CHAPITRE 9 COLERE SOUDAINE

-« Un mois. »

Le regard fixé dans ses propres prunelles, Tom répète inlassablement ces deux mots dans sa tête et vient de l'extérioriser pour la première fois. Il soupire et ouvre le robinet du lavabo, ses grandes mains se glissent sous l'eau froide qui en découle et se joignent pour former une coupe. Le liquide est projeté sur son visage et sa peau frissonne à ce contact.

Ça fait un moiiiiis déjà. J'en ai marre. Ça fait un mois que je suis une fille ... je dis même plus que j'ai seulement un vagin. Ce serait faux. Je ... j'arrête pas de ... d'avoir des sentiments, des expressions de ... fille ... c'est effrayant. Et puis ... ça fait aussi un mois que j'ai ... couché avec mon propre frère jumeau. Dans quelques mois on décolle pour les USA. Je suis mort de peur. Je ne le montre pas. Je ne montre jamais ce que je ressens. Ou du moins, j'essaye de ne pas le faire. Tout ce qui m'est arrivé ... c'est tellement, ... incroyable, c'est trop pour être vrai. Chaque matin je me réveille en pensant avoir vécu un looong cauchemar mais il suffit que je pose ma main sur mon boxer pour savoir que je ne rêve pas. Je le vis réellement, ce cauchemar.

Le jeune homme émet un long soupir et attrape la serviette à sa droite pour essuyer sa peau. Il se fige tout à coup et retire le tissu de son visage. Le miroir lui montre un jeune homme à l'air perdu, ses longues dreads détachées encadrant son visage.

J'ai dix huit ans, aujourd'hui. La majorité. Et ... et je suis une fille, putain !

Cette fois-ci Tom jure méchamment en fixant le sol, avant de faire volte-face et regagner sa chambre, la pièce principale.

J'espère que les gars ont pas prévu une connerie du genre, un tas de filles pour moi seulement en une soirée ou je n'sais trop quoi. Georg en serait capable cet imbécile ...

Le guitariste effectue ses gestes matinaux automatiquement. Il se penche sur sa valise qui traîne au sol et s'empare d'un large élastique. Ses mains enserrent ses dreads alors que l'élastique glisse le long de son bras jusqu'au coude, le faisant jurer une fois de plus. Il réussit tant bien que mal à le ramener à hauteur de sa tête et fait une demi-douzaine de tours, puis souffle un grand coup.

Ce simple exercice des plus banals dans sa vie, a suffit à faire dériver ses pensées à des années lumières. Une autre des conséquences féminines qui l'accapare en ce moment : faire plusieurs choses à la fois et se concentrer sur deux sujets en même temps. Toujours machinalement, Tom prend deux t-shirts de même teinte au hasard dans sa seconde valise, plus grande que la première, et les enfile sans y prêter plus attention que ça, l'air triste. Il s'arrête après cette dernière manœuvre et baisse les yeux, s'asseyant sur son lit plus que moelleux.

Je ... je n'arrive toujours pas à comprendre comment tout ça est arrivé ... Je n'en peux plus. Pourquoi ... pourquoi j'ai cette chatte ?! ... et pourquoi Bill était si ... si bourré à cette soirée ? ... et ... mais ... mon Dieu, ça m'a traumatisé ou quoi ? ... c'est ... non mais je ... je ...

Ses hormones féminines s'emparant à nouveau de lui, les prunelles de Tom venaient de se remplir de larmes.

Mais ... putain, je chiale jamais d'habitude ! C'est encore cette ... cette saloperie de chatte à la con ! ... *soupir* ... je voulais pas tout ça ...

Mais, qui l'aurait voulu ?

Tom se lève à nouveau, reprenant sa respiration normale, et essuyant rageusement les larmes traîtresses qui laissent échapper sa peine accumulée. Il se baisse et prend un baggy bleu clair dans son sac, se glissant à l'intérieur sans difficultés étant donné la largeur de celui-ci et la finesse de ses jambes. Toujours sans prêter attention à ses gestes, il s'empare d'une casquette blanche et d'un bandeau de même couleur qui gisait au fond de sa valise, oublié depuis longtemps.

Il se dirige doucement vers la salle de bains, retenant son double t-shirt d'une main désinvolte, plus par habitude qu'autre chose et se place devant son miroir, long de quelques mètres. Il place correctement son bandeau, au dessus de ses sourcils et glisse sa queue de cheval dans sa casquette en superposition.

Il se fixe à nouveau, ses yeux parcourant son visage et ses vêtements, toujours perdu dans ses pensées. Son regard triste passe sur chacun de ses traits, et il trouve qu'il a changé. Anormalement. Quelque chose ne va pas.
-« Mais ... c'est ... dans ma tête ou ... ? »

Ses doigts glissent sur ses joues doucement.
-« J'ai ... putain, mais j'ai le visage plus rond on dirait ?! C'est moche merde ! »

Caprice de star. Colère soudaine.
Et pourtant, ce jeune garçon de dix huit ans n'a jamais été aussi ... rayonnant.
~
-« Mais attends ... tu trouves pas qu'il a quand même beaucoup changé ? »
-« Si bien sûr ... mais ça ne me convainc pas ! »
Georg soupire, et se laisse aller en arrière sur le canapé qui fait l'angle de leur table. Il fixe le plafond quelques secondes, cherchant un nouvel argument, puis se redresse en regardant son ami.
-« Mais il a déjà fait l'effort de s'excuser des dizaines de fois ! Et même devant nous ! C'est énorme pour lui et tu le sais ... »
-« Oui, je sais. »
-« Alors pourquoi tu ne lui pardonnes pas ? »
-« Parce qu'il ne sait même pas pourquoi il s'excuse !! »
-« Mais si ! »
-« Non, il ne sait pas. Je me suis renseigné. Il ne sait pas comment cette fille s'est suicidée. Mais je ... j'imagine qu'il a du lui faire énormément de mal pour qu'elle se soit tuée ... aussi ... violemment. »
Le bassiste le regarde, inquiet, puis à bout de nerfs finit par poser la question qui lui brûle les lèvres.
-« Comment ? »

Bill tient sa tasse de café de ses deux mains, l'air dans le vague.
-« Elle s'est pendue. Ses parents étaient dans la pièce d'à côté. Mon Dieu je ... je préfère ne même pas m'imaginer ce qu'ils ont du ressentir. Elle n'avait que 16 ans ... »

Georg déglutit difficilement, sous l'annonce de la nouvelle. Les lèvres du chanteur se remirent à bouger.
-« Je vois bien que vous ne comprenez pas. Mais vous ne le pouvez tout simplement pas. Tom est mon jumeau et s'il s'était senti seulement une minuscule fois coupable de sa mort ... je l'aurais su. Mais encore maintenant, même quand il s'excuse, je sais qu'il ne ressent rien vis-à-vis de cette fille ... même pas de la pitié. Il l'a oublié au moment même ou elle a quitté sa chambre. »

Le jeune homme de vingt-et-un ans se laisse à nouveau glisser dans la banquette et un long silence s'installe, seulement rompu par les bruits de succions que produit Bill en buvant son café bouillant du bout des lèvres.

Les gens vont et viennent dans les cuisines, pourtant la salle est pratiquement vide. Un soupir brise la tension palpable de l'instant.

-« Je ne savais pas. Mais ... je ... ne pense pas Tom capable de faire du mal volontairement à quelqu'un ... , il s'interrompt en voyant le regard noir que Bill lui lance, ... enfin, personne à part ... toi ? » finit-il timidement, et rougissant.
Il s'enfonce dans son siège, en murmurant un 'désolé', alors que Bill lâche sa tasse pour prendre son visage dans ses mains, gémissant à son tour un 'je sais, c'est pas grave'.

A cet instant, un grand garçon entre dans la salle, un gigantesque sourire sur les lèvres et s'avance à leur encontre.

-« Bon Anniversaire p'tit frère ! » crie t-il, un grand sourire aux lèvres.
Il se rapproche de plus en plus de Bill dont le caractère vient de devenir exécrable, il y a à peine quelques minutes. Le chanteur ne réagit toujours pas, alors que Tom se baisse à sa droite. Georg suit la scène d'abord avec appréhension, en oubliant même de souhaiter à son tour un bon anniversaire à son ami, puis vient l'étonnement.

Tout doucement, le guitariste s'assoit sur le bout de la banquette encore libre, ne respectant même pas l'espace vital de son frère, et lentement, il pose ses lèvres sur sa joue. Son baiser est doux et tendre. Il veut y mettre le plus de sentiments possibles, que ce soit son amour ou sa peine.

Deux mains se posent sur son torse, et le pousse brusquement au sol. Le dreadeux sent une douleur se glisser dans ses muscles mais c'est seulement son cœur qui s'est brisé. Bill vient tout juste de le rejeter, pourtant, les larmes lui montent déjà aux yeux. Et Bill ne dit rien de plus. Il repose ses mains sur sa tasse et en boit une gorgée à nouveau.

Georg ne sait plus où se mettre. Tom ne se relève pas. Il n'en a pas la force. C'est comme si le monde venait de s'écrouler autour de lui, et lui-même ne comprend pas les sentiments qui se creusent subtilement un passage au fond de son être. Les petites gouttes salées qui menaçaient de se répandre sur ses joues n'en demandent pas plus pour agir.

Il veut parler, il n'en peut plus de ne recevoir que la haine de son frère jumeau, mais tout ce qui sort de sa bouche est un murmure qu'un enfant de cinq ans aurait pu proférer.
-« Mais ... c'est, c'est notre anniversaire. » dit-il d'une voix tremblante.
Car oui, Tom croyait que ce jour-là, Bill ferait un effort pour lui pardonner.
Le brun dépose sa tasse sur la table et fixe toujours un point invisible, le regard glacial.
-« C'est Ton anniversaire, et c'est Mon anniversaire, mais ce n'est pas le Notre . »

Georg regarde le chanteur avec désapprobation et s'aperçoit tout à coup de l'état du guitariste.
Tom n'a pas bougé, il laisse les larmes couler sur ses joues sans pouvoir les arrêter.
Ça fait trop longtemps qu'il souffre.

Les séparer dans une phrase plutôt banale ne fait que le rendre plus désespéré, il a juste l'impression d'avoir perdu sa moitié. Et ça fait mal.

Le bassiste n'arrive pas à croire ce qu'il voit. Ça fait des années ... et il commence même à se demander s'il a déjà vu Tom pleurer ne serait-ce qu'une fois dans sa vie. Ça lui fait un choc.

Les sentiments du dreadé sont totalement chaotiques. Il ne comprend pas ce qui lui arrive, pourquoi ça lui fait si mal tout à coup, alors que Bill a été cent fois pire auparavant. Mais là ... c'est peut-être simplement la goutte d'eau qui fait déborder le reste ? Les deux grandes mains du guitariste exercent une pression au sol pour l'aider à se redresser, alors que son regard croise celui de son meilleur ami. Tom rougit instantanément et détourne les yeux, honteux de se mettre dans cet état devant lui.

Mais il ne comprend pas. Il ne comprend-

Rien du tout ! Pourquoi ... pourquoi j'ai ... si mal ? C'est ... je j'arrive pas à m'en empêcher ! C'est plus fort que moi, j'ai tellement mal ... ça me fait tellement mal ce putain de rejet à la con ! Pourquoi tu continues ? Pourquoi j'me sens si triste et ... ... seul ? ... parce que ... parce que personne ne peut plus me comprendre. Je suis ... un monstre. Je suis un monstre dans tout ce que j'entreprends. Je suis un monstre physiquement et moralement. Je ne sers à rien.

Il glisse ses doigts sur ses joues pour stopper la coulée de larmes qui s'échappent de ses jolis yeux noisette, et s'apprête à partir puisque celle-ci ne semble pas vouloir s'arrêter. Mais Georg lui fait signe de venir s'asseoir en se décalant et lui faisait un gentil sourire.

Tom hésite quelques secondes, se demandant s'il arrivera à ne plus se laisser aller ainsi, puis finit par se redresser et se poser lentement sur la banquette. Il réprime un sanglot. La main de Georg atterrit sur son épaule et la sert affectueusement. Il se tourne vers son ami et lui sourit timidement.

-« Putain Tom ! Tu ... tu pleures ? » demanda soudainement Bill, tout aussi choqué que leur ami.
Tom sent son estomac se serrer comme dans un étau, il baisse immédiatement les yeux, fixant ses doigts qui s'entremêlent sur ses genoux. Il doit dire quelque chose. Il doit répondre à l'agression.
Il entrouvre les lèvres, et inspire une milliseconde.
-« Tu me manques. » gémit-il doucement, d'une toute petite voix.

Une nouvelle larme se fraye un chemin sur sa joue. Il se sent extrêmement faible et vulnérable à cet instant.
Comme si, sans l'amour de son frère, il n'envisageait plus aucun avenir pour lui-même.
Comme si Bill tenait sa vie entre ses mains.

-« Quoi ?! » s'écrie le chanteur.

Tom regarde encore chacun de ses doigts tremblants. Il ne comprend pas ce sentiment de vulnérabilité qui l'habite tout à coup. Lui qui avait toujours été le plus fort d'entre eux, physiquement et moralement.
Pourquoi devient-il soudainement le plus faible ?
Pourquoi a-t-il tellement envie que son frère le protège de la vie ?

Est-ce que c'est parce que ... je suis une fille ? C'est ça qu'elles ressentent face à l'homme dont elles sont amoureuses ? C'est ça ... que je ressens ?

Tom renifle doucement, évitant un nouveau sanglot. La boule qui s'est formée dans son ventre est progressivement remontée jusqu'à sa gorge et l'empêche de dire quoi que ce soit.
Il a conscience que la conversation est toujours la même.
Il s'excuse, son frère le repousse. Il tente de l'avoir par les sentiments, mais rien n'y fait.
Quoi qu'il dise, il en revient toujours au point de départ.
Son frère le hait. Et lui, il en est amoureux.

Tom s'apprête à répéter sa déclaration, mais Bill le coupe subitement.
-« Je refuse tout ça Tom ! Co- ... comment tu peux me dire ça, encore ? Tu crois que tu ne me manques pas ? C'est bien moi, qui suit le plus à plaindre ici ... j'ai perdu mon frère depuis quatre ans ! Tu t'en souviens ? Mais ... merde, est-ce que tu t'en rends seulement compte ?! »

Tom les sent glisser, les unes après les autres. Des larmes de pure culpabilité. Tout est sa faute. Depuis le jour où il a compris ses sentiments, tout a basculé.

Bill s'adresse aux abonnés absents. Tom fixe toujours ses propres doigts, inlassablement. Georg assiste à la scène, en neutre, se rappelant toutes les choses horribles et tout bonnement méchantes que Tom a pu faire à son frère.

Ses poils se hérissent quand, encore une fois, Bill se lève, furieux de la non-réaction de son frère, les larmes aux yeux et quitte la salle à grands pas. Il soupire et reporte son attention sur le grand garçon blond à sa gauche. Le désespoir inscrit sur les traits de Tom est prenant. Georg glisse lentement sa main dans le dos de son ami. Le guitariste est quelqu'un de très compliqué, et il est un des seuls à le comprendre un tant soit peu.

Alors que Georg tente de le réconforter, Tom essaie de se reprendre pour la quinzième fois. Les larmes qui coulent sur ses joues ne sont pas les premières à passer par là depuis quatre ans. Ca fait déjà quelques semaines que ses instincts féminins prennent le dessus. Il renifle un grand coup dans un bruit des plus ravissants et ses mains changent enfin d'activité pour essuyer ses yeux.

Et, alors que rien ne le laissait présager ...
-« Quelles putains de larmes ! » crie-t-il quasiment dans la salle silencieuse.

Le bassiste sursaute à ses côtés. Tom prend une grande inspiration et expire longuement. Son regard se perd dans le vide, sur la place qu'avait occupé Bill quelques minutes plus tôt. Georg n'ose rien dire face aux yeux encore remplis de larmes du dreadeux.

Il a été un peu choqué d'assister à cette scène, mais ayant fait des études de psycho, il a toujours su que la personnalité de Tom ne pouvait que cacher une forte sensibilité. Il fallait que ça explose dans ce genre de situation. Tom émet un petit soupir à la fin de sa contemplation et fini par se tourner vers son meilleur ami, qui lui sourit tristement.

-« Tu veux qu'on en parle ? » propose gentiment le bassiste.

Quelques secondes passent sans que le guitariste ne réagisse.
-« Je ... non. » déclare t-il simplement.

Il trésaille sous l'action d'un frisson et se redresse. Georg le regarde faire, avec étonnement.
-« Où tu vas ? »

Tom ne se retourne pas et prend la direction du buffet.
-« Chercher à bouffer. » répond-t-il.
Cette fois, le bassiste lève un sourcil interrogateur, puis soupire d'exaspération.
Tom est bien une de seules personnes au monde qui puisse passer du coq à l'âne en deux minutes.

Et Georg est loin de connaître toute la vérité.
~
Tom a retrouvé le sourire. Il se dirige doucement vers la table qu'il occupait avec Georg, et s'aperçoit que celui-ci n'a pas bougé et le regarde arriver avec de gros yeux ronds. Il faut dire que le plateau que Tom tient n'est pas des plus banals. Le dreadé y jette un coup d'œil et sent ses papilles s'affoler.
Il accélère et s'assoit précipitamment sur la banquette, un sourire de bien heureux sur le visage.

-« Euh ... Tom ? »

Le guitariste saisit avec toute la délicatesse du monde l'une des petites merveilles rouge que contient son assiette et la porte à sa bouche. Il mord dedans avec délice et savoure le goût à la fois âcre et sucré du fruit.

-« Tom. »

Il finit la première, et en prend une seconde. Sachant que son assiette en compte une bonne quarantaine.
Il en a toujours raffolé. Il en mange au moins six avant que Georg ne s'impatiente vraiment. Il s'apprête à porter un septième fruit à sa bouche mais se fige et regarde avec un air étonné la main posée sur son bras droit. Ses yeux parcourent le chemin qui conduit de la main au visage lentement. Et il fronce les sourcils, mécontent qu'on l'arrête dans sa dégustation.

-« Quoi ? » demande t-il, agacé.
-« Est-ce que tu te rends compte de ce que tu fais ? » questionne le bassiste, interloqué par l'attitude de son ami.

Il aimerait simplement que Tom voie le problème de la situation. Le dreadeux soupire, et regarde autour de lui.
La cafet', Georg en face, et le plat devant lui.
-« Oui, je suis entrain de manger et tu me déranges là tu vois. » dit-il, toujours si ce n'est plus, agacé.

Il repousse la main encombrante et mord à nouveau dans le fruit juteux.
-« Et tu manges quoi ? »
Tom roule des yeux et lance un regard noir à son enquiquineur de meilleur ami.

-« Tu veux des lunettes ? »
-« Tom. » dit durement Georg, l'air très sérieux.

Nouveau soupir de la part du dreadé.
-« Des fraises. »
-« Et ce ne serait pas ton fruit préféré ? »
-« Si. Et perso, je sais pas où tu veux en venir. J'ai quand même le droit de bouffer ce que je veux, merde. » déballe Tom, exaspéré au plus haut point.

Il saisit la tige d'une fraise au hasard dans le gros tas qui lui fait face et l'engloutit pratiquement à la base des feuilles. Georg décide de se taire, pour voir jusqu'où le dreadé va aller. Les minutes passent, et le bassiste est de plus en plus étonné.

Le plat entier terminé, Tom s'empare de son verre de jus de fruit et le boit cul sec avant de s'affaler sur la banquette, le sourire aux lèvres. A peine dix secondes plus tard, il se relève brusquement.
-« J'reviens. » dit-il, se dirigeant à nouveau vers le buffet.

Georg le regarde passer, complètement ébahi, espérant en lui-même que son ami n'est pas devenu boulimique à cause de ses problèmes. Il le voit choisir quelques croissants et demander autre chose à un serveur qui acquiesce. Pendant ce temps, le dreadeux attrape une tasse de café.

L'homme revient avec ...

-« C'est pas croyable ... »

... un nouveau plat de fraises.
~
Une nouvelle larme coule sur la joue du guitariste des Tokio Hotel. Il gémit encore et ses doigts blanchissent à force de s'être accrochés au plastique blanc. Il halète doucement, et se recule. C'est fini. Son dos heurte le mur carrelé de sa salle de bains. Heureusement pour lui, personne n'a pu le voir dans cet état. Tout tourne et la lumière lui semble étrangement agressive. Comme toute sa vie dernièrement. Il soupire et essuie rageusement la seconde larme qui suivait sa congénère.

J'ai ... horreuuur de ça putain ! Ca m'dégoute. Je, ouais, j'avais pas mangé très équilibré tout à l'heure, mais de là à gerber, j'pensais pas non. Putaiiin comme si ça suffisait pas, maintenant j'suis malade. Ma vie entière part en couille.

Sa main se pose sur son front et glisse sur sa joue pour essuyer ses larmes traîtresses. Un soupir traverse ses lèvres tremblantes. Il se redresse doucement, en faisant attention de ne pas trop se secouer, et s'avance jusqu'au lavabo. La température du meuble froid lui donne un frisson désagréable.

Pour la deuxième fois de la journée, ses mains se joignent en coupe et arrosent son visage. Ca n'a rien de revigorant. En fait, il se sent encore plus mal. Il change de pièce, d'un pas mal assuré et fouille dans sa valise, pour en ressortir une brosse à dents. Il se place à nouveau devant le miroir, mouillant l'objet et faisant couler la pâte, machinalement. Alors qu'il s'apprête à l'enfourner dans sa bouche, son geste reste suspendu.
-« Merde ... »
Tom repose sa brosse à dents et se fixe lui-même dans le miroir.

Mais ... qu'est-ce qui m'arrive ? J'peux pas sortir comme ça ! Ils vont vouloir me faire voir un médecin ... et si, s'ils y arrivent, je serais le plus beau phénomène du groupe. Mon Dieu, qu'est-ce que je suis pâle ... on dirait que je vais tomber raide mort.

Il se masse doucement le visage et pose une main sur son front. Mal de tête. Un soupir franchit à nouveau la barrière de ses deux lèvres pulpeuses. Ses doigts appuient sur ses yeux à lui en faire mal, tant il se les frotte énergiquement. Quand il les rouvre, la lumière l'aveugle quelques secondes, il voie trouble. Le miroir lui renvoie la même image. Un garçon à l'air perdu et aux yeux rougis. Il souffle et attrape sa brosse à dents une fois pour toutes.

Tous les inconvénients d'un petit miracle .

 

FIN DU CHAPITRE 9

 

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