Chapitre 19



- Quoi ?

__ L'oxygène semblait avoir soudainement quitté la pièce et Tom ferma doucement les yeux sous le stress qu'il sentait affluer dans tout son corps. La voix de Bill était prudente, incolore, et dépourvu du moindre ton. Ses yeux résolument fixés sur le visage tourné de Tom semblaient s'évertuer à comprendre la raison pour laquelle ils devaient renvoyer à son cerveau malmené cette image fuyante et apeurée de son ami pourtant si rieur quelques instants plus tôt, et cette constatation mit définitivement fin à l'euphorie qui parcourait ses veines depuis quelques minutes.
__ Un silence à réveiller les morts s'insinua violemment dans la chambre et Bill cru presque entendre son pouls se mettre à battre frénétiquement contre ses tempes. Il avait entendu. Il avait parfaitement entendu et son Quoi n'était pas une question. Mais bordel, pourquoi Tom ne le regardait-il pas ? C'était pourtant le moment du « J'déconne Billou !». Alors pourquoi son putain de visage était-il toujours résolument tourné vers le mur ?
__ Bill sentit sa respiration s'accélérer notablement et ses yeux se mirent à luire d'une horrible incompréhension qu'il ne réussit pas -bien malgré lui- à faire cesser de croitre.

- Tom qu'est-ce que t'as dit ?

__ Sa voix n'était qu'un doux murmure incertain mais ne fit malheureusement qu'accentuer la tension qui régnait déjà dans la chambre, et Tom aurait préféré étrangler Bill plutôt que l'entendre lui demander de répéter ce qu'il avait assurément entendu. Le faisait-il exprès ? N'était-il pas assez pitoyable et terrifié pour lui faire passer le message ? Ou alors ne voulait-il sciemment pas comprendre les mots qu'il s'était acharné à laisser sortir de sa bouche? Ses poings se serrèrent sur la couverture fine et un masque de colère et de peur s'empara de son visage obstinément orienté vers le mur. Il refusait de lui répondre. Il refusait de lui répondre parce que ça nécessitait qu'il le regarde en face, et ça, Tom en était juste foutrement incapable. Ses yeux refusaient de se planter dans les siens, épouvantés à l'idée d'y lire leur contenu et de peut-être se rendre compte qu'il avait fait la plus grosse boulette de sa vie. Tom avait la terrifiante impression qu'il venait de mettre un terme définitif à tous leurs moments de complicité, et c'est la peur au ventre qu'il se mura dans un silence de plomb.

__ Silence qui déplut fortement à l'androgyne...

__ Bill était devenu depuis quelques secondes une réelle boule de nerf en alerte et scrutait la silhouette de Tom avec une telle attention qu'il s'en coupa inconsciemment la respiration. Qu'est-ce qu'il attendait pour s'expliquer ? Et pourquoi ne le regardait-il pas ? Tom semblait s'être transformé en un pantin muet et désarticulé qu'on aurait balancé sur un matelas et Bill fronça les sourcils. Tout à coup Tom l'agaçait. Son silence incompréhensible, sa colère refoulée, la sérénité factice de son visage.

__ Et son putain de regard insondable.

- Tom... Sa voix s'avéra plus froide qu'il ne l'aurait voulu. J'ai pas entendu.

__ La situation lui échappait. Il sentait l'évidence de cette foutu phrase pénétrer lentement son esprit malmené et du se retenir de frapper Tom dont l'inertie l'excédait de plus en plus. Qu'il parle bordel ! Qu'il parle, qu'il le regarde, qu'il se mette à pleurer ou qu'il cri mais putain qu'il fasse quelque chose ! Il ne pouvait juste pas lancer une telle bombe et ne plus ouvrir la bouche par la suite !
__ Bill entendait dans un des recoins les plus obscurs de sa tête des paroles tremblantes qu'il devinait provenir de Tom. Des paroles que Tom aurait prononcées ultérieurement mais qu'il n'arrivait pas à saisir. Quelque chose d'effrayant, un truc vraiment important qui lui brulait la poitrine mais dont il n'arrivait pas à se souvenir.


- Regarde-moi putain...

__ La voix de Bill lui fit l'effet d'un coup de poing à l'estomac et Tom sentit son cœur s'arrêter simplement de battre l'espace de quelques secondes. Le ton qu'il venait d'employer était sérieux, crispé et glacial. Une énorme boule de plomb se coinça au travers de sa gorge et il se redressa lentement sur le matelas, baissant les yeux vers la couverture africaine en espérant y trouver une quelconque échappatoire. La colère et la peur semblait s'être liquéfiée pour fondre à l'intérieur du réseau serré de ses veines et il sentit une crampe lui brûler les articulations au niveau de ses poings qu'il n'arrivait pas à desserrer.
__ C'était le moment de vérité, et loin de se présenter comme il l'espérait, la situation s'amorçait de la pire des manières. Il ignorait bien évidemment la peur irrationnelle qui envahissait le cœur de Bill au fur et à mesure que les paroles se précisaient dans sa tête, et à vrai dire il n'aurait même pas pu les deviner, ses yeux refusant tout bonnement de se détacher des motifs orangés et de plonger dans l'océan chocolat des yeux de son ami.

__ Bill ne s'était jamais adressé à lui de cette façon, et Tom n'était pas sûr de pouvoir en encaisser d'avantage. Il sentait tous ses espoirs s'amenuiser peu à peu au fil des secondes et se demanda l'espace d'un instant si ce qu'il craignait par-dessus tout d'arriver n'était pas en train de se réaliser réellement sous ses yeux.

- Répète-moi cette putain de phrase Tom...

__ Et dans la poitrine de Tom se fut comme dans la cabine d'un avion en dépressurisation. Lorsqu'à plus de 10 000 mètres d'altitude les parois métalliques se déchirent et que les passagers sont arrachés de leurs sièges.

__ Il releva les yeux vers Bill et planta son regard dans le sien.

- Je suis gay.

Tu t'es jamais sentit différent ? J'veux dire... comme si tu n'étais pas réellement à ta place, comme si chacune de tes réactions n'était pas propre à ta personnalité ?

Le regard de Bill était brulant et insondable. Celui de Tom, dure et figé. Ils se fixèrent durant ce qui leur paru d'interminables secondes. Puis la tête de Tom partie violemment sur la droite.

- Tu n'es pas gay.

Attends, attends. Si j'ai bien compris... t'es en train de me dire que t'as jamais vu Titanic ??!

__ Les oreilles de Bill bourdonnaient de ces mots qu'il refusait d'entendre. Tous ces mots dont il se souvenait maintenant parfaitement mais dont il ne voulait plus se rappeler. Parce que ça faisait mal. Parce que sa lui broyait le cœur et parce qu'il n'y prêtait attention que maintenant alors que quelque chose dans son esprit lui hurlait qu'il aurait du le faire bien avant.

Putain Bill, ce film fait parti des plus grands, c'est LE film romantique de l'histoire du...

Tu t'es jamais sentit différent ? J'veux dire...

Alors j'ai juste arrêté de faire semblant.

__ Tom posa doucement sa paume contre sa joue brulante et releva une seconde fois les yeux vers Bill. Son regard était blessé, dure, et aussi froid qu'un iceberg. Bill l'avait giflé. Il l'avait giflé et Tom savait qu'il allait fondre en larmes à l'instant même où il aurait quitté la pièce. Il avait la désagréable et douloureuse impression de revivre la scène une seconde fois, et dans ses prunelles se mit à briller un insupportable voile de douleur.

Il avait enfin sa réponse. Là, en face de lui.

- Je suis gay, répéta-t-il doucement, le regard profondément ancré dans celui de l'androgyne qui semblait complètement ailleurs.

J'veux dire... j'ai jamais été véritablement comme eux tu sais.

Bill fronça les sourcils. Il semblait revoir Tom lui confier toutes ses choses qu'il n'entendait pas et ses yeux s'humidifièrent progressivement sous l'horreur que le souvenir de ses paroles impliquait.

- Nan... Nan tu ne peux pas être gay Tom...

__ Et Tom ne sut plus quoi penser, ne sut plus comment interpréter la déception apparemment tellement douloureuse qui accablait son bel androgyne soudainement si détestable et aux mots si amer. Il aurait voulu le frapper en retour pour lui avoir brisé le cœur si facilement. Lui mettre une violente claque pour réagir comme un vrai connard alors qu'il se mettait littéralement à nue devant lui. En une seule phrase Bill venait de réduire tous ses espoirs à un tas de poussières...
__ Puis il aperçut une larme rouler le long des joues diaphanes en face de lui, et son cœur se serra lorsqu'il le vit se lever et s'éloigner lentement du matelas, sans un mot. Tom baissa la tête et prit son visage entre ses mains, sentant sa gorge se nouer lentement des futurs sanglots que sa fierté se promit de ne pas faire éclater maintenant. Il ne pouvait pas croire que ça s'arrête aussi facilement. Ce n'était pas logique. Pas avec Bill. Une orientation sexuelle n'efface pas les moments de complicité, les fou rire et les heures de discutions sans queue ni tête qu'ils avaient partagé ensemble durant la nuit.
__ Là, au fond de ses tripes, il sentit de nouveau l'écœurement tirailler son estomac. Le goût âcre de la bile remonter le long de sa gorge et lui piquer désagréablement les yeux. Il releva lentement la tête en s'évertuant de toutes ses forces à retenir ses larmes et aperçu celui qui portait le même nom que l'acide écœurant lui brulant la gorge dos à lui, le regard rivé vers la fenêtre, immobile et figé.

__ Et il su. Il su que c'était fini. Bel et bien terminé. C'était fini et tellement ridicule quand on y pensait... Cinq minutes plus tôt Bill tirait sur sa joue en gloussant. Trente secondes avant et il embrassait la sienne de ses lèvres pleines de dentifrice. Un quart d'heure et il l'avait dans les bras, riant en sentant ses jambes s'enrouler autour de sa taille.

__ Toute question de douleur morale mise à part, Tom se sentait fatalement perdre la tête et se laissa doucement retomber sur le matelas pour fixer le plafond d'un air complètement absent.
Qu'est ce qu'il était censé faire ? Est-ce que l'histoire s'arrêtait là ? Est-ce que ça pouvait être aussi... simple ? Il avait l'impression d'avoir été arnaqué. C'était comme tourner une page qu'on pense juste être plus intenses que les autres et s'apercevoir qu'on fait face à la quatrième de couverture. Ça n'était pas censé se passer comme ça, il restait tellement de chapitres à écrire, tellement de choses à vivre. L'épaisseur du livre n'était pas un artifice et leur histoire était sensé receler plusieurs tomes. Il ne pouvait juste pas laisser Bill s'échapper aussi facilement. Bill et lui étaient les personnages principaux, et s'il partait... qu'est ce qu'il resterait à raconter ?

Ce fut surement à cet instant que Tom du penser qu'il n'avait en rien été préparé au rejet de Bill, et qu'il n'avait en rien pu anticiper la douleur que ce rejet venait d'entrainer en lui.


__ De son côté Bill était toujours dos au matelas, immobile, le front délicatement posé contre la vitre du velux et le visage dépourvu de la moindre expression. Il était déconnecté. Juste déconnecté de tout. De tout, si ce n'est de cette putain de révélation qui tournait en boucle dans son esprit et qui semblait avoir réussit à toucher le nerf optique pour lui bruler les yeux.

__ Il n'était pas en colère. Ou alors si, en colère contre l'ignorance phénoménale dont il avait fait preuve depuis presque un mois. Il avait bêtement cru être celui qui ferait la différence. Celui qui serait toujours apte à tout deviner, celui seul qui posséderait la capacité de reconnaître chaque émotion sur le visage familier de son meilleur ami, de deviner chacune de ses pensées avant même qu'il ne lui en ait fait part...

__ Bill pouvait être incertain et hésitant sur des tas de sujets, mais Tom était le seul sur lequel il était d'une certitude inflexible. Il était son point de repère et Bill ne s'était sentit devenir quelqu'un que lorsqu'il avait croisé son chemin.

__ Alors il avait bêtement cru partager avec Tom l'amitié la plus extraordinaire qui puisse exister, une complicité et une confiance sans limite. Dans son esprit Tom était son frère. Et il était le frère de Tom. Son frère de cœur. Celui qui se détache des autres et dont personne ne pourrait envisager d'égaler sa proximité avec lui. Son nom était censé s'encrer pour toujours à l'encre indélébile dans son cœur.

Parce qu'il aura été celui qui comprenait.

Parce qu'il aura été celui qui devinait.

Parce qu'il aura été celui qui partageait ...

Et c'était de ça, de tout ça dont il avait été convaincu. Dans son esprit Tom et lui n'avaient plus aucun secrets l'un pour l'autre. Et là...

Là il apprenait que Tom était gay.

Gay.

__ Et il pouvait si foutrement deviner les rire et les haussements de sourcils d'un public s'il avait été témoin du spectacle de sa vie.
__ « Comment aurait-il pu passer à côté d'une chose aussi importante ? » Auraient demandés les plus attentifs à l'histoire, « Lui pourtant si convaincu de son lien avec Tom ».
__ Et en effet, c'était réellement ridicule. Tout ce en quoi il avait cru s'évaporait avec cette putain de vérité. Vérité qu'il n'avait pas su deviner, tout comme la mort de la mère de Tom, lui pourtant censé être l'ami irremplaçable. Il avait l'impression d'entrevoir à travers la fenêtre les applaudissements ironiques et railleurs de spectateurs illusoires sortit tout droit de son esprit blessé. Et il eut honte d'être un si piètre ami. Et il se détesta d'être si banal, de finalement faire partie de la masse négligeable avec tout les autres ados, aussi aveugles. Peut-être même plus.

Tu t'es jamais sentit différent ? J'veux dire... comme si tu n'étais pas réellement à ta place, comme si chacune de tes réactions n'étaient pas propre à ta personnalité ?

Bill ferma les yeux et décolla lentement son front de la vitre pour se pincer l'arrête du nez. Il sentait l'amertume remonter de nouveau lentement jusqu'à son cœur, l'abreuvant de toutes les paroles que Tom lui avaient confiées et qu'il n'avait pas su comprendre.

Ils avaient pas l'droit de m'en vouloir d'être comme j'étais. J'veux dire... j'ai jamais été véritablement comme eux tu sais.

Tom continuait de se confier, avec peut-être l'infime espoir qu'il lise entre les lignes et lui s'évertuait à ne rien voir. A vrai dire l'idée ne lui avait même jamais effleurée l'esprit.

On fini tous par juger Bill, et un jour ou l'autre tu le feras aussi...

__ Bill essuya une larme au coin de ses lèvres et se retourna vers Tom, toujours allongé sur le matelas et aussi silencieux qu'une carpe. Il l'observa durant une longue minute puis s'approcha lentement de lui, s'allongea silencieusement à ses côtés et ancra lui aussi ses yeux dans le lambris.
__ Il avait peur que Tom change d'avis et ne le considère plus comme son meilleur ami. Il était terrifié à l'idée que son aveuglement et son ignorance lui aient couté leur complicité. Tom devait surement être déçu qu'il n'ait pas su deviner la raison de son manque de confiance en lui avant. Et ça le terrifiait.

- Je ferais des efforts...

Bill sursauta et tourna lentement la tête vers Tom.

- Quoi ?

Tom fixait le plafond d'un air complètement détaché et sa voix rauque s'éleva une seconde fois dans la pièce.


- J'ai bien réfléchit et je ferais des efforts. Bill je... Il tourna la tête et planta son regard blessé dans le sien. Je t'assure que je ferais attention, ça se remarquera pas et t'oublieras même que je le suis... J'ferais en sorte que tu t'en aperçoives pas. Vraiment. Je mettrais mon DVD de Titanic à la poubelle et j'brûlerais tous mes marcels si tu veux. Sache juste que ça n'aurait strictement plus aucune importance ok ? J'veux dire, j'peux m'empêcher d'être comme ça si ça pose vraiment problème et... Et je peux essayer de changer. Je vais essayer de changer. Avec un peu d'chance c'est qu'une passade et ça partira rapidement ok ? J'suis sur qu'en essayant très fort ça pourrait disparaître alors/Juste... Ne pars pas. Ne pars, s'il te plait ne pars pas, on en parlera plus, je/ J'ferais des efforts pour changer j'te jure.

Bill avait les yeux écarquillés et sa bouche s'entre-ouvrit lentement sous l'horreur de ce qu'il entendait. Ça ne pouvait pas être vrai. Tom ne pouvait pas être en train de s'excuser d'être... d'être gay ?!

- Tom... Ses sourcils se froncèrent et il prit le visage de Tom entre ses mains alors qu'il se mettait rapidement à genoux au dessus de lui. Tom mais qu'est-ce que tu racontes bordel ?!

Bill sentait son cœur s'emballer de manière démesurée sous l'appréhension et pria le ciel pour que la chose qu'il vit dans les prunelles de son ami ne soit pas de la honte.

- J'ai jamais décidé d'être comme ça Bill. J'te jure...

__ Et dans les yeux de Tom pouvait en effet se lire une honte sans nom qui lui coupa le souffle. Bill sentit le monde s'écrouler subitement sous ses pieds. Ça ne pouvait définitivement pas être vrai. Il ne pouvait pas être assez idiot pour avoir fait penser à Tom qu'il était écœuré par son homosexualité... ?
__ Des flashs de leurs conversation affluèrent alors jusqu'à son esprit chaotique et il se revit frapper Tom en une violente claque au visage. Une boule de honte se coinça instantanément dans sa gorge et il releva doucement le visage de Tom de ses mains tremblantes. Il avait été tellement préoccupé par la douleur de ne pas avoir su deviné plus tôt qu'il avait complètement occultée le fait que Tom pouvait avoir mal interprété sa réaction.

- Tom. Tom est-ce que tu es aussi débile que j'le pense ?!

Les sourcils de Tom se froncèrent et le cri de Bill le fit violemment sursauter.

- Espèce d'idiot !!! D'idiot, de con, con, de con, espèce de con ! Tom mais ma parole t'es tellement IDIOT !!!!

Le cœur de Tom frappait tellement fort contre sa poitrine qu'il cru un instant que sa cage thoracique allait s'envoler.

- Est-ce que tu penses vraiment que tu me dégoutes ?!!! Est-ce que tu penses vraiment que je suis choqué ou déçu de ça ?!!!

Sa voix cassée semblait presque aussi crispé que son visage et ses fines mains blanches enserrèrent avec force celui de Tom, les pouces durement pressé contre ses tempes alors qu'il détaillait d'un air effaré les yeux écarquillés et larmoyants du dreadé.

- Mais Bill tu... Bill tu m'as frappé.

- Oh mon Dieu ... Il ferma les yeux et laissa son front cogner lourdement contre le sien, comme si cette phrase était la plus stupide et insensée qu'il ait jamais entendu. J'étais en colère Tom... Pas contre toi mais contre moi. Je/ j'ai jamais voulu te blessé ou quoi que ce soit. J'ai juste eu peur d'avoir merdé et... Mais c'était pas pour toi, c'était pas par rapport à toi, je... J'ai...

__ Bill cessa progressivement de parler et sentit sa respiration ralentir tout doucement alors qu'il répétait mentalement ce qu'il venait de dire à Tom. Est-ce que tu es aussi débile que j'le pense ?! J'étais en colère Tom ! Pas contre toi mais contre moi !

__ Quelque chose tiqua en lui et il releva lentement son visage vers celui de Tom, fronçant les sourcils comme s'il prenait soudainement conscience de quelque chose d'important et de désagréable qu'il aurait préféré ne pas réaliser.

Merde. Est-ce qu'il était... Est-ce qu'il était clairement en train d'agir comme un connard ?

__ Cette pensée lui fit l'effet d'un électrochoc et il prit soudainement conscience du comportement mesquin et puérile qu'il venait juste d'avoir en trouvant l'attitude de Tom complètement dramatique. Il venait inconsciemment de se foutre de lui et de ses paroles pour le moins absurdes et insensées, et c'est avec violence que la réalité le frappa de plein fouet.

Tom n'était pas idiot de penser ça. Mais c'était lui. C'était lui qui s'était ridiculisé en réagissant comme il l'avait fait.

La gifle. Les larmes. Les cris.

Il avait agit comme si toute cette histoire tournait autour de lui, ne s'occupant que de son amour propre et de l'image qu'il avait peur d'avoir froissé vis-à-vis de Tom...
Tom venait sans doute de lui avouer le secret le plus intime de sa vie. Et lui n'avait retenu que l'erreur qu'il avait commise en ne le devinant pas avant.
Tom s'était mis à nu avec surement la plus horrible appréhension dans les trippes. Et lui l'avait giflé, l'accusant muettement d'avoir brisé l'image qu'il se faisait de sa connexion avec lui...

__ Le ton agacé, horrifié et prétentieux qu'il venait de prendre en parlant à Tom lui parut alors soudainement complètement déplacé et il plongea tristement son regard dans celui de son meilleur ami, se surprenant lui-même d'y lire de la peur, de l'embarras... et de l'incompréhension.

__ Putain. Alors il avait réellement merdé...

Ses mains lâchèrent lentement le visage de Tom et il fronça les sourcils sous le malaise et la honte que son comportement venait d'engendrer.

- Tom je...

Ses mots moururent instantanément dans sa gorge et il se mordit les lèvres, incapable de trouver les mots justes pour s'excuser de lui avoir parlé sur ce ton, d'avoir crié sur lui comme s'il avait été idiot de croire qu'il le reniait alors qu'il avait finalement les meilleures raisons du monde de le penser.
Bill sentit quelque chose se briser en lui, ou plutôt naitre lentement de la profondeur de ses entrailles. Une certitude. La certitude indéniable qu'il n'avait finalement pas fini de murir, et que toutes ses heures passés à ruminer sur le monde et sur la vie ses jours de douloureuse solitude lui avait peut-être permit de grandir plus vite que les autres, mais lui avait amputé la capacité de réagir raisonnablement face à une situation comme celle-ci.

Et de son côté Tom ne savait plus quoi penser. Ses nerfs étaient réellement mis à rude épreuve et c'est le visage complètement crispé sous le stress et le cœur battant à tout rompre sous sa poitrine qu'il observa Bill baisser les yeux vers les draps, d'un air désolé qu'il ne comprenait décidément pas et qui lui embrouillait l'esprit déjà bien bouleversé par toutes les réactions déroutantes et perturbantes du brun.

- Tu es gay.

Bill avait prononcé cette phrase juste en murmurant et releva timidement les yeux du matelas pour les planter dans les siens, lui faisant inconsciemment retenir son souffle alors que Tom tentait vainement de se préparer aux reproches et à ses explications.

- Tu es gay et j'suis tellement... désolé de pas l'avoir compris avant. De ses yeux se mirent à couler le regret. Puis la honte. Excuse moi de pas avoir comprit, c'est la première fois que je... J'ai jamais vraiment eu l'occasion d'avoir des amis pour apprendre à vivre avec les autres tu vois ? Et si des fois j'me comporte bizarrement ou si... j'en sais rien, si je dis des trucs bêtes ou insensés faut pas croire que c'est voulu Tom... De grosses larmes roulaient sur ses joues et une esquisse de rictus sincère et désolé tenta vainement de s'étirer sur ses lèvres beaucoup trop tremblantes pour esquisser l'ombre d'un sourire. Je m'excuse, j'aurais voulu avoir le mode d'emplois et savoir que celui d'entre nous qui avait le plus besoin de se faire rassurer c'était toi je... Ne crois pas que j'ai délibérément agis comme un égoïste, j'suis juste un peu.. maladroit, et j'ai surtout eu peur que tu m'en veuille de ne pas avoir deviné tout seul...

__ Et Tom ferma les yeux. Il les ferma violemment, pressa durement ses paupières comme s'il ne voulait plus être conscient de ce qui était en train de se passer. C'était juste trop. Bill ne pouvait pas être en train de s'excuser. Bill ne pouvait pas être en train de lui dire ça. Pas après tout ce qu'il avait enduré en croyant avoir éveillé chez lui le dégout et la répugnance. Pas après avoir sentit sous sa poitrine cette douloureuse pointe au cœur qui lui avait donné la gerbe en pensant que Bill ne le verrait jamais comme avant... C'était trop. Vraiment, vraiment trop. Il était six heure trente-deux du matin et on était dimanche. Dimanche 6 octobre 2007. Son groupe préféré venait d'annoncer la date de leur prochain concert sur internet et il avait un goût de dentifrice dans la bouche. Une odeur d'omelette remontait de la cuisine et Aby devait certainement être en train de préparer le petit déjeuner qu'il savait d'avance être cramé et englué au fond de la poêle. C'était pour le moment les seules informations qu'il s'autorisait à emmagasiner pour ne pas perdre le fil. La situation était définitivement irréelle et il avait l'impression d'avoir vécu en cinq minutes les heures les plus éreintantes de toute sa vie.
__ Quelques secondes passèrent donc sans qu'il ne cherche à réfléchir sur quoi que ce soit qui puisse se rattacher à leur conversation, puis, tout doucement, il observa le visage baissé de Bill qui semblait même s'être arrêter de respirer pour ne pas briser le silence qui régnait dans la pièce. Et lorsque Tom fut apte à repenser aux deux dernières minutes qui venaient de s'écouler dans sa chambre, l'unique pensée qui lui vint à l'esprit fut que la quatrième de couverture n'était finalement pas encore arrivée...

Une violente décharge électrique traversa alors tout son corps encore comprimé par l'appréhension et il du se mordre violemment les joues pour ne pas fondre en larmes sous le poids beaucoup trop rude du soulagement qui l'abandonnait. C'était violent. C'était violent et sa vue se brouilla hâtivement d'une agréable rivière de larmes qu'il réussit par miracle à ne pas laisser ruisseler sur ses joues.

- Bill putain, dis-le moi.

Sa voix était tremblotante et le brun releva lentement ses yeux humides et honteux pour les planter dans les siens. Un sourire hésitant déforma doucement ses lèvres et il prononça les seuls mots que Tom attendait depuis toujours pouvoir entendre sortir de sa bouche.

- J e me fiche que tu aime les hommes Tom. Un rire nerveux s'échappa de sa gorge en apercevant Tom se cacher derrière ses mains en tremblant et un torrent d'affection consuma son cœur lorsqu'il le vit se mettre à pleurer. Tom putain...

Il l'attrapa rapidement par la nuque pour le coller contre son torse et se mit directement à califourchon sur ses jambes, fondant dans son coup où son rire et ses larmes roulèrent sur sa peau, se mêlant au sourire fatigué du dreadé dont les mains s'accrochaient furieusement à son tee-shirt, laissant enfin les sanglots trop longtemps refoulés sortir avec désordre et spasme de sa gorge nouée par le bonheur d'être enfin comprit.

Comprit, soutenu. Et aimé.

Toute la pression emmagasinée depuis plus d'une heure s'échappait de leurs deux corps durement pressés l'un contre l'autre et Bill du faire un effort surhumain pour adoucir ses propres larmes et prendre soin de Tom comme il se l'était promit quelques instants plus tôt, lui chuchotant du réconfort au creux de l'oreille et caressant son dos tremblant de grandes bouffées de contact pour lui rappeler que dorénavant il était là pour lui.

Tom plongea sa main dans ses longs cheveux noirs et ferma doucement les yeux. Il ne pouvait pas croire ce qui était en train de se passer, c'était peut-être trop parfait ou trop surprenant pour s'en accommoder aussi vite. Il venait réellement d'avouer son homosexualité à quelqu'un et c'était Bill qui avait pleuré de honte, à chaude larmes sur son matelas, réclamant en s'excusant toute l'attention et tout le réconfort qu'il avait cru ne plus jamais pouvoir lui offrir.

Un reniflement plus sonore que les autres le fit doucement rouvrir les yeux et il sentit dans son coup le visage de Bill se nicher un peu plus profondément contre sa peau. Il avait beau vouloir essayer de faire celui qui réconforte, Bill n'était encore qu'un gosse en manque de confiance en lui et qui avait constamment besoin de se faire rassurer. Un sourire étira alors instantanément ses lèvres et il pressa un peu plus fort sa tête contre la sienne, essuyant d'un bref coup de paume ses propres larmes. Bill n'avait finalement jamais cessé d'être Bill, et Tom se frappa mentalement d'avoir pu douter un seul instant de la tolérance du brun.

Ce fut seulement lorsque les larmes furent entièrement taries et que les respirations furent calmées que d'un commun accord ils relevèrent la tête et se fixèrent longuement dans les yeux, incapable de dire quoi que ce soit. Le silence était retombé comme une pierre dans la pièce et aucun des deux ne pu détacher son regard de celui de l'autre. Ils se trouvaient con. Réellement con. Et une longue et interminable minute passa avant que Bill ne se mette à rire. Comme ça. D'un coup. Rire de ce gloussement de fille si singulier en plaquant sa main contre sa bouche, secouant la tête comme s'il s'excusait de rire dans une telle situation mais qu'il ne pouvait s'en empêcher et faisant ainsi naître sur les lèvres jumelles en face de lui un sourire amusé et attendrit qu'il aimant tant voir s'étirer sur les traits de Tom.

- Est-ce que tu crois qu'on arrivera un jour à avoir une discussion sérieuse sans se mettre à chialer ? lâcha-t-il en gloussant de plus belle.

Tom secoua la tête en souriant et le laissa lentement descendre de ses genoux pour se rassoir convenablement en face de lui. Bill essuyait ses larmes de joies aux coins de ses yeux et Tom se contenta de l'observer rire, incapable de prononcer le moindre mot alors que la décharge de soulagement coulait encore dans son corps malmené.

- N'empêche, le sourire de Bill se fit soudainement plus sérieux et pensif, bien que toujours aussi doux et malicieux dans le fond de la rétine, c'est finalement tellement évident que je me demande comment j'ai fait pour ne rien voir...

L'androgyne le regardait avec des yeux complètement attendris et Tom baissa instantanément les siens en sentant ses joues s'empourprer. Finalement il aurait préféré qu'il continue de glousser. En parler était vraiment trop bizarre.

- Et... La voix de Bill s'éleva avec curiosité et hésitation dans la pièce. T'as déjà fait des trucs... genre... avec des autres mecs et tout?

Tom sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine et releva le visage à la vitesse de la lumière.

- Bill !

- Ba quoi ?!

- Je/... tu. Mais nan !

- Nan ?

- Nan !

L'intégralité du visage de Tom venait de prendre en une fraction de secondes la teinte vermeil des coquelicots et Bill se surprit à penser qu'il n'avait jamais vu quelqu'un devenir aussi rouge en si peu de temps, mise à part son propre visage dont il savait la température s'élever à plus de trente degrés après un sprint.

- T'es gêné ?
- Oh mon Dieu, pourquoi j'ai été te raconter ça ...

Tom enveloppa son visage dans ses mains et se laissa mollement retomber sur le matelas alors que Bill se mordait déjà les lèvres, les yeux brillants en entendant toutes les questions qu'il allait poser à Tom résonner d'ors et déjà contre les parois de son crâne excité.

- Deux questions . Bill sursauta en se rendant compte que Tom avait rabaissé ses mains et l'observait d'un œil amusé s'énumérer intérieurement toutes les questions plus ou moins gênantes qu'il avait hâte de lui poser. Pose-moi seulement deux questions et j'y répondrais.

FIN CHAPITRE 19

 

 

 

 

 

 

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