Chapitre 9. Externalisation du locus de contrôOle
La croyance que l'environnement a plus de contrôle sur la vie et ses aléas que l'individu lui-même.
(Age : dix ans)
Tom roula hors de son lit et se précipita dans le couloir pour rejoindre la chambre de Bill. Il ouvrit la porte d'un coup sec mais la pièce était vide et le lit de Bill était déjà fait. L'instinct de Tom lui hurlait de se ruer dans les escaliers et d'aller le retrouver, mais comme toujours une petite voix tenace lui rappela qu'il devait agir de façon “normale”. Il ne pouvait rien faire qui les trahirait devant leurs parents. Se mordillant nerveusement la lèvre, il courut de nouveau à sa propre chambre et saisit les premières fringues qui lui tombèrent sous la main. Il n'avait qu'à moitié enfilé son t-shirt lorsqu'il se précipita dans les escaliers et rejoignit la cuisine.
Bill était assis à la table de la cuisine, fixant d'un air absent son bol de céréales. Bien qu'il soit plutôt énergique, Bill n'était pas vraiment du matin et cette matinée très précise était particulièrement déplaisante. Bill marqua une pause, la bouche pleine de cornflakes, quand Tom entra dans la pièce, l'air frénétique. Si l'on s'était fié au seul regard de Tom, on aurait pu croire que la maison avait pris feu.
Jetant rapidement un œil alentours, Tom réalisa qu'ils jouissaient d'une intimité relative, du moins pour le moment. Il s'assit à la table à côté de Bill et le fixa intensément, attendant qu'il dise quelque chose. Si Bill était fâché au point de ne pas être venu le rejoindre dans son lit hier soir, alors il serait tout aussi bien fâché au point de lui crier dessus. Ca ne ressemblait pas à Bill de le punir par le silence et de ne pas dire ce qu'il pensait.
Bill baissa les yeux vers son bol et prit quelques cuillérées de plus avant de jeter un petit coup d'œil à son frère. “Quoi ?” marmonna-t-il, la bouche pleine. Evidement, Bill savait ce qui n'allait pas, mais il n'avait pas particulièrement envie d'en parler.
“Tu... tu es pas venu,” chuchota Tom.
Bill avala ses céréales et baissa de nouveau les yeux vers son bol. “Désolé,” marmonna-t-il avec hésitation. Il redoutait cette conversation depuis qu'il s'était réveillé, une demi-heure auparavant. Bill savait que Tom allait être en colère contre lui, et il ne savait pas vraiment comment gérer ça. Il était rare que Bill ait une raison de s'excuser auprès de son frère, et il n'était pas bien sûr de savoir ce qu'il devait faire à propos de ça.
“Je... Je voulais pas te faire mal. Je suis désolé. S'il te plaît ne me déteste pas,” supplia Tom, la voix tendue, essayant de refouler ses larmes.
Le tintement métallique de la cuillère de Bill tombant dans le bol de céréales retentit, et Bill leva les yeux vers son frère, voyant les larmes dans ses yeux. Bill avait complètement oublié l'incident avec la serviette et il ne lui était pas venu à l'esprit que Tom penserait qu'il était toujours fâché. Il lui apparut que ça lui fournirait une bonne excuse et qu'il n'avait qu'à faire semblant d'être toujours fâché. Alors Tom penserait que tout était de sa faute s'il n'était pas venu, et Bill n'aurait pas à s'expliquer. Oui, ce plan était parfait et aurait marché à merveilles, mais quand Bill vit les larmes refoulées dans les yeux de son frère, il ne put tout simplement pas le mettre à exécution.
“Je te déteste pas. Je suis même pas fâché,” chuchota Bill. Ses yeux se fixèrent dans ceux de son frère et il y regarda avec intensité, s'assurant que Tom savait qu'il le pensait. Les mains de Bill se glissèrent sous la table, cherchant celles de Tom pour les saisir.
“Mais... tu es pas venu,” répliqua-t-il, s'accrochant aux mains de Bill en souhaitant pouvoir saisir plus que ça. Tom ne pouvait pas nier l'honnêteté qui brillait dans les yeux de Bill, mais il ne comprenait pas. Il fallait bien que Bill ait été fâché contre lui pour ne pas être venu au lit.
Bill baissa les yeux vers la table et refoula l'élan de culpabilité qui montait en lui. Il n'avait pas vraiment voulu dormir dans son propre lit. En fait, il n'était même pas sûr de savoir comment il avait pu. Ils n'avaient pas dormi séparément depuis ces quelques horribles jours où ils avaient été séparés, quand ils avaient huit ans. “J'étais pas fâché contre toi. J'étais juste vraiment très fatigué et je suppose que je me suis endormi en attendant que Maman aille se coucher. Je suis tellement désolé, Tomi,” murmura Bill. C'était la vérité, du moins en ce qui concernait la dernière partie. Bill espérait que ça serait suffisant pour satisfaire son frère.
Tom s'apprêtait à ouvrir la bouche pour répondre quand Simone apparut dans l'encadrement de la porte, bâillant et se dirigeant vers la machine à café en traînant les pieds. “Bonjour les garçons,” marmonna-t-elle, inconsciente du mouvement soudain des jumeaux qui se séparaient et se repenchaient sur leurs bols comme si de rien n'était. “Alors vous allez à la piscine avec Andreas aujourd'hui ?” demanda-t-elle, se tournant vers les garçons et les regardant d'un œil soudainement curieux. On aurait dit que quelque chose clochait.
“Mmmhmm,” marmonna Bill, reportant son attention sur son bol où les céréales avaient ramolli. “Je l'ai déjà appelé. Il sera là dans une demi-heure donc on pourra y aller ensemble,” ajouta-t-il après avoir pris une cuillérée de céréales toutes molles.
Tom resta silencieux, se servant son propre bol de céréales, l'air de trouver que ses cheerios remplissant le bol était la chose la plus intéressante qu'il ait jamais vue. Il fallait vraiment qu'il parle à Bill, mais si Andreas arrivait dans une demi-heure il n'en aurait pas l'occasion. En fait, connaissant Andreas, il n'en aurait sûrement pas l'occasion avant l'heure du coucher. Andreas avait pour habitude de rester aussi longtemps que possible, et parfois Tom avait la sensation que le fait qu'il soit là était encore pire que lorsque les adultes s'étaient mis à les surveiller en permanence, mais Bill voulait qu'Andreas soit là, et Bill obtenait toujours ce qu'il voulait.
Tandis que Tom ressassait le fait qu'il n'aurait pas l'occasion de lui parler, Bill quant à lui était soulagé. Il ne voulait pas parler de ce qui s'était passé la nuit précédente. Il se sentait insoutenablement coupable de s'être endormi, mais il y avait autre chose en plus. Quelque chose en plus, et qui était tellement si pire.
“Je vais me changer. Dépêche-toi, Tom,” dit Bill d'un ton joyeux tout ce qu'il y a de plus forcé tandis qu'il sautait hors de table et balançait son bol vide dans l'évier.
“Oublie pas la crème solaire, mon chéri,” cria Simone à l'intention de Bill tandis qu'il commençait à monter les escaliers. Bill grogna et leva les yeux au ciel, faisant exprès de rendre ses pas plus bruyants tandis qu'il montait les marches. “Tom, assure-toi que ton frère mette de la crème. Tu n'as pas envie de l'entendre geindre à cause de son coup de soleil pendant des jours et des jours, pas vrai ?” dit-elle, espérant que Tom ferait preuve d'un peu plus de bon sens que son frère pour une fois.
“Okay,” marmonna Tom, l'air au loin, renforçant les soupçons de Simone : il y avait quelque chose qui n'allait pas.
~**~
“Salut,” dit Andreas avec entrain tandis que Bill ouvrait la porte, le trouvant sur le perron déjà en maillot de bain et prêt à partir. Bill était lui aussi prêt, une grande serviette sur l'épaule et des sandales aux pieds. Andreas jeta un œil par dessus l'épaule de Bill, cherchant la deuxième moitié du duo. “Où est Tom ?” demanda-t-il, bien qu'en fait il aurait préféré aller à la piscine rien qu'avec Bill. Parfois cela manquait à Andreas, la façon dont les choses étaient avant qu'il ne soit ami avec les deux jumeaux.
“Il est encore en train de se changer,” dit Bill, levant les yeux au ciel. Tous deux purent entendre des pas raisonner à l'étage tandis que Tom cherchait ses propres sandales. Bill savait ce qu'il cherchait sans avoir besoin qu'on le lui dise. Il fit signe d'entrer à Andreas puis se rendit au bas des escaliers d'où il cria à l'intention de son frère. “Sous ton bureau !” cria Bill, laissant à Andreas le soin de deviner comment il savait ce que Tom était en train de chercher ou où cela se trouvait.
Quelques instants plus tard Tom apparut en bas des escaliers, les sandales introuvables enfin aux pieds. “Maman a dit qu'on était obligés,” dit-il, lançant la bouteille de crème solaire à son frère pour que celui-ci la porte. Tous deux levèrent les yeux au ciel mais ils savaient qu'ils n'avaient pas intérêt à désobéir. Simone ne ferait preuve d'aucune pitié s'ils revenaient à la maison avec des coups de soleil alors qu'ils avaient été prévenus.
“Salut Maman !” crièrent les jumeaux en quittant la maison pour parcourir la distance qui les séparaient de la piscine municipale. Bill et Andreas furent les deux premiers à quitter la maison et se mirent à marcher côte à côte sur le trottoir. Tom les rattrapa rapidement et s'imposa entre eux deux, attrapant la main de son frère d'un geste possessif. En temps normal il ne prendrait pas un tel risque alors qu'il y avait des témoins, mais plus Andreas était proche d'eux, moins Tom prenait de précautions quand il était là. Après avoir passé la nuit seul, Tom avait besoin de contact avec Bill, même si cela impliquait prendre des risques. Même avec Tom entre eux, Andreas et Bill continuèrent à discuter avec excitation pendant tout le chemin, et ne semblèrent pas remarquer le silence complet observé par Tom.
A la piscine les trois garçons étalèrent leurs serviettes sur un petit coin d'herbe. Ils retirèrent leurs t-shirts et s'assirent tous trois pour se mettre la crème solaire à propos de laquelle Simone avait tant insisté. Bill et Tom en haïssaient tous deux la consistance, mais les jumeaux avaient déjà été victimes d'un horrible coup de soleil durant l'été et n'avaient pas du tout envie de revivre l'expérience. Bill avait geint pendant des jours et Tom avait tiré avec délice sur sa peau brûlée qui pelait pour le simple plaisir de son dégoûter son frère et son ami.
Tom était occupé à essayer de recouvrir ses épaules de la crème grasse quand il remarqua enfin ce qui se passait derrière lui. Tout en continuant à discuter de tout et de rien, Andreas était maintenant debout derrière son frère, en train de lui étaler de la crème sur le dos et les épaules. C'était complètement innocent, mais les mains de Tom se crispèrent, se refermant en des poings. Sans vraiment réfléchir à ce que les gens pourraient en penser, il sauta sur ses pieds et repoussa brutalement Andreas. “Je m'en occupe,” claqua-t-il.
Andreas le regarda d'un air confus. Tom se comportait vraiment bizarrement ces derniers temps, et il était un peu plus bizarre avec chaque jour qui s'écoulait. “Je voulais juste aider,” murmura Andreas en retournant à sa propre serviette, s'asseyant pour bouder. Il commençait à avoir l'impression que Tom ne l'aimait vraiment pas, même si Bill continuait à lui assurer que Tom l'aimait bien et ne faisait que plaisanter.
Bill pencha la tête en arrière et leva les yeux vers son frère qui étalait la crème sur son dos. “Il voulait juste m'aider, Tom. Arrête d'avoir l'air bizarre,” chuchota Bill. Le plus jeune jumeau ne comprenait pas la jalousie de son frère et ne réalisait pas à quel point il l'avait provoquée en ne le rejoignant pas au lit la nuit précédente. Bill semblait plus inquiété par le fait que Tom avait l'air d'oublier combien il était important qu'ils fassent semblant et aient l'air d'agir “normalement”.
“C'est toi qui es bizarre !” claqua Tom, repoussant avec force son frère. Il balança la bouteille de crème solaire au sol, la faisant se répandre et éclabousser Bill. Tom retira ses sandales d'un coup sec et se dirigea à grands pas vers la piscine. Une fois de plus, Tom avait agi sans réfléchir et au moment même où il le faisait il le regrettait déjà. Il refoula les horribles sensations qui manquaient de le submerger tandis qu'il sautait dans la piscine. Quand il réémergea à la surface de l'eau, il vit Andreas agenouillé à côté de Bill, épongeant la crème qui maculait sa peau et le réconfortant.
Bill et Tom ne s'adressèrent pas un seul mot durant le reste de la journée. Les trois garçons restèrent à la piscine ainsi que cela avait été prévu, mais Tom alla jouer avec quelques garçons un peu plus âgés. Il passa l'après-midi dans le grand bassin avec eux, qui lui mirent la pression jusqu'à ce qu'il cède enfin et saute du plus haut plongeoir. Bill et Andreas regardaient depuis l'autre côté de la piscine, et tandis que Bill essayait très fort de faire comme si tout allait bien, Andreas ne fut pas dupe un seul instant.
Quand le soleil commença à disparaître derrière l'horizon et que le maître nageur déclara que la piscine fermait pour la nuit, les trois garçons finirent par retourner vers le coin d'herbe où ils avaient laissé leurs affaires. Ils s'enroulèrent dans leurs serviettes, réenfilèrent leurs sandales, et rentrèrent à la maison en silence. Andreas essaya plusieurs fois de rassembler assez de courage pour oser demander à Tom ce qu'il se passait, mais à chaque fois qu'il ouvrait la bouche les mots se dérobaient sous lui. L'air renfrogné que Tom affichait explicitait clairement le fait qu'il n'avait pas envie de parler. Bill marchait la tête baissée, traînant les pieds et espérant que Tom dise quelque chose. Bill avait déduit que Tom devait toujours être en colère qu'il ne l'ait pas rejoint la nuit précédente, et il avait pris la décision de se rattraper pour ça le soir même. Il montrerait à Tom à quel point il était désolé.
Andreas ne resta pas dîner ce soir-là. Même les pâtes de Simone n'auraient pu le décider à rester plus que nécessaire étant donné l'ouragan qui se préparait clairement entre les jumeaux. Après avoir rapidement dit au revoir, Andreas se replia chez lui et pour une fois, il fut content de ne pas avoir de jumeau.
Les jumeaux dinèrent en silence ce soir-là ; non pas parce qu'ils étaient toujours en colère, mais parce que tout ce qu'ils avaient à dire ne pouvait pas être dit devant leurs parents. Tous deux mouraient d'envie de s'excuser et de se réconcilier, mais cela devrait attendre jusqu'à ce que Simone et Gordon se soient couchés. Bill et Tom n'arrivèrent pas à trouver ne serait-ce qu'un tout petit moment d'intimité pour se parler, mais ce n'était pas exactement une coïncidence. Simone avait passé la journée à se demander avec inquiétude ce qui n'allait pas. Elle sentait la tension qui régnait entre les garçons, et pour le moment elle estimait préférable de les séparer. Ainsi, tandis que Tom était envoyé à l'étage pour prendre sa douche, Bill était retenu en bas pour l'aider à la cuisine tandis qu'elle essayait de lui soutirer des réponses. Malheureusement pour elle, Bill pouvait tout aussi bien que son frère s'entêter à ne pas parler.
~**~
Tom était allongé sur le dos, fixant le plafond et écoutant attentivement les bruits de la maison. Il retint son souffle et implora mentalement ses parents d'aller se coucher. La tension était insupportable, et Tom avait désespérément besoin de parler à Bill. Ca lui pesait tellement que pour une fois Tom décida que ce serait lui qui irait se glisser dans le lit de Bill. Il lui fallait seulement attendre qu'ils puissent avoir de l'intimité.
Enfin, la maison devint silencieuse. Tom repoussa ses couvertures et se glissa hors de son lit. Il traversa précautionneusement sa chambre, évitant les lattes qu'il savait grincer et qui le vendraient. Lui et Bill avaient recouru à une étude minutieuse pour déterminer lesquelles c'était deux ans auparavant et en étaient venus à pouvoir les éviter par réflexe. Tom fit une pause dans le couloir, juste devant la porte de Bill. Il se mordit la lèvre et tendit l'oreille dans le but de percevoir le moindre mouvement qui pourrait provenir d'en bas, mais il n'entendit rien.
Se préparant pour ce qui allait advenir, quoi que ce soit, Tom tourna lentement la poignée de la porte et se faufila dans la pièce. Il espérait trouver Bill encore éveillé, attendant simplement le bon moment pour venir le retrouver dans son lit. Il avait peur de trouver Bill roulé en boule, en larmes, encore blessé à cause de la cruauté dont il avait preuve plus tôt à la piscine ce jour-là. La plus grande peur de Tom était que Bill ne le pardonne pas, et qu'il ait prévu de dormir de nouveau seul cette nuit-là. Tom ne voulait pas prendre le risque de passer une nouvelle nuit seul, et c'était la raison pour laquelle c'était lui qui était en train de se glisser dans la chambre de son frère.
Bill était en position fœtale, face au mur. Il avait l'air de trembler légèrement, et son souffle était haché. Pensant que Bill était vraiment en train de pleurer, Tom fit un pas vers lui mais il s'arrêta net quand il vit ce qui se passait vraiment. Les phrases d'une voiture qui passait dans la rue illuminèrent la chambre juste assez longtemps pour que Tom puisse voir le bras de Bill bouger sous la légère couverture estivale de son lit.
Tom pencha la tête sur le côté, plissant les yeux dans la pénombre tandis qu'il essayait de deviner ce que Bill faisait. Un petit son de plaisir s'échappa de Bill et Tom réalisa que son frère n'était certainement pas en train de pleurer. Les yeux de Tom s'écarquillèrent légèrement quand il reconnut le mouvement qui avait lieu sous les couvertures. Tom avait déjà fait la même chose une fois ou deux sous la douche, juste par curiosité, mais il ne s'était pas attendu à ce que Bill aussi le fasse. Bien entendu c'était normal qu'il le fasse, ils étaient jumeaux et en général ils aimaient le même genre de choses, mais cela n'était simplement pas venu à l'esprit de Tom que son frère ferait lui aussi le même type d'expérimentation.
Une minute s'écoula ainsi, Tom debout à la porte, regardant avec curiosité et se demandant ce qu'il devrait faire. La respiration de Bill était de plus en plus irrégulière et il faisait de plus en plus ce genre de petits bruits qui fascinaient totalement Tom. Soudainement le mouvement s'arrêta et Bill se figea. Il avait fini par sentir la présence de son frère.
Bill retira rapidement sa main de sous la couverture et fit semblant de dormir. Il pouvait sentir que son visage brûlait de honte. Bien que Bill ne sache pas exactement ce qu'il était en train de faire, à part se donner du plaisir, il savait intuitivement que ce n'était pas quelque chose que les autres étaient censés le voir faire. Bill n'avait pas voulu refaire cela. Cela, qui était exactement la cause à l'origine du problème de la nuit précédente.
Attendre que leurs parents aillent se coucher était parfois très long, et Bill finissait par royalement s'ennuyer. Il restait allongé en pensant à Tom, mourant d'envie d'être avec lui. Pour la deuxième fois cette nuit-là, il avait découvert que tandis que son esprit vagabondait, sa main aussi. Ce n'était pas fait exprès. Juste, ça arrivait, mais c'était bon et Bill ne voulait pas s'arrêter. La nuit précédente Bill s'était fait du bien pendant qu'il attendait, mais il avait fini par se sentir si bien qu'il s'était endormi avant d'avoir eu la chance de se glisser dans la chambre de Tom. Ca n'avait vraiment rien à voir avec le fait que Tom était été mesquin avec lui, et il le pensait quand il avait dit qu'il n'était pas fâché.
“Bill ?” appela Tom avec hésitation. Quand Bill ne répondit pas et continua à faire semblant de dormir, Tom décida de s'approcher quand même. Il ferma la porte derrière lui et traversa la pièce, se glissant dans le lit aux côtés de Bill sans attendre la permission. Aussi curieux qu'il soit à propos de ce que Bill avait été en train de faire, Tom restait toujours préoccupé par les excuses qu'il devait présenter. “Je suis vraiment, vraiment désolé. S'il te plaît ne me fais pas encore dormir tout seul. Je suis désolé d'être un tel idiot,” dit Tom.
Bill ne pouvait plus faire semblant de dormir maintenant, mais il continua à tourner le dos à Tom tandis qu'il fixait le mur et enroula un peu plus fermement les couvertures autour de lui. Le fait que Tom n'ait pas mentionné ce qu'il était en train de faire était un soulagement, mais Bill ne voulait pas non plus particulièrement parler de ce qu'il s'était passé. Il était toujours convaincu que Tom avait été méchant avec lui parce qu'il avait merdé et n'était pas venu le rejoindre au lit la nuit précédente. Quelque part Bill avait oublié que c'était Tom qui avait commencé la chaîne des attaques l'un envers l'autre.
“Je suis pas fâché. J'allais venir au lit dès que y'aurait plus eu de danger. J'attends toujours cinq minutes après que ce soit devenu silencieux, parce que parfois Maman se relève quand elle a oublié quelque chose,” chuchota Bill. Il était honnête, mais comme il continuait à tourner le dos à Tom et ne se rapprochait pas de lui, celui-ci supposa qu'il était toujours en colère.
Tom resta silencieux un moment tandis qu'il essayait de clarifier la situation. Il avait eu beaucoup de temps pour repenser à tout ça, et il avait maintenant une idée de la raison pour laquelle il était embêté, même s'il ne comprenait pas pourquoi. “Bill, est-ce que tu aimes Andreas plus que moi ?” chuchota-t-il nerveusement, se mordant la lèvre et se préparant à la réponse.
“Quoi ? Non,” dit Bill, un peu plus fort qu'il n'en avait l'intention. Ca ne lui avait même pas traversé l'esprit que Tom soit jaloux. Ils n'avaient pas eu à considérer la jalousie depuis l'incident avec Anna, et cette fois-là ça avait été Bill qui avait été jaloux. Bill avait désespérément envie de se retourner et de prendre son frère dans ses bras, mais il ne pouvait pas, pas dans l'état dans lequel il se trouvait actuellement. Pourquoi Tom n'était-il pas rentré quelques minutes plus tard ? “Andreas est mon ami mais toi tu es mon frère. Je t'aime, Tom. Rien que toi.” Quelque part, les mots n'étaient pas aussi puissants lorsque Bill était enroulé en boule loin de lui, faisant face au mur.
“Pourquoi tu me regardes pas ? Pourquoi tu me touches pas ? Me mens pas, Bill. Si tu préfères Andreas alors juste, dis-le-moi,” dit Tom, la voix serrée par l'émotion. Tom avait déjà oublié ce que son frère faisait quand il était entré.
Bill geignit de frustration. Il voulait prendre Tom dans ses bras et lui faire un câlin, mais alors il saurait. “C'est pas ça... Je mens pas. Je t'aime,” gémit Bill. Pourquoi est-ce que cette chose idiote ne s'en allait-elle pas pour qu'il puisse toucher son frère comme il le voulait ?
Tom ne pouvait plus le supporter. Bill agissait bizarrement et Tom était terrifié à l'idée qu'il puisse le perdre. Plutôt que d'attendre que Bill vienne à lui comme il le faisait habituellement, Tom s'approcha plus près et enroula ses bras autour de son jumeau. Bill fut tiré contre Tom, son dos pressé contre son torse et ses fesses à son entrejambe. Un drôle de petit bruit s'échappa des lèvres de Bill et Tom écarquilla les yeux quand il réalisa pourquoi son frère n'avait pas voulu se rapprocher de lui.
“Tu… tu portes pas de sous-vêtement,” murmura Tom, déglutissant difficilement. Bill ne portait rien du tout et Tom pouvait le sentir pressé contre lui, séparés seulement par le fin tissu de son boxer. C'est alors que Tom se souvint de ce qu'il avait surpris Bill en train de faire quand il était rentré dans la chambre.
Le visage de Bill brûlait de honte. “J'avais chaud,” dit-il en un essai pathétique de justification de sa nudité.
“Tu te touchais,” chuchota Tom. Son ton n'était pas accusateur. Il était plutôt gentil et curieux. Bill cacha son visage dans son oreiller et gémit. On aurait dit qu'il était sur le point de fondre en larmes et Tom réalisa enfin qu'il mettait son frère mal à l'aise. “Shh. Bill, c'est pas grave. Moi aussi je le fais des fois,” avoua-t-il dans l'espoir que cela calme son frère.
Cela fonctionna et la tête de Bill émergea lentement de sous l'oreiller, ses yeux se fixant sur Tom. “C'est vrai ?” demanda-t-il, curieux.
“Ouais. Parfois quand je prends ma douche,” admit-il, ses propres joues se teintant de rose, un rose qu'heureusement Bill ne pouvait pas voir à cause de l'obscurité.
Que Tom admette sa propre exploration fit sentir Bill un petit peu plus à l'aise avec la confession de ce qu'il avait fait, même s'il continuait à se sentir coupable. “Je le fais des fois quand j'attends que Maman aille se coucher. C'est ce qui est arrivé hier soir… Je me suis endormi après. Je voulais vraiment pas, Tomi. Je le ferai plus,” murmura Bill pour s'excuser.
Tom soupira de soulagement et rit presque, mais se retint de peur de contrarier Bill à nouveau. “C'est pas grave si tu recommences. C'est juste moi qui viendrai à toi si tu viens pas à moi, d'accord ?” suggéra-t-il tandis qu'il se collait un peu plus près de son jumeau, sa respiration chaude contre le cou de Bill.
“Okay,” soupira Bill, se détendant enfin dans les bras de son frère. Il sentait toujours cette tension dans son ventre qui lui donnait envie de se toucher, mais il résista. D'être proche de Tom et de mettre les choses au clair était plus important que de se faire du bien. En plus, il était curieux et voulait savoir si c'était la même chose pour Tom que pour lui. “Tom... quand tu... tu sais... le touches... est-ce que ça te fait comme quand on jouait à ces jeux ? Tu sais, les jeux secrets ?” chuchota nerveusement Bill. Bien qu'ils s'embrassent et se câlinent presque toutes les nuits, ils n'avaient pas rejoué à ce genre de jeux depuis qu'ils avaient été attrapés.
Tom y pensa pendant un moment, comparant ses souvenirs de ces jeux à ce qu'il faisait dans la douche, et il finit par conclure que c'était en effet similaire. “Ouais, je suppose. Mais c'était différent parce que c'était avec toi, et que mon truc ne devenait pas dur,” conclut-il, rougissant de nouveau après qu'il ait réalisé qu'il venait tout juste d'admettre que son pénis durcissait. Pour une obscure raison cela semblait être un secret terriblement scandaleux, et il était terrifié à l'idée que la même chose n'arrive pas à Bill. Peut-être qu'il était un monstre, mais s'il était un monstre alors Bill en était probablement un aussi. Ils étaient jumeaux après tout. Au moins pourraient-ils être des monstres ensemble.
“Le tien aussi fait ça ?” demanda Bill, l'air à la fois étonné et soulagé.
“Tout le temps ! Mais ça ne devient vraiment dur que quand je le touche,” admit Tom, au moins aussi soulagé. Il espérait que ce qui leur arrivait était normal, mais même si ça ne leur arrivait qu'à eux deux il était content de ne pas être seul face au problème.
“Le mien l'est en ce moment,” confessa Bill, son murmure presque inaudible.
“Est quoi ?” demanda Tom, ne suivant pas.
“Est dur,” dit Bill, se tortillant un peu.
La confession de Bill couplée au tortillement contre l'entrejambe de Tom engendra instantanément le même problème chez lui. “Désolé,” murmura Tom, se dégageant un petit peu quand Bill haleta en sentant soudainement quelque chose contre le bas de son dos. Tom ne comprenait même pas pourquoi c'était arrivé, mais ça semblait vraiment être assez aléatoire. Parfois il suffisait d'un simple souffle et il était dur.
A l'étonnement le plus total de Tom, Bill ne lui permit pas de s'éloigner. Il suivit son mouvement, se recollant contre lui et se tortillant tout près. Bill lui-même n'était pas sur de ce qu'il faisait, mais c'était bon. “Tu es dur aussi,” dit Bill, étonné, tandis qu'il continuait de se tortiller. Il mourait d'envie de se toucher de nouveau. D'avoir été interrompu était probablement la chose la plus frustrante qui ne lui soit jamais arrivé de sa vie entière.
La prise de Tom sur Bill s'affermit soudainement et un petit gémissement passa ses lèvres. Les tortillements de Bill étaient encore meilleurs que quand il se touchait lui-même et des milliers de fois mieux que cela ne l'avait été quand ils jouaient à leurs jeux secrets, plus jeunes. Sans même penser à ce qu'il était en train de faire, Tom fit glisser une de ses mains le long du torse de Bill, dépassant son ventre, descendant jusqu'à la source des contorsions de Bill.
La respiration de Bill se prit dans sa gorge tandis que le bout des doigts de Tom caressait le bout de son sexe. “Oh mon Dieu,” balbutia-t-il, se pressant plus fort contre Tom et se cambrant. Supposant que Bill aimerait ce que lui aimait, Tom enroula sa main autour du pénis de son frère et commença à le masturber en des caresses lentes et régulières, tout comme il se le faisait sous la douche. “Tomi,” gémit Bill tandis qu'il se contorsionnait contre son frère, sentant l'érection de Tom se presser contre ses fesses.
Bill voulait lui aussi toucher Tom. Il voulait le faire se sentir aussi bien que lui. Toujours haletant et en se tortillant dans les bras de son frère, Bill tendit la main en arrière et tira sur le boxer de Tom jusqu'à ce qu'il glisse. Du fait de leurs contorsions et de la position dans laquelle ils étaient, Bill ne pouvait toucher le tissu que du bout des doigts, mais c'était suffisant. Une fois le boxer descendu le sexe de Tom frotta alors directement contre les fesses dénudées de Bill et Tom devait se mordre la lèvre pour ne pas faire de bruit.
“Tomi Tomi Tomi Tomi Tomi Tomi,” chantait Bill en un doux murmure. C'était bon quand il se touchait lui-même, mais ça n'avait jamais été comme ça auparavant. Tom semblait savoir ce qu'il faisait encore mieux que lui. Les jumeaux se frottaient l'un contre l'autre tout comme ils le faisaient lors de leurs jeux quand ils étaient plus jeunes, mais maintenant il y avait en plus un élément de passion et de besoin. Même s'ils ne s'embrassaient pas, l'intimité était encore présente et les lèvres de Tom avaient trouvé leur chemin dans la nuque de Bill. Une légère pellicule de sueur apparut sur leurs corps et ils commencèrent à trembler. Tous deux pouvaient “le” sentir grandir en eux, même si aucun n'avait la moindre idée de ce qu'était “le”.
Cela les frappa comme la foudre l'aurait fait, faisant couiner Bill et gronder Tom. Ils s'étaient frénétiquement frottés l'un contre l'autre, mais quand cela s'abattit sur eux tous deux se figèrent complètement, excepté les tremblements et les frissons incontrôlés de leurs corps. Quand cela fut passé cela laissa les jumeaux allongés là, assommés, collants de sueur, et haletant doucement pour reprendre leur souffle. Ils étaient confus et légèrement effrayés par l'intensité de ce qui venait de se produire, mais en même temps ils étaient heureux et ne voulaient pas gâcher le moment en parlant. Bill et Tom s'endormirent rapidement dans les bras l'un de l'autre, se sentant plus détendus et satisfaits qu'ils ne pouvaient se rappeler l'avoir jamais été.
~**~
Le lendemain matin les jumeaux arrivèrent à la table du petit déjeuner ensemble, mais souriants et discutant joyeusement. Simone les scruta d'un air suspicieux. Elle ne dit rien, mais les observa avec curiosité durant tout le petit déjeuner.
“Maman, Bill et moi on va chez Andreas aujourd'hui, c'est d'accord ?” demanda Tom, bien qu'il sache que sa mère ne refuserait pas. Elle ne leur disait jamais non quand il s'agissait de sociabiliser avec les autres enfants, surtout Andreas.
Simone se tordit nerveusement les mains, incertaine quant au fait qu'elle soit ou non en train de faire ce qu'il fallait. “En fait... Vous avez un rendez-vous avec le docteur Engle aujourd'hui. Soyez prêts à partir dans une demi-heure. Je vais aller me maquiller. Dépêchez-vous de finir votre petit déjeuner,” dit rapidement Simone, se retirant de la pièce avant d'avoir à faire face aux protestations des jumeaux. Ce n'était jamais facile de les amener à se rendre chez le docteur Engle de leur plein gré.
Les jumeaux se fixèrent l'un l'autre, horrifiés. Le sang se retira de leurs visages et une horrible sensation d'effroi s'enroula dans leurs ventres. Ils n'avaient pas vu le docteur Engle depuis un très long moment. Pas depuis qu'ils avaient réussi à convaincre tout le monde qu'ils ne se touchaient plus l'un l'autre. Les larmes montèrent aux yeux de Bill et Tom agrippa le bord de la table jusqu'à ce que ses jointures blanchissent.
“Elle sait,” gémit Bill. “Oh mon Dieu, elle sait.”
FIN CHAPITRE 9