CHAPITRE 5


Je détaille son visage meurtri par la peine et les coups causés par Klaus. Une bouffée de colère monte en moi, il a osé toucher à un de mes amis, il s'en souviendra...

Je supporte Jo sur mon épaule, bien que cela soit plus pour lui montrer mon soutien plus que pour le soutenir physiquement. Je l'emmène dans ma chambre s'assoir sur mon lit pour qu'il se sente plus à l'aise.
Il renifle une énième fois alors que je lui caresse amicalement la main.

_ Raconte-moi.

Je tente d'avoir des explications, après tout, s'il est venu me voir c'est aussi, en partie, pour m'en parler. Son regard se pose dans le mien alors que ses larmes ont cessé de couler depuis quelques minutes maintenant.

_ Je suis allé le voir tout à l'heure. Tout allait bien, c'était comme d'habitude, on parlait, on se chamaillait, en se bataillait... Pis... J'ai voulu en savoir plus sur Bill...

Son regard bifurque sur mon planché, je décide de renforcer ma pression sur sa main pour lui donner du courage.

_ Alors... Son regard est devenu noir de colère... Il m'a dit que Bill n'était « qu'une sale pute prête qu'à chauffer » et que... Tout ce qu'il lui avait fait, il le méritait amplement. J'ai... J'ai essayé d'en savoir plus, mais pris de colère il m'a frappé. Il n'avait jamais levé la main sur moi avant.

Ses yeux s'embuent de larmes alors que quelques unes recommencent à couler silencieusement sur ses joues rouges de chaleur et de peine.

_ Et puis... Il m'a dit que j'étais rien à ses yeux, que j'avais perdu son amitié en essayant d'en savoir plus sur son passé... Que je ne valais pas mieux que Bill...

A ces mots il éclate en sanglots dans mes bras. Je me retiens de crier ma haine, mais je me fais la promesse de le faire payer à Klaus. Mes bras supportent Jo qui pleure toujours sur mon épaule, et je lui caresserais le dos autant de temps qu'il faudra pour qu'il se calme.

Jamais il ne s'est senti aussi mal, jamais je ne l'ai senti si trahi...

_ Ca va aller... Chuut...

Il niche sa tête dans mon cou et je remarque alors que son front est brûlant.

_ Tu vas dormir ici ce soir. Je te prêterais de quoi dormir mais je ne te laisserais pas tout seul ce soir.

Il acquiesce, toujours sa tête dans mon cou. Je lui masse tendrement le cuir chevelu tout en lui murmurant des choses paisibles, mais je sais qu'il ne pourra jamais oublier ce que lui a fait Klaus. Si encore, il s'était excusé, en prétextant un emportement incontrôlé, mais non... Non il a jeté mon meilleur ami comme le pire des excréments. Je ne sais pas ce qu'il a fait à Bill, mais une chose est sûre, je vais essayer d'en savoir plus tout en me vengeant de Klaus.

Jo soupire un grand coup, comme par soulagement, et daigne me regarder dans les yeux.

_ Merci pour tout Tom. Je sais que je pourrais toujours compter sur toi...

Je lui souris en lui caressant la joue, parce que malgré les apparences, je suis quelqu'un de très tendre et tactile. Je me lève en lui annonçant que je vais prévenir ma mère qu'il dort ici ce soir, et que, par conséquent, elle devra lui faire quelque chose à manger à lui aussi.

Je descends les escaliers avant de tomber nez à nez avec ma génitrice.

_ Jo est en haut et... Je pense que ce serait bien qu'il dorme ici ce soir. Ca ne te dérange pas ?

Elle me fait signe que non en ajoutant qu'elle appellera ses parents pour ne pas qu'ils s'inquiètent de l'endroit où leur fils a découché. Je la remercie avant de remonter auprès de mon énergumène en détresse.
Je pénètre dans ma chambre et remarque que Jo s'est endormi en position du fœtus. Je vais le recouvrir de mon plaide avant de ressortir silencieusement de la pièce pour ne pas le réveiller.

Je rejoins ma mère assise sur le canapé.

_ Dis maman, toi qui connais les parents de Klaus. Tu ne saurais pas ce qu'il aurait pu faire à un garçon nommé Bill par hasard ?

Elle coupe la télé avant de se tourner vers moi.

_ Non, pourquoi ? Il a fait quelque chose de grave ?

_ Je ne sais pas justement. Mais bon ce n'est pas grave.

_ Tu me demandes, et après tu me dis que ce n'est pas important ?

_ Ecoute maman... Tu ne peux pas me renseigner alors on coupe court à la conversation s'il te plait.

_ D'accord mon chéri, si jamais tu veux en parler, saches que je suis là.

_ Mais tu ne peux pas essayer d'en parler discrètement à ses parent ?

_ Si, j'essayerai bien sûr.

Je l'embrasse sur la joue avant de faire un crochet par la cuisine pour me remplir discrètement le ventre. Je remonte dans ma chambre avant de m'allonger sur le flanc, à côté de Jo en le prenant dans mes bras. Je n'aime pas voir des amis en détresse, et surtout pas mon meilleur ami, je veux qu'il sache que je serais toujours là pour lui.

Je lui caresse tendrement le dos alors qu'il s'agrippe désespérément à moi, nichant sa tête contre mon tors. Je ferme les yeux lentement quand je sens des lèvres se poser contre les miennes. Je décide de ne pas bouger, il ne faut surtout pas que je le repousse. Jo me pousse légèrement pour se retrouver sur moi alors que ses lèvres commencent à s'activer. Après être resté un petit moment inactif je n'hésite plus à répondre. S'il a besoin d'un baiser, alors je lui donnerais un baiser, je ne cherche même pas à comprendre en fait.
Il penche sa tête alors que sa langue caresse avec retenu mes lèvres. J'ouvre un peu ma bouche pour faire interagir nos langues. Au bout d'une petite minute il met fin de lui-même à notre échange avant de se mettre assis à côté de moi.

_ Pardon Tom... Je ne veux pas que tu crois que...

_ Non ça va Jo. J'ai compris. T'en avais besoin, j'étais là.

Il se retourne vers moi en souriant tristement. Klaus était, et je suis sûr qu'il l'est encore malgré tout, quelqu'un de très important pour lui. Et tout ses mots ont du lui faire terriblement mal. Du coup, il cherche de l'affection, et quoi de tel qu'un baiser pour en avoir ?

_ Tu veux recommencer ?

Je dis ça entre le sérieux et la connerie, en fait je ne sais pas s'il veut recommencer, mais comme je l'ai dis, s'il en a besoin, je suis là.

_ Ouais je veux bien...

Il baisse timidement sa tête. Ah... Bon ben ok, j'ai proposé je vais jusqu'au bout. Je m'allonge en lui faisant signe de revenir. Il s'approche doucement et avant de commencer un autre baiser il câline nos nez ensemble.
Embrasser un garçon ne me dérange en rien, coucher avec un garçon ne me dérange en rien non plus. Après tout, ce sont des êtres humains, non ?

Sa langue est toujours aussi timide et notre baiser ne s'approfondit en rien. Il reste juste un moyen de faire passer de l'affection, même si cela peut passer pour un acte supérieur à de l'amitié. Cette fois-ci c'est moi qui mets fin à notre baiser, alors que Jo me remercie de nouveau.

_ De rien. On va manger ?

Il rit sûrement en se disant que je ne changerais jamais, que je resterais à jamais un ventre sur jambe. Il acquiesce en se levant. Je le rejoins pour que nous descendions tous les deux dans la cuisine. Nous mettons la table alors que j'essaye par n'importe quelle connerie de lui ôter son air triste.
Malheureusement mes blagues ne fonctionnent qu'un temps limité. Alors que je lui en faisais une énième une assiette atterrit par inadvertance sur le carrelage et ma mère arrive en m'engueulant.

_ Tom Kaulitz ! Tu ne pourrais pas faire attention un peu ??

Je baisse la tête, penaud, tel un gamin devant une bêtise dont il se voit réprimandé. En fait... C'est mon cas. Alors que la chose est sérieuse j'entends Jo rire, les poumons déployés au maximum. Je me retourne vers lui faussement indigné, puis éclate de rire à mon tour.

La seule qui ne rit pas est ma mère. Mais ça...

_ Je vais nettoyer maman.

_ J'y compte bien !

Je soupire avant de lancer un petit sourire à Jo. Je sors de la cuisine pour chercher l'aspirateur alors qu'il continue à mettre la table comme s'il était chez lui. Enfin... Il a tellement l'habitude de venir à la maison que c'est un peu comme sa seconde résidence.

Je passe l'aspirateur sous l'œil de mégère de ma mère qui me surveille de près alors que Jo rigole encore dans son coin. Au moins je l'aurais fait rire.

[POV Bill]

Je fais tourner mon portable dans tous les sens en attendant patiemment que Sarah m'appelle. J'ai vraiment besoin de parler. Un énorme besoin de parler.

Ma mère toque à ma porte de chambre sans prendre la peine de rentrer comme d'habitude.

_ Bill ?

_ Oui ?

_ Je vais à une soirée entre collègues ce soir. Tu te feras ce que tu veux à manger.

_ Oui.

_ A demain.

J'entends déjà ses pas s'éloigner. J'ai l'habitude d'être seul de toute façon, je ne peux pas compter sur ma mère pour avoir un semblant de conversation.

Mon portable vibre me faisant sursauter. Je ne réfléchis même pas avant de décrocher.

_ Hey Bar !

_ Hey Bill !

_ Tu ne peux pas savoir à quel point j'ai envie de me confier...

_ Ecoute Bill... Quand tu m'envoyes un sms désespéré à minuit la veille je devine facilement ton envie.

Je ris faiblement.

_ Aller raconte-moi tout.

_ Tu sais... Klaus...

_ Je peux savoir pourquoi tu me parles de ce connard ?

_ Il... Enfin il est pas loin de chez moi... On s'est croisés et...

Mes larmes commencent à dévaler en rafale sur mes joues.

_ ... Et je repense à ce qu'il m'a fait... Putain, ça fait mal...

_ Bill... Oublie-le ! Je croyais que tu l'avais déjà fait !

_ Mais je l'avais fait ! Mais... Quand je l'ai revu... Tout m'est revenu en tête...

Je retiens mes sanglots, bien que je ne sois pas quelqu'un de faible, j'ai des envies de pleurer parfois.

_ Je ne veux pas que tu lui reparle ou quoique ce soit ! C'est bien clair ? Je ferais tout mon possible pour ne pas que tu t'en approche, crois-moi !! Cet encu-

_ - C'est bon j'ai compris. Je ne veux plus avoir à faire avec lui non plus. Je te promets que je ne me laisserais pas faire...

Je baisse les yeux vers mon tapis en serrant ma couette de ma main libre.

_ Sinon, comment va Andy ?

_ Il se dit amoureux.

J'éclate de rire chassant mes larmes au passage.

_ Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle moi hein ! Je dois le surveiller plus souvent maintenant que tu n'es plus là ! Je te jure que c'est un cas désespérant !!

_ Oui, je sais bien. Mais un jour, il changera peut-être. Eh puis c'est pour ça qu'on l'aime, non ?

_ Ben... Si j'avais des vacances...

_ Tu m'as déjà plus sur le dos alors ça va...

Elle rit de bon cœur.

_ Oui mais non, toi t'es plus vivable. Enfin... Oui, non je ne sais pas...

_ Saloperie !

On rit à l'unisson, encore une fois. Nous restons encore quelques bonnes minutes au téléphone, avant qu'elle ne doive raccrocher par soucis de crédit.

Je soupire une énième fois. Pourquoi, alors que même loin de mes amis, j'ai l'occasion d'oublier mon passé, il revient au galop tel un aimant ? Pourquoi le chainon manquant entre moi et le bonheur s'obstine à s'égarer à chaque fois que je l'ai en vue ?

Et dire que si je n'avais jamais connu l'amour à cet instant, ce que m'a fait Klaus m'aurait juste énervé et choqué. Et dire que la haine est si proche de l'amour... Cette séparation entre elles serait-il mon chainon manquant ? Ce serait comme s'assurer que le jour où je retrouverais l'amour, et donc le bonheur, je serais encore intimement lié au malheur par la haine ?

Des frottements doux me sortent de ma torpeur, ainsi que des miaulements chaudement murmurés. Camille se frotte à moi sentant mon malaise. Elle me sonde quelques secondes avant de se nicher sur mes cuisses en se roulant en boule. Ses yeux se ferment lentement tout en me fixant paisiblement.

Je vais pour m'allonger quelques minutes quand une sonnerie retentit lourdement dans la pièce. Mes yeux s'écarquillent quand je comprends enfin que c'est du rap. Je me lève en reposant ma chatte sur mon lit, fais le tour de ma chambre quand mes yeux se posent sur l'objet assourdissant. C'est un portable, et visiblement ni le mien ni celui de ma mère. Je décide de décrocher en pensant que c'est peut-être une urgence en voyant l'identifiant « maman » s'inscrire sur l'écran extérieur.

_ Allo ?

_ Bill ??

_ Heu, oui c'est moi.

_ C'est Tom. J'ai du oublié mon portable chez toi tout à l'heure, et je dois avouer que je suis content de l'avoir oublié chez toi, plutôt que de l'avoir perdu en chemin.

Un rire nerveux sort alors de sa bouche.

_ Tu vois, tu étais si pressé de me laisser que tu en as oublié ton portable.

_ Tu ne m'aurais pas piqué une partie de mon humour, que tu dis pourri, toi ?

Je ris face à un Tom complètement con.

_ J'en avais marre que tu sois le seul. Ou alors j'avais pitié. Ca reste à voir.

_ Et toi t'es immonde, et c'est tout vu.

Nous rigolons joyeusement.

_ Bon Bill... Je ne suis pas seul je dois te laisser, pis ma mère va me tuer si j'utilise tout son crédit...

_ Je te ramène ton portable demain en cours.

_ Ouais, merci. Bonne soirée !

_ Oui toi aussi.

Je raccroche en avalant mon « bisous » de fin de conversation habituel. Il m'aurait pris pour quoi sinon ?

Mon ventre gronde sa faim, je le regarde méchamment mais ce n'est visiblement pas comme ça que je calmerais ma faim. Je décide alors de descendre pour voir où en est le repas. Arrivé en bas je me retrouve posté devant ma mère qui m'évite en me jetant un regard des plus noirs. Je la suis pour me mettre sur son passage et ainsi stopper sa marche. Apparemment son diner entre collègue est tombé à l'eau.

_ Qu'est ce que j'ai encore fait ?

_ C'était qui se garçon qui est venu tout à l'heure ?

_ Un camarade de classe pour un exposé.

_ Et vous n'avez pas de bibliothèque à disposition pour ça ?

Elle me contourne et reprend sa marche pour atteindre la cuisine. Mon énervement me pousse à crier contre ma mère encore une fois. Enfin... Accompagné d'une pointe d'ironie croisée avec une envie de provoquer.

_ Et c'est quoi qui te met dans cet état ? Le fait qu'un garçon soit venu dans ma chambre ? Ou le fait qu'il aie pu voir qu'on n'est pas si proche que tu essayes de le prétendre à nos voisins ?

Elle s'arrête brusquement avant de se tourner pour me faire face.

_ Les deux visiblement.

Dis-je en arborant un sourire sadique.

_ Bill, quand vas-tu cesser d'être si arrogant ?

_ Et toi quand vas-tu être une mère ?

Dans ses yeux passent la haine, la colère, l'énervement, mais aucune once de regret, ni de peine, ni de compassion. Et contrairement à ce que je peux dire, cela me déchire de l'intérieur tel un objet fragile se brisant sur un sol froid et dur.

Mais ce qui me fait le plus mal, non physiquement, c'est la claque que ma mère m'afflige. Mes yeux s'embuent de larmes c'est à ce moment que je viens de comprendre que je n'avais pas perdu ma mère, et que je viens seulement de la perdre.

Sans demander mon reste je sors de la maison en laissant ma mère, seule et encore choquée de son geste, debout au milieu de la cuisine.

Les larmes incessantes s'échouent dans mon cou alors qu'elles avaient précédemment laissé de chauds sillions sur ma peau glaciale. Je cours sans me soucier de l'endroit où pourraient m'emmener mes jambes, sans me soucier de l'endroit où je pourrais me perdre.

Sans vraiment faire attention je rentre dans une personne et lui murmure des excuses à peine audibles entre quelques de mes sanglots. Cette personne me relève la tête et je me perds dans un océan noisette.

_ Bill ?

FIN CHAPITRE 5

 

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