CHAPITRE 5
14 juillet 2007
Tokio Hotel avait désormais acquis une renommée internationale. Cela se prouvait une fois de plus ce jour là. Le groupe devait jouer sous la tout Eiffel, devant un public de plus de 500 000 personnes. C'était tout simplement inimaginable.
Depuis sa première groupie près de deux ans auparavant, Tom en avait eu d'autres. Bien d'autres. Il essayait généralement d'être discret pour ne pas heurter Bill, bien que ce soit lui qui lui ait clairement fait comprendre qu'ils ne pouvaient pas être ensemble. Cependant, il lui arrivait parfois d'exhiber ses conquêtes, blondes de préférence, sous le nez de son frère, pour voir sa réaction. Pour voir si, contrairement à lui, Bill arrivait à La surmonter, à ne plus La laisser diriger sa vie. Pour voir si Elle le laissait enfin en paix.
Jalousie.
A chaque fois qu'il faisait ça, qu'il testait Bill, la réaction était la même et Tom ne pouvait s'empêcher de s'en sentir heureux. Cela prouvait que Bill et lui partageaient toujours les mêmes sentiments. Le regard de Bill virait au noir, ses poings ainsi que sa mâchoire se serraient et il s'éloignait rapidement à grand pas rageurs. Ensuite il restait taciturne et de mauvaise humeur pendant des jours entiers. Cependant, si Bill réagissait toujours aussi visiblement, il ne disait jamais rien à Tom, ne lui reprochait rien. Après tout, il s'en était retiré le droit lui-même.
Mais ce qui suivait plaisait beaucoup moins à Tom. En effet, à chaque fois, c'était le même scénario. Après les quelques jours où Bill se renfermait sur lui-même et faisait subir son humeur de chien à tout le monde, Tom le trouvait généralement accoudé au bar d'un hôtel ou d'une boite de nuit, en compagnie d'un charmant jeune homme qui lui faisait du rentre dedans, une main posée sur son genou, lui chuchotant dieu sait quoi dans l'oreille. Si Bill croisait le regard de Tom dans ces moments là, il ne faisait que lui sourire ou bien même parfois levait son verre dans sa direction.
A la tienne mon vieux, tu prendras bien une petite coupe de Jalousie toi aussi.
Et Tom réalisait à chaque fois combien leur petit jeu était cruel. Il cherchait une réaction de la part de Bill, il était plus que servi. C'était généralement les nuits suivant ces petites scènes qu'il se retrouvait en compagnie d'une énième groupie qu'il baisait violemment à en dépoussiérer le matelas. Il pouvait se montrer très brutal, car il laissait s'exprimer toute sa colère. Sa colère contre Bill de le provoquer. Sa colère contre lui-même de ne pas arriver à se détacher de son frère. Sa colère contre le monde de ne pas être plus tolérant. Le seul point commun de toutes ces groupies-défouloirs? Un corps long et très fin, les yeux maquillés de noir. Des cheveux noirs. Toujours.
Tom se trouvait pathétique.
Cinq ans qu'ils avaient renoncé l'un à l'autre, deux ans que Bill lui avait résisté une fois de plus.
Des années, des dizaines de mois, des centaines de semaines, des milliers de jours, des dizaines de milliers d'heures, des millions de minutes et de secondes qu'ils essayaient de faire disparaître leurs sentiments ainsi que leur souffrance de ne pouvoir être ensemble.
Des années, des dizaines de mois, des centaines de semaines, des milliers de jours, des dizaines de milliers d'heures, des millions de minutes et de secondes que leurs sentiments ne faisait que se renforcer, et que leur souffrance ne les torturait que davantage.
Tom était à bout. Il ne comprenait pas pourquoi Bill ne se rendait pas à l'évidence. Ils s'étaient tenus à l'écart l'un de l'autre pour ne pas subir le regard du monde sur eux, mais au final, ils subissaient un tourment bien plus terrible. Tom se sentait comme un Tantale du 21eme siècle. Ce roi grec puni des dieux voyait le fleuve dans lequel il se trouvait s'assécher quand il voulait étancher sa soif et les branches sur lesquelles reposaient les fruits dont il voulait se nourrir s'écartaient dès qu'il tendait la main. Tom subissait le même supplice. Bill était là, constamment avec lui, près de lui, contre lui, mais il ne pouvait l'atteindre, ne pouvait le toucher, ne pouvait l'embrasser. Pire, il pouvait voir d'autres personnes faire ce qu'il désirait plus que tout au monde. Il pouvait voir, mais il devait fermer sa gueule et crever de jalousie dans son coin.
Oui, Tom était vraiment à bout. Il ne pouvait plus supporter cette situation davantage. Il allait rompre sa promesse faite deux ans auparavant. Bill lui avait demandé de ne pas le faire succomber. Il avait essayé du mieux qu'il avait pu, avec quelques dérapages en cours de route, évidemment. Une étreinte qui durait un peu trop longtemps, une bise pour dire bonjour placée un peu trop près de la bouche, une main qui s'égarait sur un genou ou une cuisse. Cependant, il avait vraiment essayé de respecter la volonté de son frère.
Pourtant ils devaient se rendre à l'évidence, rien de ce qu'ils avaient pu faire, ou ne pas faire d'ailleurs, n'avait servi à rien. Le même feu qui lui avait brûlé les entrailles en voyant son frère embrasser sa première petite amie le consumait encore. Il allait lui prouver qu'ils ne pourraient jamais échapper l'un à l'autre. Ils avaient été fait ensemble, l'un pour l'autre. Rien ne pouvait surpasser ça. Aucune interdiction, aucune morale, aucune justice. Il allait récupérer son frère. Et s'il n'y arrivait pas, il essaierait encore, et encore, et encore.
Jusqu'à ce qu'amour s'en suive.
Ce soir là, après leur formidable prestation sous la tour Eiffel, ils devaient assister au feu d'artifice traditionnel de la fête nationale française, puis aller fêter leur succès en boite de nuit. Tom se jura qu'avant la fin de la nuit, son frère serait à lui.
Après leurs trois chansons, ils retournèrent à l'hôtel. Ils étaient tous pleins d'adrénaline et ne tenaient pas en place. Dans le van, tout le monde parlait en même temps, s'agitait, se rappelait telle ou telle anecdote, s'extasiait sur la foule présente pour le show. L'ambiance était électrique. Tom en profitait pour toucher son frère le plus possible. Il posait une main sur son épaule ou sa jambe tout en parlant avec animation, histoire de rendre son geste plus anodin. Seulement entre eux, il n'y avait jamais rien d'anodin. Bill sentait bien que son frère agissait différemment de d'habitude, mais il décida de ne pas relever et de mettre ça sur le compte de l'excitation qui les animait tous.
Arrivés à l'hôtel, ils signèrent rapidement quelques autographes et montèrent se doucher. Même s'ils n'avaient pas fait un concert complet, ils avaient donné le meilleur d'eux-mêmes et cela se sentait, au propre comme au figuré. Tom monta à toute vitesse et se lava rapidement. Il savait que Bill allait mettre du temps, mais il ne voulait pas rater son coup. Une fois propre, il enfila simplement un boxer et un baggy, entoura son cou d'une serviette pour récupérer l'eau qui continuait de goutter de ses dreads et sortit de sa chambre.
Il se dirigea vers la chambre de Bill et entra silencieusement. Il entendait la douche marcher et Bill chantonner à l'intérieur. Parfait. A pas de loup, il se dirigea vers la salle de bain et jeta un coup d'œil par la porte laissée entrouverte. Dans l'entrebâillement, il avait pleine vue sur la cabine de douche et la silhouette nue de son frère, légèrement floutée par le verre dépoli. Bill se tenait dos à lui et se savonnait énergiquement tout en continuant sa chanson. Tom admira la courbe de son dos, le cambré de ses reins qui se terminait par une petite paire de fesses rondes et fermes. Il s'imagina se coller contre ce dos qui se cambrerait à son contact. Il s'imagina placer ses mains sur ces hanches fines. Il s'imagina caresser ces fesses si tentantes. Il s'imagina les écarter doucement pour placer son sexe entre elles.
Tom eut besoin de toute sa volonté pour ne pas faire irruption dans la pièce et transformer ses fantasmes en réalité. Il s'éloigna à regret de la porte de la salle de bain et alla se placer près des valises de Bill. Il s'assura de laisser quelques gouttes d'eau tomber de ses dreads sur son torse et attendit patiemment. Bientôt il entendit la douche s'arrêter et son frère en sortir. Quelques secondes plus tard, Bill entra dans la chambre, entièrement nu car il se servait de sa serviette pour s'essuyer les cheveux et après tout, il ne s'attendait pas à avoir de la visite. Tom admira le spectacle, et quand Bill eut fini de se secouer les cheveux avec la serviette, il releva la tête et surprit son frère en train de le dévorer des yeux. Il poussa un petit cri et enroula rapidement la serviette sur ses hanches.
"Tom! Bordel, qu'est ce que tu fous là? Ça t'arrive souvent de débarquer sans prévenir, et sans frapper en plus?! Et puis arrête de me mater!"
Bill avait beau prendre un air outré, il n'en faisait pas moins que Tom. Ses yeux semblait comme scotchés au torse légèrement musclé de son frère. Quand il avisa une goutte d'eau qui descendait lentement sur la peau légèrement bronzée, passant des pectoraux vers les abdos naissants, il sembla comme hypnotisé et ne put s'empêcher de se mordre la lèvre.
"J'ai frappé!" affirma Tom, bien que ça soit complètement faux, "Mais tu n'as pas dû entendre sous la douche. Et puis c'est difficile de pas mater, c'est toi qui vient t'exhiber devant moi," continua-t-il d'un air malicieux. Tout en disant ces mots, il avait imperceptiblement avancé vers Bill et il se trouvait à présent à seulement quelques centimètres de lui. Il aurait facilement pu coller leur torses nus l'un contre l'autre.
"Bon, et qu'est ce que tu veux?" demanda Bill d'une voix tremblante. Il était soit trop près, soit trop loin de Tom. Cette distance là était frustrante et lui mettait les nerfs à vif. Tom se pencha vers lui et Bill crut vraiment qu'il allait soit l'embrasser, soit le prendre contre lui, enfin bref, quelque chose.
A là question de Bill, Tom dut se mordre la langue pour ne pas répondre "Toi". Il regarda, ravi, la peau de son frère se couvrir de chair de poule alors qu'il s'approchait. Finalement il s'écarta brusquement et entendit Bill relâcher un souffle bruyant. Il se redirigea vers les valises de Bill.
"C'est pas toi qui a mon T-shirt noir avec les motifs bleus clairs? Il me semble que tu t'en es servi pour dormir y'a pas longtemps," dit Tom comme s'il ne s'était rien passé de particulier. Il sentait le regard de Bill lui transpercer le dos.
"Si, je crois qu'il est dans la valise rouge, cherche." Tom fouilla et trouva bientôt le prétexte de sa visite. Il le prit et se dirigea à pas lents vers la porte, sous le regard toujours aussi insistant de Bill.
"A tout à l'heure. Au fait Bill, tu as de très jolies fesses." Et il sortit en lui faisant un clin d'œil.
Bill se laissa tomber sur le dos sur son lit et expira un grand coup. Tom jouait vraiment avec ses nerfs. Puis il repensa à ses dernières paroles. Tom n'était pas sensé avoir vu ses fesses, puisqu'il se tenait face à lui quand il était sorti de la salle de bain. Mais alors…
Content de lui, Tom retourna finir de se préparer dans sa chambre. Le début de son plan semblait se dérouler à merveille. Bill ne l'avait pas expulsé de sa chambre en le traitant de pervers. Il lui avait même semblé assez réceptif à ses petites 'attaques', ce qui l'enchantait. Le reste de la journée se déroula calmement, ils restèrent tous les quatre ensemble à jouer à la playstation. Bill fit particulièrement attention à ne pas se retrouver seul avec son frère, de peur qu'une scène semblable à celle de la chambre se reproduise, bien que cette fois il soit complètement habillé. Cela ne dérangeait pas Tom qui attendait son heure.
Pendant le repas, Tom s'assit en face de Bill. Tout en parlant avec les autres, il s'amusait à coller régulièrement son pied contre celui de Bill. Le contact n'était pas particulièrement sensuel, mais il devenait un peu trop insistant pour rester innocent. A chaque fois, Bill lançait un regard interrogateur à Tom, mais celui-ci faisait comme s'il ne remarquait rien, discutant avec les deux G's avec animation. Bill aurait facilement pu mettre ses pieds sous sa chaise, ou bien filer un coup de pied à Tom pour qu'il arrête son petit jeu, cependant il n'en fit rien. Il se surprit même à attendre, à espérer le prochain contact du pied de Tom contre le sien.
Vers 22h30, tout le petit groupe se dirigea vers le toit de l'hôtel pour assister au feu d'artifice. Le toit était muni d'une rambarde et ils s'accoudèrent à celle-ci pour observer le ciel, guettant la première explosion colorée. Tom alla se placer à côté de Bill. Tout près de lui. Leurs coudes et leurs épaules étaient collés. Bill ne tourna pas les yeux vers Tom quand il se serra encore davantage contre lui. Il essayait d'ignorer le fait que sa respiration s'accélérait, il essayait d'ignorer les battements de plus en plus rapides de son cœur.
Quand la première fusée explosa, il sursauta violemment. Tom lui attrapa la main et se mit à la caresser tendrement en un geste rassurant. Bill se laissa faire avec plaisir, mais aussi avec une pointe de nervosité. Ce n'était pas normal d'apprécier à ce point un contact aussi banal. La soirée s'avança et Tom ne lâchait pas la main de Bill. Il la serrait dans la sienne, entrelaçait leurs doigts, caressait sa paume. Au bout d'un moment, Bill se mit à frissonner. Tous deux savaient que ce n'était pas dû à la température, après tout on était en plein été. Mais Tom n'en tint pas compte et entoura les épaules de son frère de son bras, rapprochant encore leurs deux corps.
La scène était d'un romantisme inconvenante pour deux frères. Bill était dans les bras de Tom, leurs mains étaient liées et ils regardaient la nuit s'embraser de fleurs scintillantes et multicolores. Ils semblaient tous les deux avoir oublié le monde qui les entouraient, trop absorbés l'un par l'autre et par le spectacle qui s'offrait à eux. Heureusement, le feu d'artifice devait vraiment être réussi car personne ne prit la peine de décoller leurs yeux du ciel pour observer ces deux jumeaux un peu trop proches. Personne ne vit la tête de Bill venir se poser délicatement sur l'épaule de Tom. Personne ne vit Tom tourner la tête et poser un tendre baiser à la commissure des lèvres de Bill. Personne ne les vit se tourner l'un vers l'autre et fondre leur regard ensemble. Personne ne les vit manquer le bouquet final.
De toute façon, les seules étoiles dont ils avaient besoin se trouvaient dans les prunelles de l'autre.
Ils furent tirés de leur contemplation par les applaudissements qui retentirent autour d'eux. Bill adressa un faible sourire à son frère, retira sa main de la sienne et rentra à l'intérieur d'une démarche lasse. Tom se raccouda à la rambarde et respira l'air de la nuit, essayant de calmer les battements affolés de son cœur. Il n'y avait vraiment que Bill pour lui causer une telle réaction en en faisant si peu.
Deux heures plus tard, vers une heure du matin, tout le groupe se retrouvait attablé dans le fond d'une discothèques, des boissons alcoolisées devant eux. La soirée ne faisait que commencer. C'était une petite boite de nuit, personne ne les attendait ici et il n'y avait pas l'ombre d'un paparazzi en vue. La clientèle semblait être âgée entre vingt et trente ans environ et personne ne leur accordait une attention particulière. C'était reposant. Ils enchaînèrent quelques verres en discutant, se mettant dans l'ambiance. Bientôt, Gustav repéra une jolie blonde au bar et partit entamer la conversation, Georg quand à lui s'élança sur la piste de danse, sûrement en quête d'une 'amie' pour la soirée. Les jumeaux se retrouvèrent seuls à la table.
"Tu ne vas pas danser?" demanda Tom.
"Je n'en n'ai pas vraiment envie," répondit Bill "Tu sais, j'ai remarqué ce que tu faisais," continua-t-il.
"Ah oui? Et qu'est-ce que je fais?" dit Tom d'un air intéressé.
"Tu me tournes autour, tu cherches à me déstabiliser," dit Bill en prenant une gorgée.
"Et pourquoi je ferais ça?" reprit Tom. Bill ne répondit pas mais planta ses yeux dans le fond de ceux de Tom. Parfois les mots étaient superflus.
"Bon et est-ce que ça fonctionne?" demanda Tom.
"Je ne te le dirai pas. Et puis ce n'est pas fair play, Tom. Je croyais qu'on avait un accord." Bill fronçait légèrement les sourcils.
"C'est vrai, mais parfois, on doit réviser les accords que l'on passe. Regarde moi en face et dis moi que j'ai fait quelque chose qui t'a déplu."
Tom porta son verre à sa bouche sans lâcher pas Bill des yeux. Il reposa son verre et passa sa langue sur ses lèvres pour récupérer quelques gouttes échappées. Sa langue vint doucement frôler son piercing. Bill ne détachait pas les yeux de la scène.
"Tu sais très bien ce qu'il en est. Tu connais aussi bien que moi notre situation,' dit Bill d'un air abattu.
"Tu veux que j'arrête?" demanda Tom d'un air sérieux.
"Je…"
"Tu veux?"
"Tom… oui, s'il te plait."
"Très bien, je vais te laisser tranquille." Tom savait qu'il allait jouer sa dernière carte. Une carte bien cruelle. Pour une fois qu'il ne La subirait pas, mais s'en servirait… Elle allait l'aider dans ses projets.
Jalousie.
Tom se leva et se dirigea vers la piste, il se mit juste en face de leur table et commença à danser en face d'une fille assez jolie et qui bougeait bien. Tom se trouvait face à Bill et voyait qu'il ne les lâchait pas des yeux. Tant mieux. Il plaça ses mains sur les hanches de la fille et se mit à onduler contre elle. Les yeux de Bill étaient devenus noirs et s'ils pouvaient tuer, la fille serait déjà morte, ainsi que lui-même certainement.
C'était l'instant de vérité. Soit Bill faisait comme d'habitude et s'en allait, furieux, ou bien…
Tom poussa la provocation plus loin, il retourna la fille pour la mettre dos à lui. Ils faisaient à présent tous les deux face à Bill. Il plaça ses mains sur sa taille et la fit sensuellement bouger contre lui. Le regard de Bill se durcit encore, on pouvait voir ses poings se serrer sur ses cuisses, il laisserait certainement la marque de ses ongles dans ses paumes. Tom sourit.
Le sourire de Tom se figea. Un mec venait d'aborder Bill, il lui tendait la main comme pour l'inviter à danser.
Le sourire de Tom s'écroula. Bill venait de saisir la main tendue et se dirigeait vers la piste avec son nouveau partenaire.
Ils se placèrent non loin de Tom et commencèrent à danser eux aussi. Bill tournait le dos à Tom mais savait que celui-ci ne le quittait pas des yeux. Il se mit à se trémousser au rythme de la musique contre le jeune homme qui n'en croyait pas sa bonne fortune. Au jeu de la provocation, ils pouvaient jouer à deux. La Jalousie était une arme à manier avec précaution, une arme à double tranchant qui pouvait réduire leurs cœurs en lambeaux.
Tom crut qu'il allait vraiment péter un câble quand les mains de l'inconnu, jusqu'à présent posées sur la taille de Bill vinrent entourer ses fesses. Bill ne sembla pas s'en plaindre mais une chose le gênait. Il tournait toujours le dos à Tom et ne pouvait pas profiter de la réaction qu'entraînait ce revirement de situation. Il se retourna donc et colla son dos contre le torse de son partenaire. Ce qu'il vit le fit sourire. S'ils s'étaient trouvés dans un cartoon, il était certain que les dreads de Tom partiraient dans toutes les directions. Sa colère était plus que visible et Bill remarqua qu'il n'en était que plus sexy.
Tom ne mit pas longtemps à répondre à la provocation de Bill par une de son crû. Sans quitter son frère des yeux, il attacha sa bouche dans le cou de la fille et suçota légèrement la peau, la faisant gémir et fermer les yeux. Le rythme de la musique était langoureux et se prêtait parfaitement à leur petite joute silencieuse.
Lequel tiendrait le plus longtemps? Lequel parviendrait le mieux à La maîtriser? Lequel parviendrait le mieux à jouer avec Elle pour faire craquer l'autre? Ils combattaient sur le même terrain et à armes égales, enfin avec une seule arme. Et quelle arme! La plus terrible pour eux.
Jalousie.
Bill en voyant ce que faisait Tom rejeta sa tête sur l'épaule de l'inconnu derrière lui et attrapa une de ses mains placée sur ses hanches. Il la remonta et lui fit plier les doigts de façon à former un doigt d'honneur qui était clairement adressé à son frère, puis il amena la main jusqu'à sa bouche et aspira le majeur entre ses lèvres et le suça de façon obscène. Le sang de Tom ne fit qu'un tour. Ce qu'il voyait était à la fois insupportable et terriblement excitant.
Ses propres mains passèrent sous le T-shirt de la jeune fille et caressèrent sa peau nue. Bill lâcha le doigt de l'homme à cette vue. Tom remonta une de ses mains jusqu'à la poitrine de la fille et engloba un sein. Elle ne portait pas de soutien gorge, ce qui lui fit écarquiller les yeux. Bill ne perdait rien de la moindre réaction de Tom. La deuxième main de Tom migra vers le sud et se mit à caresser le pubis de sa partenaire par-dessus son pantalon. Cette fois, Bill s'était presque complètement détaché du jeune homme. Tom sentait bien que la victoire n'était plus loin. Il ne manquait plus grand-chose, il ne manquait que l'estocade. Et il la porta en remontant légèrement la main et en la glissant par-dessous la ceinture de la fille. Cette fois Bill se détacha complètement de l'inconnu et sembla hésiter.
Tom eut peur un instant qu'il ne quitte la boite de nuit sans autre forme de procès. S'il faisait ça, la partie serait gagnée par forfait, mais la victoire n'aurait absolument aucun intérêt. Il fut soulagé de voir Bill se diriger vers lui à grande enjambée. Son partenaire tenta de le retenir, mais il se dégagea violemment. Bill faisait presque peur à voir à cet instant. Ses yeux lançaient des éclairs et ses cheveux partant dans tous les sens ne le rendaient que plus impressionnant dans sa fureur. Il arriva rapidement à son niveau et agrippa ses mains qu'il éloigna du corps de la fille.
"Non mais t'es pas bien, qu'est ce que tu fous?" demanda-t-elle indignée.
"Toi la salope, ta gueule, tu dégages," Le ton de Bill était si froid qu'il n'admettait aucune réplique. La fille regarda Tom d'un air outré comme pour lui demander de prendre sa défense.
"Fais ce qu'il te dis," fut la seule réponse de Tom. Elle s'éloigna rapidement en les traitant de grands malades.
"Je peux savoir ce que tu fabriquais?" demanda Bill furieusement.*
"Je te laissais tranquille," répondit calmement Tom.
"Te fous pas de ma gueule s'il te plait! Tu faisais bien exprès de me provoquer, de faire tout ça devant moi!"
"Tu faisais pareil, je te signale," reprit Tom toujours sereinement.
"Oui, mais… tu… je… Rhaaa, FAIS CHIER !" hurla Bill. Et sans plus d'explication, il agrippa la main de Tom et l'entraîna en dehors de la boite.
"Je peux savoir où on va?" demanda Tom.
"On rentre à l'hôtel, tu as gagné," dit Bill d'une voix cassée. Il continuait de tirer son jumeau par la manche et le fit monter dans le van.
"Et j'ai gagné quoi?" demanda Tom une fois qu'ils furent installé et à l'abris des regards des autres et de celui du chauffeur.
"Moi."
Bill fit un sourire vaincu à Tom et sans prévenir colla sa bouche contre la sienne. Tom fondit immédiatement sous ce baiser inespéré. Cinq ans de frustration s'envolaient en fumée. Jamais un baiser n'avait été aussi désespéré, aussi empressé, aussi douloureux, aussi délicieux. Ils n'en avaient jamais assez, ils prenaient à peine le temps de respirer. Comment peut-on combler cinq ans en un baiser? Leurs langues s'enroulaient ensemble, tournaient exploraient la bouche de l'autre. Elles redécouvraient le plaisir du contact de l'autre. Tom avait passé ses mains dans les cheveux de Bill et lui maintenait la tête, de peur qu'il s'échappe de nouveau certainement. Bill lui caressait tendrement la nuque de Tom. Il n'avait aucune intention de s'échapper, plus jamais. Ils continuèrent de s'embrasser tout le temps que dura le trajet jusqu'à l'hôtel.
L'enfer est bien sur terre, ils l'avaient connu pendant cinq ans.
La bonne nouvelle c'est que le paradis aussi est de ce monde.
A l'arrière d'une voiture avec la personne que l'on aime par exemple…
FIN CHAPITRE 5