C H A P I T R E * 10


Tom fixe le vide depuis dix bonnes minutes déjà. Il ne se sent pas observé, trop perdu dans ses pensées. Pourtant Georg le regarde et commence sérieusement à s'inquiéter pour son ami. Bill a beau parler, le bassiste sait que leur situation devient de plus en plus alarmante. Pour eux deux.

Et plus Georg le regarde, plus il se dit que quelque chose ne va pas dans le tableau. Pourtant, à priori comme ça, il n'y a rien de vraiment étonnant. Certes Tom réfléchit, c'est un miracle ; mais pour quiconque le connaît bien, l'erreur est flagrante. Le guitariste ne sautille pas. Et pourtant, Dieu sait qu'il est difficile de le faire tenir en place en temps normal. Lui qui est quasiment aussi hyperactif que son frère ... le bassiste soupire un coup. Il faut absolument mettre tout ça à plat d'ici quelques jours. L'ambiance qui règne à cause de cette dispute met tout le monde mal à l'aise, que ce soit les membres ou le Staff.

Les crépitements et flashs qui ne cessent de remplir la pièce ne dérangent pas la contemplation extasiante du sol qu'assouvi le dreadé. L'habitude sûrement. Ou peut-être autre chose.
-« Hey ! »
Le bassiste se rapproche un peu, souriant, espérant sortir Tom de sa léthargie. Il fronce les sourcils en s'apercevant que celui-ci n'a même pas remarqué sa présence.
-« Oh, Tom, ramène ta fraise un peu ! » dit-il, agacé.
Le guitariste sursaute tout à coup, levant les yeux vers Georg.

Fraises ? Rah merde non ... j'ai faim maintenant, merci Yéti è_é ... putain qu'j'en ai marre de ce corps de-de ... y'a même pas de mots pour décrire ma souffrance en ce moment. Toujours tiraillé par la faim, ou la nausée. J'en peux plus. Et puis ... et puis c'est même pas logique -_-

Son regard dérive rapidement vers la toile blanche, sur laquelle Bill s'amuse à prendre toutes sortes de poses voulues provocantes face au photographe. Comme à son habitude, son cœur se serre à la pensée de tout ce qu'il lui a dit ... et fait.
-« Ca va bientôt être à toi. »
Tom repose ses yeux sur Georg, les sourcils froncés.

Bill ? A moi ? oO Qu'est-ce qu'il raconte ? ... il sait quelque chose ?!

- « Quoi ? » s'étonne le dreadeux, vaguement effrayé.
Le bassiste lui adresse un regard bienveillant.
-« De faire des photos. Faudrait penser à revenir sur Terre de temps en temps hein ... »
Tom soupire d'un soulagement que Georg ne comprend bien évidemment pas.
Devant l'air perplexe de son meilleur ami, le dreadé cherche une quelconque réponse.
- « Euh oui je ... je pensais. »

Le bassiste lui donne une petite tape amicale avant de se diriger vers Gustav, de l'autre coté de la pièce.
-« Oui ... tu penses beaucoup ces temps-ci. » chuchote-t-il assez fort pour que Tom l'entende.
Sans savoir pourquoi ... il en rougit. Il glisse ses grandes mains sèches sur son visage, et soupire. Fatigue, détresse, solitude ... tellement de mots pourraient qualifier l'état du guitariste assis là, dans ce studio photo. Pourtant il est une véritable Star, qui est en passe de devenir encore plus connue.
Mais il a bien d'autres problèmes, auxquels personne ne peut penser et encore moins l'aider ...

J'ai peur. J'en ai marre et j'ai peur. De quoi ? De tout. De notre promo aux States. Qu'on découvre mon secret. De mes crises de nausées. Que Bill ne m'abandonne à tout jamais. Putain que j'ai peur. Je suis mort de trouille. Et je ne cesse de ressasser encore et encore les mêmes idées. Je n'arrive pas à comprendre ce qu'il m'arrive. J'essaie de lier les éléments. Voir comment c'est possible. Mais rien. Rien du tout.
C'est ab-so-lu-ment impossible et inconcevable. Je ne peux pas changer de sexe comme ça !
J'ai regardé sur le net, partout. J'ai même l'impression d'avoir retourné tout le web, mais toujours rien. Je suis ... je suis seul, je suis un monstre et j'ai peur. Quel paradoxe.

Le grand garçon de dix huit ans et un mois soupire dans ses mains.
Les larmes lui montent aux yeux. Ce ne sera qu'une fois de plus.

J'ai tellement ... tellement de putains de questions ! Pourquoi est-ce que je chiale tout l'temps ? Les filles ne pleurent pas constamment. C'est pas parce que j'en suis la moitié d'une que je dois être dans cet état ...
Et ... et pourquoi j'ai tout l'temps faim ? Et le pire, c'est que quand j'ai plus faim, j'pense plus qu'à gerber tout c'que j'viens de bouffer. D'ailleurs, je ne fais pas que le penser, en général ... ça ressort vraiment.

-« Tom ? »
La voix inconnue fait tressaillir le dreadé qui lève les yeux vers son interlocuteur. Devant lui se tient le photographe qu'il n'avait vu que de loin jusqu'ici. Celui-ci le regarde avec étonnement.
Une seconde passe avant que Tom ne se souvienne qu'il pleurait ... encore.
-« Est-ce que ça va ? »
Le guitariste s'essuie rageusement les joues, sanglotant encore un peu sans pouvoir s'en empêcher. Les nerfs sont quelque chose de fragile, qu'il ne vaut mieux pas titiller trop longtemps.

- « Je-je, oui ... ça va. » bégaye Tom, se redressant de toute sa hauteur.
L'homme s'interroge quelques secondes mais décide de ne pas déranger le musicien.
-« Tu devrais retourner voir la maquilleuse. Je vais prendre un autre membre du groupe pendant ce temps. »
Le dreadeux lui adresse un regard empli de gratitude, inconsciemment. Il a énormément de mal à cacher ce qu'il savait parfaitement dissimuler avant : ses émotions.

De l'autre coté de la salle, Georg observe avec surprise son meilleur ami se diriger vers la sortie, tandis que le photographe se rapproche d'eux.
- « Où est-ce qu'il va encore ? » demande Bill, exaspéré.
Leur planning devenait extrêmement serré avant leur départ pour les USA. C'était fatiguant, oui. Le chanteur attendait toujours avec impatience ses moments de liberté.

Le photographe se poste devant le bassiste.
-« Viens, tu vas passer tout de suite. »
-« Mais ... et Tom ? » questionne t-il, perplexe et inquiet.
- « Qu'est-ce qu'il fait ? » renchérit Bill, visiblement agacé.
L'homme ne sait pas trop ce qu'il doit dire.

La situation est plutôt étrange et déplacée. Peu de Stars du Rock se mettent à pleurer dans ces locaux. Mais après tout, il a déjà eu à faire au groupe et ils avaient l'air assez soudés. Comme de vrais amis.
-« Il doit refaire son maquillage. »
Deux regards étonnés se posent sur lui.

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Tom soupire et s'assoit pour la seconde fois sur une chaise. La jeune femme qui s'était préalablement occupée de lui s'avance et le dévisage totalement. Elle s'apprête à parler, mais le guitariste lui envoie un regard noir qui en dit long. Elle ne trouve rien à répliquer.
-« Bien, on va recommencer ... » dit-elle, dépitée, en attrapant son démaquillant.

Putains de larmes ... je n'ai jamais subi autant d'humiliations en si peu de temps ... tout ça à cause d'elles. Et des conneries qui m'arrivent en permanence bien sûr ... oh non ... voilà que j'ai mal à la tête ...

Bill franchit la porte que son jumeau a emprunté quelques minutes auparavant. Il se stoppe en l'apercevant, croise les bras et s'accoude au mur à sa gauche. Tom a les paupières fermées, les doigts experts de la maquilleuse tenant son menton en le relevant légèrement. Les pensées du brun dérivent doucement.
Et sa seule question existentielle, celle qu'il croyait pouvoir effacer, lui revient brutalement.

Pourquoi as-tu tant changé Tom ? Je ne comprends pas ce qui se passe. Et pourtant, je fais plus attention à toi que je ne le voudrais. Tu ne le mérites même pas après tout. Je t'ai perdu ... et je continue à croire que tu reviendras un jour ... comme un enfant croit au Père Noël. En vain quoi.
Mais ... mon grand frère me manque. Qu'est-ce qu'il t'arrive Tommi ? Pourquoi tu vas si mal ces temps-ci ... ? Aurais-tu compris tes erreurs ? Alors parle-moi.
Je suis prêt à t'écouter aujourd'hui.

Bill observe son frère avec attention. Il le trouve changé. Physiquement. Il y a quelque chose qui le dérange, mais il ne parvient pas à voir quoi. Il n'a pas l'air malade. Au contraire. Il a l'air très bien portant. Même trop d'après le chanteur, qui lève un sourcil, étonné.

Tom rouvre doucement les yeux, sous autorisation de la maquilleuse. Elle regarde sa peau avec minutie et lâche son menton.
-« Okay, vas-y, c'est bon. » dit-elle, monotone, avant de se diriger vers ses amies qu'elle avait durement quitté pour revenir sur ses pas.
Le guitariste se relève et referme les yeux précipitamment sous l'action d'un vertige.

Raah, je supporte plus ce corps ...

Ses doigts agrippent le rebord de la table sur laquelle reposait le maquillage et il lâche un long soupir de désespoir, se contrôlant pour ne pas avoir envie de pleurer encore. Quand il ouvre à nouveau les yeux et les lèvent, il a tout juste le temps de voir le dos de son frère disparaître derrière la porte. Son cœur manque un battement, et son souffle se tarie brusquement.

Mais qu'est-ce ... qu'est-ce qu'il faisait là ?

Il reste figé quelques secondes, puis se décide à rejoindre la seconde pièce où il est attendu. A peine en franchit-il le seuil qu'une main se pose sur son bras. Il sursaute et regarde son propriétaire.
-« Tu es enfin là. Viens, on a pas de temps à perdre, j'ai cru comprendre que vous aviez un planning chargé. » déclare le photographe en le tirant vers le drap blanc.

Tom, un peu décontenancé par la tournure des choses, se laisse faire et se place doucement sur la toile. Faire le vide et penser à autre chose, ne fait malheureusement pas partie de ses qualités. Il inspire un grand coup.
L'odeur du drap immaculé l'étourdit carrément. Senteur de peinture désagréable.

C'est pas vrai, ils ont vraiment peint ce putain de drap ?! C'est insupportable ...

-« Bon Tom ... prends la pose, fais ce que tu fais d'habitude, on a pas vraiment le temps d'innover. » déclare le photographe, déjà l'œil dans son objectif.
Les lumières braquées sur lui l'empêchent de voir que Bill, Georg et Gustav parlent à voix basse de son changement étonnant d'attitude.

Tom tente d'obéir aux volontés du photographe malgré l'odeur immonde que dégage le support de son shooting. Mais la témérité ne fait pas non plus partie de ses qualités. Et le parfum qui monte lentement mais sûrement dans ses sinus commence sérieusement à l'insupporter ; se glissant subtilement au plus profond de sa gorge, lui donnant une irrémédiable, mais désormais habituelle ... nausée.

Merde ... pas maintenant, noooon ... oh putain je ... je vais vomir c'est sûr !

Tom n'attend pas une seconde de plus. Un dernier flash et il sort immédiatement du cadre, se jetant au dehors de la salle sous le regard effaré de ses amis. Quelques secondes plus tard, il laisse échapper un gémissement plaintif en sentant son estomac se contracter douloureusement. Tout ça au dessus des toilettes, qu'il avait miraculeusement retrouvé dans le studio. Les larmes dévastent à nouveau son visage.
Si la maquilleuse avait su ...

Une main glisse doucement dans son dos, des voix résonnent. La tête lui tourne comme toujours. Il ne se supporte plus. Ça fait déjà cinq bonnes semaines qu'il souffre en silence, de peur que l'on ne découvre son abominable secret. Il lâche un nouveau sanglot et tombe au sol, ses jambes ne le soutenant plus.

Il se sent soulevé doucement et se laisse faire. Les voix ne lui parviennent plus. Mais sa vue lui revient parmi les larmes. Un visage. Son cœur se serre. Des traits tirés par l'inquiétude. Il voit son frère lui nettoyer doucement les contours de la bouche et lui murmurer tout aussi doucement :
- « Hey Tommi, ça va mieux ? »

Le surnom qu'il avait perdu depuis près de quatre ans lui fait l'effet d'un coup de poing. Il pose lentement une main tremblante sur son front, baisse la tête et soupire longuement, tentant de retrouver son calme et ses esprits.
- « Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demande à nouveau Bill, « Tu es malade ? »
Tom sent de nouvelles larmes se frayer un chemin entre ses paupières. Oui il l'était, mais, il ne devait pas l'être. Pas officiellement, au risque de devenir un phénomène, voire cobaye. Il lève doucement les yeux vers son frère. Ça fait si longtemps qu'ils n'ont pas été aussi proches l'un de l'autre que Tom ne sait plus quelle attitude adopter pour ne pas paraître fou amoureux.

Tout à coup, les questions de Bill lui reviennent en tête, devant son regard plus qu'insistant.
- « Je ... ça doit être une gastro, c'est rien. » dit-il, le plus sincèrement possible.
- « Hum, okay. On va demander à David d'appeler un médecin. » déclare le chanteur, à moitié convaincu.
Il quitte lentement les toilettes exiguës pour faire face au miroir.
- « Non non ! J'en ai pas besoin j'te jure. Ca va passer. » dit Tom, un peu paniqué, en sortant à son tour.

Bill lui adresse un regard mi-étonné mi-coléreux à travers le miroir. A cet instant, il a l'impression d'à nouveau pouvoir lire dans les yeux de sa moitié. Comme s'il avait fait tomber le mur de son esprit. Tom rougit légèrement et baisse les yeux, puis fait couler l'eau dans le lavabo, brisant le silence partiel.

Me regarde pas comme ça ... je t'en prie arrête ...

Pourquoi tu ne veux pas me parler ? Pourquoi est-ce que tu caches toujours tout ?

Leurs regards se rencontrent une nouvelle fois. Bill détourne les yeux et se dirige vers la sortie.
- « Okay, c'est ton problème après tout. » dit-il, visiblement désintéressé.
Tom soupire doucement, et se jette un œil dans le miroir. La peur le tient à la gorge. A cet instant, il se rend compte qu'il est peut-être plus malade qu'il ne le croit. Peut-être qu'il ferait mieux de voir un médecin.
Après tout ...

... ils sont tenus sous le secret professionnel. Oui, mais ... entre se faire radier de l'ordre des médecins et gagner des millions d'euros pour une information confidentielle ... je crois que le choix se fait vite. Et puis ... peut-être ... peut-être que tout l'monde croirait que je ne suis pas moi.
Mon Dieu ... ils me prendraient pour une fille qui serait le sosie de Tom Kaulitz ?

- « Non, je peux pas ... » murmure t-il pour lui-même, prenant une gorgée d'eau avant de la recracher.

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Dans le van noir qui les reconduit à l'hôtel, c'est le calme plat.
David est toujours à l'avant, du côté du mort bien sûr.
Derrière lui se trouve Georg qui regarde la route, perdu dans ses pensées. A ses côtés, Tom somnole à moitié sur la vitre, épuisé par toutes ses péripéties et le ventre vide. En diagonale par rapport à lui, Bill le regarde attentivement, agacé par son attitude de déni. Et Gustav, à la dernière place, tape le rythme des chansons qui défilent dans son mp3, du bout des doigts.
Autant dire que l'ambiance pèse.
Seuls le bruit de la route et le grésillement, parvenant des écouteurs du batteur, troublent le silence.

David regarde brièvement le dreadé. Il s'inquiète un peu. Il a eu vent de ce qu'il s'est passé dans l'après midi. Et ce n'est vraiment pas le moment de tomber malade, à un mois du départ pour les States, et de la grande tournée de promo. Ça ne sera pas de tout repos, et les gars doivent assurer au maximum.
Si leur guitariste leur fait faux bond, ce sont des millions d'euros qui vont passer à la trappe.

Tom soupire silencieusement, avachi sur son siège, fixant le paysage citadin qui défile sous ses yeux avec apathie. Il contracte ses abdos en sentant son ventre se tordre sous la faim.

Qu'est-ce que j'donnerais pas pour des spaghettis bolognaises ...

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Le bassiste et batteur du groupe suivent gentiment Tobias à travers les larges couloirs de l'hôtel luxueux dans lequel ils vont passer la nuit, à Munich. Alors que Saki indiquait à son tour, la route à suivre aux jumeaux, David s'interpose.
-« Attends Tom, je dois te parler. » dit-il, l'air sérieux, il se tourne vers le chanteur, « Bonne nuit Bill, demain, à dix heures dans le hall. »
Le brun le regarde méchamment. Il ne supporte pas qu'on le mette à l'écart de ce qui concerne la moitié de lui-même. Il adresse un regard en coin à son frère. Un sourire s'épanoui sur son visage. Ça y est. Ils sont à nouveau complices. Le cœur de Tom bat la chamade, alors qu'il regarde son frère partir avec Saki.

Son manager le sort de sa rêverie solitaire.
-« Bon, je sais que tu vas encore me dire de ne pas m'inquiéter ... mais ça t'arrive souvent de vomir comme ça ? » demande t-il, visiblement plus agacé qu'inquiet.
Tom ne peut empêcher ses joues de rougir.
- « Je ... bien sûr que non ! » déclare t-il, faussement vexé.

Putain, je sens qu'il va pas me lâcher.
-« Alors qu'est-ce qui t'as pris ? Tout le studio à pu te voir tu sais ? Je n'ai pas besoin de te signaler que dans quelques jours on va voir apparaître des 'Tom Kaulitz est malade' un peu partout et il va encore falloir se justifier. »
Rah, j'aime pas qu'on me fasse la morale ... il m'énerve.
-« Et ben c'est ton boulot de justifier nos conneries figure toi. » dis-je, en le fixant dans les yeux.
Son regard se noircit. Rien à foutre qu'il soit en colère.
J'en ai ma claque de tout ça. C'est vraiment trop l'bordel !

Il soupire et tente de se reprendre. C'est ça qui est bien, il a beau s'énerver au max, c'est difficile de le faire craquer. J'y suis arrivé qu'une seule fois en cinq ans.
-« Bon. Qu'est-ce qu'il t'arrive ? T' as besoin d'un médecin ? »
-« Mais qu'est-ce que vous avez tous avec ça ? J'ai pas besoin d'médecin, j'ai besoin d'repos ... ça doit une gastro, c'est passager. » déclarais-je, le plus nonchalamment possible.
Pfiou, espérons que ça passe ... pour moi, le médecin égal mort du groupe, mais ça ils peuvent pas savoir ... Mon Dieu, tout est ma faute.

David le regarde avec méfiance et finit par acquiescer.
-« Okay, mais si ça va pas mieux après, c'est direct le docteur. »
Tom ne répond même pas et se dirige là où son frère a disparu.
-« Chambre 77 ! » crie le manager à son protégé, « quelle tête de mule ... » chuchote-t-il, avant de partir de son côté.

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Toujours perdu dans ses pensées obscures, le dreadeux arrive devant la porte de sa chambre et sort la carte magnétique qu'on lui a donné en arrivant. Un grincement le fait sursauter et il tourne la tête vers sa gauche. Ses yeux ne peuvent se détacher du corps fin qui se rapproche de lui. Bill ne dit rien. Il ne porte que de simples vêtements. Un t-shirt blanc, et un jogging. Ses yeux sont démaquillés, et ses cheveux simplement posés sur ses épaules. Il lui sourit et prend la carte de ses mains. Le contact entre leurs peaux fait frémir le guitariste qui reste ébahi devant tant de beauté au naturel.

Bill glisse la carte dans le récepteur dont la diode verte clignote, alors que la porte s'ouvre à peine dans un bruit étouffé. Il entre sans se faire inviter et se laisse tomber sur le grand lit dans la deuxième pièce de la chambre. Tom secoue la tête pour chasser ses pensées traîtresses et entre à son tour. Il referme précautionneusement la porte derrière lui, cherchant à éviter le dialogue avec son double. Parce que, discussion il y aura forcément.

Il inspire un coup et retire lentement sa veste qu'il balance négligemment sur un fauteuil de la pièce. Il se demande quelques secondes si la complicité qu'il venait à peine de retrouver avec son double n'allait pas disparaître aussi rapidement quelle était venue. Il lève tristement les yeux vers la porte et finit par s'avancer.

De son côté, Bill écoute les bruits de la pièce adjacente, impatient de voir son frère le retrouver. Il faut qu'ils parlent. Ils en ont besoin l'un comme l'autre. Le chanteur se redresse en apercevant, du coin de l'œil l'ombre de son jumeau à l'encadrement de la porte. Il prend une bouffée d'air.
- « Tom ... » dit-il doucement, en guise d'encouragement.
Ledit Tom franchi enfin la barrière invisible et se rapproche de Bill, sans pour autant lever les yeux. Il se sent mal, stupide et tellement coupable. Pourquoi ? Oh pour beaucoup.

Il s'assoit tout doucement à côté de son frère et tord ses doigts nerveusement. Le silence le pèse. Comme ... un être accusateur qui tournerait autour de lui, le menaçant de dire à tout instant, tout ce que Bill ne sait pas, et qui le réduirait sûrement à néant. Et Tom finit par les sentir arriver. De vieilles amies qu'il retrouve un peu trop souvent à son goût. Elles s'invitent au bord de ses yeux et se jettent sur ses joues, roulant sur sa peau avec délicatesse.

Bill ressent une désagréable amertume à voir son frère craquer comme ça. Il ne pleurait jamais avant, et c'est la deuxième fois en un mois qu'il le voit faire. Sa main gauche passe doucement sur son dos osseux, tandis que la droite détache les doigts névrosés pour les caresser.
- « Hey Tommi ... » dit-il en tentant d'attirer son attention vers lui.
Le dreadé détourne encore plus son regard. Il s'en veut d'être aussi faible. L'amour rend stupide ... non ?

De longs doigts fins glissent sous son menton. Il essaye de résister à la pression mais les laisse finalement guider son regard vers leur propriétaire. Bill fait passer sa main de son menton à sa joue, et murmure doucement :
- « Dis-le moi. Dis-le moi pour de vrai Tommi. »
Le dreadeux ferme les yeux, sans pouvoir faire autrement, laisse une énième larme se perdre sur sa peau.

- « Regarde moi dans les yeux et dis-le. C'est tout ce que je te demande. » continue le brun, d'une voix plus ferme.
Tom sent qu'il va le perdre s'il ne le fait pas. Il ne pourrait jamais le supporter. Ses lèvres s'entrouvrent doucement, laissant d'abord passer un sanglot. Il fixe son regard dans celui de son frère et déclare solennellement :
- « Pardonnes-moi. »

Et pour une fois , c'était sincère .


FIN CHAPITRE 10

 

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