriger vers les douches, Tom prit la parole.

"Elle est jolie. Clara." Tom avait dit ça comme si on l'obligeait à boire du vinaigre en même temps.

"Oui, je trouve aussi," répondit Bill d'un ton léger, trop content de la réaction de son frère.

Il rejoignirent les filles dans le bassin et passèrent l'après-midi à chahuter. A un moment, pris dans l'ambiance du moment, Clara colla sa bouche contre celle de Bill et il répondit à son baiser. Leurs langues s'entremêlèrent, et Bill ne put s'empêcher de trouver que ça lui faisait le même effet qu'avec Tina quand il avait dix ans. C'était mécanique, pas vraiment agréable, pas du tout même. Rien à voir avec les baiser qu'il échangeait avec Tom.

Tom.

Tom ne ratait rien de la scène et il serra les poings sous l'eau. Il devait trouver un exutoire. Immédiatement. C'est pourquoi il se dirigea vers la piscine olympique et enchaîna les longueurs. Son corps semblait habité par suffisamment de rage pour le faire nager des kilomètres. Finalement, exténué, il ressortit et rejoignit les autres. Son frère et Clara étaient vraiment proches. Il regarda Bill d'un air peiné.

Bill pensait qu'il serait heureux de voir Tom réagir aussi visiblement. Ça prouvait qu'il n'était pas insensible à ce qu'il passait. Pourtant lui aussi avait de la peine. Il se demandait comment ils en étaient arrivés là, avec des petites amies dont ils ne voulaient pas, du moins pour sa part, à essayer de blesser l'autre en se tapant l'affiche avec elles.

"Je suis un peu crevé, j'ai envie de rentrer. Bill tu fais quoi?" demanda-t-il.

"Je viens avec toi," répondit tout simplement Bill en se détachant de Clara. Celle-ci protesta.

"Quoi déjà? Mais il est encore tôt, on pourrait aller ailleurs, manger une glace, je sais pas..."

"Désolé, sans moi, je me sens vraiment épuisé," affirma Tom.

"Bill..." On sentait l'espoir mais aussi une note d'avertissement dans le ton de la brune. Bill n'apprécia pas du tout, ça ne faisait que quelques heures qu'ils étaient ensemble et il étouffait déjà.

"Je reste avec Tom, désolé Clara, je te rappelle bientôt," dit Bill.

Après un dernier baiser à leurs copines respectives, les jumeaux retournèrent dans les vestiaires sans plus de cérémonie. Là ils restèrent silencieux, durant le chemin vers leurs maison aussi. Comme d'un commun accord, ils se retrouvèrent dans la chambre de Tom. Sans un mot, Tom prit son frère dans ses bras et lui chuchota au creux de l'oreille "Pardon."

"De quoi tu t'excuses Tom? Tu n'as rien fait de mal."

"Si tu voulais me montrer ce que ça te faisait de me voir avec Angie, bravo, tu as parfaitement réussi."

"Tom, je..."

"Shhh. Ecoute, on se dit tout, on ne se ment jamais, alors je vais être honnête. J'ai détesté te voir avec cette fille. Quand elle t'a embrassé, j'avais qu'une envie, c'était de l'attraper et de lui foutre la tête sous l'eau jusqu'à ce qu'elle se noie pour qu'elle comprenne."

"Qu'elle comprenne quoi?"

"Que tu es à moi. Rien qu'à moi. Que personne n'a le droit de te toucher de cette façon, à part moi. Je te jure, Bill, j'étais fou de rage. C'était comme avec Andreas avant-hier, mais en mille fois pire."

"Tom... écoute, moi aussi je suis désolé. Je n'ai fait ça que parce que j'étais jaloux. Je n'ai même pas aimé ce baiser. Il était... horrible. C'était tellement différent de toi. C'était juste, je sais pas, sa langue, et... bref c'était dégueu. Alors qu'avec toi c'est toujours..."

"Génial," souffla Tom, reprenant le terme utilisé par Bill deux ans auparavant pour qualifier leur premier baiser.

"Exactement," répondit Bill. Au jeu de l'écho, ils pouvaient être deux. "Mais dis moi Tom, puisque tu veux être honnête, est-ce que ça te plait d'embrasser Angie?"

"Honnêtement?"

"Oui."

"C'est pas si mal, c'est mieux que ça l'avait été avec Tina, mais ça n'a vraiment rien à voir avec toi, rien."

"Tu préfères mes baisers?"

"Toujours," répondit Tom en l'embrassant profondément. Le cœur de Bill se gonfla de joie.

Soudain, un cri les fit se séparer rapidement. Leur mère se tenait dans l'embrasure de la pièce et les regardait, horrifiée, une main sur la bouche. Les jumeaux ne s'étaient même pas rendus compte qu'elle était à la maison.

"Mais qu'est-ce qu'il se passe ici?" cria-t-elle.

"C'est rien maman, on voulait juste s'entraîner, c'est tout," dit Bill d'une petite voix.

"Bill Daren Kaulitz, qu'est-ce que tu me chantes là. Vous avez intérêt à avoir une bonne explication."

"Maman, ne crie pas sur Bill, c'est pas sa faute, c'est moi qui lui ait demandé." A chaque fois que leur mère était furieuse contre eux, Tom s'arrangeait pour essayer de prendre le plus gros de la tempête et protéger son petit frère. "Bill et moi on a rencontré des filles au festival avant-hier. On voulait avoir l'air de savoir ce qu'on faisait quand on les embrasserait," continua Tom.

"Oh, mes chéris, vous avez des petites copines?" Le ton de leur mère s'était considérablement radouci.

"Oui," répondit Bill.

"C'est bien, mais vous vous entraînerez sur elles, d'accord. Ce n'est pas le genre de chose que l'on fait avec son frère. Je pense que vous êtes assez grand pour comprendre."

"Oui maman," dirent-ils en chœur.

"Bien, bon je vous rappellerai pour le dîner." Et elle descendit préparer le repas.

Se faire surprendre ainsi les avait considérablement refroidis. C'était même carrément la douche froide. Ils se lancèrent un regard gêné.

"Tom, tu crois qu'on est tarés?" demanda Bill en baissant la tête. Il était blanc comme un linge.

"Pourquoi tu dis ça?"

"On est pas normaux. C'est pas normal d'embrasser son frère comme on le fait. C'est pas normal de préférer embrasser son frère plutôt que sa petite copine. C'est pas normal de ne pas supporter de le voir avec quelqu'un d'autre. On est tarés Tom."

Bill avait fini par hausser la voix sur sa dernière phrase. Le fait de se faire surprendre par leur mère avait semblé lui renvoyer la réalité de leur relation en plein dans la figure. Et cette réalité était effrayante.

"Tu as peut-être raison. On est tarés. Ça te dérange?" demanda Tom.

"Peut-être," dit tristement Bill.

"On fait quoi dans ce cas? Tu veux faire quoi?" Tom commençait à être nerveux.

"On devrait peut-être... arrêter ce qu'on fait," suggéra Bill d'une petite voix.

"Tu as raison, je vais appeler Angie et lui dire que c'est fini. Je peux pas rester avec elle alors qu'en fait c'est toi que j'aime embrasser et avec qui je veux passer tout mon temps."

"Non, tu as mal compris Tom. C'est ce qu'on fait ensemble qu'il faut qu'on arrête. Maintenant. Si on continue comme ça, on ne se trouvera jamais personne, et si jamais l'un de nous deux y parvient, l'autre ne le supportera pas. Ça sera invivable. Tom j'ai pas envie de vivre comme ça."

"Tu veux dire que tu ne veux plus que l'on s'embrasse?" Tom avait l'air effondré.

"Oui. Si on continue, je ne me détacherai jamais de toi."

"Et en quoi c'est une mauvaise chose? Je ne veux pas me détacher de toi Bill, jamais." Tom était au bord des larmes à cet instant.

"Moi non plus je n'en n'ai pas envie, Tom. Mais on ne peut pas continuer comme ça. Ce n'est pas normal, ce n'est pas correct. Tu as vu la réaction de maman. Celle des gens serait bien pire."

"Bill..." dit Tom d'une vois misérable, "je sais pas si je serai capable d'arrêter. J'y arriverai jamais. Je t'aime trop pour ça." Des larmes commencèrent à couler le long de ses joues.

"C'est pour ça qu'il faut qu'on arrête maintenant. Plus on attendra, pire ça sera." Bill aussi pleurait à présent. Voir son frère dans cet état, et par sa faute en plus, c'était ce qu'il y avait de pire. Mais il était certain de prendre la bonne décision. Oui ça serait pour le mieux.

"Il faut qu'on y arrive Tom. Il faut qu'on oublie. On a pas le droit d'être ensemble comme ça, il faut oublier."

"Comment tu peux dire ça. J'oublierai jamais. Jamais. Même en vivant un millier d'année, je pourrai jamais oublier ça." Tom s'accrochait au T-shirt de Bill. Cette situation était totalement inhabituelle pour eux. Cette fois, c'était Bill qui devait être fort pour deux.

"Au début ça sera dur, et puis on s'y fera. Il faut qu'on redevienne des frères. Et rien de plus. On souffrira encore plus sinon."

"Je n'en suis pas persuadé, mais je ne peux pas te forcer à continuer si tu n'en n'as pas envie." La voix de Tom était complètement brisée.

"C'est là le problème, Tom. J'en ai envie, beaucoup trop. C'est pour ça que c'est dangereux."

"Je ne supporterai pas de te voir avec Clara, je le sais, je finirai par faire quelque chose que je regretterai. Surtout si je la vois te faire des choses auxquelles je n'aurai plus droit." Tom s'accrochait plus que jamais à Bill, triturant son T-shirt dans ses doigts.

"Moi non plus je ne supporterai pas de te voir avec Angie, ou n'importe qui d'autre. Pour le moment du moins. Je vais casser avec Clara. On a besoin d'une période de sevrage. Une période ou on ne fera plus rien ensemble mais ou on aura pas à souffrir de voir l'autre avec quelqu'un. Plus tard, bien plus tard, j'espère qu'on arrivera à se réjouir du bonheur de l'autre avec une autre personne."

"D'accord, je ferai pareil avec Angie," dit Tom en ravalant ses larmes.

"Merci."

"Bill... si tu ne me laisses plus jamais le faire, je voudrais t'embrasser, juste une dernière fois." Le ton de Tom était suppliant, cela brisait le cœur de Bill car lui aussi n'aurait pas pu tirer un trait sans un dernier baiser, un souvenir à chérir.

"Bien sûr."

Tom se pencha avec hésitation sur Bill. C'était le dernier baiser. Il devait être parfait. Il effleura doucement les lèvres de Bill des siennes, puis les posa plus franchement dessus. Il embrassait Bill ainsi, juste avec les lèvres, happant la lèvre inférieure de son frère entre les siennes et l'aspirant un peu dans sa bouche pour en faire autant ensuite avec sa lèvre supérieure. Finalement, il passa sa langue dessus et Bill ouvrit la bouche. Tom ne put se retenir plus longtemps et enfonça sa langue dans la bouche de son frère pour aller chercher ce qu'il désirait. Leurs langues tournoyèrent ensemble, vite lentement, sauvagement, doucement. Elles se caressèrent sensuellement. De temps à autre, Tom venait mordiller la lèvre de Bill qui gémissait dans la bouche de son jumeau. Ce baiser au goût d'adieu était le plus délicieux qu'ils aient jamais échangé. Ils auraient voulu ne jamais se séparer. Faire durer ce baiser toute la soirée, toute la nuit. Toute leur vie.

Mais c'était impossible. Ils se détachèrent finalement, gardant leurs fronts collés l'un contre l'autre. Ils échangèrent un regard profond, un regard où pouvait se lire tout l'amour qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, où se lisait même l'amour qu'ils n'auraient jamais dû éprouver l'un pour l'autre. Bill s'écarta, et d'un pas lourd de regret sortit de la chambre de Tom pour rejoindre la sienne. Avant de passer la porte, il chuchota un "je t'aime" d'une voix si basse qu'il ne fut pas certain que Tom l'ai entendu. Il eut la confirmation que si quand un chuchotement presque aussi inaudible que le sien lui parvint : "Moi aussi."

Elle leur avait montré la vraie nature de leurs sentiments. Ils devaient à présent La tuer et par là même éradiquer ces sentiments. Etait-ce seulement possible? Tout était de sa faute, à Elle .

Jalousie.

FIN CHAPITRE 2

 

JALOUSIE menu

 

NAVHAUT