C h a p i t r e 9



Bill et Tom marchaient côte à côte sur le macadam bosselé du centre ville, discutant et riant tels de vieux potes d'enfance. Tom avait finalement décidé de suivre Bill, au plus grand bonheur de celui-ci, et c'est le sourire aux lèvres qu'ils s'étaient échappés du gymnase, heureux de ne pas avoir à dribler avec les autres élèves de leur classe.

Ils se découvraient donc peu à peu, papotant musique et cinéma sans vraiment faire attention au monde extérieur. Les boutiques et les immeubles défilaient à une vitesse folle sans qu'ils ne s'en rendent vraiment compte...

Tom était fasciné par la façon dont Bill parlait de certains films, débitant des tonnes de remarques et de critiques d'un air vif et passionné, faisant de grands gestes en ventant le talent de certains acteurs ou la profondeur de certaines histoires. Il souriait franchement face à l'attitude du brun débordant d'énergie à ses côtés. Qui aurait pu croire qu'à peine une heure auparavant l'androgyne était en larmes dans ses bras... Tom remua vivement la tête pour sortir l'image d'un Bill sanglotant et tremblant contre lui et reporta son attention sur les yeux pétillants qui le scrutaient en souriant.

- Au fait on est où là ? questionna Bill en se stoppant brusquement.

- Ma tante m'avait demandé d'aller faire quelques courses avant de rentrer du lycée alors j'ai pensé qu'on pourrait y aller ensemble avant d'aller chez moi , répondit Tom en pointant la superette au coin de la rue. Mais j'peux y aller plus tard sinon..

- Nan nan je m'en fou t'inquiètes . Ils reprirent leur marche vers le magasin et Bill se tourna vers Tom. Et qu'est-ce que tu dois acheter ?

Tom fouilla alors dans ses immenses poches de baggy, plongeant les trois quart de son bras dans le jeans épais afin d'attraper la liste de course que lui avait donné sa tante le matin même.

- Alors alors...

Ils entrèrent dans le magasin et Tom déplia le petit bout de papier chiffonné.

- Huile d'olive, sacs poubelle, sauce tomate, gruyère, crème fraîche, tamp..euh... Il se racla la gorge et continua plus doucement. Tampax, serviettes hygiéniques, et préserv... Oh nan mais elle abuse là !

Bill pouffa devant les joues légèrement rouges du dreadé.

- Nan mais sérieux elle abuse quoi, c'est trop la honte...

- Mais nan allez viens on fait ça vite fait et on se casse. De toute façon j'suis certain que la caissière pensera que les serviettes sont pour moi , rit-il en devançant Tom dans l'allée centrale.

Et les deux garçons s'activèrent entre les rayons, balançant les différents articles dans le petit panier bleu tout en continuant à parler ensemble, repassant parfois même 3 fois d'affilé dans les même rayons en oubliant de s'arrêter de discuter pour prendre un paquet de céréale ou un pot de confiture.

Une vingtaine de minutes plus tard ils étaient de nouveau dans la rue, un sac en plastique blanc dans chaque main, marchant cette fois dans le sens inverse en direction du lycée. Tom réfléchissait. Une question lui trottait dans la tête depuis maintenant un bon moment mais il ne savait pas vraiment si c'était une bonne idée de remettre ça sur le tapis. Après quelques minutes de silence il se tourna finalement vers Bill s'en pour autant s'arrêter de marcher.

- Et qu'est-ce que t'as l'intention de faire pour la piscine ? demanda-t-il calmement. Il vit Bill se crisper légèrement à l'entente de sa question.

- J'en sais foutrement rien , souffla-t-il. Mais une chose est sûr : je n'y mettrais jamais les pieds, et encore moins avec la classe.

- Tu comptes sécher les cours d'EPS pendant un mois et demi ? C'est risqué nan ?

- De toute façon j'suis déjà fiché dans le bureau de la CPE alors ça changera pas grand-chose..

Tom fronça les sourcils, pas vraiment sûr de comprendre.

- Fiché ?

- Ouais. Elle m'a dans le collimateur depuis l'année dernière.

- Pourquoi ?

Bill soupira fortement. Solitude, ennuis, rejet, séchage de cours, balades matinales, absences, mensonges, convocations chez la CPE... Il se souvenait parfaitement de son année de seconde, mais ne savait pas vraiment si c'était utile d'en reparler. Il s'était déjà ridiculisé dans les vestiaires face à Tom et ne voulait pas risquer de paraître encore plus pathétique qu'il ne l'était déjà en évoquant sa passionnante année de seconde.

- Laisses tomber c'est pas intéressant...

- Mais moi j'veux savoir ! s'entêta le dreadé en souriant comme un gamin. T'étais un perturbateur ? On t'a surpris en train de fumer dans les chiottes ? Nan attends laisses moi deviner.. t'es arrivé ivre en cours ? Encore mieux : t'as eu une liaison avec une de tes profs et ça s'est su !

- Mais nan idiot ! Bill se mit à rire. Tom avait vraiment une imagination débordante. En fait je passais mon temps à sécher les cours. Il prit son sac de course de son autre main libre afin de soulagé ses doigts qui commençaient à s'engourdirent. Quelque fois s'était seulement deux ou trois heures par semaines, et puis d'autre fois je ne venais pas en cours durant 4 jours d'affilé... La CPE m'a repéré dés le début de l'année et depuis j'ai l'droit à un appel chez ma mère à la minute même ou je suis noté absent.

- Waou... Tom était surpris, lui aussi avait déjà sécher avec ses potes mais jamais aussi fréquemment. Et qu'est-ce que tu faisais ?

- Rien. Je rentrais chez moi pour écouter de la musique ou me mater un film. Ou alors je traînais dehors, mes écouteurs vissés sur les oreilles.

L'humeur joyeuse de Bill venait de s'envoler en une seule phrase, comme si le fait de parler de tout ça lui rappelait douloureusement qui il était. Contrairement aux autres adolescents, il ne séchait pas les cours pour aller fumer avec ses potes ou draguer des filles au centre commercial. Il était juste Bill, celui qui s'enfermait dans sa chambre durant des heures entières en dessinant, en jouant du piano, mais principalement en pleurant dans son lit. Combien de nuits blanches avait-il passé sans arriver à fermer l'œil, trop occuper à penser et réfléchir ? Et combien de matins s'était-il réveiller, fatigué de trop pensé et déprimer à l'idée de retourner au lycée, là où strictement personne ne l'attendait ? Il détestait sa vie. Rien ne l'attendait dehors alors pourquoi sortir ? Les absences avaient défilé sans qu'il ne s'en rende vraiment compte, et il se maudissait chaque jour de gâcher ce qui aurait dû être les plus belles années de sa vie...

Tom se rendit vite compte de son erreur en voyant le brun perdu dans ses pensées. Il n'aurait jamais dû lui poser toutes ses questions et se frappa mentalement d'avoir été si curieux. Et lorsqu'il vit les yeux de Bill s'humidifier il décida de rattraper le coup.

- Eh...

Bill tourna la tête vers Tom qui lui souriait gentiment.

- Maintenant j'suis là alors tu vas devoir t'habituer à m'avoir dans les pattes tu sais ?

Il lui mit un coup d'épaule amicale et continua.

- N'essaye même plus de sécher les cours tout seul pour te mater un film en solo ! Maintenant tu devras me supporter et je suis plutôt chiant dans mon genre !

Bill lui sourit en retour et ils continuèrent leur route dans un silence agréable. Au bout de quelques minutes Tom recommença à parler, apprenant à Bill comment sa passion pour la photographie s'était emparé de lui dés son plus jeune âge. Bill observait les yeux pétillant du dreadé lui parler de clichés, de portraits et de diapositives, et son cœur se serra dans sa poitrine. Il avait l'agréable impression que ce garçon deviendrait l'objet d'un attachement particulier.

Complètement plongé dans sa contemplation, il suivait avec intérêt le mouvement des lèvres de Tom, remontant sur ses joues creuses, ses pommettes rebondis lorsqu'il souriait, et ses cils vraiment très longs encerclant ses yeux chocolat. Le soleil était haut dans le ciel et Bill trouva que Tom était vraiment un garçon particulièrement agréable, aussi bien à écouter qu'à regarder.

- Putain j'ai cru qu'on n'y arriverai jamais.

Bill sortit de ses pensées à la remarque de Tom et se rendit compte qu'ils étaient déjà arrivés au parking du lycée. Tom était d'ailleurs déjà en train d'enjamber sa moby... sa mobylette ?!!!

- Wo wo wo Tom attends deux minutes là , s'empressa de dire Bill, une lueur de panique dans les yeux. Tu n'espères quand même pas que je vais monter sur ce truc ?

- Et comment tu veux venir chez moi ? J'habite à l'autre bout de la ville...

Bill avait les yeux exorbités et Tom se mordit les joues pour ne pas rire devant l'air effrayé de son ami.

- Aller montes, j'te passe mon casque.

Bill prit le casque que lui tendait Tom dans ses mains et enfonça songeusement sa tête dedans, conscient qu'il devait avoir l'air ridicule dans cet accoutrement.

- Tu vas doucement hein ? demanda-t-il au dreadé en chevauchant la bécane.

Tom sourit mais ne répondit rien, il aimait le Bill soudainement flippé et anxieux derrière lui et il se promit de ne pas lui faire oublier sa première virée en moto. Il démarra dans un brouhaha assourdissant en faisant hurler le moteur et à peine la moto commença-t-elle son amorce qu'il sentit deux bras encercler sa taille, et un torse se presser durement contre lui. Un sourire espiègle pris possession de ses lèvres et d'un geste vif et habile il tordit son poignet sur l'accélérateur, faisant râler la chose tremblante et bougonnante dans son dos alors qu'ils fusaient sur le bitume.

(...)

Les soupçons de Bill se confirmèrent quand il les vit s'engager sur la nationale : Tom avait bien volontairement prit un détour et Bill retint sa respiration quand la moto accéléra. Ses bras étaient douloureusement crispés autour de la taille du blond et lorsqu'il sentit la mobylette faire des slaloms il ferma brutalement les yeux. Il allait tuer Tom. Il allait tuer Tom à l'instant même où il mettrait les pieds par terre.


(Ellipse de 20 minutes)


Bill avait l'impression d'avoir roulé durant des heures lorsque vingt minutes plus tard ils s'engagèrent dans la petite allée en gravier, adjacente à ce qui devait surement être la maison de la tante de Tom. La moto s'immobilisa et le moteur cessa tout bourdonnement, permettant à Bill de desserrer son étreinte. Il avait des crampes aux bras et ses poignets étaient lacérés d'avoir soutenu les sacs de courses alors que ses mains étaient jointes et crispées sur le ventre du blond.

C'est donc tout en douceur qu'il descendit de la dite coupable, remerciant secrètement le ciel lorsqu'il sentit le sol sous ses semelles. Il resta immobile un instant, et tout doucement il retira son casque.

- Tom ?...

Sa voix était anormalement douce et délicate, et Tom se figea dans son dos. Il avait un mauvais pressentiment, sentant comme une tempête imminente s'approcher de lui, de part le timbre nettement menaçant qu'avait employé Bill. Et Dieu sait que ce timbre de voix n'annonçait rien de bon.

Toujours dos à lui, Bill ferma les yeux en souriant durement. Tom l'avait mené en bateau et l'avait trimbalé sur une putain d'autoroute, roulant comme un dingue au milieu de camions et de 4x4 énormes, slalomant périlleusement entre les poids lourds alors que Bill avait eu l'impression de toucher le bitume dû à l'inclinaison anormale de la moto.

- Tom... continua-t-il toujours aussi calmement. Il posa le casque au sol et c'est d'une lenteur effrayante qu'il se retourna vers le blond. Je vais te tuer.

Tom plongea ses yeux dans le regard assassin de l'androgyne et déglutit difficilement.

- Cours.

Il n'eu pas besoin de le dire une deuxième fois que le dreadé prenait ses jambes à son coup, détalent comme un lapin alors que Bill lui courrait déjà après, sprintant derrière lui comme une furie dans l'intention de le rattraper et de le mettre à terre. Les deux garçons cavalèrent donc autour de la maison, sautant au dessus des rosiers et trébuchant sur les pots de fleurs, glissant sur la terrasse et jurant contre l'arrosoir qu'ils évitèrent de justesse.
Tom sentit le brun se rapprocher dangereusement de lui dans son dos et il se précipita sur la porte d'entrée, sortant précipitamment ses clés de sa poche dans des gestes brusques et affolés en pestant contre la serrure qui refusait de fonctionner. Il parvint juste à actionner la poignée de la porte lorsqu'il sentit une masse se ruer sur lui dans un cri de guerre. Ils tombèrent lourdement au sol, Bill sur le dos de Tom, et s'étalèrent dans l'entrée dans un vacarme assourdissant.

Alarmé par les cris et les éclats de voix, Aby lâcha brusquement son pinceau et couru vers l'entrée entre inquiétude et incompréhension. Elle ne s'était jamais fait cambrioler depuis son déménagement et était pourtant certaine d'avoir fermé la porte à clé.
Quelle fût sa surprise lorsqu'elle déboula dans l'entrée, de voir deux grands ados plier de rire sur le sol de sa maison, les jambes encore à l'extérieur de la baraque, complètement avachit par terre en se tordant de rire.

Elle s'adossa au mur et croisa ses bras sur sa petite poitrine, amusé et rassurée par le spectacle plutôt inhabituel qui s'offrait à elle. Bill et Tom se relevaient lentement, s'asseyant par terre sans pour autant arrêter de rire, et se massant les coudes et les genoux qu'elle devinait douloureux après la chute.

- Mais qu'avez-vous fait de mon neveux déprimé et cafardeux ? sourit-elle.

Les deux garçons relevèrent les yeux vers elle et Tom se redressa en riant pour l'embrasser sur la joue.

- Moi aussi j'suis content de te voir tantine !

- Tom !!! aboya-t-elle en lui frappant le haut du crâne. Je t'ai déjà dis de ne pas m'appeler comme ça !

Tom pouffa et se retourna vers Bill qui s'était déjà relevé derrière lui.

- Bill j'te présente ma tantitounette d'amour Aby. Aïe !! Il se retourna ensuite vers la dite Aby qui venait de lui calotter le haut du crâne pour la seconde fois. Et Aby j'te présente Bill, un ami à moi, doublé d'un fou allié en voulant à ma peau ! Aïeuuhh !!!

Cette fois c'était Bill qui lui administra une pichenette en se défendant :

- Je t'avais demandé de faire doucement et t'as accélérer! s'exclama-t-il.

Aby rit de plus belle devant le sourire moqueur de son neveu, n'essayant même pas de deviner le coup tordu que celui-ci avait pu faire à l'androgyne pour qu'il soit aussi furieux.

Elle hébergeait Tom depuis maintenant plus de deux mois et connaissait parfaitement le genre d'enfantillage et de connerie qu'il était capable de faire. Elle regarda encore quelques secondes les deux garçons se taquiner dans l'entrée avant de les inviter à rentrer.

FIN CHAPITRE 9

 

 

 

 

 

 

NAVHAUT
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