C h a p i t r e 1



(Ellipse du lendemain matin)


Il est déjà presque midi et pourtant la chambre du jeune androgyne reste désespérément silencieuse. Le jour s'est levé depuis maintenant plusieurs heures, réveillant avec lui un soleil d'aout brulant et bien décidé à sortir un certain paresseux des bras de Morphée...

(...)

Bill se tortille dans son lit, s'emmêlant dans ses draps tel un petit enfant noyé sous une avalanche de tissu trop grand pour lui. Allongé sur un simple matelas posé au sol, il enfouit sa tête dans son oreiller et tente d'éviter les rayons brulants qui tapent contre ses fines paupières closes. Il a chaud, le drap qui recouvre négligemment son corps est humide de transpiration. D'un coup brusque et désinvolte il dégage la couverture qui part s'échouer sur son bureau, renversant par la même occasion la pile de cahiers de vacances, encore incontestablement vierges. Il reste quelques instants dans cette même position avant de se retourner sur le dos, exposant ainsi son frêle torse nu au soleil qui brille de mille feux derrière son velux. Puis tout son corps se move avec délicatesse, son dos se courbe et se décolle du lit, il étire ses muscles douloureux et ankylosés par la nuit avant de retomber comme une masse sur le matelas.

POV BILL

J'essaye d'entre-ouvrir les yeux, mais la lumière qui traverse la vitre agresse mes pupilles encore pleines de sommeil.
Pfff.. Pourquoi faut-il toujours que je me réveille pile au moment où mon rêve devient intéressant ? Je prends mon courage à deux mains et saute du matelas. Voilà qui est fait. Bon et maintenant ? Vous savez les vacances c'est vraiment le pied, le problème c'est que j'ai tellement rien à faire que ça en devient presque barbant. Evidemment je n'irais pas jusqu'à dire que le lycée me manque, ce jour là je pense qu'on devra sérieusement commencer à s'inquiéter pour ma santé mental, mais ça fait maintenant presque deux mois que j'ai hiberné dans cette chambre, je me lève tard, je mange des clémentines, je fais une sieste, je dessine, j'écoute de la musique, je pense, je remange des clémentines, je surf sur le net pour rechercher des news sur mon groupe préféré, je dessine, je me couche tard... J'ai l'impression d'être un vieux retraité gâteux sans un poil sur le caillou avec ses petites habitudes de vieux retraité gâteux sans un poil sur le caillou O_o Je m'égare... Enfin bref, je sors de mes pensées très philosophiques et file à la salle de bain. J'enlève mon boxer, m'apprête à entrer sous la douche mais ne peux pas m'empêcher de jeter un coup œil furtif au miroir. Je ne suis vraiment pas musclé. Ca ne m'étonne pas qu'on me prenne pour une fille, je ne me trouve absolument pas attirant. Les filles aiment les mecs viriles, musclés et sûr d'eux, des mecs pleins d'assurance, qui sont amis avec tout le monde et qui trouvent toujours un truc drôle à dire pour faire rire, des mecs qui contrairement à moi ne se prennent pas la tête sans arrêt, des mecs qui ne considèrent pas leur mère comme leur meilleure et unique amie... Quel est le mot déjà... à oui ! : Pathétique.

POV BILL

Après une longue et minutieuse observation de son reflet, Bill fini par entrer dans la cabine de douche. Ce matin il a tout son temps pour se laver, comme tout les autres jours d'ailleurs ; personne ne l'attend je ne sais où pour faire je ne sais quoi, il n'a rien prévu dans son emploie du temps, il est libre de faire tout ce qu'il veut, même le téléphone ne risque pas de sonner. Il est libre, indépendant et sans personne pour venir l'emmerder, lui demander de sortir ou l'appeler au téléphone pour discuter pendant des heures de choses futiles. Quelle chance...

Il bascule sa tête en arrière, se laisse caresser par l'eau fraiche qui coule le long de son visage, parsemant sa peau de doux frissons.

Il ne se plein pas de sa situation. Il a fini par accepter sa solitude, il est ce qu'il est et il n'y peut rien. Il essaye de compenser ce manque de contact en dessinant ou en jouant du piano, ses deux grandes passions. Après tout si les gens ne l'acceptent pas tel qu'il est pourquoi allez cherchez plus loin ?

Tout en lavant ses longs cheveux noirs il pense à sa vie... C'est décidé. Cette année il ne cherchera pas à s'approcher des autres élèves, il ne veut plus courir après l'attention et la sympathie des gens comme un chien.

Bill ferme doucement les yeux. Le bruit de l'eau qui tombe en cascade sur le carrelage de la douche résonne dans toute la pièce, créant un doux bourdonnement régulier.

Au lycée Bill est transparent et on ne le voit pas. C'est un fait. Seulement il a trop longtemps souffert de cette situation, c'est pourquoi à cet instant, dans la tête de Bill tout est clair: il n'en peu tout simplement plus. Alors il décide, là, maintenant, dans cette douche, de couper dés à présent lui-même le contact avec les autres. Désormais si il est seul ce sera parce qu'il l'aura choisit, il ne veut plus être victime de cette solitude qui l'a fait tant pleurer ces dernières années. Il mettra de côté ses émotions, cachera ses sentiments, enfermera à double tour ses envie de tendresse, cette envie maladive d'amour et de douceur car elles ne font qu'aggraver son cas. Pourquoi s'obstiner à rêver de quelque chose qui n'arrivera jamais ? Rien n'est pire que ses désillusions. Cela fait maintenant plus de 4 ans qu'il rêve. Pourtant pas de quelque chose d'extraordinaire, juste, avoir quelqu'un à ses côté, une personne qui l'apprécie pour ce qu'il est, même si il n'est pas très musclé, pas très sûr de lui, pas très stylé, pas très masculin...

L'eau qui parcoure chaque parcelle de son corps est maintenant brulante et un énorme nuage de vapeur s'est formé dans la pièce.
Sa décision est prise. Il restera le Bill naturel à l'intérieur de ces murs qu'il connait tant, mais se fabriquera une carapace aussi épaisse que l'indifférence qu'on lui porte lorsqu'il passera le seuil de sa porte.

Il rouvre les yeux, éteint l'eau et sort de la cabine. Ses cheveux collent à son visage et l'eau dégouline le long de son torse imberbe. Mécaniquement il ferme le verrou de la salle de bain, entre dans sa chambre, toujours nu, et s'arrête devant son bureau. Elle est là. Sa petite trousse en cuire noir qu'il trouve tellement jolie. Il la prend, retourne s'assoir sur son matelas et l'ouvre. A l'intérieur se trouve sa meilleure amie. Du moins se serai logique compte tenu du fait qu'elle est là pour lui dès qu'il à besoin d'elle, à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. Depuis qu'il la connait, cet à dire un an environs, elle lui est toujours restée fidèle, elle l'aide à oublier le vide et ne le contredis jamais. Si cette description est l'exemple même de ce qu'est une amie, alors oui elle l'est.

Il sort la lame de rasoir, attrape un paquet de mouchoir qui traine au pied de son matelas et la pose sur sa peau. Au niveau de son poignet gauche on peut voir des cicatrices. De fines traces rouges qui recouvrent sa fine peau blanche. Il s'en veut de faire ça car il sait que si sa mère l'apprenait elle tomberait de haut. Il ne faut surtout pas qu'elle l'apprenne, elle penserait qu'elle est responsable du mal être de son fils et serai rongée par la culpabilité et le sentiment d'avoir échoué dans son rôle de mère. Oui, Bill la connait par cœur. Il est très proche de sa mère mais elle-même ne se rend pas compte qu'elle reste le dernier pilier qui empêche son fils de s'écrouler.

Bill prend la lame entre ses doigts et l'appuie contre sa peau. Il ne le fait pas souvent. Il n'aime pas se couper. N'allez pas croire que lorsque le sang commence à couler il se sent libéré ou planer. Nan. Ca c'est ce qu'on entend dans les films. Conneries. Voir sa chair se fendre lui donne un haut le cœur et son rythme cardiaque accélère légèrement dans sa poitrine. Il a mal, même très mal et ses yeux s'embuent sous la douleur. Il ne fait pas ça pour s'évader, pour ça il a la musique et la lecture. Il fait ça parce qu'il s'en veut. Il se déteste, il est pathétique. Le simple fait de se mutiler est complètement stupide et il le sait, mais de toute façon personne ne sait, personne ne saura jamais, et tout le monde s'en fou.

Les goutes de sang coulent au même rythme que ses larmes et Bill se perd dans ses pensées. Quand est-ce que tout a dérapé ? Il devrait pourtant être le plus heureux des adolescents, il habite dans une belle maison, possède une famille géniale, une mère parfaite, un petit frère à croquer, il est bon élève, dort dans la chambre de ses rêves, joue du piano à la perfection et possède un impressionnant talent de dessinateur. Seulement il est désespérément seul. Petit à petit on l'a écarté du reste du monde. Rejeté par certains, ignoré par d'autres, il hurle intérieurement pour que quelqu'un, n'importe qui, vienne le prendre dans ses bras.

La lame tombe sur le matelas et il se roule en boule, n'essayant même plus de calmer les violents spasmes dû au trop plein d'émotions et de larmes. Il craque. C'est la dernière fois. Après ça il niera tout en bloque pour tout garder à l'intérieur. Mais il a besoin de craquer une toute dernière fois.

Pleur Bill. Mais tu auras beau refouler ton mal-être jusqu'à en oublier de respirer, il sera toujours là, enfoui douloureusement au fond de ton cœur fragile...

FIN CHAPITRE 1

 

 

 

 

 

 

NAVHAUT
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