CHAPITRE 15 SI TU DECIDAIS DE LE GARDER
La situation le dépasse totalement. A vrai dire, il ne croyait pas découvrir un secret tel que celui-ci. Tom semblait avoir énormément de problèmes. Et il ne supportait pas d'être mis ainsi à l'écart. C'est son meilleur ami, et ce depuis toujours. Ils n'ont peut-être pas grandi ensemble, mais leurs tempéraments se complètent et lorsqu'ils s'étaient trouvé, c'est pour ne plus jamais se lâcher.
Depuis plus de quinze minutes, Georg fixe la porte, le regard vide.
Toute la nuit, il a réfléchi. Encore et encore, à des tas de solutions. Il a même élaboré quelques plans, en fonction des résultats. Pendant un moment il a cru que Tom c'était bien foutu de sa gueule, en lui faisant croire qu'il avait un sexe de fille. Mais ça semblait trop vrai, et ça expliquait tellement de choses. Quand Georg s'était aperçu que les symptômes de Tom ne menaient qu'à une seule maladie, il avait balisé un moment.
Il soupire faiblement, et détourne le regard vers la fenêtre. Dehors, New-York. Une ville qu'ils avaient toujours rêvé de visiter en tant que Stars. Un rêve désormais réalisé.
Il sursaute carrément lorsque la porte s'ouvre d'un coup sec. Son attention s'y reporte et son cœur se met à battre plus fort, l'anxiété bloquant son souffle. Mais lorsque son regard croise celui de Tom, il n'a pas de difficultés à voir la vérité en face. Ce qui semble bien plus dur pour le dreadé, dont les yeux mouillés trahissent la peine et la colère.
Il reste là, les mains crispées, l'une tenant ce test. Ce maudit test, absolument pas fiable. Georg retient encore son souffle, bien qu'il sache que la réponse doit être positive, il tient à l'entendre de la bouche de Tom, pour qu'il en prenne bien compte. Parce que, quoi qu'il arrive, Tom n'a aucun moyen d'y échapper.
Prenant son courage à deux mains, il inspire finalement.
-« Alors ? » demande-t-il, simplement.
Sa voix sort Tom de ses pensées virulentes. Il lui adresse un regard empli de rancœur. Les larmes s'apprêtant déjà à glisser sur ses joues, il grogne méchamment, incapable de parler tant les sentiments le submergent. Serrant un peu plus fort le test dans sa main, histoire de défouler ses nerfs, il laisse son corps trembler de colère.
-« Tout ça .... Tout ça c'est ta faute ! J'aurais jamais du le refaire ! » crache-t-il avec haine.
Le désespoir le prend à la gorge et un sanglot finit par percer la carapace de fureur. Sans plus se retenir, il glisse au sol, pitoyablement. Il se sent si pitoyable. Non, bien sûr que non, ce n'est pas la faute de Georg. Tout est sa faute à lui. Il a fait la pire des erreurs, et il ne peut rien faire pour la changer. Inconsciemment, il le savait. Son corps l'avait toujours su et avait tout fait pour qu'il comprenne.
Des sanglots douloureux lui échappent, tandis qu'une étreinte se referme sur lui. Pourquoi fallait-il que ça lui arrive ? Il se laisse doucement aller dans les bras de son meilleur ami, tentant de calmer sa colère et sa peur indomptable.
Georg a lui-même du mal à y croire. Il y a encore quelques jours, Tom était un garçon trop sûr de lui qui se vantait d'avoir toutes les filles à ses pieds. Et maintenant, il tremblait entre ses bras, avec un sexe féminin et un ... bébé dans le ventre. Le bassiste frissonne à cette pensée. Ils sont mal. Très mal.
Les secondes, les minutes passent, inlassablement. Tom se fait doucement à la situation, tandis que Georg réfléchi déjà à la suite des événements. Il passe lentement sa main dans le dos du dreadé, qui a visiblement besoin de réconfort, si l'on en juge par ses mains crispées sur le t-shirt du bassiste. Alors que le silence emplissait la pièce, un sanglot parvient à Georg qui soupire.
-« Pleure plus ... T'es pas tout seul. Je t'aiderais Tom. » dit-il d'une voix douce.
Le dreadeux ne contrôle plus vraiment ses émotions. Perdu entre la peur, la colère et la peine, il soupire faiblement, essayant de retrouver une respiration normale. Mais, comme une provocation, des phrases lui viennent à l'esprit, le paniquant totalement.
Georg ne sait pas tout. Il ne sait pas comment tout ça est arrivé. Il n'a pas vécu ses derniers mois. Et surtout, il n'est pas amoureux de son frère. Il n'a même pas de frère. Comment pourrait-il comprendre ? Et s'il le perdait lui aussi ?
Le blond détache précautionneusement une de ses mains pour la porter à ses joues, remontant jusqu'à ses yeux et chassant les larmes de désespoir. Son souffle saccadé par les faibles sanglots reste douloureusement constant. Combien de fois a-t-il déjà craqué ? Beaucoup. A chaque occasion présentée. Mais visiblement pas assez. La situation est catastrophique.
-« Qu'est-ce ... qu'est-ce que j'vais faire maintenant ? » murmure-t-il d'une voix brisée.
La question n'est destinée à personne en particulier. Ce n'est qu'une simple constatation de l'impasse dans laquelle il se trouve. Georg soupire pour lui-même. Il a passé la nuit à réfléchir. Il a toujours su garder la tête froide dans les pires conditions, mais, bien qu'il ait cru réussir, cette fois-ci, il ne sait plus. La situation est tellement dingue. Il se demande encore comment il a fait pour aller acheter ce test de grossesse sans hésitation.
Finalement son étreinte se desserre, et il jette un regard à Tom, à ses risques et périls. Les yeux rougis et la mine pâle, le dreadeux n'a pourtant pas l'air malade. Au contraire, il est ... rayonnant ? N'est-ce pas ce qu'on dit des ... femmes enceintes ? Il mord brièvement sa lèvre en se détournant de la scène bouleversante. La question est bien posée. Qu'allaient-ils faire maintenant ?
Sa capacité d'analyse reprenant le dessus, Georg demande d'une voix indécise :
-« Tom ... c'était quand ? »
Le guitariste ne relève pas immédiatement, et passe ses bras autour de ses jambes, les ramenant contre son torse. Fixant le sol, il n'ose plus affronter le regard de son meilleur ami. Il a honte. Il est ridicule.
-« Quoi ? »
Sa voix encore faible, il se concentre pour ne plus penser. Le moins possible. Il va devenir fou. Il n'a cessé de se convaincre que ce n'était pas entrain d'arriver ... pourquoi fallait-il que ce test soit défectueux ? Il avait tout fait comme il le fallait ... mais la malchance le poursuit indéfiniment.
Georg soupire imperceptiblement, ayant espéré que Tom comprenne du premier coup pour ne pas avoir à préciser. Il essaie de régler le problème du mieux qu'il peut, mais s'il ne coopère pas, il ne peut l'aider.
-« Quand est-ce que ... c'est arrivé ? Tu sais ... avec ce garçon ... bourré ... ? » demande-t-il, hésitant sur les mots à employer.
Sans pouvoir s'en empêcher, Tom revoie ces scènes, celles qui hantent ses rêves et ses cauchemars à la fois. Ses joues chauffent légèrement alors qu'il sent encore ses mains sur ses hanches.
-« Vingt cinq juillet. » cite-t-il, faiblement, comme s'il l'avait appris par cœur.
Un rapide calcul hérisse les poils du bassiste. On est le dix-sept novembre.
Tom semble tellement perdu qu'il ne s'aperçoit de rien. Ne comprend pas que la situation devient carrément inextricable. Impossible à résoudre. En revanche, Georg, lui, voit très bien où tout ça est entrain de les mener ... à leur perte.
La bouche légèrement entrouverte, il fixe le jeune blond. Mais rien ne se passe, le silence empli la pièce. Tom finit par poser son front sur ses genoux, fermant les yeux, chassant ses pensées et essayant de renier les faits de toutes ses forces. Ca ne peut pas arriver. Peu importe que le test soit positif, c'est faux. C'est impossible ...
Georg se redresse finalement, ne supportant plus de ne rien pouvoir faire. Il faut qu'il agisse, même si c'est seulement pour tourner en rond dans la chambre. Le temps passe lentement, tandis que les deux garçons se perdent dans leurs pensées respectives. Celles de Tom ont franchement dévié du dangereux sujet, alors que Georg s'évertue à trouver ce qu'ils doivent faire par la suite. Il ne laissera pas tomber son meilleur ami. Même si la situation semble juste incroyablement compliquée.
Plongé dans son débat intérieur, il ne se réveille qu'en entendant la porte de la salle de bains se refermer. Tom a certainement besoin d'être un peu seul, et pourtant, Georg ne peut s'empêcher de penser que dans ce genre de conditions, il vaut mieux être prudent. Après tout, le dreadé semblait totalement bouleversé. Il a beau être le premier à dire que la vie est trop belle pour penser à la mort ... les événements changent les gens. Et s'il lui venait à l'esprit de faire une bêtise ? Par dépit ou désespoir ?
Georg frissonne à cette idée, se rapproche de la porte, tentant d'écouter ce qui se passe à l'intérieur. Aucun son ne lui parvient, et il décide d'appuyer un peu sur la poignée dorée, poussant doucement la porte pour l'entrebâiller.
Tremblant inexplicablement, Tom serre une énième fois son poing. Est-ce vraiment la réalité ? Son regard se perd sur cette partie de son corps qui le trahit effrontément. Il ne sait pas vraiment ce qu'il ressent. Tout est si confus. Tout est ... tellement impossible. Il ne peut pas. Il ne peut pas être ... ça. C'est carrément impensable.
Et pourtant, depuis que ses yeux se sont posés sur le signe positif de cette stupide barre de plastique, tout son être lui crie la vérité. Le miroir lui renvoie une image à moitié faussée. Après tout, il n'avait pas le visage si rond auparavant, et ses muscles étaient plus saillants.
La fatigue des derniers mois le laissait trop épuisé pour qu'il ait le temps de faire les exercices qu'il s'imposait régulièrement afin de tenir le coup lors des concerts. Et de ce fait, ses abdos ont disparu. Ce n'est que ça. Le manque d'exercice. Et la nourriture.
Ses envies étranges de tout et n'importe quoi. Son addiction aux fraises, son fruit préféré en temps normal. Il se tend légèrement sous la pression. Pourquoi faut-il que son corps lui-même le trahisse ? Ce n'est pas possible ! Pourquoi ne le comprend-t-il pas ? Il ne peut pas être ça. Il ne peut pas.
Même si c'était le cas. Il ne peut pas. Parce qu'il est reconnu internationalement, qu'il est dans un pays étranger, que sa mère est a des milliers de kilomètres, qu'il est en pleine promotion et tournée, que personne ne doit jamais savoir ce qui lui arrive, son frère en particulier ...
Son souffle se coupe brusquement.
Son frère. Bill. La nuit du vingt-cinq juillet. Le désir. La conception .
Et l'horreur. Puis la panique.
Se sentant tomber, il s'agrippe violemment au rebord du lavabo et tente de retrouver sa respiration. Lorsqu'un désespoir profond entaille son cœur, il comprend que ce n'est pas la malchance qui le poursuit. Tom est tout simplement maudit.
Un petit rire jaune nerveux lui échappe avant de se transformer en sanglot. Ce qui lui arrive est juste, le fruit d'un hasard douteux et assez sadique. Ses yeux douloureux d'avoir trop pleuré, voient revenir leurs tortionnaires avec ironie. Les larmes dévalent lentement ses joues là où d'innombrables congénères sont déjà passées.
Une main froide se pose dans son dos, le faisant frémir. Si Georg savait, il le trouverait si ridicule. Et répugnant. L'incarnation même de la dérision. Son souffle se saccade à nouveau.
-« Ça va aller ... » murmure son meilleur ami.
Mais Tom sait que ce n'est pas le cas. Comment cela pourrait-il aller ? Il attend un bébé !
De son ... propre frère jumeau .
Il ne peut pas. Il ne peut pas garder cette chose. Cet être dégoûtant qui doit sûrement être attardé. Un sanglot lui échappe, lorsque la triste réalité le frappe de plein fouet. Comme si ça ne suffisait pas qu'il soit enceinte, il doit l'être de Bill. Il faut qu'il s'en débarrasse. Il ne peut pas le garder. La célébrité l'enserre. Si ça venait à s'apprendre parmi la presse people. Il serait mort. Le groupe avec lui.
Il relève ses yeux remplis de larmes pour murmurer douloureusement :
-« Je dois a ... a-avorter. »
Le miroir lui renvoie l'image du visage désolé de Georg. Son cœur manque un battement devant le signe de mauvaise augure.
-« Tu ... tu ne peux pas Tom. »
Complètement désarçonné par ce nouvel obstacle, il se tourne vers son meilleur ami.
-« Pourquoi ?! » demande-t-il, presque désespéré.
Le peu d'agressivité contenue dans sa voix fait frissonner le bassiste. Comment expliquer ça, sans se faire massacrer par la femme enceinte qui lui fait face ?
-« Eh bien ça fait ... plus de trois mois que tu ... enfin, tu sais. » tente-t-il, à demi-mot.
Tom écarquille les yeux, n'ayant pas tout pris en compte. Tout est sa faute. Pourquoi ne s'en est-il pas aperçu plutôt ? La colère, qui n'attendait qu'une ouverture pour se déverser en lui, lui fait serrer les poings.
-« Je me fiche des lois ! Je n'peux pas rester comme ça ! Enfin réfléchis merde ! » sanglote-t-il, furieux.
Son meilleur ami reste silencieux. Que peut-il faire ? Que peuvent-ils faire ? Laisser Tom dans cet état et mettre le groupe en danger ? Ou, en parler à David, à quelqu'un, qui pourrait leur avoir un chirurgien qui serait d'accord pour pratiquer ce genre d'opérations ... dans un autre pays ? Les deux solutions lui paraissent dangereuses. Il est impossible de faire confiance à un individu qui se damnerait pour de l'argent offert gracieusement par des médias fouineurs.
Devant l'air préoccupé de Georg, Tom émet un soupir rageur et quitte la pièce d'un pas furieux. Il ne restera pas comme ça ! Il est hors de question qu'il porte ... cette chose, ce ...
... Mon Dieu non ! J n'peux pas ! C'est impossible. Je n'veux pas de ça en moi ! Pourquoi fallait-il que ça arrive, merde ?! Je-je suis ... enceint ? Au point où j'en suis, je crois que j'ai le droit de me considérer comme une fille ... Putain de merde ! Quel con ! Mais quel con ! Comment j'ai fait pour l'ignorer aussi longtemps ?! Trois mois et ... une, non deux semaines ! C'est énorme ... énorme, sur neuf mois ...
Georg regarde, impuissant, le grand blond se laisser tomber sur le lit en arrière, et soupirer trois fois plus fort. Il n'y a rien qu'ils puissent faire sans en parler à quelqu'un. Ils sont foutus. Ou plutôt, Tom est foutu. Après tout, c'est lui qui a caché à tout le monde qu'il avait un sexe de fille.
Il se redresse et attrape son portable dans sa poche. Il est bientôt midi et demi. Gustav doit être debout, mais Bill pionce encore, c'est certain. Et ils devraient en faire de même à cette heure-là. Le ré enfonçant dans sa poche, il s'approche du lit. La situation le met mal à l'aise maintenant, parce qu'il n'est d'aucun secours visiblement. Il n'a fait que confirmer l'impossible.
-« Qu'est-ce que tu veux faire ? » demande-t-il doucement, en s'asseyant à côté de Tom.
Gémissant faiblement, le blond referme les yeux et attrape un bout du drap, le rabattant sur son visage.
-« Mouriiir ... » marmonne-t-il.
-« Tom ... c'est important. » déclare Georg en levant les yeux au ciel.
-« Bien sûr que c'est important ! C'est de mon corps qu'il s'agit ! » s'écrie le guitariste en se redressant vivement, l'air agacé.
Cette histoire va finir par le rendre dingue.
Le bassiste le fixe, incrédule. Comment peut-il dire ça ? Peut-être que ce n'est pas si mal qu'il soit là pour remettre les pendules à l'heure finalement. Tom ne semble pas bien prendre conscience de la situation.
-« Ce n'est pas que ça je te signale. » dit-il, sermonneur.
-« Ouais, le groupe avant tout, je sais, je sa- »
-« Mais non ! Putain Tom, tu ... tu fais comme si ça n'comptait pas ! Tu dois te rendre compte de ce qui se passe ... tu ... portes la vie. » dit-il difficilement.
Le regard éberlué de son meilleur ami, confirme à Georg qu'il a bien fait. Même s'il n'énoncerait pas ça tous les jours. Il profite du silence pour continuer.
-« Tu ne peux pas faire semblant. Ça toucherait n'importe qui, même l'imbécile sans cœur que tu es. Tu ne peux pas faire comme si ce ... bébé ne comptait pas dans l'équation. Ça s'rait peut-être pas facile mais, je pense qu'on pourrait faire avec ... si tu décidais, de le garder. »
Il fixe le jeune homme troublé qui lui fait face. Il se doute que c'est dur. Et pour être franc, il n'aimerait pas être à la place de Tom à cet instant.
Alors que le silence s'installe, Georg s'empresse d'ajouter :
-« Mais je comprendrais très bien que tu veuilles avorter. On trouvera quelqu'un, en Espagne ou dans les pays de l'Europe de l'Est, là-bas ça sera légal. Je t'abandonnerais pas. Quoi que tu fasses. » dit-il doucement, en posant une main sur son épaule pour le tirer de sa léthargie.
Tom réagit à peine, passant une main sur son visage. Maintenant que Georg en parle, il réalise peu à peu, avec plus d'intensité ce que tout ça signifie. Un bébé. C'est important, ce n'est pas une décision qu'une femme prendrait à la légère. S'il n'avait pas de quoi l'élever, s'il s'était fait violer ... mais là, avait-il vraiment une bonne raison de l'abandonner cette petite chose ?
Se renfrognant, il fixe le sol. Bien sûr qu'il a des raisons. Et même beaucoup ! Il est célèbre et à l'origine un garçon. Peut-être qu'il a un sexe de femme, mais ça ne veut pas dire qu'il est capable d'assumer ... une grossesse ? Entièrement ? Non ! Il ne peut pas faire ça ... l'idée elle-même le répugne. Et puis ce bébé ... ce n'est pas celui de n'importe qui. Il n'a fait l'amour qu'avec une seule personne. L'homme dont il est amoureux. Son cœur se serre. Un vieux dicton lui revient, comme une malédiction : le cœur à ses raisons que la raison elle-même n'explique pas.
Il ne va pas faire ça ... il n'en a pas le droit. Bill n'accepterait jamais. Il le tuerait. Il ne va pas le faire ... si ?
Sans pouvoir s'en empêcher, il secoue la tête et finit par lancer un regard meurtrier à Georg. Pourquoi a-t-il fallu qu'il lui expose cette solution ? Le bassiste l'interroge du regard, mais Tom ne répond rien, se contentant de baisser les yeux. Que va-t-il faire ?
-« Eh, pas besoin de te creuser la tête maintenant. Tu peux y réfléchir pendant encore un moment tu sais ? »
Tom souffle brusquement, comme soulagé d'un poids. Georg a du mal à croire que le guitariste se pose encore des questions. Il pensait sincèrement qu'il allait directement réfuter l'idée de garder son ... bébé. Apparemment, la réflexion vaut le coup.
Un gargouillement insistant brise brutalement le silence retrouvé. Le bassiste retient un ricanement, mais sourit, amusé. Il comprend mieux. Des tas de choses lui paraissent bien plus claires. Tom soupire, visiblement résigné.
Il a faim. Encore, tout le temps. Un des si nombreux signes que lui envoie son corps depuis ces longs mois. Il se redresse rapidement et rejoint la valise clairement balancée au sol quelques jours plus tôt. Un baggy et deux t-shirts en main, il se relève et adresse enfin un regard à Georg.
-« On se rejoint à la cafet' ? »
Le bassiste sourit puis acquiesce, libérant Tom de sa présence. L'appel de la nourriture est toujours le plus fort.
Le blond entre à pas lents dans la salle de bains, adressant un bref regard à son reflet. Intérieurement, le combat continue. Sa raison lui hurle d'agir, alors que son cœur lui souffle le contraire. C'est désespérant. Tout ça, c'est bien trop dur. Surtout pour quelques heures, et si tôt le matin.
Tom balance ses affaires au sol et quitte le reste, se faufilant dans la douche. Lorsqu'il fait couler l'eau, son estomac réplique une nouvelle fois. Soupir. Manger ne lui fera pas de mal.
~
Les hurlements hystériques des filles font résonner toute la salle de concert. L'ambiance est déjà survoltée. Des techniciens vont et viennent pour confirmer les derniers préparatifs avant l'entrée en scène des musiciens. Finalement tous les cris déchaînés s'accordent, ou presque, sur un tonitruant « wir wollen Tokio Hotel », qui fait trembler le sol.
Dans la loge des stars, le stress monte progressivement. Bill, assis sur un canapé, ferme les yeux, et se tord les mains, résistant à l'envie de se ronger les ongles. Gustav tape un rythme sur l'accoudoir du fauteuil, ses écouteurs sur les oreilles, comme à son habitude. Jusqu'ici, rien d'anormal.
Néanmoins, le fait que Tom ne soit pas dedans avec eux mais près de la scène à expirer doucement, change la donne. Et Georg en le voyant partir n'a pu s'empêcher de le suivre. Il se sent, investi d'un rôle de grand frère protecteur encore plus puissant depuis la révélation du matin. Il l'observe de loin, se méfiant de ses réactions, se demandant ce qu'il se passe dans son esprit. Il est à peu près certain que Tom pense à la décision qu'il va devoir prendre.
Celle qui va mettre leur carrière en danger.
Le poing serré à s'en faire mal aux doigts, le guitariste ferme à nouveau les yeux et expire plus fort, tentant de ne pas stresser plus qu'il ne l'est déjà. Posant une main sur un pilier pour se stabiliser, il se force à penser que ça ira. Ce n'est pas le premier concert qu'ils font ici. C'est le sixième. Autant dire qu'il n'y a pas de raisons pour que ça se passe plus mal aujourd'hui que les fois d'avant. Mais les choses sont différentes depuis l'événement décisif de la matinée.
Tom n'arrive plus à se le sortir de la tête. Il serre encore le poing, tentant de ne pas se laisser submerger par les sentiments si contradictoires qui explosent en lui. Il a honte d'être dans cet état, il en est en colère, et pourtant, il y a cette ...
... salope de partie de moi qui ... qui pense que c'est génial ! Mais merde non c'est pas génial ! Je-je, peux pas être comme ça ... je peux pas le garder. Je n'arriverais pas à supporter ça, et le reste, pendant ... neuf mois. Le cacher à la presse et aux gens, c'est ... trop dur. Je peux pas faire ça. Putain, j'arrive pas à croire que j'en ai ... envie ! C'est pas possible, je peux pas faire ça, je ne le peux pas !
Se mordant la lèvre au plus fort, il retient un sanglot de rage contre lui-même. C'est dur, un choix cornélien. Les larmes lui montent aux yeux, persévérantes, et les hurlements des fans lui déchirent les tympans.
Tout à coup, ses pensées disparaissent pour laisser place à une intense fatigue. Il souffle faiblement et pose son autre main sur le pilier, se sentant tomber. Ses jambes se dérobent sous lui, et il glisse contre le poteau, se retrouvant dos à la pierre. Il peine à garder les yeux ouverts, et se sent secoué.
-« Tom ! Putain, c'pas vrai ! »
Son souffle se saccade, mais il parvient finalement à retrouver une vision toujours floue. Georg penché au dessus lui, les sourcils froncés par l'inquiétude, ne sachant visiblement pas quoi faire.
-« Gé ... » soupire le dreadé, en posant faiblement ses mains au sol, incapable de se relever de lui-même.
Le bassiste se tourne brusquement vers lui, et semble reprendre des couleurs.
-« Merde, tu m'as fait peur. » grogne-t-il, passant un bras autour de sa taille pour l'aider à se relever.
Il le soulève avec lui, Tom sentant un peu la tête lui tourner, son corps est plus lourd que jamais. Il ne parvient pas à tenir sur ses jambes et glisse entre les bras du bassiste.
-« Putaiiin, Tom ! » marmonne-t-il, en agrippant rapidement son bras droit et le passant par-dessus son épaule. « Tiens toi ! »
Le dreadeux n'a plus l'esprit clair du tout, les hurlements envahissent son crâne, lui créant des douleurs insupportables. Il essaie tant bien que mal à s'accrocher au cou de Georg, mais ses muscles faiblissent et le bassiste se trouve obligé de s'accroupir, déposant Tom au sol, le cœur battant à tout rompre.
-« C'est pas vrai, c'est pas vrai ... » souffle-t-il en retenant difficilement le jeune blond.
Il finit par le caler à sa place initiale sur le pilier et s'en rapproche, terriblement inquiet.
-« Tom ? Tom, réponds ! » s'angoisse-t-il.
Le jeune garçon est pâle, et ses yeux légèrement rougis par ses pleurs. Georg ose à peine respirer, mais Tom ne revient pas à lui miraculeusement. Les secondes passent, puis les minutes, mais rien n'arrive ; le guitariste ne bouge plus. Son meilleur ami glisse précautionneusement sa main sur son poignet, en venant à se demander s'il respire encore quand David débarque brutalement entre les rideaux.
-« Putain, ça fait une heure que je- » sa voix se bloque dans sa gorge lorsqu'il voit son guitariste évanoui au sol.
Georg balise un peu en le voyant se précipiter à ses côtés. Ça ne se déroule pas du tout comme il le faudrait. Et si on envoyait Tom voir un médecin ... on le prendrait forcément pour une fille ! Personne ne voudrait croire que c'est bien Tom Kaulitz. Personne ne voudrait croire que ce grand garçon attend un enfant.
Georg déglutit difficilement. Le manager panique un peu puis se reprend difficilement.
-« Qu'est-ce ... qu'est-ce qui s'est passé ? » demande-t-il, à la fois angoissé et énervé.
-« Il ... il s'est juste évanoui comme ça, on parlait et il est tombé. » explique le bassiste, regardant toujours son meilleur ami.
-« Merde ! Juste avant un concert quoi, fais chier ! » s'exclame David en se relevant, et reprenant le chemin inverse.
Georg écarquille les yeux de le voir partir aussi vite. Il ne l'aide même pas à soulever Tom ? Il grimace et entoure la taille du dreadé d'un bras, posant sa tête sur son épaule. Il le soulève en soupirant une nouvelle fois. Ce n'est pas que Tom est lourd, au contraire, mais il est plus grand que lui, et ce n'est pas simple de le porter de ce fait.
Les rideaux s'ouvrent brusquement une nouvelle fois, laissant passer leur manager, toujours sur les nerfs. David vient se placer de l'autre côté du bassiste, reconnaissant de ne pas l'avoir oublié, et soulève le jeune garçon à son tour. Ils sortent enfin de leur cachette et parcourent les couloirs jusqu'à la loge, entourés de techniciens et autres gens du spectacle qui s'inquiètent de la santé de Tom.
-« Ce n'est rien, il a juste fait un malaise. » les rassure David.
Une femme s'avance rapidement pour leur ouvrir la porte, tandis que les deux hommes se décalent sur le coté pour pouvoir passer sans encombre. Et c'est sous le regard éberlué des deux derniers membres du groupe qu'ils entrent dans la loge, s'approchant rapidement du canapé.
-« Bill, s'il te plait ! » s'énerve le manager en voyant le chanteur tétanisé, toujours assis dessus.
Le brun se relève brusquement, se rendant compte de la situation, et pose une main sur sa bouche, ne comprenant pas.
-« Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qu'il a ?! » s'écrie-t-il, littéralement angoissé.
Les deux porteurs posent finalement le corps encore inerte de Tom sur le canapé, l'étendant de tout son long. Bill ne peut s'empêcher de s'agenouiller à côté de lui, oubliant toutes ses bonnes résolutions quant à l'ignorance de sa moitié. Il pose immédiatement une main sur son cœur, comme terrifié à l'idée que celui-ci ne batte plus.
-« Il s'est juste évanoui ... » soupire David, se tournant, il murmure pour lui-même, « fais chier. »
Le batteur se rapproche, ayant préalablement retiré ses écouteurs de ses oreilles et s'inquiétant à son tour. Bill se tourne vers Georg, inquiet. Mais celui-ci ne l'informe pas plus, acquiesçant en s'asseyant sur le bord du canapé, observant le réveil prochain du dreadeux. Le regard du chanteur noirci rapidement, ses sourcils se fronçant.
-« D'accord, il a fait un malaise, mais pourquoi ? » dit-il en insistant sur le dernier mot.
David se tourne, tout aussi énervé. L'air ambiant devient électrique brusquement.
-« Ça j'aimerais bien le savoir figure-toi. Ton frère est vraiment un fouteur de merde, ça fait des mois qu'il fait n'importe quoi j'te signale, entre ses ... ses nausées là, ses pleurs, et maintenant son malaise ?! Tu m'expliques ? Parce que moi je comprends rien et je commence à en avoir ma claque ! » rage leur manager, s'exprimant en de grands gestes désordonnés.
Le regard du brun se fait encore plus noir, tandis qu'il se lève pour faire face à David, de quinze centimètres plus petit que lui.
-« Écoute Dave, Tom est malade, et c'est très certainement ta faute, parce que tu nous imposes un programme de dingues ! Alors ne viens pas t'exciter contre nous ! Tu es le seul coupable ! » s'énerve-t-il, sa voix tremblant de haine.
Il serre les poings, lui jetant un regard tueur avant de revenir s'agenouiller à côté de son frère, glissant sa main, tremblante, dans la sienne, inerte. Il soupire, se sentant faible, pas seulement physiquement. Mais moralement aussi. Il a craqué pour son énamouré de frère, l'a encore protégé. Lui qui s'était promis de ne plus l'approcher de trop près. Son regard tombe sur leurs mains. C'est raté.
Il entend la porte claquer derrière lui, tandis que David quitte la pièce d'un pas rageur. Il a honte de se le dire, mais son frère lui fait peur. Il observe minutieusement son visage si semblable au sien, et pourtant si différent en un sens. Les sentiments que son frère éprouve pour lui, lui font tellement peur. Ça ne devrait pas exister.
Comment, à treize ans, on peut tomber amoureux ? Et ce pendant plus de cinq longues années ? De son propre frère ? Il ne voulait pas y croire quand Tom lui avait dit. C'était impossible, complètement incroyable. Pourtant, il les avait vu, ses yeux remplis de tendresse et d'envie posés sur ses lèvres, ses yeux et ses mains, même parfois. Et il ne peut le nier, ça le rend dingue.
Tom ne peut pas gâcher leur gémellité comme ça.
Un frisson remonte le long de son échine. Ils sont jumeaux ... comment un garçon peut donc tomber amoureux de son propre jumeau ? Bill ferme les yeux en soupirant. La situation ne peut vraiment pas être pire. S'ils n'étaient pas si connus ... Peut-être que les choses seraient différentes, mais là, c'est tout simplement hors de question.
Ses paupières se rouvrent rapidement et il tourne la tête vers les G's qui discutent à voix basse de l'autre coté de la pièce.
-« Qu'est-ce qu'il faisait quand il s'est évanoui ? » demande-t-il, avec un soudain intérêt.
Georg relève les yeux, un peu surpris par la question.
-« Euh, on parlait. »
-« D'accord, mais de quoi ? » continue-t-il, agacé qu'on ne lui réponde jamais qu'à demi-mot.
Le bassiste s'apprête à inventer une réponse lorsque Bill tourne brusquement la tête, sentant la main de Tom se resserrer sur la sienne. Alors que son visage grimace faiblement, le chanteur sert doucement sa main, la caressant du pouce.
-« Hey, Tommi, ça va ? » demande-t-il lentement.
Le jeune dreadé bafouille en posant sa main libre sur son front, tentant de chasser le mal de tête.
-« Je ... je ... qu'est-ce qui s'est passé ? »
Il rouvre difficilement les yeux sous la violente lumière des néons. Sa vision floue se pose sur les traits familiers de l'être dont il est si amoureux, puis deux autres personnes qu'il connaît tout aussi bien - même s'il n'en rêve pas chaque nuit.
-« Tu as perdu connaissance. » répondit son double, simplement.
Encore un peu perdu, Tom jette un regard à Georg. Il n'a pas l'air stressé. Personne ne sait donc rien. Il ne peut retenir un soupir, tandis que son ventre se serre désagréablement. Ce secret va être découvert tôt ou tard. S'il décide d'en rester là. Il pose ses mains sur son visage, délogeant la droite de celle de son frère. Comment peut-il encore y penser alors qu'il reprend tout juste connaissance ?
Un gémissement de frustration traverse ses lèvres, sous le regard étonné du batteur et chanteur. Georg sait tout à fait où il veut en venir.
-« Qu'est-ce qui t'es arrivé ? » demande le petit blond, curieux et inquiet de la santé de son ami.
-« Je sais pas ... » soupire longuement le dreadeux.
Quelques secondes passent sans qu'aucun d'eux ne bouge, mais les hurlements de déception des fans leur parviennent comme autant de couteaux dans le cœur. Tom se redresse brusquement, l'air affolé.
-« Il a pas annulé le concert quand même ?! » s'exclame-t-il, terrifié d'en être à l'œuvre.
Les visages se ferment et personne ne lui répond. Ses sourcils se froncent fortement.
-« C'est hors de question putain, pourquoi vous l'en avez pas empêché, je suis pas mourant ! » dit-il, associant le geste à la parole en se levant d'un coup sec.
La tête lui tournant follement, il se retient difficilement à la première chose qu'il trouve, et qui n'est autre que Bill. Le brun le retient par la taille, encore plus inquiet qu'auparavant. Il pose sa main à plat sur son front. Tom s'en détache en le repoussant, mais ne parvient toujours pas à tenir debout, et s'accroche à Georg.
-« Arrête ! J'suis pas malade ... » grogne-t-il méchamment.
-« Mais tu tiens pas debout ! » s'écrie le chanteur, agacé par son comportement de négation.
Georg le pose sur le canapé, où Tom s'assoit en soupirant, le visage entre les mains.
-« J'suis juste ... fatigué ... »
Le brun le regarde avec suspicion, observant le corps de son frère à travers ses vêtements. L'habitude des années passées au côté de cet être détestable. Mais Tom n'est pas maigre d'après ce qu'il peut voir. Il n'a pas beaucoup changé, si ce n'est que son visage est plus rond. Et ce depuis quelques mois déjà. Mais aucun symptôme ne s'associe à celui-là. Pourtant, son comportement ne peut pas provenir que de cette révélation troublante qu'il lui a faite. Ça ne se tient pas.
-« Tu devrais voir un médecin. » déclare-t-il simplement.
Deux yeux remplis d'indignation et de colère se plantent dans les siens. Bill croit même y déceler un peu de peur, mais ne comprenant pas ce qu'un tel sentiment pourrait avoir à y faire, il se dit qu'il a du se tromper.
-« Je n'suis pas malade. » répète le dreadé, agacé.
Alors qu'un lourd silence suit la déclaration de Tom, une voix résonne à nouveau.
-« Tu iras voir un médecin. De gré ou de force. »
Le guitariste lève les yeux, étonné par l'obligation imposée à sa personne, et croise le regard rassurant de Georg, qui lui sourit doucement. Il passe sa main entre ses dreads, les tirant légèrement avant de les secouer.
-« Je n'voudrais pas perdre malencontreusement notre meeeerveilleux guitariste. Qui sait ce qui pourrait le remplacer ... » dit-il en grimaçant, comme boudeur.
Tom lui lance un regard vexé avant de baisser la tête s'appuyant sur ses mains, et coudes sur les jambes.
-« Connard. » dit-il en soufflant.
Georg sourit pour lui-même, tandis que Bill s'assied à côté de son frère qui se crispe immédiatement. Il commence à reprendre réellement ses esprits, et le souvenir de sa main dans la sienne, le rend toute chose.
Le brun semble perplexe. Il est prit entre deux sentiments : la peur, et l'affection. L'amour inconditionnel qu'il ne peut s'empêcher d'éprouver pour son jumeau. Et il en souffre, car plus jamais il n'osera toucher son frère sans y être obligé, ou consciemment. Il en a trop peur. En revanche, il n'arrive pas à virer cette forte inquiétude qui a prit place en lui, lorsque son jumeau est apparu, inconscient. Il lui lance quelques regards discrets, tandis que les G's sortent de la loge, en prévenant qu'ils vont voir où en sont les choses.
Les jumeaux se tendent en même temps, relevant la tête pour voir la porte se refermer. Le cœur de Tom se met à battre à une vitesse effroyable. Ça fait si longtemps qu'il ne s'est pas retrouvé seul à seul avec son frère.
Triturant ses doigts nerveusement, il n'ose pas relever les yeux de peur de croiser le regard dégouté de son petit frère. De son côté, Bill hésite. Il a en quelque sorte besoin de parler à Tom. De choses très importantes. Il se racle faiblement la gorge, créant une boule dans celle du blond, puis soupire, et inspire fort.
-« Écoute ... j'ai besoin de te dire quelques trucs. » commence-t-il prudemment, fixant le sol, « je ... n'arrive pas à me faire à ... tes ... tes aveux. Je n'peux pas te le cacher ... ça me fait très peur ... »
Le cœur de Tom fait un bond dans sa poitrine, tandis que son estomac se noue. La douleur est incommensurable. Son frère, l'être dont il est profondément amoureux, a peur de lui. Les larmes qui étaient absentes depuis peu de temps reviennent au galop, mais il baisse la tête et la tourne légèrement.
-« Je ... je n'comprends pas comment ça a pu arriver ... Tommi. Je, j'ai retourné le problème des millions de fois en tous sens, mais ça ... ça n'a pas de logique ! »
Il se stoppe pour soupirer faiblement, et ose enfin regarder son frère. Ce qu'il voit lui fend le cœur. Tom a beau s'être tourné, ses larmes sont brillantes sous les néons, glissant doucement sur ses joues rondes.
Il ne peut détourner les yeux de ce spectacle, encore une fois hypnotisé par la tristesse apparente de son macho de grand frère. Puis son esprit lui souffle que c'est par sa faute qu'il est dans cet état, et il se sent un peu plus mal brusquement. Détournant les yeux, il reprend le fil de ses pensées.
-« Je ... je suis désolé. »
Le silence accueille ce pardon. Tom ne veut pas lui faire face, mais il ne peut s'empêcher de demander, d'une voix tremblante :
-« Pourquoi ? »
-« Je suis désolé de ne pas pouvoir te donner ce que tu veux. Je n'y arrive pas ... ça n'a pas de sens pour moi, pardonne moi de te ... te mettre dans cet état. Et même ... même si j'ai peur, je n'arriverais jamais à te détester vraiment. Même avant je n'y arrivais pas ... Encore ... désolé Tommi. » finit-il par murmurer en se levant, marchant doucement vers la porte.
Cette fois-ci, de grosses larmes, et quelques sanglots franchissent les lèvres de Tom. Comment peut-il le laisser en lui disant que jamais il ne l'aimera comme lui l'aime ? Comment peut-il partir après avoir dit ça ?
Il pose une main sur ses yeux, pleurant faiblement, et ne voit donc pas son jumeau regarder brièvement au dessus de son épaule. Ses yeux brillants sous la détresse de son frère, il soupire, et enclenche la poignée, sortant de la pièce pour refermer doucement derrière lui.
Tom ne retient plus ses larmes et ses sanglots, peu importe qui entrera après ça.
On vient de briser ses espoirs et ses rêves. C'est dur l'amour à sens unique.
Tom est seul. Enfin, plus tout à fait.
Maintenant, Tom ne sera plus jamais seul , dans la logique des choses.
FIN DU CHAPITRE 15