C h a p i t r e 8



Ce fut seulement après avoir posé ses fesses sur le banc vernis du vestiaire des garçons que Bill repris réellement conscience de ce qui venait de se passer. Il tourna la tête vers la droite et ses yeux contrariés rencontrèrent ceux de Tom, assis à califourchon à côté de lui.

- Et si tu me disais ce qui va pas.. commença-t-il en souriant.

Bill se mit lui aussi à cheval sur le banc afin de lui faire face mais ne répondit pas à sa question.

- C'est à cause de la piscine c'est ça ?

Une boule d'angoisse se forma au creux de son ventre. Bill avait tellement honte de son comportement... Quel mec refusait d'aller à la piscine par simple pudeur ? Il se senti ridicule sur le coup. Seulement il ne pouvait pas en être autrement, imaginer montrer son corps à toute la classe et être observé en caleçon durant deux longues heures de natation le rendait malade. Une nouvelle frayeur prit possession de lui à cette pensée et c'est d'une voix presque inaudible qu'il répondit.

- Je peux pas aller à la piscine Tom. Je veux pas y aller...
- Pourquoi ?

Les joues de Bill se tinrent alors d'une douce couleur rosâtre et il baissa les yeux sur le bois usé du banc.

- C'est débile je sais mais..

Tom attendait patiemment la suite, ne cessant de sourire afin d'encourager le brun à lui avouer son problème.

- Je peux pas me mettre en .. enfin tu vois, devant tout le monde.

Tom souri tendrement. Il avait secrètement deviné d'où provenait la peur de l'androgyne.

- Et comment tu vas faire alors ? Jveux dire... tu vas être obligé de venir tu sais.

- Nan. Sa voix tremblait et il secoua la tête. Nan y a pas moyen..

- Bill.. Tom se rapprocha encore un peu de lui pour tenter de le calmer. Bill regarde-moi.

Bill releva doucement les yeux, s'attendant à un rire ou une moquerie quelconque.

- Pourquoi tu ne veux pas te déshabiller devant la classe ?
- Parce que.
- Mais encore ? demanda-t-il d'une voix ridiculement sérieuse.

Un léger rire s'échappa des lèvres de Bill et il remercia intérieurement Tom de ne pas se moquer de lui et au contraire d'essayer de le mettre à l'aise. Puis il regarda Tom, scruta ses yeux et su qu'il n'avait rien à craindre de lui.

- On se moque assez de moi derrière mon dos pour que je n'en rajoute en me mettant en slip devant eux, confia-t-il.

Sa voie était tristement monotone et Tom cessa de sourire.

- Et en quoi te mettre en maillot de bain devant eux susciterai une quelconque remarque ? Il ne comprenait vraiment pas où il voulait en venir.

Bill pris alors une grande inspiration et c'est d'une voix forte et blessée qu'il répondit.

- Je suis pas stupide Tom. Ses yeux étaient humides et sa voix tremblait légèrement. Je sais que je ne possède aucune personnalité et que je n'ai aucun style vestimentaire. Je sais que je suis quelqu'un de banal et inintéressant, incapable d'avoir la moindre conversation avec des ados de mon âge. Je suis un putain de mec invisible tu vois ?! Il luttait pour retenir les millions de larmes qui semblaient forcer le barrage de ses yeux douloureux. Je sais que je fais plus pitié qu'autre chose et que les gens semblent me fuir comme la peste. Tout ça je le sais Tom ! et tout le monde le sait dans ce putain de lycée ! Je ne veux simplement pas qu'en plus de tout ça ces enfoirés puissent se moquer de mon corps, la seule partie de moi que j'arrive encore à cacher.

Durant sa tirade il s'était brusquement levé du banc pour faire face à Tom, et son corps était parcouru de désagréables spasmes qui le rendaient encore plus fragile qu'il ne l'était. Les larmes furent inévitables et il se maudit intérieurement d'être aussi faible devant quelqu'un. Dans un excès de rage mais surtout d'embarras et de gêne fasse à son état Bill tourna le dos à Tom, prenant son visage dans ses mains en s'injuriant de tous les noms. Il aurait aimé tout garder à l'intérieur comme il l'avait toujours fait depuis des années, mais voilà, Tom était entré dans sa vie et semblait vouloir l'écouter .. Il n'avait pas réfléchit et avait été emporté par sa souffrance, débitant à une vitesse folle toute son amertume et sa colère. Et maintenant il regrettait, incapable de retenir de douloureux sanglots qui sortaient de son cœur en lui brûlant la gorge. La piscine n'était plus la véritable cause de ses pleurs et Tom le comprit. Tout revenait à la surface, toute sa rancœur et son incompréhension emmagasinées depuis tant d'années, sa peur et son dégoût des autres.

Il sursauta quand il sentit deux bras entourer sa taille et un torse se presser contre son dos. Ses yeux s'ouvrirent lentement et c'est comme au ralentit qu'une douce chaleur enserra son cœur. Tom l'enlaçait...

Tom l'enlaçait et se fut la goûte d'eau qui fit déborder le vase. Pris d'un soudain besoin de contact humain, il se retourna brutalement pour se précipiter dans les bras de son camarade, enfouissant son visage ravagé de larmes dans son coup et laissant libre court à ses gémissements, se contentant seulement de serrer fort ce corps chaud et si agréablement réconfortant contre lui.

Tom resta interdit un moment. L'androgyne le serrait fort contre lui et il sentait déjà le col de son tee-shirt se tremper de larmes. Il vérifia rapidement qu'aucun élève n'était dans les parages et enveloppa le garçon dans ses grand bras. Bill le compressait complètement contre lui, s'accrochant à son tee-shirt comme si sa vie en dépendait. Tom prit alors conscience de la profondeur de la solitude du brun. Lui qui n'avait jamais manqué d'amis, de soutient ou bien de contact, il ne pouvait pas imaginer ce que pouvait réellement ressentir Bill depuis maintenant de longues années. Ne sachant pas vraiment quoi dire il caressa doucement son dos tremblant, pensant ainsi pouvoir atténuer les sanglots du jeune garçon.

Bill de son côté n'en revenait tout simplement pas. Il n'avait jamais été aussi bien qu'entre les bras du dreadé. Il aurait voulu y rester des heures. Son manque de contact, accumulé depuis tant de temps décuplait son bonheur et à ce moment précis il songea qu'il ne pourrait sûrement plus s'en passer.

- Merci...

Tom ferma les yeux et serra encore plus fort le corps frêle et tremblant de son ami contre son torse. Il enfouit lui aussi son visage au creux de son coup et caressa tendrement du bout de son nez la peau chaude et blanche qui s'offrait à lui. Le discours du brun quelques minutes plus tôt l'avait réellement touché et il fronça les sourcils au souvenir de ses tristes paroles

- Putain tu te trompes tellement Bill ...

Bill pleurait toujours contre lui et il avait mal à la poitrine à force de trembler. Mais paradoxalement il aurait pu mourir de bonheur, la présence de Tom était comme une bouffée d'air frais, ce putain de courant d'air qu'il avait désespérément attendu ces quatre dernières années.

Tom le berça tendrement dans ses bras, les faisant tourner doucement au milieu des vestiaires.

- Tom ? Sa voix était douce et incertaine et Tom du tendre l'oreille pour l'entendre. Est-ce que... Est-ce qu'on est amis alors?

Bill avait peur de la réponse et fut pris d'une violente angoisse lorsqu'il sentit celui-ci desserrer son étreinte. Il ferma fort les yeux et l'enlaça avec plus de force, l'empêchant de s'éloigner de lui, quitte à l'étouffer sous la pression.

- Bill...

Tom sentit son cœur se serrer sous l'emprise désespérée de Bill.

- Bill regarde moi.

Il s'écarta alors de quelques centimètres de lui, et encercla son visage de ses mains. Bill leva ses yeux rougis vers lui et il passa ses pouces sous ses joues.

- Je te regarde Bill, commença-t-il en chuchotant. Je te regarde, et ce que je vois c'est un garçon triste et malheureux. Il essayait de lui prouver qu'il avait eu tort de se sous-estimer de la sorte. Lui ne l'avait jamais regardé avec pitié. Un garçon triste, malheureux, mais également drôle, gentil et attachant...

Bill buvait ses paroles plus qu'il ne les entendait, ses yeux s'humidifiant malgré lui sous les douces caresses du dreadé.

- Tu sais, si je suis venu vers toi le premier jour ce n'était pas par pitié, j'avais simplement envie de te connaître. Et si les autres ne te voient pas tanpis pour eux, moi je te vois et ce que je vois me donne envie de passer encore plus de temps avec toi. Il fit une courte pause, souriant face au visage ému de Bill et continua. Alors oui. Oui j'aimerais qu'on soit amis Bill.

- Vraiment ? Un immense sourire étirait son visage rougi.


- Oui. Et pour ce qui est de ton apparence, je peux t'assurer que tu n'est pas repoussant, tu es même très beau Bill, il prit une mèche de cheveux entre ses doigts et lui sourit, alors arrête de te fier aux regards des autres, ils n'en valent vraiment pas la peine...

Bill fixa ses prunelles durant encore quelques secondes, se délectant de ces paroles si inestimables qui lui brûlaient les yeux, et le serra de nouveau dans ses bras.

- Merci Tom.
- Mais de rien..

Ils se mirent alors à rire, détendant légèrement l'atmosphère, et Bill se détacha à regret du dreadé en essuyant ses joues encore noires.

- Merde... j'ai taché tout ton tee-shirt.

Le dreadé baissait la tête vers les traces de mascara noires étalées sur son tee-shirt en souriant.

- T'inquiètes pas va, ça partira au lavage...

- Ouais... Bill grimaça en fixant la tâche. Désolé quand même...

Tom arrêta de rire quelques instants et sourit au brun avant de lui demander :

- Tu sais ce que tu pourrais faire pour te faire pardonner ?

Bill secoua la tête négativement. Il avait encore mal au crâne, toutes ces émotions l'avaient épuisé.

- Tu pourrais venir chez ma tante après les cours pour manger un petit bout.... Je crois même qu'elle a racheté des clémentines il y a pas longtemps.

Ils rirent tout les deux et Bill pensa que Tom était vraiment un mec génial.

- Ok.

- Cool ! Bon allez let's go... Tom rajusta sa casquette, commença à se diriger vers la sortit du vestiaire mais s'arrêta soudainement. Il se retourna lentement vers Bill et souffla exagérément. Putain j'ai trop la flemme de courir, en plus j'aime pas le handball...

Bill rit un peu en voyant l'air dépité du dreadé qui lui rappelait lui-même à 6 ans quand il devait faire face à son assiette de brocolis, et c'est avec un petit sourire en coin qu'il chuchota :

- Tu sais, la prof de sport à déjà fait l'appel.. Ses yeux étaient remplis de malices, Et apparemment personne n'a remarqué qu'on était plus là alors...

Tom comprit de suite où Bill voulait en venir et son air chagriné s'évapora aussi vite qu'il était apparu.

- Dés le premier cours ? Il souriait, amusé par la proposition du brun. Et si la prof s'en rend compte ?

- T'as peur de te faire prendre ? Bill releva son sourcil droit d'un air moqueur.

- Nan ! s'empressa-t-il de répondre. Nan mais...


- Te prends pas la tête, de toute façon la prof nous à noté présent donc il y a aucun problème ! Et puis au pire des cas tu récupères la lettre d'absence avant que tes parents aillent au courrier, en général elle arrive deux jours après. Une petite signature et hop, retour à l'envoyeur ! Il avait dit ça tout naturellement, comme si ça coulait de source et Tom se dit qu'il ne connaissait vraiment rien du brun.

- Serais-tu un adepte de l'école buissonnière ? Il croisa les bras sur son torse et observa Bill d'un air soupçonneux. Tu m'as l'air bien informé sur les tactiques de justification d'absence toi...

Bill leva les yeux au ciel.

- Comme ci t'avais jamais séché de ta vie...

- Nan mais t'avais plutôt l'air d'un élève sérieux et travailleur alors ça m'étonne un peu.


- Saches que l'habit ne fait pas le moine mon chère Tom, on ne t'as jamais dit de ne jamais te fier aux apparences ?

Tom ne trouva rien à répondre, c'est ce qu'il avait lui-même dit au brun la veille. Bill le regardait toujours d'un air de défi, un sourire moqueur collé aux lèvres et son sourcil droit toujours arqué malicieusement.

- Alors ? Tu comptes me suivre ou tu préfères aller jouer au ballon?

FIN CHAPITRE 8

 

 

 

 

 

 

NAVHAUT
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