Chapitre 11. Dissonance cognitive

La prise de conscience des contradictions dans ses propres attitudes et comportements

(Age : onze ans)

Dissonance cognitive ; c'était ainsi que les personnes de sa discipline dénommaient la sensation dérangeante qui s'était lovée au creux de l'estomac du docteur Engle. La sensation était dûe à l'absurdité qui régnait entre ce que le docteur Engle tenait pour vrai, et ce qu'il savait objectivement être vrai. En résumé, l'esprit du médecin était en contradiction avec lui-même. Chaque séance qu'il avait eue avec les jumeaux depuis six mois n'avait fait qu'accroître le gouffre qui divisait son instinct et sa formation.

Le pire était la peur du docteur de laisser ses propres problèmes interférer dans le choix de la bonne décision. Bien qu'il semblât qu'il avait fait le choix de violer les codes éthiques de sa discipline en choisissant de garder le secret des jumeaux, en fait cela faisait des années maintenant qu'il ne les respectait plus. En effet, il y avait une règle première qu'il avait apprise avant même d'être diplômé. Ne jamais accepter un cas qui se rapproche trop de votre propre expérience.

“On ne peut plus faire ça,” murmura l'adolescent aux cheveux châtains à la proche image qui le reflétait, assise à côté de lui. Bien qu'ils ne soient pas identiques, il n'y avait pourtant que peu de différences entre eux quand l'on considérait l'apparence physique. Malheureusement, le peu qui les séparait était sur le point de se transformer en fossé – à coups de burin.

“Alan, s'il te plaît ne dis pas ça. S'il te plaît... tu avais dit que c'était pour toujours,” supplia le second garçon. Il se pencha en avant, essayant de saisir la main de son jumeau. Il interrompit son mouvement quand il remarqua la façon dont son grand frère tremblait. Il s'était passé quelque chose – quelque chose qu'Alan ne lui disait pas.

“Charlie... Je... Je me suis trompé. On ne peut pas. Ce n'est pas bien. Il faut qu'on tourne la page. On est frères. On est jumeaux ! Ce n'est pas bien,” répondit le plus âgé des jumeaux, la voix tendue tandis qu'il essayait de contenir ses émotions. Il gardait le regard fixé sur le papier peint défraîchi de la chambre qu'ils partageaient plutôt que de se confronter aux larmes de son frère. Il ne pouvait pas dire ces mots et regarder son frère dans les yeux en même temps.

“Je comprends pas. Pourquoi tu fais ça ? Tu avais dit que rien de tout ça n'avait d'importance,” gémit Charlie d'un air implorant.

“Ca a de l'importance maintenant. C'est fini,” murmura Alan, la dernière phrase lui brisant le cœur tandis que les mots franchissaient ses lèvres. Il fallait qu'il le dise. Ca serait plus facile comme ça. Charlie pourrait passer à autre chose.

“Pourquoi ? Tu peux pas juste dire que c'est fini et ne pas me dire pourquoi !” exigea Charlie, frappant du poing dans le matelas avec frustration.

“Ils savent,” chuchota Alan, les mots s'échappant de ses lèvres avant qu'il ne puisse les arrêter. Il n'avait pas voulu lui dire ça. Ca serait plus facile pour Charlie s'il ne savait pas. Même leurs parents s'étaient montrés d'accord avec ça, mais Alan n'arrivait pas à respecter cette part de leur accord.

“Oh mon Dieu. Oh mon Dieu. Comment ? Quand ?” Les larmes dévalaient les joues du plus jeune jumeau et il comprenait désormais pourquoi Alan ne le regardait pour ainsi dire même plus depuis quelques jours.

“La semaine dernière… Dans le jardin. Papa nous a vus,” avoua Alan.

“Oh mon Dieu,” dit Charlie en un sanglot choqué, enroulant ses bras autour de son torse tandis qu'il était submergé par la honte et la peur. Personne n'était supposé savoir – jamais.

Alan n'était plus censé pouvoir toucher son frère maintenant, mais il ne pouvait tout simplement pas se résoudre à le laisser comme ça, sanglotant. Une fois de plus, Alan viola les termes du contrat qu'il avait passé avec ses parents. Il se rapprocha de son jumeau, le prit dans ses bras et laissa son frère enfouir son visage contre son épaule. Charlie aurait bien besoin de réconfort après ce qu'il s'apprêtait à lui annoncer.

“Ils m'envoient ailleurs. En pension. Je pars dans une semaine,” dit Alan aussi gentiment qu'il le pouvait. Il n'y avait de toutes façons aucune manière d'annoncer cela à Charlie sans le crucifier, mais Alan n'avait pas le choix.

“Alan, les jumeaux Kaulitz sont arrivés, c'est votre rendrez-vous de trois heures, il est temps.” La voix électronisée de la secrétaire provenant de l'interphone interrompit les pensées du docteur Engle, le ramenant brutalement dans le monde réel.

“Aujourd'hui envoyez-les-moi tous les deux,” répondit le docteur Engle après s'être éclairci la gorge. Il farfouilla parmi les dossiers rangés dans son bureau, cherchant ceux des jumeaux – qu'il montait désormais de toutes pièces pour les protéger, les garçons et lui.

Le bureau du docteur Engle avait un jour été un endroit effrayant, plein de tension, mais désormais les jumeaux se sentaient plus à l'aise dans cette petite pièce que n'importe où ailleurs. C'était le seul endroit sur terre où leur secret n'était pas un secret, et ils en profitaient. A la seconde où la porte se refermait derrière eux ils saisissaient la main de l'autre, et quand ils s'installaient sur le divan, il n'y avait même pas un centimètre qui les séparait.

“Bonjour, les garçons. Comment s'est passée votre semaine ?” demanda nonchalamment le docteur Engle tandis qu'il s'enfonçait dans le fauteuil qui se trouvait face à eux et plaçait son bloc-notes sur ses genoux. Il s'était très rapidement habitué à la proximité des garçons durant les derniers mois qui s'étaient écoulés. Elle lui semblait complètement naturelle maintenant, mais il est vrai qu'elle l'avait un peu mis mal à l'aise au début. Maintenant le docteur Engle la considérait comme l'un des signes qui prouvaient que les jumeaux étaient à l'aise avec lui et lui faisaient suffisamment confiance pour se montrer complètement honnêtes.

“Super bien !” répondit Bill. Tom montrait désormais un certain désir de s'exprimer, mais Bill continuait à dominer la plupart des conversations. “On a fait un concert et c'était géant. Tom était vraiment bon,” ajouta-t-il, rayonnant de fierté quand il parla de son frère. Tom demeura silencieux, mais l'effet positif des éloges de son frère était assez facile à voir.

“Ca m'avait l'air très excitant,” répondit le docteur Engle avec un véritable intérêt. Malheureusement, il leur fallait écourter la conversation aujourd'hui, pour en venir aux choses sérieuses. “Et comment se sont passées les choses à la maison et à l'école cette semaine ?” s'enquit-il.

“Bill nous a attiré des ennuis,” lâcha Tom avant que son frère n'ait eu le temps de lui reprocher la même chose.

“C'est pas vrai !” brailla Bill, se tournant vers son frère et le regardant d'un air renfrogné et furieux.

“Oh que si. C'est ta faute si on s'est faits attraper. C'est toi qui arrives pas à t'empêcher de faire du bruit,” lui rappela Tom.

“Mais c'est toi qui as commencé !” argua Bill, se penchant en avant pour essayer d'intimider son frère.

“C'est toi qui me l'as fait faire, et c'était ton idée de mettre de l'encre dedans,” fit remarquer Tom. En fait, c'était l'encre qui leur avait vraiment attiré des ennuis.

“Ah ouais. C'était quand même une bonne idée. Tu as vu sa tête ?” gloussa Bill, se rappelant de l'expression horrifiée du visage de leur professeur quand elle avait extrait de ses cheveux une boulette poisseuse, gluante et remplie d'encre.

Le docteur Engle résista à l'envie très pressante d'exploser de rire en entendant la conversation entre les jumeaux. Il n'avait pas vraiment suivi ce dont ils parlaient, mais il avait saisi qu'ils avaient dû faire des bêtises à l'école. Ce n'était certainement pas la première fois, et il doutait que ce fût la dernière. Toutefois, ce genre de choses était normal et on pouvait s'y attendre de la part de garçons de onze ans. En fait, c'était probablement une bonne chose que les jumeaux fassent des bêtises à l'école. Cela distrayait suffisamment le monde extérieur pour qu'il ne remarque pas l'évidence. Parfois le docteur Engle se demandait si le monde extérieur pouvait vraiment ne pas voir ce que lui voyait, ou s'il choisissait juste de faire semblant de ne pas le voir comme lui le voyait depuis peu.

Le docteur Engle s'éclaircit la gorge afin d'attirer de nouveau l'attention des jumeaux. Ils étaient complètement absorbés l'un par l'autre, riant de leur bonne farce et commençant déjà à planifier leur prochain forfait. “Les garçons, il faut vraiment que vous arrêtiez de faire les clowns à l'école. Vous ne voulez pas qu'on finisse par vous séparer à cause de vos bêtises, pas vrai ?” dit-il d'un ton d'avertissement qui refroidit instantanément les jumeaux. Ils secouèrent la tête et se rapprochèrent encore un peu plus, se serrant fortement les mains.

“Avez-vous repensé à ce dont nous avons parlé la dernière fois ?” demanda le docteur, faisant revenir la conversation vers le sujet qui occupait la majeure partie de leurs discussions ces derniers temps.

Les jumeaux hochèrent la tête avec assurance et échangèrent de brefs sourires. Le docteur Engle sut alors quelles allaient êtres leurs réponses, et il était tout à la fois effrayé et plein d'espoir pour eux. “Qu'est-ce que vous avez décidé ?” demanda-t-il.

“On s'en moque,” répondit Tom en premier.

“On s'en moque de ce que les autres pensent. Ils ne comptent pas,” explicita Bill.

Le docteur Engle soupira et hocha lentement la tête. Il avait essayé de présenter la réalité de la situation aux jumeaux, espérant qu'ils comprendraient malgré leur jeune âge. Ils avaient passé de nombreuses séances à parler de ce que le reste du monde ressentait vis-à-vis de ce qu'ils faisaient, et de pourquoi tout le monde pensait que c'était mal. Il avait essayé si fort de leur faire comprendre que ce serait mieux pour eux deux s'ils essayaient de se distancier, du moins dans ce domaine. Il était douloureusement évident que la seule façon dont cela pourrait prendre fin était que les jumeaux en prennent eux-mêmes la décision, ou qu'ils soient physiquement séparés. Le docteur Engle avait placé ses espoirs sur le premier choix, étant donné qu'il savait personnellement à quel point le second était douloureux.

“Vous êtes bien sûrs de comprendre ce dont nous avons parlé la semaine dernière ? Vous comprenez bien les conséquences ?” demanda le docteur Engle. Voilà de nouveau cette dissonance cognitive qui se manifestait. Son éducation lui disait que des enfants de l'âge des jumeaux ne pouvaient pas comprendre les concepts abstraits, comme l'amour romantique, et que le stade de leur développement cognitif les empêcherait de prendre une décision éclairée. D'un autre côté, l'expérience personnelle du docteur Engle lui disait tout autre chose. Lui et Charlie avaient compris. Ils connaissaient les risques, et il était positivement sûr qu'ils comprenaient l'amour.

“Tant qu'on est ensemble tout ira bien,” dit fermement Bill. Il était absolument sûr de ça et le docteur Engle n'avait pas l'intention de le détromper, quel que soit le nombre de fois où il lui avait dit combien le monde les haïrait pour ce qu'ils avaient.

“Et vous avez promis que vous ne les laisserez pas nous séparer,” ajouta Tom, cherchant chez le docteur Engle l'assurance qu'il pensait sa promesse au moment où il l'avait faite.

“Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que vous restiez ensemble, mais il faut que vous y mettiez du vôtre. Si vous vous faites surprendre de nouveau, les conséquence pourraient bien s'étendre au-delà de ma sphère d'influence,” dit sobrement le docteur Engle, oubliant un instant qu'il s'adressait à des enfants. Quand ils avaient ce genre de discussions, les jumeaux semblaient être tellement plus matures. En un instant, ils passaient de petits chenapans qui ricanaient à amants qui s'aimaient passionnément, prêts à tout pour rester ensemble. Sur un niveau personnel c'était fascinant. Sur un niveau professionnel, c'était terrifiant.

**

Un nuage de vapeur accompagna Tom hors de la salle de bain tandis qu'il traversait le couloir, ne portant rien d'autre qu'une serviette. Celle-ci, extra-large, recouvrait son corps du torse aux genoux, mais même si ça n'avait pas été le cas, il ne se serait pas franchement senti concerné par le besoin de faire preuve de pudeur. Lui et Bill venaient d'avoir onze ans, et ça voulait dire qu'ils étaient assez grands pour rester à la maison seuls lorsque Simone et Gordon sortaient.

Simone les avait laissés en leur laissant des instructions très spécifiques. “Prenez vos douches et ensuite allez directement au lit,” avait-elle dit avec autant de sévérité dont une femme aussi gentille pouvait faire preuve. La plupart des mères étaient nerveuses lorsqu'elles devaient laisser leurs enfants seuls à la maison pour la première fois, mais Simone avait encore plus de raisons que les autres pour alimenter son inquiétude. Elle avait failli annuler leurs plans trois fois, mais Gordon lui avait assuré que tout irait bien. Après tout, le psychiatre leur avait assuré à tous deux que les jumeaux avaient surmonté les “problèmes” qu'ils avaient eus lorsqu'ils étaient plus jeunes.

Maintenant les jumeaux étaient enfin seuls ; plus seuls qu'ils ne l'avaient jamais été. Tom se rendit dans la chambre de son frère, et pour une fois il n'eut pas besoin de se faufiler discrètement et d'éviter les lattes du couloir qui craquaient. Tom fut reconnaissant de leur intimité quand la porte de Bill craqua légèrement alors qu'il l'ouvrait. Bill leva les yeux depuis le lit, un sourire paisible sur le visage. Il s'était douché avant Tom et était déjà couché, son cahier de paroles de chansons et son crayon à la main. Le concept de pouvoir véritablement jouir d'une complète intimité était si nouveau qu'ils n'avaient même pas pris en considération l'éventualité de se doucher ensemble. C'était un concept trop étranger, mais ce n'était pas le cas de la proximité au lit.

Tom n'attendit pas d'être invité pour rejoindre son frère au lit. Il referma la porte d'un coup de pied et se dépêcha de rejoindre Bill sous les couvertures. L'humidité de ses cheveux le refroidissait rapidement, avec la fraîcheur de l'automne. Bill déposa le cahier sur sa table de chevet et s'étira de son côté sous les couvertures.

La serviette de Tom tomba en tas sur le sol tandis qu'il grimpait dans le lit, maintenant dépourvu de tout effet. Bill gloussa et un léger rosissement apparut sur les joues de Tom tandis qu'il se glissait contre son frère et réalisait que celui-ci était tout aussi nu que lui. Le plus jeune des jumeaux se dégagea avec timidité, évitant le toucher de son frère, qui le chatouillait sans faire exprès.

Cela faisait une bonne semaine qu'ils savaient qu'ils passeraient la nuit seuls, mais ils n'avaient pas dit un mot quant à ce qu'ils comptaient faire étant donnée cette toute nouvelle intimité. Les jumeaux se sentaient plus libres qu'ils ne l'avaient jamais été depuis qu'ils avaient découvert pour la première fois que leur amour l'un pour l'autre était mal considéré par les autres. D'avoir trouvé un confident en la personne du docteur Engle avait mis les jumeaux à l'aise, et le fait qu'il leur assure que tout allait bien leur avait apporté un peu de répit face aux yeux inquisiteurs de Simone. Mais même ainsi, Bill continuait à jeter de petits coups d'œil nerveux à la porte, comme si quelqu'un allait apparaître et les surprendre.

“Il n'y a personne,” lui Tom d'un ton rassurant. Il se rapprocha un peu plus de Bill, jusqu'à ce qu'ils ne soient plus séparés que de quelques centimètres. La peau claire de Tom était encore un peu rougie par la chaleur de sa douche, mais si la peau de Bill était légèrement teintée de rose, c'était pour une toute autre raison.

“Est-ce qu'on va le faire ?” demanda Bill, incapable de nommer ce qu'était cette chose qu'ils allaient faire. Ils avaient longtemps appelé ça jouer à des jeux secrets, et le docteur Engle appelait simplement ça se toucher l'un l'autre. Aucune de ces deux descriptions ne rendait justice à ce qu'ils faisaient. C'était plus qu'un jeu, et c'était certainement plus que de juste se toucher. Il y avait une connexion impliquée, et les jumeaux ne pouvaient pas vraiment trouver les mots pour la décrire.

“Si tu veux,” haleta Tom, se rapprochant encore un peu plus près. Leurs genoux se cognèrent et ils purent sentir la respiration de l'autre fantomatiquement caresser leurs peaux, mais malgré tout ils étaient encore très légèrement séparés.

“Je veux,” répondit Bill en un murmure. Il ferma les yeux, se préparant pour l'éclair foudroyant qu'il savait en train de se tramer.

En un instant Tom avait refermé l'espace qui les séparait encore. Ses bras s'enroulèrent autour du corps de son frère, et ses lèvres capturèrent celles de Bill en un baiser affamé. Bill se cambra dans l'étreinte de son frère, leurs corps sveltes s'alignant parfaitement. Bien que ce moment n'ait pas été planifié, tous deux l'avaient anticipé, et c'était évident en considérant la dureté que chacun pouvait ressentir en se pressant contre l'autre.

Les mains de Bill glissèrent entre eux deux, ses paumes pressées contre le torse de Tom. Il poussa gentiment mais avec insistance, brisant le baiser où Tom le maintenait prisonnier. “Je veux te voir,” dit-il, hors d'haleine, faisant courir sa langue sur ses lèvres gonflées.

“Tu me regardes, là,” marmonna Tom tandis qu'il essayait de reprendre les lèvres de Bill, en voulant plus.

“Non, je veux te voir. Tout entier,” chuchota Bill, plus par timidité que par peur d'être entendu par quelqu'un d'autre. Il maintint Tom à distance, refusant de l'embrasser jusqu'à ce qu'il ait eu ce qu'il voulait.

C'était une occasion en or, et il ne la laisserait pas passer. Bien qu'ils puissent être ensemble quand ils se glissaient dans la chambre l'un de l'autre la nuit, ils ne pouvait pas se permettre de prendre le risque d'allumer une lampe, et toutes leurs caresses étaient faites à tâtons dans le noir. Là, les lumières étaient encore allumées, et Bill était curieux de voir ce qu'il y avait sous les couvertures. Ils s'étaient déjà vus l'un l'autre lors de petits coups d'œil furtifs, mais Bill voulait en voir plus.

“Pourquoi ? Je suis tout pareil que toi,” dit Tom pour protester. Il n'aimait pas particulièrement l'idée d'avoir Bill en train de le scruter de si près, et il n'aimait vraiment pas du tout les mains de Bill sur son torse, le repoussant. Tom se saisit des poignets de son frère et repoussa brutalement ses mains afin de pouvoir se pencher en avant pour un autre baiser.

“Tomi !” geignit Bill contre les lèvres de son frère, se débattant pour libérer ses mains. Tom abandonna et se retira. Embrasser Bill n'avait aucun intérêt s'il ne l'embrassait pas en retour. “Peut-être qu'on est différents,” suggéra Bill comme excuse pour pouvoir regarder.

“Très bien, mais pas longtemps alors. Je veux qu'on fasse des trucs,” concéda Tom tandis qu'il se dégageait de sur Bill et roulait sur le dos.

“Quel genre de trucs ?” demanda Bill, souriant triomphalement tandis qu'il se juchait sur ses coudes et éloignait les couvertures. La lampe de chevet baignait les jumeaux d'une douce lueur, et ils se regardèrent l'un l'autre.

“Des trucs,” marmonna Tom, se sentant soudainement exposé. La simple vue de son frère entièrement nu engendra un serrement dans son ventre et fit se contracter son sexe d'excitation. Tom avait passé suffisamment de temps à écouter ce qui se disait dans la cours de récréation pour savoir qu'il était censé ressentir ça pour les filles, pas pour son jumeau. De savoir ça le rendit très légèrement mal à l'aise face à ce qu'il ressentait, mais ce n'était pas assez pour qu'il s'arrête de regarder. Les yeux de Tom parcouraient le corps de Bill, s'arrêtant sur son sexe tout aussi gonflé que le sien. Un petit sourire apparut sur les lèvres du plus âgé des jumeaux lorsqu'il le vit se contracter, et il sut que Bill ressentait la même chose que lui.

Bill se rapprocha jusqu'à ce qu'ils soient de nouveau collés l'un contre l'autre ; Tom à plat sur le dos et Bill appuyé sur son coude à côté de lui. “Je pense qu'on est tous pareils,” conclut-il après s'être encore rapproché pour inspecter son frère.

Tom aurait bien argué qu'il était plus gros, mais il en avait assez de parler et de regarder. Il voulait plus de caresses et de baisers. Ses bras entourèrent de nouveau Bill et il le tira à lui, le faisant passer au-dessus pour finir par l'embrasser. Malheureusement pour lui et pour sa frustration, Bill se dégagea une fois de plus.

“J'ai pas fini !” geignit Bill. Il ne savait pas quand une opportunité comme celle-ci se présenterait de nouveau, et il voulait s'assurer d'avoir bien tout vu.

Tom grogna et laissa sa tête retomber contre l'oreiller. Il ferma les yeux, espérant que s'il ne voyait pas Bill ce ne serait pas une telle torture que d'avoir à attendre. “Dépêche-toi ! Je veux faire des trucs,” gronda-t-il avec impatience. Tom pouvait se montrer très impatient en ce qui concernait les choses qu'il en venait à vraiment vouloir.

“Comme quoi ?” demanda Bill.

“Juste... des trucs,” grogna Tom. Bill se tortillait à ses côtés tandis qu'il explorait, ce qui ne faisait qu'empirer la situation.

“Comme ça par exemple ?” Les doigts de Bill étaient tout d'un coup sur la cuisse de Tom, remontant lentement vers une destination spécifique et évidente.

“Bill...” Tom gémit presque, ses doigts se crispant sur les draps.

“Je veux te toucher,” dit innocemment Bill, faisant semblant de ne pas être conscient du pouvoir qu'avait sur son frère une simple caresse.

“Je veux te toucher aussi,” protesta Tom, essayant d'attirer de nouveau Bill dans ses bras.

Bill était trop rapide pour lui et il réussit à se dérober juste avant que Tom ne puisse l'attraper. Il se réfugia au bout du lit, s'agenouillant entre les jambes légèrement écartées de Tom. “Moi d'abord, après tu pourras me toucher,” dit-il, établissant les règles du jeu et prenant tout en main, comme il le faisait souvent. Bill aimait imposer ses règles. Il aimait aussi les changer en permanence sans prévenir.

“Très bien,” dit Tom, levant les yeux au ciel. Il était en général inutile de se débattre contre Bill quand il était en mode autoritarisme, et de toutes façons Tom n'en avait pas vraiment l'intention. Les doigts de Bill sur sa cuisse étaient bons, très bons. D'habitude c'était Tom qui touchait Bill, mais d'être seuls à la maison et de savoir qu'ils ne se feraient pas surprendre donnait à Bill le courage de se montrer un peu plus téméraire.

Ses doigts fins errèrent sur le corps de Tom. Ils montèrent lentement le long de ses cuisses mais ne s'aventurèrent pas jusqu'à l'endroit que Tom voulait voir touché plus que tout. Bill prenait son temps ; observant, explorant, testant les réactions du corps de Tom selon chaque endroit où il le touchait. Certains endroits faisaient haleter et se contracter Tom, tandis que d'autres le faisaient gémir et se détendre.

Bill se pencha un peu plus en avant pour avoir une meilleure vue. Il inspira profondément, son nez à quelques centimètres du sexe rouge et douloureux de son frère. “Tu sens bon... tu sens la fraise,” murmura-t-il, sa chaude respiration faisant se crisper le sexe de Tom.

Les yeux de Tom étaient toujours fermés mais il sentait où se trouvait son frère et ça le rendait fou. “C'est le savon,” dit-il d'une voix enrouée, ayant l'impression de devoir se justifier de son odeur de fille.

“Je pense que tu dois avoir bon goût,” songea Bill à voix haute, envisageant cette possibilité pour la première fois. Il avait déjà embrassé les lèvres de Tom, sa mâchoire, son cou, et même un peu de son torse, mais jamais il n'avait goûté une partie de lui qui se trouvât sous la taille.

“Oh mon Dieu,” haleta Tom. Aucun des deux jumeaux n'avait de connaissance quant à ce que les adultes faisaient au niveau sexuel, mais Tom sut instinctivement qu'il voulait les lèvres de son frère à cet endroit-là.

Le premier doux baiser déposé à l'intérieur de sa cuisse fit haleter Tom et le fit se cambrer. Cette réaction encouragea Bill, et bien qu'il ne soit pas vraiment tout à fait prêt à poser ses lèvres là, il fut heureux de laisser une traînée de baisers taquins le long de la cuisse de Tom, et une autre redescendant le long de l'autre cuisse. C'était le genre d'exploration pleine de curiosité qu'ils n'avaient jusqu'ici pas eu l'occasion de mettre en œuvre, à cause du manque d'intimité et de sécurité.

Quand les lèvres de Bill reprirent le chemin des cuisses de Tom, il semblait qu'il ne lui reste plus qu'un seul chemin à explorer. Les jumeaux avaient découvert depuis bien longtemps qu'embrasser était bien meilleur que de simplement toucher, Bill se doutait donc que cela ferait du bien à Tom s'il l'embrassait là. Encore plus important, s'il faisait se sentir Tom bien, alors celui-ci le ferait se sentir bien en retour.

La soudaine immobilité de Bill tandis que ce dernier hésitait fut suffisante pour faire lever la tête à Tom, qui voulait savoir ce que son frère faisait. Il ouvrit les yeux juste à temps pour voir Bill presser avec hésitation ses lèvres sur le bout de son érection douloureuse. Tom haleta et il écarquilla les yeux tandis qu'il sentit une secousse électrique lui parcourir le corps. Bill fut satisfait par cette réaction et sourit d'un air amusé. Tom pouvait dire qu'il envisageait de recommencer, et il ne pensait pas qu'il pourrait le supporter.

Un petit cri étranglé par la surprise s'échappa d'entre les lèvres de Bill avant qu'il n'ait eu l'occasion de les frotter contre la chaude érection de son frère une seconde fois. Tom l'avait soudainement attrapé par les épaules et l'avait plaqué contre le lit. Maintenant son frère aîné pesait sur lui de tout son poids, les yeux brillant de désir, le souffle erratique.

“A mon tour,” haleta Tom, bien qu'il n'ait nullement l'intention de mimer l'exploration taquine de son frère. Le jumeau le plus âgé voulait juste être soulagé de la chaleur et de la tension qui s'accumulaient dans son sexe. Il n'avait jamais autant eu envie de Bill avant. L'intensité de ce qu'il ressentait était presque effrayante et il avait besoin d'en être soulagé.

Le regard qui brillait dans les yeux de Tom était suffisant pour empêcher Bill de protester, même si Tom ne respectait pas les règles et prenait le contrôle. Bill était sur le point d'ouvrir la bouche pour demander à Tom ce qu'il avait prévu de faire quand ses lèvres se trouvèrent soudainement recouvertes par celles de Tom. Bill ferma les yeux, gémissant dans le baiser et s'abandonnant à la demande silencieuse de Tom.

L'air qui les entourait était froid, mais tous deux avaient l'impression de littéralement se consumer. Les bras de Tom tremblaient d'anticipation, et aussi de l'effort qu'il fournissait pour se maintenir au dessus de son frère. Il finit par s'abaisser sur son jumeau, leurs érections entrant en contact, ce qui les fit haleter. Tom couvrit Bill de son corps et s'écrasa contre lui. Ses cheveux humides et froids tombèrent sur l'épaule de Bill, le faisant frissonner tandis qu'il soulevait les hanches, partant à la rencontre de son frère.

D'habitude Bill gardait les yeux fermés et se perdait dans les caresses de son frère, mais le fait que les lumières soient allumées constituait une tentation à laquelle il ne pouvait résister. Bill ouvrit les yeux et fixa son frère au dessus de lui. Il regarda avec fascination Tom se mordre la lèvre à cause du plaisir pour une fois et non à cause de sa nervosité habituelle. Réalisant qu'il le regardait, Tom baissa le regard vers Bill et vit le même regard enivré dans les yeux de son frère. Leurs yeux se fixèrent l'un sur l'autre, et dirent le plaisir qu'ils étaient trop essoufflés pour exprimer avec des mots.

Bill referma les yeux tandis que la chaude sensation de papillons s'emparait de son ventre. Il s'agrippa aux draps et se cambra contre Tom, murmurant silencieusement le nom de son frère. Il voulait hurler, mais par nécessité il avait appris à être discret. Tom était tout aussi silencieux, bien que pour ce faire il fût obligé se mordre la lèvre.

Tom commença à trembler, se sentant comme une bobine de fil qu'on aurait renroulée trop serrée. Bill était tout aussi tendu, ses orteils se contractant et ses doigts empoignant désespérément les draps. Il fallait que quelque chose se produise. Ils ne savaient pas ce que c'était, mais ils en avaient besoin. Ils pouvaient le sentir venir et tous deux étaient sûrs que si ça n'arrivait pas très bientôt, ils se briseraient sous la tension.

Leurs sexes se frottaient l'un contre l'autre. Ils étaient humides de sueur et d'une autre humidité qu'ils n'avaient jamais remarquée avant et qui s'écoulait du sommet de leurs érections gonflées. Bill rencontra le premier ce après quoi il courait tandis que Tom blottissait son nez contre sa gorge et poussait contre lui. Bien que Bill ait pour ainsi dire perfectionné l'art de rester silencieux quand ils jouaient, cette fois-là était différente. Avant qu'il n'ait pu s'en empêcher un cri de plaisir s'échappa de ses lèvres. Les bras de Bill s'enroulèrent autour de Tom et il s'agrippa à lui tandis que des vagues de plaisir s'écrasèrent sur lui l'une après l'autre.

Tom sentit quelque chose de chaud et de liquide entre eux, mais il n'eut pas le temps de regarder ce que c'était. Sa propre libération arriva quelques secondes après celle de Bill et tout comme son frère, il ne parvint pas à rester silencieux. Tom laissa échapper un grondement animal tandis qu'il lui semblait que quelque chose explosait en lui. Il s'écroula sur Bill et pendant de longues minutes ils ne purent rien faire d'autre que d'haleter et de chercher à reprendre leur souffle.

Quand Tom finit par bouger pour se dégager d'au-dessus de Bill, ils se tortillèrent tous deux inconfortablement à cause de l'étrange adhérence entre leurs deux corps. Tom se laissa tomber sur le dos à côté de Bill et baissa le regard pour inspecter la substance suspecte qui couvrait leurs peaux. Bill la toucha du bout du doigt et plissa le nez.

“Collant,” murmura-t-il, toujours embrumé par le plaisir.

“Qu'est-ce que c'est ?” demanda Tom.

“'Sais pas... Je crois que c'est sorti de nous quand on a... quoi que ça s'appelle,” dit-il tandis qu'il passait le doigt que son ventre désormais collant et moite.

“C'était bon,” soupira Tom avec contentement, se fichant d'être en sueur et collant à cause d'une substance inconnue.

“On devrait prendre une autre douche,” suggéra Bill. Il était tout aussi satisfait que son frère, mais n'aimait pas l'idée de s'endormir alors qu'il se sentait sale. De plus, on leur avait bien dit de prendre leur douche, et s'ils descendaient prendre leur petit-déjeuner le lendemain matin alors qu'ils sentaient la sueur, ils auraient des ennuis.

“Trop fatigué,” marmonna Tom, ses yeux se fermant déjà.

“To-omi, réveille-toi. Allez viens, je te laverai,” le pressa Bill, lui enfonçant le doigt dans les côtes. Il ne voulait pas avoir d'ennuis, et il ne voulait pas faire de câlins à un frère tout collant.

“Très bien,” grogna Tom tandis qu'il roulait hors du lit.

Pour la première fois depuis qu'ils étaient tous petits, les jumeaux partagèrent leur douche et bien qu'ils soient tous les deux fatigués après les petits jeux auxquels ils venaient de se prêter, ils traînèrent dans la douche pour pouvoir se toucher et explorer un tout petit peu plus le corps de l'autre. C'était une lente et douce exploration, pleine de baisers et de caresses. Quand ils regagnèrent la chambre de Bill, ils n'eurent qu'à peine l'énergie de tirer les couvertures par dessus eux avant de s'endormir dans les bras l'un de l'autre.

Quand Simone rentra quelques heures plus tard, la première chose qu'elle fit fut de se précipiter à l'étage pour jeter un œil à ses garçons. Comme toutes les autres mères, elle était inquiète de savoir comment ils s'étaient débrouillés lors de leur première soirée seuls à la maison. Tout au long de la soirée Gordon lui avait assuré que tout irait bien, et s'il n'avait pas insisté elle serait probablement rentrée des heures plus tôt pour voir comment ils s'en sortaient.

La porte de la chambre de Bill grinça doucement une fois de plus tandis que Simone l'ouvrait et jetait un œil à l'intérieur. Elle fut surprise de trouver non pas un mais deux petits garçons enroulés sous les couvertures, dormant à poings fermés, et malgré ce qu'ils venaient de faire, son instinct lui soufflait que c'était une scène à vous réchauffer le cœur. Tout au fond de son esprit séjournait une petite pointe d'inquiétude, mais elle refusa de l'écouter. Le docteur Engle lui avait assuré que c'était derrière eux et elle voulait y croire. Elle refusait de voir quoi que ce soit de mal dans la façon dont ses beaux garçons se réconfortaient l'un l'autre alors qu'ils étaient laissés seuls à la maison. Bill avait probablement été effrayé et Tom était venu pour le réconforter. Cela semblait parfaitement logique, mais peut-être était-ce juste parce que Simone ne pouvait pas voir que ses garçons, si innocents, étaient nus sous les couvertures.

 

FIN DU CHAPITRE 11

 

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