Chapitre 25. Transfert
La reproduction d'émotions liées à des expériences réprimées, notamment durant l'enfance, et la substitution d'une autre personne à l'objet original de l'impulsion réprimée
“Je... umm...” bafouilla Tom tandis qu'il fixait l'homme qui se tenait dans l'embrasure de la porte. Il était étrangement familier, mais ce n'était pas la personne qu'il était venu voir. Les cheveux couleur noisette étaient presque les même, mais juste un peu plus longs, et il y manquait les mèches argentées qui auraient dû s'y trouver. Les lunettes à monture fine auxquelles Tom était habitué manquaient elles aussi. Il y avait de petites différences ça et là ; un nez légèrement plus petit, des lèvres plus pleines, des yeux plus sombres… Juste assez de différences pour laisser Tom complètement confus.
“Tu cherches Alan,” supposa l'homme avec un sourire chaleureux.
“Oui,” fut tout ce que Tom parvint à dire. C'était surréaliste. Il fixait le double d'Alan et n'arrivait pas à mettre ses idées au clair. On aurait pu croire que quelqu'un qui avait un jumeau aurait plus de facilités à comprendre ce genre de choses, mais durant leur dix ans de thérapie avec Alan, jamais celui-ci n'avait mentionné un quelconque jumeau.
“Il a été appelé pour une séance en urgence. Je suis Charlie, au fait. Est-ce que tu veux entrer avant que les paparazzis qui doivent sans aucun doute te suivre ne parviennent à te rattraper et ne volent quelques clichés ?” offrit-il, faisant un pas en arrière tout en maintenant la porte grande ouverte.
Tom hocha la tête avec hésitation et entra. Une fois à l'intérieur, il découvrit que l'extérieur banal de la maison n'était qu'une façade. L'intérieur ressemblait beaucoup plus à l'endroit qu'il avait construit dans sa tête lorsqu'il avait imaginé où Alan vivait. C'était chaleureux, rempli, et vous faisait tout autant vous sentir chez vous que l'avait toujours fait le petit bureau familier. De belles photographies couvraient chaque mur, et toute la surface disponible était emplie de photos encadrées. Beaucoup d'entre elles représentaient des paysages et des lieux connus du monde entier, mais elles se mélangeaient à des photos du médecin qu'il connaissait posant debout aux côtés de l'homme qu'il venait juste de rencontrer.
“Entre, la cuisine est par ici. On dirait que tu as bien besoin d'une bonne tasse de café,” dit Charlie, semblant tout aussi chaleureux et gentil que l'autre homme que Tom connaissait.
Si Tom avait bénéficié de toutes ses capacités il aurait déjà réalisé qui était Charlie, mais il y avait tant de choses qui pesaient sur son esprit que les rouages en étaient ralentis en ce moment. Tom se contenta de suivre l'étranger au travers de la maison, observant tout sans rien dire jusqu'à ce qu'ils soient tous deux assis à la table de la cuisine, une tasse de café à la main.
“Je... je veux pas m'imposer ou quoi que ce soit,” dit Tom avec nervosité, pas sûr de savoir s'il devrait être là.
“Si tu es ici, c'est sans doute parce que tu as une bonne raison,” lui assura Charlie tandis qu'il versait bien trop de sucre dans son café et complétait sa tasse à ras bord avec du lait, si bien que c'était plus du lait au café que l'inverse. “Cependant je dois bien avouer que tu es le premier à te montrer directement à la porte. Alan ne donne pas notre adresse personnelle. Parfois ses patients peuvent faire des choses assez folles. Mais bon, je ne pense pas que ce soit pour ça que tu es ici.”
“Les numéros qu'il m'avait donnés ne marchent plus. J'ai appelé le secrétariat mais on ne m'a pas laissé parler à Alan sans donner mon nom ou sans que j'aie pris rendez-vous,” expliqua Tom. Il but une gorgée de son café et se demanda comment Charlie savait qu'il était un patient. C'était assez évident qu'il devait savoir qui il était à cause de toute cette publicité que lui faisaient les journaux, mais il semblait aussi savoir qu'Alan avait été son médecin.
Charlie secoua la tête et soupira. “Je lui avais bien dit qu'il aurait dû essayer de vous contacter en premier. On a été obligés de changer de numéro. Il y a eu un problème avec l'un de ses patients. C'était à propos d'un divorce où le partage de la garde tournait au pugilat, et le père de l'enfant n'était pas du tout satisfait du témoignage qu'Alan a fait durant le procès. C'est un miracle qu'il n'ait pas découvert où nous vivons, mais je suppose qu'il ne jouit pas des ressources et des contacts auxquels tu as accès,” dit-il avec un petit sourire.
“Attendez... Vous lui avez dit de nous contacter ? Vous savez, pour nous ?” dit Tom en haussant la voix. Il s'étouffa presque avec son café quand il réalisa que cet étranger en savait bien plus qu'il ne l'avait pensé au premier abord. Tom ne put s'empêcher de se sentir trahi. Tout était supposé être totalement confidentiel.
Charlie baissa les yeux dans son café, se sentant un peu coupable. Il n'était pas censé savoir, et il n'aurait vraiment pas dû laisser savoir à Tom qu'il savait. “Alan n'a jamais eu l'intention de violer votre confidentialité, et jamais il n'aurait soufflé un mot de ses séances à quiconque à part moi. C'est juste que cela devient parfois très difficile pour les thérapeutes de garder tout ce qu'il peut se passer en séance pour eux, surtout quand ils se sentent tiraillés à propos de certains patients. Beaucoup d'entre eux finissent par s'ouvrir à leur moitié… ou à quelque de vraiment proche. Il y a plusieurs années, il m'a rapporté une décision qu'il avait prise, et à propos de laquelle il se sentait complètement tiraillé. Il avait choisi de garder le secret de deux jumeaux qu'il suivait depuis des années, et il mettait sa carrière en jeu en le faisant. Alan se sentait toujours tiraillé lors de ces séances-là, et il m'en parlait parfois. Il avait besoin que je lui dise qu'il avait pris la bonne décision… Je pense que j'en ai juste déduis que c'était vous de mon côté.”
“Vous... Vous savez ?” Tom déglutit avec difficulté et reposa sa tasse, ayant l'impression qu'il devrait peut-être partir. Il avait du mal à absorber tout ce que Charlie venait de lui dire. Il avait toujours compris que quelque part Alan n'aurait techniquement pas dû garder leur secret, mais il n'avait jamais réalisé à quel point il se sentait tiraillé par cette décision.
“Alan met toujours un très grand soin à protéger l'identité de ses patients, mais il n'y a pas grand-chose qu'il ne me dit pas. Je suis sûr que pour Bill et toi c'est la même chose,” répondit Charlie. Il prit une nouvelle gorgée de son café dilué et regarda l'adolescent avec nervosité, se demandant s'il ne venait pas de faire une grande erreur en avouant cela. Il n'avait jamais parlé à l'un des patients d'Alan auparavant, et il n'était pas vraiment sûr de savoir ce qu'il était en train de faire. De toutes façons, Alan avait toujours été le meilleur quand il s'agissait de s'adresser à des enfants ou à des ados.
“Vous êtes son jumeau...” murmura Tom. La compréhension le frappa soudain. Un simple coup d'œil à Charlie aurait du le renseigner, mais ces derniers temps Tom avait besoin que tout lui soit décortiqué. C'était difficile de fonctionner correctement quand lui et Bill étaient déconnectés à ce point. Il s'y habituait très lentement, apprenant à survivre malgré la déconnexion et les parasites, mais Tom n'était plus aussi vif qu'il ne l'avait été.
Charlie hocha la tête avec un léger sourire. “Plus jeune de quinze minutes, et contrairement à toi et Bill nous ne sommes pas de vrais jumeaux, mais tu l'as sans doute déjà remarqué. Je suis beaucoup plus beau qu'Alan,” plaisanta-t-il, espérant alléger l'atmosphère.
“Il n'avait jamais rien dit à propos d'un jumeau,” dit Tom, toujours sous le choc.
“Alan essaye de séparer sa vie personnelle et son métier. Je ne pense pas qu'il ait vraiment réussi avec toi et Bill, même s'il ne vous a jamais parlé de moi,” dit Charlie. Il but une nouvelle gorgée de son café puis le repoussa. Il était déjà froid, mais c'était plutôt normal quand on y rajoutait une demi-tasse de lait.
“Qu'est-ce que vous voulez dire ?” demanda Tom.
“Je suppose que ce n'est que justice si je te raconte, étant donné que je sais des choses sur vous que je ne devrais sans doute pas savoir,” soupira Charlie. Il n'était pas psychiatre, comme Alan aimait régulièrement le lui faire remarquer, mais Charlie savait lire les gens tout aussi bien qu'Alan. L'adolescent assis face à lui était de toute évidence dans la souffrance, et d'après ce que Charlie avait vu dans les journaux à propos de la tension dans le groupe, il ne pouvait que deviner pourquoi. Il y avait même un magazine où il y avait des photos des jumeaux qui entraient, supposément incognito, dans les locaux où le si célèbre docteur Amsel avait son cabinet. Les journaux spéculaient quant à de la dépendance à l'alcool ou aux drogues, mais Alan se doutait de la vérité.
“Me raconter quoi ?” demanda Tom, complètement confus.
“L'histoire qui se cache derrière la raison pour laquelle Alan s'inquiète pour vous plus qu'un médecin normal ne le devrait pour l'un de ses patients,” répondit Charlie.
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Trois valises marron attendaient dans l'allée qu'on les hisse dans la voiture, pour y être rejointes par leur propriétaire, malgré lui. En haut des escaliers, deux garçons étaient assis sur le lit de la chambre nouvellement dépouillée. Il ne restait plus dans la chambre qu'un lit nu et une bibliothèque vide. Tout le reste avait été mis dans les valises ou dans des cartons placés dans un placard. Erich et Margot Engle avaient clairement signifié que ce n'était plus la chambre d'Alan. Il n'était plus le bienvenu, ni dans leur maison, ni dans leur famille.
“Al, s'il te plaît ?” gémit Charlie, cherchant la main de son frère.
“Non, Charlie... Je peux pas,” chuchota Alan, se détournant et laissant ses yeux fixés sur la bibliothèque vide.
“Juste une fois. Une dernière fois,” supplia Charlie.
“Je peux pas, Charlie. Plus jamais. C'est mal. C'est à cause de ça qu'ils me chassent. Ca te fait du mal,” murmura Alan. Il l'avait entendu suffisamment de fois pour le croire à présent, même si Charlie disait autre chose.
“Tu ne m'as jamais fait de mal,” pleura Charlie, incapable de retenir les larmes qui avaient menacé de se rependre pendant toute la journée.
“Peut-être que si mais que tu ne le sais pas. Tu le réaliseras quand je serai parti et que tu n'auras plus à subir mon lavage de cerveau. C'est ce qu'ils n'arrêtent pas de dire, en tous cas,” répondit Alan, se détournant un peu plus pour ne pas voir les larmes de son frère.
“Mais tu vas revenir, pas vrai ? C'est juste pour l'année scolaire.” Charlie renifla, frottant son visage avec sa manche.
“C'est un pensionnat, Charlie. J'y resterai tout le temps.” Alan baissa la tête. Il ne savait pas quand il reverrait son frère, mais peut-être que c'était mieux comme ça. Peut-être qu'alors Charlie serait remis de la blessure qu'il était censé lui avoir infligée sans le vouloir.
“Et pour Noël ? Il faut qu'il te laissent rentrer pour Noël !” Le cadet des jumeaux était frénétique, au bord de la panique. Il se pencha vers Alan, saisissant la main qui l'avait toujours réconforté et avait toujours éloigné ses inquiétudes.
Alan serra très légèrement la main de son frère et cligna des yeux pour repousser ses larmes. Il regarda par la fenêtre et vit son père jeter sans ménagement ses valises dans le coffre de la voiture. Alan se retourna vers Charlie, sachant qu'il ne leur restait plus beaucoup de temps. “Je suis désolé,” chuchota-t-il, levant la main pour essuyer les larmes de son frère. Charlie se pencha dans la caresse, essayant de voler le baiser d'au revoir qu'il lui avait supplié de lui donner. Alan tourna la tête, laissant ses lèvres effleurer la joue de son jumeau en un doux baiser ; en un baiser fraternel. “Il faut que j'y aille,” chuchota-t-il, libérant sa main de la prise de Charlie tandis qu'il se levait, et il sortit de la chambre sans un regard en arrière.
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“Mais vous avez pu le voir pendant les vacances, pas vrai ?” demanda Tom après avoir écouté Charlie raconter comment Alan avait été chassé pour avoir 'abusé' de son jumeau.
Charlie soupira et se leva pour vider son café devenu froid. “Après la première année ils l'ont laissé revenir pendant les vacances. A ce moment-là ils avaient estimé que nous étions tous les deux 'guéris' et qu'il n'y avait pas de risque à nous laisser ensemble si on était surveillés. C'était encore pire que de ne pas le voir du tout.” répondit-il.
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“Al !” couina Charlie lorsque la porte qu'il avait surveillée tout l'après-midi finit enfin par s'ouvrir. L'espoir de Charlie se fana un instant lorsqu'Eric passa la porte et jeta un regard de désapprobation à son plus jeune fils. L'homme, assez grand, se décala, et un garçon maigre apparut derrière lui. Charlie laissa échapper un autre couinement et se précipita vers son frère. Alan garda ses mains enfoncées dans ses poches et son regard fixé au sol tandis que son jumeau le serrait fort dans ses bras.
Charlie se recula suffisamment pour pouvoir regarder son frère, perturbé et blessé par son manque d'affection. Ils ne s'étaient pas vus depuis un an mais Alan n'avait pas du tout l'air intéressé par lui. “Al, qu'est-ce qui ne va pas ?” chuchota Charlie. Il savait que les choses avaient changé et que leur séparation rendait les choses différentes, mais jamais il ne se serait attendu à ce qu'Alan se montre si distant. “Al ?” murmura-t-il de nouveau, sentant poindre le picotement des larmes dans ses yeux.
Alan regarda son frère et ôta ses mains de ses poches. Au moment où il s'apprêtait à les enrouler autour de son frère pour lui rendre son étreinte, il entendit Erich s'éclaircir la gorge. La tête d'Alan se tourna rapidement et avec nervosité vers son père et il vit son expression coléreuse. Ses mains, qui avaient été sur le point de prendre Charlie dans ses bras, le repoussèrent à la place. “Désolé,” dit doucement Alan, se détournant et suivant son père à l'étage vers la chambre qui n'était plus vraiment la sienne.
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“Je comprends pas. Pourquoi il était en colère contre vous ?” demanda Tom.
“Il n'était pas en colère. Il avait peur,” essaya de lui expliquer Charlie. Raconter cette histoire le secouait un peu plus que ce à quoi il s'était attendu. Tout cela s'était produit bien des années auparavant, mais la douleur restait vive alors qu'il se souvenait.
“Peur de quoi ? Ils vous avaient vraiment séparés. C'est pas comme s'ils pouvaient vous faire quelque chose de pire,” dit Tom. A ses yeux, la seule chose pire que la séparation était la mort.
Charlie prit une gorgée de son nouveau café, lui aussi sur-sucré, et secoua la tête. “Il n'avait pas peur de ce qu'ils pourraient lui faire. Il avait peur de ce qu'il pourrait me faire,” expliqua-t-il. L'expression de compréhension sur le visage de Tom indiqua à Charlie que Tom savait ce qu'il voulait dire un petit peu trop bien.
“Le psychiatre qu'Alan a dû aller voir croyait beaucoup aux vieilles théories de psychanalyse. Tu sais, le complexe d'Œdipe, les étapes psycho-sexuelles, l'homosexualité comme maladie mentale et toutes ces conneries. Il a fait un lavage de cerveau à Alan et lui a mis toute cette merde dans la tête, et l'a convaincu qu'il me faisait du mal lorsqu'il me montrait la moindre petite preuve d'affection.” Charlie leva les yeux et vit l'expression légèrement confuse du visage de Tom. Parfois il oubliait que tout le monde n'était pas familier de la terminologie psychologique qu'il avait l'habitude d'entendre à longueur de journée.
“On dirait quelqu'un que je connais.” Tom ne comprenait pas vraiment tout le blabla psychanalytique, mais il devinait que le médecin qu'Alan avait vu devait probablement beaucoup ressembler au charlatan que Bill et lui étaient obligés d'aller voir.
“Le docteur Amsel,” ajouta Charlie avec un regard plein de compassion.
“Comment vous savez ?” demanda Tom, horrifié.
“J'ai vu les magazines où il y a des photos où toi et Bill entrez dans le bâtiment où Amsel travaille, mais je pense que j'aurai pu deviner de toutes façons. Tu as l'air de quelqu'un à qui on fait subir toutes ses conneries,” dit Charlie, faisant la même grimace dégoûtée que quand il estimait que son café avait besoin de plus de sucre.
“Comment ça se fait que vous en sachiez autant à propos de lui ?”
“Lui et Alan ont déjà été plusieurs fois en conflit durant des séminaires de psychiatrie. En fait ils sont dans des 'équipes' de psychologie qui sont opposées. Ils croient en des perspectives théoriques complètement différentes, et étant donné qu'ils sont tous les deux des références dans le domaine, ils se prennent régulièrement la tête là-dessus. Alan était furieux quand je lui ai montré le journal où on vous voyait entrer tous les deux dans le bâtiment d'Amsel.”
Tom secoua la tête et se pencha en arrière pour soulager la tension dans son cou. Tout ce que Charlie lui disait semblait tellement incroyable. Quelle était la probabilité que lui et Bill aient un psychiatre qui avait lui-même eu une relation avec son jumeau ? L'esprit de Tom dériva puis se fixa sur un point particulier. “Si Alan a eu un psychiatre tellement horrible, alors pourquoi est-ce qu'il a voulu en devenir un, et pourquoi est-ce qu'il a travaillé avec Bill et moi?” demanda Tom, relançant la conversation.
“Alan s'est intéressée à la psychologie et à la psychiatrie à cause de sa mauvaise expérience. Il a pris des cours de psycho à l'université et quand il a découvert qu'il y avait d'autres théories que celles qu'on lui avait imposées en thérapie, il a commencé à lire tout sur ce quoi il mettait la main. Et quant à pourquoi il travaillait avec vous, et bien Alan a toujours eu une fascination envers le lien qui unit deux jumeaux. La plupart de ses travaux de recherche à l'université portaient sur 'la connexion gémellaire'. Il a toujours cherché des jumeaux qui auraient le même lien que celui que nous avions. Je suppose que c'est pour ça qu'il a été autant intéressé par votre cas au départ. Mais je doute qu'il ait jamais soupçonné que Bill et toi auriez une relation comme la nôtre tout comme vous aviez le même lien que le nôtre.”
“Je suppose que je comprends.” Tom hocha la tête et il lui apparu que Charlie ne lui avait pas expliqué comment ils étaient retournés ensemble. “Et donc, est-ce qu'Alan et vous avez emménagé ensemble après qu'il soit sorti de pension ?” demanda Tom avec curiosité. Il avait supposé que dès qu'ils n'avaient plus eu à supporter les restrictions que leurs parents leur imposaient ils auraient repris là où ils s'étaient arrêtés.
Charlie ne put s'empêcher de ricaner à la supposition extrêmement naïve de Tom. “On avait vingt-deux ans la première fois où on s'est réadressé la parole,” répondit-il.
“Vingt-deux ans ? Mais vous avez dit que vous aviez treize ans quand Alan a été envoyé en pension ! Ca fait presque dix ans ! Vous avez été séparés pendant neuf années entières ?!” Tom avait l'air positivement terrifié. Il ne pourrait pas supporter de rester éloigné de Bill pendant neuf ans. Neuf ans semblaient être une éternité.
Charlie haussa les épaules, essayant de ne pas laisser son amertume quant au temps perdu le reprendre. “Tu ne peux pas t'attendre à ce que les choses s'arrangent d'elles-mêmes quand personne n'a la volonté de prendre le risque d'en parler. Alan était terrifié à l'idée de me blesser, et après qu'il m'ait rejeté plusieurs fois pendant ses visites durant les vacances, j'ai supposé qu'il ne m'aimait plus. Nous avons continué vos vies comme nous le pouvions. Nous sommes allés dans des universités différentes, allions voir nos parents séparément, avons planifié nos vies chacun de notre côté… Nous n'avons recommencé à nous parler que lorsqu'Alan s'est fiancé.”
“S'est fiancé ?” haleta Tom. Il commença à se demander si ses suppositions quant à la manière dont les choses se passaient n'étaient pas fausses. Quand Charlie avait commencé son histoire il avait automatiquement déduit qu'ils étaient ensemble à présent. Après tout, il semblait bien que Charlie et Alan vivent ensemble.
Charlie hocha la tête. “Il m'a appelé parce qu'il avait beaucoup réfléchi et avait conclu qu'il lui fallait faire la paix avec moi avant de pouvoir commencer sa nouvelle vie avec Annika. Même après quatre ans d'études à l'université en psychologie, il ne s'était toujours pas débarrassé de son lavage de cerveau, et il était toujours persuadé de m'avoir fait du mal. Il m'appelait pour s'excuser.”
Tom était pratiquement au bord de son siège, désireux de savoir comment tout s'était passé. Il ne connaissait pas cette Annika, mais il espérait qu'elle ne faisait plus partie du tableau. “Alors, qu'est-ce qu'il s'est passé ?” demanda-t-il anxieusement.
Charlie haussa de nouveau les épaules. “On a parlé pendant un long moment et avons commencé à nous voir de temps à autres pour aller prendre un café. On a commencé à lentement réparer notre relation. Alan s'est marié.”
Tom avait bu ses paroles et s'était senti un petit peu mieux au moment jusqu'à ce que Charlie ne dise qu'Alan s'était marié. “Quoi ?” haleta-t-il.
Charlie hocha la tête, un sourire peiné aux lèvres. “J'étais témoin à leur mariage.”
“Comment avez-vous pu le laisser faire ça ?” demanda Tom. Même si Bill et lui restaient séparés comme ils l'étaient maintenant, il ne pouvait pas imaginer épouser quelqu'un ou laisser Bill se marier sans rien faire. C'était Bill ou personne, mais peut-être était-ce parce qu'ils n'avaient pas été séparés aussi longtemps que Charlie et Alan.
“Nous essayions d'être normaux, Tom. Nous essayions d'avoir les vies normales que tout le monde voulait que nous ayons. Je ne pouvais pas interférer avec ça, quelque soit le point auquel ça me faisait mal de le voir descendre l'allée à son bras,” soupira Charlie.
“Mais... Je croyais...” Tom ne savait même plus quoi dire.
“Alan et moi sommes restés amis et j'essayais de le soutenir, mais de toutes façons les choses ont mal tourné avec Annika. Ils ont divorcé deux ans après leur mariage et Alan est venu me voir, bourré, me hurlant que c'était de ma faute. Il a vomi sur mes chaussures préférées,” se souvint Charlie, fronçant légèrement les sourcils.
“Et ensuite ?” demanda Tom, de nouveau penché vers le bord de sa chaise avec anticipation.
Charlie sourit légèrement. “Quand il a décuvé nous avons beaucoup parlé et je l'ai forcé à m'acheter de nouvelles chaussures.”
“Je me moque de vos chaussures ! Je veux savoir ce qu'il s'est passé entre vous et Alan. Est-ce que vous êtes… Je veux dire...” Tom s'interrompit, pas sûr de savoir comment demander.
“Ca a pris beaucoup, beaucoup de temps, et nous avons dû beaucoup parler. Tu ne peux pas reprendre une relation là où elle avait été laissée après plus de dix ans de séparation. Nous avons repris les choses de façon adulte, ce qui était très différent de l'innocent tâtonnement que nous avions pratiqué enfants. C'était plus difficile. Nous savions très exactement le genre de risques que nous prenions et à quel point ça allait être difficile,” expliqua Charlie.
“Mais vous êtes ensemble ?” demanda Tom.
“Depuis vingt-cinq ans maintenant,” dit Charlie avec un sourire.
Tom soupira de soulagement, ayant enfin l'impression qu'il y avait de l'espoir.
Charlie leva les yeux au son d'une sonnerie de portable extrêmement bruyante. “Juste une seconde. Il faut que je décroche,” dit-il, sortant rapidement de la pièce pour aller chercher son téléphone.
“Allô ?” entendit Tom dire Charlie depuis la pièce adjacente.
Charlie fit les cent pas dans le salon, souriant tandis qu'il plaçait le téléphone contre son oreille. “Une surprise ? Vraiment ? C'est intéressant… Moi aussi j'ai une surprise pour toi,” dit-il, l'air très amusé. Charlie avait déjà deviné quelle était la surprise.
“Non, je te le dirai pas. Tu verras quand tu rentreras. Tu amènes ta surprise à la maison, pas vrai ?” demanda Charlie.
Le sourire de Charlie s'élargit à la réponse. “Okay, à tout à l'heure alors. Je t'aime.”
Tom leva des yeux confus vers Charlie quand celui-ci regagna la cuisine. “De quoi vous parliez ?” demanda-t-il.
“Oh, de rien. Donc, où en étions-nous ?”
FIN CHAPITRE 25