C h a p i t r e 6



Affalé sur sa chaise, Bill fixait un point invisible au dessus de son bureau. Ses devoirs étaient finis depuis maintenant plus d'une heure et son corps semblait incapable de faire le moindre mouvement. Il était seulement 19:00 et il s'emmerdait déjà à mourir. Dans un effort hors du commun il plia ses genoux et posa ses talons sur le bord de son bureau, observant d'un regard songeur ses chaussettes blanches qui contrastaient avec le bois.

- Et à part ça, quoi de neuf ?

Le tic-tac incessant de sa montre continua de résonner dans la chambre silencieuse sans qu'aucune réponse ne soit prononcée. Vexé que ses chaussettes ne lui répondent pas, il sortit de sa chambre et pris le chemin de la cuisine dans l'intention de se manger une clémentine.

Deux heures plus tard il était dans la cuisine attablé avec sa mère. Sa sœur avait eu l'autorisation de monter un plateau dans sa chambre pour manger avec sa copine qui passait la nuit chez eux et son père mangeait devant la télévision dans la pièce adjacente.

- Tu ne m'a rien raconter de ta rentrée hier , commença sa mère en avalant une bouchée de spaghetti. Comment ça c'est passé ?

- Bien.

- Plus explicite tu meurs, ricana Simone.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Souffla Bill.

- J'en sais rien. Tiens passes-moi le sel.

Bill le lui tendit.

- Ce matin je me suis réveillé en retard et j'ai oublié de prendre de l'argent pour ce midi expliqua-t-il, grimaçant au souvenir de sa course folle, Je suis arrivé en classe essoufflé comme un bœuf c'était trop la honte..

Il s'empara de la bouteille d'eau et se servit un grand verre.

- Et comment t'as fais ? le questionna-t-elle en fronçant les sourcils d'un air sévère. Tu sais que je n'aime pas quand tu pars au lycée sans rien dans le ventre.

Bill attendit une longue minute avant de répondre, ce forçant à ne pas sourire.

- En fait j'me suis arrangé avec un garçon , dit-il, l'air de rien. Il m'a payé un sandwich et on a mangé ensemble dans le parc.

Simone arrêta soudainement de manger et fixa son fils qui continuait d'avaler ses pattes à une vitesse impressionnante.
Le nez plongé dans ses spaghettis, Bill pouvait aisément deviner le sourire resplendissant et curieux de sa mère en face de lui. Et son instinct s'avéra être bon lorsqu'il releva la tête vers elle, la fourchette toujours à la main, immobile à quelques centimètres de sa bouche. Elle avait l'air tellement heureuse que s'en fut presque vexant pour Bill. Etait-ce si incroyable que ça qu'il sympathise avec un garçon?
Quoi qu'il en soit il décida que la discutions était close avant même qu'elle n'est commencée. Parler de cette rencontre avec sa mère n'était pas une bonne chose. Elle aurait été trop enthousiaste et se serait fait des films. Elle aurait même été jusqu'à invité Tom sans même le connaître, pensant sûrement qu'il deviendrait le meilleur ami de son fils, celui qui réussirait à le faire sortir de sa coquille, Bill en était certain et rien que d'y penser lui donnait mal au crâne. Ce fut donc dans le silence qu'il débarrassa la table et qu'il embrassa bruyamment la joue de sa mère avant de monter les escaliers.

Il ne devait pas repenser sans cesse à cette journée comme quelque chose d'exceptionnel. Il refusait d'être aussi pathétique.

Il se déshabilla entièrement et s'étala dans son lit de tout son long après avoir enfilé un vieux jogging. Il était épuisé. Les yeux clos il tâtonna le matelas de sa main dans l'intention d'attraper son portable. Lorsqu'il l'eu entre les doigts il le ramena au niveau de son visage dans un effort surhumain et ouvrit les yeux. Un sourire prit possession de ses lèvres lorsqu'il reconnu la petite enveloppe signifiant qu'il avait reçu un message. Connaissant sa mère Bill était certain qu'elle cogitait depuis le repas et qu'elle n'avait pas pu s'empêcher de lui envoyé un SMS dans l'espoir d'avoir quelques réponses. Il ouvrit le clapet de son portable et son souffle se coupa.

Message de: Tom
reçu aujourd'hui à 19h21


Les battements de son cœur s'accélérèrent en une fraction de seconde durant laquelle il fut incapable d'avoir la moindre pensée cohérente.

Une minute passa...

Il était toujours allongé sur le dos, les bras relevés au dessus de son visage, fixant le petit écran béatement. Comment pouvait-il avoir le nom de Tom dans ses contacts? Il se souvenait juste avoir prêté son portable au dreadé pour qu'il puisse envoyer un SMS à sa... Bill se mit à rire doucement.


- L'enfoiré...

Il se réinstalla sur son matelas et s'assis en tailleur contre le mur. Il fixa l'objet dans ses mains quelques secondes, se demandant quel pouvait être le contenu de ce message. Son cœur se remit à battre follement et c'est avec une pointe d'excitation qu'il l'ouvrit.

"Alors Pac-man, surpris? :D

Bill se mit à sourire en imaginant l'air fière et victorieux de Tom au moment d'écrire son texto.

Désolé de ne pa t'avoir demandé
ton numéro de vive voix mai je
n'avais plus 2 clémentines
en rab é tu m'aurais surment
rembaré... XD Jespère ke tu ne
m'en veux pas.., Tom. "


Bill arborait un immense sourire idiot et un feu d'artifice éclata au creux de son ventre. Il était tellement heureux. A peine avait-il fini de lire le message qu'il se creusait déjà les méninges en se demandant si il devait répondre ou pas au dreadé. Deux heures s'étaient quand même écoulées depuis l'envoie du texto... peut-être que Tom dormait à présent.

Pris d'une envie soudaine il tapa quelques mots de ses doigts fins à une allure impressionnante et les relus un nombre incalculable de fois avant d'envoyer son SMS, une boule au ventre.


" T'inkiète je t'en veux pas,
mais si tu me lavais demandé
je te l'aurai donné sans problème
idiot! XD
PS:Jespère ke je tai pas
réveillé.. :S Bill."


Il attendit une minute, deux minutes.... et sursauta quand son portable se mit à vibrer dans la paume de sa main. Son cœur repris instantanément une allure folle et Bill se moqua de lui-même en se rendant compte de la stupidité de son excitation.


"J'ai cru ke tu me répondrai
jamais! :D
Et non je ne dors pas
encore, en fait si tu veux tout
savoir je m'ennuis à mourir.."


Le cœur de Bill battait à un rythme étrange, il ne recevait jamais de texto et cette petite conversation avec Tom le rendait fou de joie. Seulement il ne savait pas vraiment quoi répondre au dreadé. Il attendit quelques minutes de plus avant de finir par s'allonger sous sa couette. Peut-être ne devait-il rien renvoyer finalement.
Son portable vibra une seconde fois et il s'empressa d'ouvrir le nouveau message.


" Arrêtes de te prendre la tête Bill
et textote moi, je m'ennuis! "


Bill pouffa sous la couette.


" Et qu'est-ce ke tu veux
ke je te raconte? J'ai passé mon
après midi à faire mes devoirs
et à dormir -_-' "



" Ba moi j'ai rien compris aux
exos 2 fisik... Je suis une
vrai quiche ds les matières
scientifik, comment t'as fais? "


Bill réfléchit quelques minutes.. il avait une petite idée derrière la tête.


"On commence à 10h00 demain,
tu veux ke je t'aide à les
faire?.. :) "


Bill regretta instantanément de lui avoir proposé. Quel con! Qu'allait-il répondre? Il était sûr que le dreadé refuserait.


Il avait l'impression d'attendre des heures et Tom ne répondait toujours pas. Pris d'une forte angoisse il retapa rapidement un texto dans l'intention de réparer son erreur.


" Nan mais laisse tomber
jsuis con c'est pas grave, je vais
te laisser dormir et jte dis à
demain ok? Bye"


Il se trouvait tellement bête. Pourquoi avait-il fallu qu'il propose ça? Il aurait pu se frapper d'avoir été aussi stupide. Tom était déjà resté avec lui tout un midi et lui avait même pris son numéro de téléphone. Il n'aurait pas dû en demander autant, Tom avait été assez gentil pour lui tenir compagnie pendant toute une heure, il n'avait sans doute pas l'intention de recommencer.

Il fut coupé dans ses réflexions par le vibreur de son portable. Seulement ce n'était pas un message reçu: Tom l'appelait...
Il resta immobile devant l'objet tremblant et attendit que le bruit cesse sans décrocher. Il le prit ensuite dans ses mains et ferma les yeux d'exaspération. Il était pathétique, encore une fois. Tom ne voudrait certainement plus lui parler maintenant... Il sorti de son lit pour éteindre sa lumière. Quand il se rallongea sur le matelas, il avait reçu un nouveau message.


" Décroche s'il te plais... "


Et le portable se remit à vibrer.
Bill avait peur. Réaction idiote? absurde? faible?... Peut-être, mais Bill avait malgré lui commencé à espérer que Tom devienne son ami et il avait peur que sa bêtise lui ai coûté cette amitié naissante. Il reprit tout de même le portable qu'il avait précédemment lâché et décrocha.

- Bill ? Questionna Tom au bout du fil.
- Oui.
- Pourquoi tu m'as pas répondu?
- J'étais partit pisser et j'ai pas entendu la sonnerie désolé.
- Bill... souffla Tom, un demi-sourire aux lèvres.
- Quoi.
- Repose-moi la question.
- Nan.
- Repose là..
- C'était stupide de ma part, oublis tu veux?
- Nan.
- Tom laisse tomber ok? Bill était vraiment mal à l'aise.

Quelques secondes s'écoulèrent sans qu'aucun des deux ne parle.

- Tu n'es pas stupide Bill.
- Humm.. Maintenant Bill avait vraiment honte.
- J'ai attendue que tu répondes à mon texto pendant 1 heure entière cette après midi tu sais?
- ...
- Bill?
- C'est vrai?
- Ba oui patate, si je t'ai dit que j'avais apprécié manger avec toi c'était pas pour faire plaisir aux oiseaux!

Bill émit un petit rire qui n'échappa pas au dreadé. Il était soulagé que Tom ne lui en veuille pas.

- Tu dois me trouver tellement idiot putain... Bill avait fermé les yeux et pestait contre lui-même.
- J'étais content que tu me proposes de m'aider en physique, c'est pour ça que j'ai mis du temps à répondre. Je suis désolé si t'as interprété ça comme un refus... c'est ma faute.
- Alors c'est oui?
- Carrément! On se donne rendez-vous devant le lycée?
- A.. 9h00?
- Ok!
- Bon et ba je vais te laisser alors..
- A demain.
- Bonne nuit.


Et il raccrocha. Heureux. Il était tout bonnement heureux. Il avait l'impression d'avoir perdu 10 kilos en un seul coup de fil et se sentait léger comme une plume. Il posa son portable au sol, remonta sa couverture sur son torse nu et ferma les yeux.

Au même moment à quelques kilomètres de distance, adossé à la fenêtre de sa chambre, un adolescent du même âge souriait niaisement en fixant la lune.

FIN CHAPITRE 6

 

 

 

 

 

 

NAVHAUT
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