Chapitre 4.



Le lendemain Bill se rendit au commissariat sans grand enthousiasme et il s'en voulait.
Son souhait le plus cher était d'arrêter ce tueur mais devoir travailler avec Tom le mettait dans une situation délicate. Il avait réfléchit toute la nuit à la question. Il ne pouvait pas l'encadrer, son autosuffisance le rendait dingue et sa volonté de tout diriger le mettait hors de lui mais il le trouvait juste... magnifique.

Aussi il s'était surpris à vouloir une relation plus approfondie avec lui, tout en voulant l'exploser contre un mur à l'occasion.

Bill soupira alors qu'il poussait les grandes portes en verre pour rentrer dans le bâtiment principal. Il ne fallait pas qu'il pollue son esprit avec ce genre d'idées. Il était venu dans cette ville avec un seul objectif, envoyer un psychopathe en prison pour de très nombreuses années.

« Lieutenant Kaulitz, des nouvelles pistes depuis hier ? » lui demanda une jeune femme d'environ 30 ans qui dirigeait une équipe d'intervention.
« Pas encore, mais ça ne serait tarder, on va tout reprendre depuis le début et on va sûrement trouver d'autres indices. »
« Bien, on fera un point à quatorze heures tous les jours. »

Bill acquiesça et il alla s'enfermer dans le bureau. Il le trouvait sans âme mais il était lumineux et de toute façon il ne comptait pas s'éterniser ici. Il résolvait cette affaire et il rentrait chez lui.

Il ouvrit le dossier laissé sur son bureau et prit son marqueur. Il fixait le tableau veleda et essaya de se concentrer sur l'interprétation des informations qu'il avait.

[...]

La porte s'ouvrit avec fracas. Bill sursauta.

« Putain ! Frappe avant d'entrer ! »

Tom ne releva même pas.

« Magne-toi on a une info. »

Bill se leva rapidement, attrapa une veste, vérifia machinalement que son arme était bien fixée à sa ceinture et suivit Tom dans les couloirs. Ils arrivèrent au parking, montèrent dans un véhicule et Tom démarra en trombe.
La voiture fila à vive allure dans les rues bondées de la ville, le gyrophare reflétant ses couleurs sur les murs des maisons rénovées du centre. Tom roulait vite, trop vite mais Bill ne disait rien. L'adrénaline s'était mise à couler dans ses veines, et l'excitation qu'il ressentait quand l'action reprenait lui fit un bien fou.

« Tu vas m'expliquer où on va ? »
« Une femme a appelé, elle a reconnu un homme dans la description faite à la conférence de presse. »

Bill voulut sortir un ''j'avais raison'' mais la tête de son nouveau coéquipier l'en dissuada.
Et puis au fond de lui il était heureux, son profil avait donné quelque chose, ils avaient une piste, c'était le principal.

Ils sortirent de la ville et empruntèrent l'autoroute, le brun ne savait pas exactement où ils se rendaient mais il s'en foutait, tout ce à quoi son esprit arrivait à s'accrocher c'était la possibilité que tout cela s'arrête ce soir. Dans quelques minutes ils mettraient peut-être un terme à ce carnage.

Un quart d'heure plus tard Tom bifurqua et ils entrèrent dans une petite ville.

« Tu vas te décider à m'en dire plus ou pas ? »

Le dreadé soupira.

« Une jeune femme de vingt-cinq ans a appelé le numéro spécial, un vendeur de livres l'a abordé il y a pratiquement un an. Il l'a séduite avec des beaux discours mais il s'est montré très insistant, trop sûrement puisqu'elle l'a envoyé bouler. Elle a déménagé quelques mois plus tard ici.»

Des picotements familiers parcoururent la nuque de Bill. Ils tenaient quelque chose.

« Ok. »
« Il s'appelait Benjamin Allen, d'après ce qu'il a dit à notre témoin en tout cas. »

Bill frissonna encore, il y avait enfin un nom à mettre sur cet individu.

« Nous y voilà. Il habitait à dix minutes de ton commissariat, c'est ce qui nous a confortés sur cette piste. La maison que tu vois là... » il désigna une grande bâtisse blanche au coin de la rue « c'est la maison de sa mère, le seul parent qui lui reste apparemment. »
« Tout colle, c'est sûrement pour ça qu'il est venu à Berlin, une grande ville proche de la maison familiale. »
« Je sais. » lâcha Tom un peu sèchement.

Un petit sourire se dessina sur le visage de l'androgyne, il avait raison et Tom était tellement buté qu'il refuserait toujours de l'admettre.

Toutes les lumières étaient éteintes, la maison était plongée dans l'obscurité. La totalité du quartier semblait endormie.

« Et bien, on n'a plus qu'à attendre que ce type se pointe. » dit Bill sur un ton résigné.
« Joie. »

Et les minutes commencèrent à défiler, lentement, très lentement.
L'excitation du moment avait laissé place au plus dur dans ce métier, l'attente.

Heureusement Tom avait une bouteille de soda quelconque et un demi-paquet de bonbons planqués dans la boite à gants.

Bill mit ses santiags sur le tableau de bords.

« Enlève tes pieds de là ! »

Le brun obtempéra en maugréant. Il mâchouillait un crocodile en gélatine en fixant la maison face à lui. Il en avait marre d'être ici, à attendre que quelque chose se passe.

Une demi-heure plus tard, aucun mot n'avait été échangé et la situation n'avait pas évolué.
Bill remit ses chaussures sur le tableau de bord.

« Dégage tes pieds d'ici. »

Mais le brun ne bougea pas.

« Vire allez ! »
« Tu vas me parler sur un autre ton ! »

La tension augmenta perceptiblement.

« Je te parle comme je veux, tu me fais chier à la fin ! On est coincé ici tous les deux pendant je sais pas combien de temps ! Alors tu vas faire un petit effort ! »

Tom avait craché ça sans aucune retenue ce qui ne fit qu'augmenter la colère de Bill.

« Tu sais quoi ? Je ne sais pas comment agir avec toi : J'arrive ici plein de bonnes intentions, on a le même but mais tu te moques de mes capacités. Tu m'accueilles chez toi et moins de dix minutes plus tard tu changes radicalement de comportement. Tu acceptes de faire un semblant d'équipe et c'est moi qui dois faire un effort ? Tu pourrais en faire aussi de ton côté tu ne crois pas ? »

Ils se regardaient, droit dans les yeux, aucun des deux ne voulait lâcher prise. Ils se défiaient, voulaient l'emporter. Ils faisaient peut-être le même job mais leurs méthodes étaient différentes, leurs caractères aussi, et malgré leurs points communs ils n'arrivaient pas à s'entendre.

Toutes ces émotions mélangées formaient un cocktail explosif entre les deux hommes.
Ils se jugeaient, se jaugeaient, essayaient de se comprendre sans le vouloir vraiment.

Tom ouvrit la bouche pour répliquer mais au même moment un mouvement attira l'attention de Bill.

« Putain il arrive ! »

En moins de temps qu'il ne faut pour le dire leur côté flic avait repris le dessus sur leur querelle. Ils sortirent de la voiture sans bruit et encerclèrent l'individu.

« Police, plus un geste ! » crièrent-ils en même temps.

[...]

L'homme tentait de se débattre sans grand succès. Il était maintenu contre le sol, les mains attachées dans le dos par une paire de menottes trop serrées qui lui coupaient la circulation.

« Mais lâchez moi ! Qu'est-ce que j'ai fait ? »

A côté de lui un petit chien noir aboyait sans interruption.

« Fais taire ce chien bordel ! » hurla Tom qui maintenait l'homme à terre, un genou appuyé au milieu de son dos.
« C'est pas mon job ! » répliqua Bill.

Ca l'énervait encore plus, il fallait toujours qu'il gâche les bons moments, même les arrestations.
Voyant que la situation était plus ou moins sous contrôle il caressa le chien pour le calmer. Il retourna son collier sans vraiment faire attention mais ce qu'il y lu rendit cet animal subitement intéressant.

« Tom ? »
« Qu'est-ce que tu veux ? Tu vois pas que je suis occupé là ? »

Sous lui l'homme se débattait toujours.

« Tu m'as dit que le suspect s'appelait comment déjà ? »
« Benjamin Allen, tu n'as pas de mémoire ou quoi ? »

Bill faillit lui en coller une.

« Si abruti ! Mais ce chien appartient à un certain Nate Macklauski. »
« Quoi ? »

Le brun soupira, il fallait vraiment qu'il fasse tout dans cette équipe.

« Cette boule de poils n'est pas le chien de notre suspect ! »
« Alors il est à qui ? »
« A moi ! » s'époumona l'homme bloqué sous Tom.

Ils se retournèrent vers lui.

« Mais.... » commença le dreadé.
« Comment vous vous appelez ? » coupa Bill.
« Nate Macklauski, vous venez de le lire. »
« Et merde. » souffla Bill.

Tom était toujours incapable de bouger, son cerveau ne voulait pas le croire. Ils s'étaient...

« On s'est plantés de mec ! » acheva le brun.
« Qu'est-ce que vous faites dans cette allée de garage ? Cette maison n'est pas à vous ! » dit Tom.
« Je sais ! Mais mon chien aime bien venir trainer ici, il n'y a personne dans cette maison depuis des semaines. »

Tom le releva, les mains toujours menottées.

« Espèce d'idiot ! » lâcha-t-il.

Et Bill ne pu s'empêcher de sourire. Il était déçu de ne pas être tombé sur la bonne personne mais voir Tom se planter comme ça, c'était vraiment trop bon.

[...]

« La prochaine fois avant de sauter sur un passant, vérifie la description. »

Le blond s'offusqua.

« Tu aurais pu le faire toi aussi. »
« Ce n'est pas moi qui ait eu les infos de cette fille. »
« Mais je ne pouvais pas.... »
« Vous êtes encore là ? »

Ils sursautèrent. Le commissaire venait d'entrer sur le parking et voir deux de ses hommes en pleine discussion alors qu'il était plus de minuit l'avait un peu surpris.

« Euh oui, on bavardait sur euh... »
« L'affaire. » enchaina Bill.
« Bien, mais ne travaillez pas autant, il faut dormir la nuit pour pouvoir assurer la journée. »

Il les salua d'un signe de tête et monta dans sa voiture.

« Des fois je hais ce job. » dit Bill.

Tom ne répondit pas et le laissa seul avant de mettre le contact et de rentrer chez lui.
Bill appela un taxi, il ne voulait qu'une chose, retourner à l'hôtel, se faire couler un bon bain et dormir. Et au moment où le chauffeur le ramenait vers un repos bien mérité il pria pour que le lendemain soit meilleur que la journée qu'il venait de passer.

[…]

« Je te jure Andy, ce mec va me tuer ! »

A l'autre bout du fil son meilleur ami était mort de rire. Il venait de subir deux longues heures de monologue horrible sur le fameux Tom Trümper, nouveau collègue de Bill et même s'il y avait mis tout son cœur il commençait légèrement à saturer là.

« Je veux bien te croire. »
« Et le pire c'est que... »
« C'est que tu le trouves toujours aussi canon. » continua Andy tout naturellement.

Il le connaissait trop bien, pour que son meilleur ami soit aussi remonté contre quelqu'un il fallait vraiment qu'il apprécie cette personne.

« Tu vas pas être en retard toi ? »

Bill regarda l'heure.

« Merde ! »
« Tu me rappelleras ce soir, file. »
« Bye. »

Il raccrocha en vitesse et enfila ses santiags avant de sortir de sa chambre en courant. Il avait exactement six minutes trente pour se rendre au commissariat situé dans un autre quartier à l'heure de pointe. Autant dire que c'était absolument impossible.

[...]

« Je hais ce job. » dit Bill.
« Tu l'as déjà dit hier. »
« Je sais. »

Ils étaient cloitrés dans un bureau, à se creuser les méninges sur des pseudos indices qui ne menaient à rien.

Ils tournaient en rond. Les victimes avaient toutes le même profil, les mêmes blessures au visage et la même cause de la mort, strangulation.

Aucune fibre, aucune trace d'ADN, aucune empreinte. Cet homme était tellement rempli de contradictions. Il était méticuleux mais la violence lors de la mort montrait bien qu'il perdait son sang froid.
Il avait réussi à reproduire les mêmes meurtres alors qu'il avait dû changer de région. Il savait s'adapter. Mais normalement les tueurs perdaient leurs moyens quand leurs repères étaient modifiés aussi brutalement.

« J'en ai marre ! On tourne en rond. »

Bill n'en pouvait plus, il voulait de l'action, mais de l'action qui menait à quelque chose et pas à un fiasco comme la veille.

« Attends c'est toi le profiler non ? C'est toi qui es censé trouver des pistes sorties de nulle part et qui donnent la solution. »
« Déjà je ne suis pas profiler, j'ai des bases de psychologie criminelle ce qui fait que j'ai un esprit plus ouvert que le tien. Et deuxièmement tu avoues que les profiler ont un véritable rôle dans la résolution d'une affaire. »
« Mais j'ai... j'ai pas... »
« Si, si tu l'as dit ! » coupa Bill en rigolant.

Il venait de le coincer à son propre piège et c'était beaucoup trop hilarant.

On toqua à la porte.

« Entrez. » cria Tom.
« Excusez-moi de vous déranger. »

Georg apparut sur le pallier.

« Hey salut ! »
« En fait je viens pour un motif non professionnel. »

Bill se sentit soudainement de trop.

« On n'avance pas de toute façon. Qu'est-ce que tu veux ? »
« Hier soir ça s'est bien passé ? »
« Mmh, mmh. »
« Elle a pas voulu te lâcher ?. »
« Et non que veux-tu ? »

Bill ne comprenait pas la conversation, ils ne finissaient pas leurs phrases et ça le rendait dingue.

« Je suis là vous êtes au courant ?! »

Georg rigola.

« Désolé Bill. » Il s'adressa à Tom. « Il est coriace ton nouveau coéquipier, enfin un qui te résiste. J'aime ça. »

Tom leva les yeux au ciel.

« Ta gueule. »
« Bon je vais vous laisser, on se voit ce soir ? »
« S'il n'y a aucun imprévu oui. »
« Bossez bien et si tu rappelles pas cette fille, file moi son numéro. »

Bill sentit son estomac se tordre, il n'avait pas encore eu le courage d'imaginer Tom en pleine action avec une bombe siliconé.
Il ne savait même pas pourquoi il ressentait ça. Tom l'énervait toujours plus, il ne supportait pas la moitié de sa personnalité et avait envie de le baffer une fois sur deux mais il était irrésistiblement attiré par lui.

« Tu redescends sur terre ? »
« Hein ? »

La voix du blond le replongea dans la réalité.

« Déstresse, tu parlais de tes conquêtes, j'ai le droit de faire autre chose en attendant. »
« Tu sais Bill ? »
« Oui ? »
« Tu me fais chier ! »
« Mais c'est réciproque. »
« Tant mieux ! »

Et le silence reprit ses droits.

Ils arrivaient à saturation tous les deux. Ils étaient confrontés à la pire des réalités, devoir attendre d'avoir une nouvelle victime pour avancer dans l'enquête.

« On devrait continuer la planque devant la maison de la mère du type. Il va sûrement se pointer et on pourra l'interroger. Ce n'est peut-être pas lui mais c'est bien la seule piste qu'on ait. »
« Planquer ? On va pas attendre des jours devant sa maison. »
« T'as une autre idée ? Ton profil est peut-être bon mais ça ne donne rien, on a un seul suspect et aucun autre indice. »

Bill devait avouer que c'était une solution.

Mais passer des heures enfermé dans une voiture avec Tom ne lui disait pas trop, il ne savait jamais comment agir avec lui, partagé entre l'envie de l'embrasser et de l'engueuler.
La suite de l'enquête n'allait pas être de tout repos.

FIN CHAPITRE 4

 

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